Ordonnance
N° 11
COUR D'APPEL D'AMIENS
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 15 MARS 2024
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N° RG 24/00010 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JAFU
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de LAON en date du 05 mars 2024
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique le 14 Mars 2024
COMPOSITION
Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre à la Cour d'appel d'Amiens, régulièrement déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente en date du 08 Janvier 2024,
assistée de Mme Marie-Estelle CHAPON, greffier à la cour d'appel d'Amiens.
APPELANT
M. LE DIRECTEUR DE L'EPSMD DE L'AISNE
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté à l'audience par M. [U] [S], attaché d'administration hospitalière, spécialement mandaté en vertu d'une délégation en date du 14 Mars 2024
INTIMÉS
Monsieur [I] [M]
né le 25 Juin 1980 à [Localité 8]
[Adresse 7]
[Localité 2]
Non comparant
Représenté par Me Amandine GAUBOUR de la SELARL GAUBOUR WALLART RUELLAN, avocat de permanence au barreau d'AMIENS
Madame LA PROCUREURE GÉNÉRALE
COUR D APPEL
[Adresse 3]
[Localité 5]
Non comparante, non représentée
TIERS
L'Association ADSEA agissant en qualité de tuteur de M. [M] [I] en vertu d'une décision du Juge des Tutelles de SOISSONS en date du 25 Janvier 2022
[Adresse 4]
[Localité 1]
Non comparante, non représentée
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Vu les articles L. 3211-12-4 et R. 3211-18 et suivants du code de la santé publique.
Vu la requête du directeur de l'EPSMD de l'AISNE du 22 Février 2024 ;
Vu le certificat médical initial, les certificats médicaux de 24 heures et de 72 heures.
Vu les ordonnances du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de LAON en date du 24 mars 2023 et du 08 septembre 2023 maintenant la mesure d'hospitalisation complète ;
Vu les certificats médicaux mensuels du mois de Septembre 2023 au mois de Février 2024 ;
Vu l'avis médical motivé du docteur [B] en date du 21 Février 2024 ;
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de LAON du 05 mars 2024 ordonnant la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement de Monsieur [I] [M] ;
Vu la déclaration d'appel formée par M. le directeur de l'EPSMD DE l'AISNE par courriel le 06 Mars 2024 et reçue au greffe de la juridiction du Premier Président de la Cour d'appel d'Amiens le 06 Mars 2024 ;
Vu les avis donnés aux parties et au ministère public de la tenue de l'audience le 14 Mars 2024 à 14 heures ;
Vu l'avis motivé du Docteur [B] en date du 11 Mars 2024 ;
Vu le certificat d'audience du Docteur [V] en date du 11 Mars 2024 ;
Vu l'avis du ministère public en date du 12 Mars 2024 ;
Vu l'avis du collège de soignants en date du 13 Mars 2024 ;
Vu le refus de comparaître de Monsieur [I] [M] à l'audience du 14 mars 2024 ;
Après avoir donné connaissance de ces avis et observations aux parties et après avoir entendu en ses obervations d'une part M. [S] représentant M. le directeur de l'EPSMD de l'AISNE, d'autre part Maître Amandine GAUBOUR, conseil de M. [I] [M] ;
FAITS ET PROCÉDURE
Le 6 mars 2024, Monsieur le directeur de 1'EPSMD de l'Aisne a formé appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Laon en date du 5 mars 2024 qui a ordonné la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement de Monsieur [I] [M] et dit que celle-ci prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures en vue de l'établissement, le cas échéant, d'un programme de soins conformément aux dispositions des articles L3211-12 et L3211-12-1 du code de la santé publique.
La déclaration d'appel est motivée comme suit :
- Monsieur [I] [M] a fait l'objet d'une mesure de soins à la demande d'un tiers en urgence le 13 mars 2023 ;
- il ressort de l'article R.3212-2 du code de la santé publique que l'avis du collège des soignants doit intervenir au plus tard le 13 mars 2024 ;
- les éléments rapportés par le juge des libertés et de la détention ne sont par conséquent pas constitutifs d'une irrégularité puisque les exigences réglementaires prévoient la production de l'avis du collège des soignants au plus tard le 13 mars 2024, et non pas le jour de l'audience intervenue le 5 mars 2024 ;
- pour cette raison, je vous demande d'infirmer l'ordonnance levant la mesure de soins sans consentement de Monsieur [I] [M] prise par le Juge des Libertés et de la Détention du tribunal judiciaire de Laon le 5 mars 2024.
Les parties ont été avisées de l'audience devant le magistrat délégué par le Premier Président qui s'est tenue le 14 mars 2024 à 14h.
Le Directeur de l'EPSMD de l'Aisne a comparu représenté à l'audience par M. [N] [S], attaché d'administration hospitalière, qui a fait valoir que la mesure de soins sans consentement étant intervenue le 13 mars 2023, il résulte de l'article R.3212-2 du code de la santé publique, que le directeur de l'établissement de soin disposait d'une délai de plus ou moins 8 jours par rapport à la date anniversaire de l'admission en soins sans consentement, soit en l'espèce du 5 mars 2024, au plus tôt, au 21 mars 2024, au plus tard, pour demander l'avis du collège exigé par l'article L.3212-7.
Monsieur [I] [M] ayant refusé de se rendre à l'audience, ainsi qu'il ressort du certificat du docteur [V] en date du 11 mars 2024, il était représenté par Maître [P] [F], avocate commise d'office, qui a sollicité la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 5 mars 2024 au motif que la possibilité de produire l'avis du collège à plus ou moins 8 jours de la décision de renouvellement des soins sans consentement ne s'applique qu'à partir de la deuxième année en ce que le texte fait référence à la précédente évaluation annuelle.
Elle indique en outre que l'avis transmis à la cour ne répond pas aux exigences du texte en ce qu'il n'a pas été rendu par le collège dans sa composition obligatoire.
L'ADSEA chargée de la mesure de tuelle de Monsieur [I] [M], avisée de l'audience devant le magistrat délégué par le premier président, n'a pas comparu.
Le Ministère Public, auquel le dossier a été transmis, a donné son avis écrit aux termes duquel il se prononce en faveur de la recevabilité de l'appel et demande la confirmation de l'ordonnance entreprise.
SUR CE :
Par décision du directeur de l'EPSMD de l'Aisne en date du 13 mars 2023, Monsieur [I] [M] a été admis en soins psychiatriques sous le régime de l'hospitalisation complète à la demande d'un tiers en urgence en raison de passages à l'acte hétéro-agressifs sur fond de délire de persécution sur le fondement de l'article L.3212-1, II, 2°du code de la santé publique.
La mesure de soins se poursuit depuis cette date sous la forme et dans les conditions d'une hospitalisation complète, le juge des libertés et de la détention ayant maintenu cette mesure par ordonnance en date du 24 mars 2023 et par ordonnance du 8 septembre 2023, prises sur le fondement des articles L.3212-1 et suivants et R.3211-29 et suivants du code de la santé publique.
Depuis, la mesure a été renouvelée par le directeur de l'EPSMD de l'Aisne les 13 septembre 2023, 13 octobre 2023, 14 novembre 2023,13 décembre 2023, 12 janvier 2024, 13 février 2024, sur la base des certificats médicaux établis mensuellement confirmant la nécessité du maintien des soins et l'impossibilité pour Monsieur [I] [M] d'y consentir, malgré des réajustements thérapeutiques, le patient présentant toujours un délire paranoïde de filiation avec intolérance majeure à la frustration, avec passage à l'acte sur lui même ou sur les soignants et patients.
L'article L.3211-7 alinéa 3 du code de la santé publique prévoit que lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L.3211-9 composé d'un psychiatre participant à la prise en charge du patient, un psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient et un représentant de l'équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient désigné, suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.
Pour prononcer la mainlevée de la mesure de soins sans consentement de Monsieur [I] [M], le premier juge, saisi à la requête de Monsieur le Directeur de l' EPSMD de l'Aisne en date du 22 février 2024, a retenu que la mesure arrive au terme d'une année et que n'est pas produit l'avis du collège prescrit par les dispositions susvisées de telle sorte que la mainlevée doit être ordonnée.
Or, l'article R.3212-2 du code de la santé publique dispose: ' L'évaluation médicale annuelle prévue au troisième alinéa de l'article L. 3212-7 est réalisée au plus tard le jour de l'établissement du certificat mensuel de maintien dans les soins, pris conformément à l'article L. 3212-7, établi après la première date anniversaire d'admission dans les soins sans consentement. Le renouvellement de cette évaluation a lieu au plus tôt huit jours avant et au plus tard huit jours après la date anniversaire de la précédente évaluation.'
Le conseil de Monsieur [I] [M] fait justement remarquer que la possibilité de produire l'avis du collège mentionné à l'article l'article L.3211-9 à plus ou moins 8 jours de la date anniversaire de la mesure de placement en soins sans consentement concerne l'évaluation postérieure à la première évaluation.
En l'espèce, s'agissant de la première évaluation postérieure à la décision d'admission en soins sans consentement de Monsieur [I] [M] en date du 13 mars 2023, il appartenait au directeur de l'établissement de soins de recueillir l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9 le 13 mars 2024, le dernier certificat mensuel de renouvellement étant daté du 13 février 2023.
Ainsi, comme le soutient le directeur de l'EMPSD de l'Aisne, cette irrégularité ne pouvait justifier de lever la mesure de soins sans consentement au jour où il a statué soit le 5 mars 2024.
Par ailleurs, il est établi que le Directeur de l' EPSMD de l'Aisne a recueilli l'avis du collège produit aux débats devant le juge délégué par le Premier Président en date du 13 mars 2024, lequel indique que Monsieur [I] [M], patient souffrant de schizophrénie paranoïde est hospitalisé au long court suite à des violences physiques sur des soignants et des patients après plusieurs échecs de tentatives de suivi ambulatoire, l'intéressé restant ambivalent dans ses propos et présentant des demandes souvent inadaptées, la mesures de soins devant se poursuivre sous la forme d'une hospitalisation complète.
Cet avis signé par le docteur [Y], médecin psychiatre chargé à titre principal du patient indique que le collège était composé de lui même en sa qualité de psychiatre responsable à titre principal du patient dont la situation a été examinée, de M. [C] [E] représentant l'équipe pluri-disciplinaire participant à la prise en charge du patient et le docteur [X] [B], psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient, le nom du docteur [Y] étant le seul coché dans la liste des présents comme étant celui des membres qui a été désigné comme secrétaire en début de séance et à ce titre signataire de l'avis, de telle sorte qu'il n'est pas démontré que l'avis du collège présenterait une irrégularité qui aurait une conséquence sur les droits de Monsieur [I] [M].
Ainsi, compte-tenu de ce qui précède, il y a lieu d'infirmer la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Laon en date du 5 mars 2024 et de dire que l'hospitalisation de Monsieur [I] [M] doit être maintenue sous la forme d'une hospitalisation complète, l'intéressé n'étant pas en mesure de consentir aux soins que justifie son état.
PAR CES MOTIFS,
Déclarons l'appel recevable en la forme,
Au fond,
Infirmons la décision de mainlevée de la mesure d'hospitalisation sans consentement de Monsieur [I] [M] ;
Statuant à nouveau,
Disons que l'hospitalisation de Monsieur [I] [M] doit se poursuivre sous la forme d'une hospitalisation complète sans son consentement.
Ordonnons la notification de ladite ordonnance à toutes les parties.
Mme Marie-Estelle CHAPON, Mme Chantal MANTION,
Greffier Président