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06/07/2023 | FRANCE | N°22/01482

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 06 juillet 2023, 22/01482


ARRET







[J]





C/



S.A.S. XPO TRANSPORTS SOLUTIONS ILE DE FRANCE



























































copie exécutoire

le 6/07/2023

à

Me HASSANI

Me GUILLOUET

CBO/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 06 JUILLET 2023

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N° RG 22/01482 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMS4



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 07 MARS 2022 (référence dossier N° RG 21/00046)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [O] [J]

né le 20 Décembre 1981 à [Localité 4] (60)

de nationalité Français...

ARRET

[J]

C/

S.A.S. XPO TRANSPORTS SOLUTIONS ILE DE FRANCE

copie exécutoire

le 6/07/2023

à

Me HASSANI

Me GUILLOUET

CBO/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 06 JUILLET 2023

*************************************************************

N° RG 22/01482 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMS4

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 07 MARS 2022 (référence dossier N° RG 21/00046)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [O] [J]

né le 20 Décembre 1981 à [Localité 4] (60)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

concluant par Me Ali HASSANI, avocat au barreau de SENLIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. XPO TRANSPORTS SOLUTIONS ILE DE FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Eric POILLY, avocat au barreau D'AMIENS, avocat postulant

concluant par Me David GUILLOUET de la SAS VOLTAIRE, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 11 mai 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l'arrêt sera prononcé le 06 juillet 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 06 juillet 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [O] [J] a été embauché par contrat à durée indéterminée, le 31 décembre 2018 à effet au 2 janvier 2019, par la société XPO transports solutions Ile de France, ci-après dénommée la société ou l'employeur, en qualité de conducteur routier rattaché au site de Longueuil.

Son contrat est régi par la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport.

La société emploie 329 salariés.

Le 15 septembre 2020 M. [J] a été sanctionné par un avertissement pour un retard.

Le 19 janvier 2021 M. [J] a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement qui s'est déroulé le 29 janvier 2021.

Le 12 février 2021, la société XPO transports solutions a licencié M. [J] pour faute grave dans les termes suivants :

Suite à l'entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 2 février dernier, entretien au cours duquel vous avez souhaité être représenté par M. [P] [D], et après examen de votre dossier, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave.

Vous êtes salarié de la société XPO transports solutions Ile de France depuis le 2 janvier 2019, en tant que conducteur routier, Groupe 7 Coefficient 150 de la convention collective qui stipule :

«Conducteur qualifié de véhicule poids lourd ... et ayant la qualification professionnelle nécessaire à l'exécution correcte (c'est-à-dire avec le triple souci de la sécurité des personnes et des biens, de l'efficacité des gestes ou des méthodes et de la satisfaction de la clientèle) de l'ensemble des tâches qui lui incombent normalement (c'est-à-dire conformément à l'usage et dans le cadre des réglementations existantes) dans l'exécution des diverses phases d'un quelconque transport de marchandise. ».

Les faits qui nous amènent à prendre cette décision sont les suivants :

Le 18 janvier 2021, lors de votre livraison chez Alinéa à [Localité 5], vous avez roulé à une vitesse de 70km/h sur le site pour une vitesse limitée à 20km/h.

Nous avons été prévenus par le client de cet acte.

Lorsque votre Responsable d'Exploitation, [U] [A], a abordé le sujet avec vous, vous lui avez affirmé que ces accusations étaient erronées.

Nous avons donc effectué une vérification sur les relevés de votre véhicule et avons constaté la vitesse de 70Km/h.

Lors de notre entretien, vous avez reconnu les faits et ajouté que ce n'était pas la première fois, que vous aviez tendance à vous laisser emporter et vous aviez vos habitudes sur le site et qu'il n'y avait personne.

Par ailleurs, nous vous rappelons qu'il est de votre devoir de conducteur routier professionnel, de respecter la réglementation en vigueur tels qu'elle vous a été présentée lors des différentes formations que vous avez réalisées dans le cadre du PBC.

Nous ne pouvons tolérer ce comportement qui va à l'encontre de nos principes de sécurité. Nous vous rappelons que la vitesse est un facteur d'accident aggravant.

Nous vous rappelons également que votre responsabilité pénale pourrait être engagée dans le cas d'un accident où un non-respect de la vitesse maximale autorisée est constaté.

Une telle attitude, outre le fait qu'elle est révélatrice d'un manque évident de maîtrise de votre part, caractérise une volonté délibérée de ne pas respecter les consignes essentielles de sécurité au sein de l'entreprise et fait donc peser un risque sur la sécurité du personnel de notre société et des tiers.

De plus, lors d'un audit cabine réalisé sur votre véhicule, nous avons constaté que celui-ci était dans un état inacceptable.

II est de votre devoir de conducteur routier professionnel, de maintenir votre matériel dans le meilleur état pour le confort de chacun et pour notre image de marque.

Enfin, nous vous avons rappelé l'importance de rendre vos rapports chaque fin de semaine afin que l'exploitation puisse traiter les données le plus rapidement possible, chose que vous n'avez encore une fois pas respecté.

Pour tous ces faits et de par leur gravité, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour faute grave privative de tout préavis et indemnités.

Votre contrat de travail prend donc fin dès l'envoi du présent courrier. Votre dernier bulletin de salaire, votre certificat de travail et votre attestation Pôle emploi vous seront envoyés par courrier.

Contestant la légitimité de l'avertissement et du licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne le 30 mars 2021 qui par jugement du 7 mars 2022 a :

- Débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamné M. [J] à payer à la société XPO transports solutions Ile de France la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné M. [J] aux dépens.

Ce jugement a été notifié à M. [J] le 10 mars 2022 qui en a relevé appel le 30 mars 2022 dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

La société XPO transports solutions a constitué avocat le 7 avril 2022.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 14 juin 2022, M. [J] prie la cour de :

- Infirmer les dispositions du jugement rendu le 07 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Compiègne en ce qu'il a jugé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse

- Infirmer les dispositions du jugement rendu le 7 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Compiègne en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'annulation de l'avertissement injustifié du 15.09.2020

En conséquence

-Déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-Annuler l'avertissement injustifié du 15.09.2020.

-Condamner la société XPO transports solutions Ile de France à lui payer les sommes suivantes :

' 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 4 166,44 euros à titre de préavis (2 mois de salaire),

' 416 euros à titre de congés payés sur préavis.

' 1 085,00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

' 1000 euros de dommages et intérêts pour avertissement injustifié et rappel à l'ordre injustifié

' 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 septembre 2022, la société XPO transports solutions Ile de France prie la cour de :

- Déclarer M. [J] mal fondé en son appel, l'en débouter

- Confirmer les dispositions du jugement rendu le 7 mars 20222 par le conseil de prud'hommes de Compiègne, sauf en ce qu'il a limité la somme qui lui a été accordée

au titre de l'article 700 du code de procédure civile à 150 euros

- Le réformer de seul chef

Et statuant à nouveau

- Juger que le licenciement pour faute grave notifié à Monsieur [O] [J] est

fondé et justifié

- Déclarer irrecevables et à tout le moins infondées, les demandes en annulation de l'avertissement notifié le 15 septembre 2020 et en versement de dommages et intérêts pour « avertissement injustifié et rappel à l'ordre injustifié »

En conséquence

- Débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Condamner M. [J] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile toutes instance confondues

- Condamner M. [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2023 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 11 mai 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande d'annulation de l'avertissement

La société soulève l'irrecevabilité de la demande d'annulation de l'avertissement faute pour le salarié d'avoir sollicité dans la requête initiale une telle demande. Elle ajoute que le décret du 20 mai 2016 a mis fin à la règle de l'unicité de l'instance et que la recevabilité des demandes additionnelles est soumise aux règles de la procédure civile, que M. [J] ne justifie pas de l'existence d'un lien suffisant entre sa demande au titre du licenciement et celle au titre de l'annulation de l'avertissement.

M. [J] réplique qu'il a dans un premier temps saisi seul le conseil de prud'hommes puis qu'un avocat est intervenu pour soutenir ses intérêts et a régularisé des conclusions en demandant l'annulation de l'avertissement en formant une demande qui doit être considérée comme l'a fait le conseil de prud'hommes comme une demande additionnelle.

Sur ce

Pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes depuis le 1er août 2016, le principe de l'unicité de l'instance est supprimé.

Aux termes de l'article R. 1452-6 du Code du travail dont l'abrogation est entrée en vigueur depuis le 1er août 2016, toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. La suppression de cette règle de l'unicité de l'instance, implique que le non-respect de cette règle ne peut plus être une cause d'irrecevabilité de la demande.

Il s'en déduit que le salarié peut engager plusieurs instances relativement au même contrat de travail avec le même employeur.

L'article 879 du code de procédure civile précise que la procédure prud'homale est régie par le livre premier du présent code, sauf lorsqu'il en est disposé autrement aux articles R. 1451-1 à R. 1471-2 du code du travail.

L'article R 1451-1 du Code du travail prévoit quant à lui que la procédure devant les juridictions statuant en matière prud'homale est régie par les dispositions du livre I du code de procédure civile, sous réserve des dispositions du code du travail.

Selon l'article R 1452-2 du code du travail, la requête doit, à peine de nullité, comporter les mentions prescrites à l'article 58 du code de procédure civile, contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionner chacun des chefs de celle-ci.

Par application de l'article 70 du Code de procédure civile, il sera toutefois possible de présenter des demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce qui relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond.

Il résulte des articles R. 1452-1 et R. 1452-2 du Code du travail, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, ainsi que des articles R. 1453-3 et R. 1453-5 du même code et de l'article 70, alinéa 1, du Code de procédure civile, qu'en matière prud'homale, la procédure étant orale, le requérant est recevable à formuler contradictoirement des demandes additionnelles qui se rattachent aux prétentions originaires, devant le juge lors des débats, ou dans ses dernières conclusions écrites réitérées verbalement à l'audience lorsqu'il est assisté ou représenté par un avocat

En l'espèce il n'est pas contesté que la requête initiale devant les premiers juges ne comportait pas de demande au titre de l'annulation de l'avertissement infligé le 15 septembre 2019.

Conformément à l'article 65 du Code de procédure civile, « constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures ».

Or, le code de procédure civile est clair à ce sujet, prévoyant la possibilité pour le requérant de présenter des demandes additionnelles à tous les stades d'une procédure. Néanmoins, la recevabilité de telles demandes complémentaires est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions cumulatives qui ne sont pas réunies en l'espèce.

Les demandes initiales de M. [J] portaient sur la rupture du contrat de travail alors que la demande en annulation d'avertissement porte sur l'exécution du contrat de travail.

La cour retient que la demande d'annulation de sanction porte sur l'exécution du contrat de travail et n'est pas rattachée par un lien suffisant aux demandes originaires.

La demande en rappel de salaires de M. [J] est donc irrecevable et le jugement infirmé sur ce point.

Sur le licenciement

M. [J] conteste les griefs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement et soutient qu'il n'est pas produit de rapport ou de procès-verbal d'un agent de sécurité sur le contrôle de la limitation de vitesse, que le jugement reconnait qu'il y a eu une erreur sur le disque, qu'il était affecté à des livraisons chez d'autres clients que la société Alinéa de [Localité 5].

Il fait valoir qu'il ne pouvait rencontrer M. [G] pendant la crise covid et qu'il ne peut attester qu'il se serait vanté de rouler vite, qu'il avait informé l'employeur par SMS et photographies des détériorations de la cabine, que l'employeur n'avait depuis son embauche pas réalisés d'audit sur l'état de propreté de la cabine de conduite.

Enfin le salarié prétend que le véritable motif du licenciement est la perte du marché avec la société Alinéa et que le courrier de licenciement fait mention d'une date d'entretien préalable erronée.

La société rapporte que le salarié a commis des manquements qui sont incompatibles avec la poursuite du contrat de travail en commettant un excès de vitesse sur le site du client Alinéa de [Localité 5] qui l'en a informé par un courriel du directeur logistique, qu'elle a donc procédé à l'extraction des données du disque chronotachygraphe qui a démontré que le chauffeur était effectivement chez ce client au jour et à l'heure en question et qu'il avait roulé à 70 km/h alors qu'affecté depuis son embauche sur ce site il avait connaissance de la limitation de vitesse à 30 km/h, qu'un témoin atteste que ce n'était pas la première fois qu'il agissait ainsi.

L'employeur argue aussi du défaut d'entretien du véhicule car lors de l'audit il avait été relevé un intérieur de cabine très sale par défaut d'entretien en violation de l'article 9 du contrat de travail. Enfin la société invoque un retard dans la remise des rapports hebdomadaires chaque fin de semaine, que le salarié l'a reconnu lors de l'entretien préalable.

La société invoque l'absence de justificatifs des SMS que le salarié prétend lui avoir envoyés pour l'alerter sur l'état de dégradation de la cabine, que les photographies ne correspondent pas aux dégradations mentionnées à la lettre de licenciement, qu'il ne conteste pas utilement le défaut d'entretien.

Enfin l'employeur conteste que le licenciement serait en lien avec la perte du client Alinéa, qu'il avait la possibilité de repositionner le salarié sur un autre site ce qui a été le cas de deux autres salariés aussi affectés sur ce site ; que M. [J] n'a pas été licencié pour avoir déclaré être en contact avec une personne positive au covid.

Sur ce

Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l'existence d'une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.

La faute grave s'entend d'une faute constitutive d'un manquement tel qu'il rend impossible la poursuite du contrat de travail et qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

Les griefs repris dans la lettre de licenciement sont d'avoir :

- le 18 janvier 2021 lors d'une livraison chez Alinéa à [Localité 5] roulé à une vitesse de 70 km/h alors que la vitesse est limitée à 20 km/h

- laissé la cabine du camion dans un état inacceptable alors qu'en sa qualité de chauffeur routier il se devait de maintenir le matériel en état pour le confort de chacun et l'image de marque de la société

- omis de remettre des rapports chaque fin de semaine afin que l'exploitation puisse traiter les données le plus rapidement possible.

A titre liminaire la cour observe que si M. [J] prétend que la cause du licenciement ne serait pas sérieuse en ce qu'il aurait été décidé en raison de la perte du client Alinéa, il ne produit pas de pièce en ce sens.

Par ailleurs la société affirme sans être démentie que sur les 5 salariés travaillant sur ce site, deux ont été réaffectés sur un autre site de transport alors que les deux autres sont partis volontairement, l'un ayant démissionné suite à un déménagement et l'autre ayant entrepris une réorientation professionnelle.

M. [J] invoque en outre que son licenciement serait la résultante de la mesure d'isolement dont il a dû faire l'objet suite à sa situation de cas contact covid. Or s'il a été placé en isolement du 11 au 15 février 2021 et le courrier de licenciement envoyé le 12 février, la cour observe que la procédure s'était déroulée bien en amont et que la décision de licenciement a été arrêtée le 10 février 2021 suivant courriel de Mme [F] à Mme [R] directrice des ressources humaines.

C'est en vain que le salarié indique que la lettre de licenciement a mentionné une date erronée de l'entretien préalable puisque d'une part l'employeur l'a reconnu dans le courrier de réponse à la contestation du licenciement et d'autre part cette coquille est sans incidence sur les griefs invoqués.

Ces arguments doivent donc être écartés.

Sur le premier grief

La société produit aux débats les échanges de courriels qu'elle a eu avec la société Alinéa suite à l'information donnée par celle-ci le 18 janvier 2021 l'informant que le chauffeur, M. [J] avait roulé à 12h15 à une vitesse estimée à plus de 60 km/h sur le site, que cette situation est considérée comme inadmissible par la société Alinéa qui invoque des raisons de sécurité et de sureté. M. [N] directeur logistique et transport de la société Alinéa ajoutant qu'il faut mettre dans la boucle la cellule de pilotage transport de la société XPO.

L'employeur produit aussi le relevé du disque chronotachygraphe qui révèle que le 18 janvier 2021 après un arrêt entre 12 h 33 et 15 secondes et 12 h 34 le camion a brutalement augmenté sa vitesse jusqu'à rouler à 70 km/h entre 11 h 34 et 11 h 34 et 45 secondes avant de ralentir pour presque s'arrêter.

Enfin il est versé un document à l'entête de la société Alinéa de [Localité 5] qui détaille un plan des lieux avec un panneau de limitation de vitesse à 30 km/h.

Si M. [J] conteste le témoignage de M. [G] qui affirme qu'il lui aurait dit que « cet excès de vitesse n'était pas le premier qu'il faisait sur ce site, qu'il avait tendance à se laisser emporter car il avait ses habitudes et que le site se vidait «, il ne verse aucune pièce susceptible de la contredire.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le grief est constitué.

Sur le second grief

L'employeur produit une fiche de constatations de l'état du camion immatriculé EY 462 FQ qui correspond à l'immatriculation de celui de M. [J] telle qu'indiquée dans le courriel de la société Alinéa se plaignant de l'excès de vitesse.

Ce document indique que l'intérieur est sale et que le véhicule à l'extérieur est très sale. Le contrat de travail stipule en son article 9 qu'il appartient au conducteur d'exécuter ou de participer aux travaux de nettoyage intérieur et extérieur de la cabine en fonction des moyens mis à sa disposition. Le salarié ne prouve ni même n'invoque que la société ne lui aurait pas remis le matériel nécessaire pour assurer le nettoyage de la cabine.

Il ne saurait par ailleurs être reproché à l'employeur d'avoir effectué une vérification de l'état de propreté de la cabine alors que cet état est un élément important pour l'image de la société.

Enfin si le salarié prétend que les photographies produites ne correspondent pas à l'état de la cabine de son camion, il n'existe pas de doute sur le fait que l'état de saleté du camion relevé dans la fiche concerne bien son camion.

Le grief est caractérisé.

Sur le troisième grief

L'article 15 du contrat de travail stipule que le conducteur doit obligatoirement tenir et utiliser correctement les différents documents de contrôle et notamment vider la carte chrono-numérique à chaque fois que possible, et au plus tard toutes les semaines.

L'employeur verse aux débats le courrier qu'il a adressé au salarié suite à sa contestation du licenciement qui mentionne que lors de l'entretien préalable M. [J] aurait indiqué qu'il envoyait les rapports toutes les deux semaines.

Faute de disposer du compte rendu contradictoire de l'entretien préalable il existe un doute sur ce grief que le salarié conteste au terme de ses conclusions.

Ce grief n'est pas constitué.

Les pièces et documents versés aux débats permettent de tenir établis deux des trois griefs constitutifs de faute grave énoncés dans la lettre de notification du licenciement.

Ces deux griefs constitués sont suffisamment graves avec pour conséquence de justifier le licenciement immédiat du salarié sans préavis

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave.

Sur les demandes indemnitaires suite au licenciement

Le salarié doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ainsi que de ses prétentions relatives aux indemnités de rupture, indemnité compensatrice de préavis et indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et de paiement de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire.

Le jugement étant confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de ces demandes d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour confirme le jugement tant en qui concerne les dépens que sur les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] succombant en cause d'appel est condamné aux dépens de la procédure d'appel et sera débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société XPO transports solutions Ile de France les frais qu'elle a exposés pour la présente procédure. M. [J] sera condamné à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe

Confirme le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Compiègne le 7 mars 2022 sauf en qu'il a dit recevable la demande d'annulation de l'avertissement du 15 septembre 2020

Statuant de ce chef infirmé et y ajoutant

Dit que la demande de M. [O] [J] en annulation de l'avertissement du 15 septembre 2020 est irrecevable

Condamne M. [O] [J] à payer à la société XPO transports solutions Ile de France la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure

Déboute M. [O] [J] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure

Rejette toute autres demandes plus amples et contraires

Condamne M. [O] [J] aux dépens de l'ensemble de la procédure.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 22/01482
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.01482 ?
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