ARRET
N°
[W]
C/
[W]
[W]
[L]
[W]
[W]
[W]
DB/SGS/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU QUATORZE MARS
DEUX MILLE VINGT QUATRE
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/01406 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMOR
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [C] [D] [N] [W]
né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 21]
Représenté par Me CORMIER substituant Me Annick DARRAS, avocats au barreau d'AMIENS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004278 du 12/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)
APPELANT
ET
Monsieur [R] [W]
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 22]
Comparant
Madame [I] [W] épouse [H]
née le [Date naissance 11] 1955 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 18]
Représentés par Me Christelle VANDENDRIESSCHE, avocat au barreau d'AMIENS
Madame [U] [S] [B] [L]
née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 20]
Représentée par Me Xavier D'HELLENCOURT, avocat au barreau d'AMIENS
Monsieur [F] [A] [X] [W]
né le [Date naissance 8] 1953 à [Localité 23]
de nationalité Française
[Adresse 19]
[Localité 17]
Assigné en personne le 23/05/2022
Madame [E] [U] [K] [W]
née le [Date naissance 7] 1957 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 13]
Assignée à étude le 24/05/2022
Madame [U] [I] [E] [W]
née le [Date naissance 10] 1962 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 20]
Assignée à étude le 24/05/2022
INTIMES
DEBATS :
A l'audience publique du 11 janvier 2024, l'affaire est venue devant M. Douglas BERTHE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Douglas BERTHE, Président de chambre, Président, Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L'ARRET :
Le 14 mars 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
[N] [W] est décédé le [Date décès 14] 2013 laissant pour lui succéder, sa veuve, Mme [U] [L] et ses six enfants issus d'une précédente union, [F], [I], [C], [R], [E] et [U] [W].
Selon acte du 10 mai 2000, [N] [W] a consenti à son épouse Mme [U] [L], l'usufruit de tous les biens meubles et immeubles qui lui appartiendront au jour de son décès et qui composeront sa succession, sans exception ni réserve.
La succession comporte notamment un bien immobilier situé à [Localité 24] (80), [Adresse 9].
Mme [L] veuve [W] a accepté le principe de la vente de la maison afin de procéder au partage du prix de vente entre les héritiers.
L'immeuble a été proposé à la vente au prix de 200 000 euros fin 2018 selon mandats de vente signés par l'ensemble des héritiers.
Des acquéreurs ont formé une proposition d'achat le 11 décembre 2018.
Lors de la réunion de signature organisée le 21 février 2019 en l'étude de Me [P], notaire, M. [C] [W] et Mme [E] [W] ont refusé de signer le compromis de vente et les acquéreurs ont renoncé à leur projet d'acquisition.
Par actes d'huissier en date des 18 et 22 juin et des 4, 6, et 7 septembre 2020, M. [R] [W] et Mme [I] [W] épouse [H] ont assigné en partage de la succession de leur père, Mme [U] [L], MM. [C] et [F] [W] et Mmes [E] et [U] [W].
Par jugement du 28 janvier 2022, le tribunal judiciaire d'Amiens a :
- Rejeté la demande de médiation,
- Ordonné l'ouverture des opérations de compte et partage de l'indivision successorale existant entre les parties,
- Désigné pour procéder à ces opérations Me [G] [Y], [Adresse 6] à [Localité 24] (80),
- Dit que Me [G] [Y] accomplira sa mission selon les dispositions prévues aux articles 1364, 1365, 1368 et 1369 du code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu à commettre un juge pour surveiller ces opérations,
- Débouté M. [C] [W] de sa demande tendant à fixer la valeur de l'usufruit de Mme [U] [L],
- L'a débouté de sa demande en fixation d'une indemnité de jouissance d'un véhicule,
- Déclaré irrecevables la demande de dommages et intérêts de Mme [U] [L] et sa demande d'article 700 dirigées contre Mme [E] [W],
- Rejeté les demandes de dommages-intérêts de M. [R] [W], de Mme [I] [W] et de Mme [U] [L],
- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,
- Condamné in solidum M. [C] [W] et Mme [E] [W] à payer à M. [R] [W] et à Mme [I] [W] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejeté les demandes de M. [C] [W] et de Mme [U] [L] fondées sur le même texte,
- Dit que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.
Par déclaration du 25 mars 2022, M. [C] [W] a interjeté appel de cette décision.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 11 avril 2023 par lesquelles M. [C] [W] demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;
- Débouter Mme [I] [W] épouse [H], M. [R] [W] et Mme [U] [L] de leurs demandes formulées en appel incident ;
- Infirmer le jugement entrepris et le réformer en ce qu'il a :
rejeté la demande de médiation ;
- l'a débouté de sa demande tendant à fixer la valeur de l'usufruit de Mme [U] [L] ;
- l'a débouté de sa demande de fixation d'une indemnité de jouissance du véhicule ;
- l'a condamné in solidum avec Mme [E] [W] à payer à M. [R] [W] et Mme [I] [W], la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté sa demande et celle de Mme [U] [L] fondée sur le même texte ;
Statuant à nouveau,
- Ordonner un processus de médiation ;
- Fixer les droits de l'usufruitier à 30% de la valeur des biens de succession ;
- Intégrer dans l'actif de succession, les comptes bancaires ouverts par Mme [L], dans les livres de la [25] ainsi que les comptes joints ouverts par le couple au [26] ;
- Juger que les loyers perçus par Mme [L] d'un montant de 54 150 euros devront être réintégrés dans l'actif de succession ;
- Évaluer les biens de valeur ainsi que le véhicule Kangoo utilisé par Mme [L] au prix argus au jour du décès à 13 470 euros ou lors de l'ouverture de la succession ;
- Retenir une indemnité de jouissance pour l'utilisation du véhicule dépendant de la succession à la charge de Mme [L] à la somme de 200 euros par mois, jusqu'au partage ;
- Dire n'y avoir lieu à le condamner à payer à Mme [I] [W] et à M. [R] [W] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouter Mme [I] [W], M. [R] [W] et Mme [U] [L] de leur demande visant à le condamner à leur payer la somme de 6 000 euros ;
- Débouter Mme [I] [W] et M. [R] [W] de leur demande de retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
- Condamner Mme [I] [W], M. [R] [W] et Mme [U] [L] à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Les condamner aux entiers dépens, avec distraction.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 13 janvier 2023 par lesquelles M. [R] [W] et Mme [I] [W] épouse [H] demandent à la cour de :
- Voir dire et juger M. [C] [W] recevable mais mal fondé en son appel,
Y faisant droit
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leurs demandes de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau :
- Condamner M. [C] [W] au paiement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- Confirmer le jugement pour le surplus,
- Rejeter les demandes de M. [C] [W] tendant à :
- l'organisation d'un processus de médiation judiciaire,
- fixer les droits de l'usufruitier,
- retenir une indemnité de jouissance pour l'utilisation du véhicule Renault Kangoo,
- Retirer le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. [C] [W],
- Le condamner au paiement d'une indemnité de 4 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Le condamner au paiement des entiers frais et dépens de la présente instance.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 24 août 2022 par lesquelles Mme [U] [L] demande à la cour de :
- Déclarer l'appel de M. [C] [W] recevable et mal fondé,
- Déclarer son appel incident recevable et bien fondé,
En conséquence :
- Confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions sauf sur les dommages-intérêts et l'article 700,
- Infirmer la décision déférée des chefs des dommages-intérêts et de l'article 700,
- Condamner solidairement M. [C] [W] et Mme [E] [W] à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- Condamner solidairement M. [C] [W] et Mme [E] [W] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la même somme pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
La déclaration d'appel a été signifiée :
- à la personne de M. [F] [W] le 23 mai 2022,
- à Mme [E] [W] à l'étude de l'huissier le 24 mai 2022,
- à Mme [U] [W] à l'étude de l'huissier le 24 mai 2022.
Ces derniers n'ont pas constitué avocats.
La clôture a été prononcée le 25 octobre 2023 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 11 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la médiation :
Il résulte de l'article 131-1 du code de procédure civile que le juge saisi d'un litige peut, après avoir recueilli l'accord des parties, ordonner une médiation.
En l'espèce et à hauteur d'appel seul M. [C] [W] sollicite l'organisation d'une mesure de médiation, les autres parties s'y opposant.
Il convient en outre de constater qu'aucune démarche spontanée de M. [C] [W] en vue d'un rapprochement avec les autres parties n'est démontrée.
Dès lors et à défaut d'accord des parties, il y aura lieu de rejeter la demande de médiation formée par M. [C] [W] et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
Sur l'actif de la succession et l'usufruit de Mme [U] [L] :
À titre liminaire, il convient de constater qu'aucune partie ne conteste l'ouverture des opérations de compte et partage de l'indivision successorale et la désignation pour procéder à ces opérations de Me [G] [Y], notaire à [Localité 24], qui ont été ordonnées par la décision entreprise.
Il résulte de l'article 1368 du code civil que dans le délai d'un an suivant sa désignation, le notaire dresse un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir.
Aux termes de l'article 578, 582, 584 et 586 du code civil, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même. L'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit. Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. Les fruits civils sont réputés s'acquérir jour par jour et appartiennent à l'usufruitier à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s'applique aux prix des baux à ferme comme aux loyers des maisons et autres fruits civils.
Aux termes de l'article 9 code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Comme le rappelle à juste titre la juridiction du premier degré, il appartient au notaire désigné, dont c'est la mission, de déterminer les éléments de l'actif de l'indivision et de les évaluer, ceci incluant les comptes bancaires, le véhicule et les autres effets mobiliers.
En outre, M. [C] [W] échoue à démontrer l'existence du compte bancaire prétendument ouvert au nom de Mme [L] à la Caisse d'épargne, étant observé que selon un écrit du 27 avril 2023, cette banque atteste que Mme [L] ne dispose d'aucun compte ouvert dans ses livres.
Par ailleurs, il est produit au débat l'acte notarié du 10 mai 2000 aux termes duquel Mme [L] bénéficie de l'usufruit de tous les biens meubles et immeubles qui appartiendront à [N] [W] au jour de son décès et qui composeront sa succession, sans exception ni réserve.
Mme [L] ayant ainsi la jouissance de l'actif successoral et de ses fruits, il n'y a pas lieu de réintégrer dans l'actif de la succession les loyers perçus ou de retenir une indemnité de jouissance pour l'utilisation de son véhicule.
En ce qui concerne la détermination de la valeur de l'usufruit sollicitée, elle incombe également au notaire désigné, étant rappelé que celle-ci se détermine au jour de la mutation du bien foncier conformément au barème défini par l'article 669 du code général des impôts, notamment au regard de la nécessité de liquider les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière.
Dès lors, M. [C] [W] sera débouté de ses demandes tendant à déterminer les éléments de l'actif de l'indivision et de les évaluer, à valoriser les droits de l'usufruitière, à fixer une indemnité de jouissance du véhicule et la décision entreprise sera confirmée sur ces points.
Il sera également débouté de sa demande de réintégration des loyers et il sera ajouté à la première décision sur ce point.
Sur les demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre de M. [C] [W] :
L'exercice d'un droit ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol.
En outre l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit aux parties l'accès au juge.
En l'espèce, l'intention de nuire ou l'erreur grossière de M. [C] [W] ne sont pas démontrées et ne s'infèrent pas non plus de l'exercice normal des voies de recours.
Les demandes de dommages-intérêts formées par M. [R] [W] et Mmes [U] [L] et [I] [W] seront donc rejetées et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
Sur la demande de retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle :
Il résulte des articles 50 et 51 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique que la juridiction saisie peur retirer le bénéfice de l'aide juridictionnelle, en tout ou partie, lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire, abusive, ou manifestement irrecevable. Le retrait peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office.
En l'espèce, M. [C] [W] a été assigné en première instance et a interjeté un appel qui ne s'est pas avéré dilatoire, abusif ou irrecevable.
M. [R] [W] et Mme [I] [W] épouse [H] seront donc déboutés, par ajout à la décision entreprise, de leur demande de retrait de l'aide juridictionnelle.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
M. [C] [W] qui succombe sera condamné aux dépens de l'appel et la décision entreprise sera confirmée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
L'équité commande de condamner M. [C] [W] à payer à Mme [U] [L] la somme de 1500 euros et de condamner M. [C] [W] à payer à M. [R] [W] et Mme [I] [W] épouse [H] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, en dernier ressort et dans les limites de l'appel,
Confirme la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Rejette l'ensemble des demandes de M. [C] [W],
Déboute M. [R] [W] et Mme [I] [W] épouse [H] de leur demande de retrait de l'aide juridictionnelle totale accordée à M. [C] [W],
Condamne M. [C] [W] aux dépens de l'instance d'appel,
Rejette les autres demandes,
Condamne M. [C] [W] à payer à Mme [U] [L] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d'appel,
Condamne M. [C] [W] à payer à M. [R] [W] et Mme [I] [W] épouse [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers à hauteur d'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
-