ARRET
N°
S.A. SOCIETE IMMOBILIERE PICARDE
C/
[H]
CD/VB/SGS
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SIX JUILLET
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/00354 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IKPO
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU HUIT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
S.A. SOCIETE IMMOBILIERE PICARDE représentée par l'un de ses dirigeants responsables domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me ROBERT substituant Me Patrice DUPONCHELLE de la SCP VAN MARIS-DUPONCHELLE, avocat au barreau D'AMIENS
APPELANTE
ET
Monsieur [E] [O] [H]
né le 04 Mars 1951 à [Localité 4] (80)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté et plaidant par Me Juliette DELAHOUSSE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau D'AMIENS
INTIME
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 11 mai 2023 devant la cour composée de Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
Sur le rapport de Madame [Y] [M] et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 06 juillet 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
La SA d'HLM Société Immobilière de Picardie (la SIP) a fait l'acquisition d'un immeuble situé [Adresse 3] par acte notarié du 15 décembre 2015.
Cette vente a été consentie par plusieurs co-indivisaires :
- Mme [T] [H], épouse de M. [D],
- M. [E] [H],
- Mme [I] [H], épouse de M. [F],
- M. [N] [S],
- M. [B] [S],
- Mme [X] [C].
En cours de chantier sur cet immeuble, la société Eiffage, en charge des travaux de terrassement, a découvert sous une couche de terre, une dalle en béton, des fondations et une cuve à fuel. Elle a adressé au maître de l'ouvrage un devis pour travaux supplémentaires.
Suivant exploit délivré le 18 août 2020, la SIP a fait assigner M. [H], l'un des co-indivisaires vendeurs, aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 117 720,80 euros au titre de la diminution de prix de cession sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Par jugement 8 décembre 2021le tribunal judiciaire d'Amiens a :
- révoqué l'ordonnance de clôture,
- prononcé la clôture de la procédure au 8 octobre 2021,
- débouté la SIP de toutes ses demandes,
- condamné la SIP aux dépens,
- débouté M. [H] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 26 janvier 2022, la SIP a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 avril 2023 elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- statuant à nouveau,
- condamner M. [H] à payer à la SIP la somme de 117 720,80 euros au titre de la diminution du prix de cession de l'immeuble en question,
- débouter M. [H] de ses prétentions et le condamner à payer à la SIP la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle fait valoir à l'appui de ses prétentions que M. [H] a agi comme mandataire des autres indivisaires et vendeur professionnel dans le cadre de son activité de promotion immobilière ; que la matérialité des vices cachés est établie ; que s'agissant de vices indécelables, elle peut s'en prévaloir même si elle est un professionnel.
Elle soutient que le surcoût généré par les vices cachés s'élève à la somme de 117 720,80 euros.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2023, M. [H] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celles par lesquelles le tribunal a retenu la qualité de vendeur professionnel de M. [H],
- infirmer le jugement en ce qu'il confère à M. [H] la qualité de vendeur professionnel dans le cadre de la vente du terrain litigieux,
- dire la clause d'exonération des vices cachés insérée à l'acte de vente opposable à la SIP et par voie de conséquence cette dernière mal fondée en ses demandes,
- subsidiairement, si la cour n'infirme pas le jugement et retient la qualité de professionnel de la vente, constater que la SIP ne s'est pas donnée les moyens suffisants d'exploration du sol et ne peut dès lors invoquer le caractère caché du vice,
- dire la SIP mal fondée en l'ensemble de ses demandes,
- plus subsidiairement, réduire les demandes à des plus justes proportions,
- condamner la SIP à payer à M. [H] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens sous le bénéfice de la distraction.
Il fait valoir qu'il n'a pas la qualité de vendeur professionnel et n'a été qu'un membre de l'indivision venderesse ; qu'il était le représentant de l'indivision [H] vis-à-vis de la SIP dans le cadre de cette acquisition et agissait pour le compte de l'indivision et non pour son compte personnel ; que l'immeuble vendu avait été exploité par le grand père des membres de l'indivision dans le cadre d'une activité d'horticulture.
Il ajoute que la SIP ne peut invoquer le caractère caché des vices du sol au regard de ses compétences, de sa connaissance du territoire et des occupations successives du site alors que l'indivision [H] ignorait l'existence de l'enfouissement dans le sol des matériaux retrouvés après la vente de l'immeuble.
À titre subsidiaire il dit que la SIP ne peut agir contre lui, seul indivisaire mis en cause, qu'à concurrence de ses droits dans l'indivision.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2023 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 11 mai suivant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
En vertu de l'article 1643 du même code le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Ainsi que l'indique à juste titre le premier juge, la vente de l'immeuble à la SIP a été précédée d'une offre d'achat contenue dans une lettre d'intention signée par la SIP datée du 17 décembre 2014 aux termes de laquelle la SIP a fait une offre d'achat de l'immeuble à la condition suspensive notamment que les études de sol et du sous sol du bien qu'elle fera réaliser ne révèlent pas l'existence d'une pollution. Il a été stipulé dans la promesse de vente signée le 13 mars 2015, conformément à cette offre d'achat, plusieurs conditions suspensives, notamment 'que les sondages, études de sol et de sous-sol qui seront réalisés ou diligentés par le bénéficiaire sur le bien ne révèlent pas une qualité du sol et du sous-sol engendrant la nécessité d'effectuer des fondations de nature particulière qui, par leur structure, taille ou caractéristiques seraient susceptibles d'engendrer un surcoût des travaux de fondation et de terrassement'.
La SIP ne peut valablement soutenir que l'immeuble était affecté d'un vice caché compte tenu de la pollution de son sol et sous sol puisqu'elle a entendu soumettre sa promesse d'achat à plusieurs conditions suspensives relatives à ce risque de pollution. De plus elle les a levées après avoir fait réaliser une étude et des sondages par un professionnel, les vendeurs ayant autorisé la société TAUW, mandatée par le futur acquéreur pour ce faire, à pénétrer sur le site et à réaliser les sondages pour permettre de vérifier la qualité du sol et du sous-sol.
L'étude historique et le diagnostic de la qualité de sols réalisés par la société TAUW à la demande de la SIP (pièce 18 de l'appelante) mentionnent l'existence de sources potentielles de pollution identifiée en page 27 et indiquent que 'l'existence potentielle d'une cuve enterrée de fioul utilisée lors de l'exploitation de l'activité horticole a été mentionnée mais n'a pu être vérifiée et donc localisée (...) un doute subsiste quant à la qualité intrinsèque des éventuels remblais mis en place au droit du site étudié. D'une manière générale, les remblais utilisés pour l'aménagement du site peuvent présenter une qualité médiocre et constituent donc une source potentielle de pollution.'
M. [H] est donc bien fondé à soutenir que la SIP, acquéreur professionnel, qui connaissait le risque de pollution affectant l'immeuble, a été mise en mesure d'apprécier et d'évaluer ce risque par les études et sondages qu'elle a fait réaliser par une entreprise spécialisée en la matière.
Faute de rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché affectant le bien l'action engagée par la SIP sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil est mal fondée, le jugement étant confirmé.
La SIP, qui succombe, doit être condamnée aux dépens d'appel et à verser à M.[H] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile, sa demande faite à ce titre étant nécessairement mal fondée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne la SA d'HLM Société Immobilière de Picardie à payer à M. [E] [H] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA d'HLM Société Immobilière de Picardie aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés selon les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE