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26/07/2024 | FRANCE | N°24/00049

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Referes 1er pp, 26 juillet 2024, 24/00049


ORDONNANCE

N° 72

















COUR D'APPEL D'AMIENS



RÉFÉRÉS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 26 JUILLET 2024



*************************************************************



A l'audience publique des référés tenue le 13 Juin 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 21 décembre 2023,



Assistée de Madame Marie-Estelle C

HAPON, Greffier.



Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00049 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JCCV du rôle général.





ENTRE :





L'Association [6] DU DEPARTEMENT DE L'OISE DITE 'LE CONC...

ORDONNANCE

N° 72

COUR D'APPEL D'AMIENS

RÉFÉRÉS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 26 JUILLET 2024

*************************************************************

A l'audience publique des référés tenue le 13 Juin 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 21 décembre 2023,

Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00049 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JCCV du rôle général.

ENTRE :

L'Association [6] DU DEPARTEMENT DE L'OISE DITE 'LE CONCERT', agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101, postulant et plaidant par Me Gwenaelle VAUTRIN de la SELARL VAUTRIN AVOCATS, avocat au barreau de COMPIEGNE

Assignant en référé suivant exploit de DELTA HUISSIER [Localité 5], Huissiers de Justice Associés à [Localité 5], en date du 14 Mai 2024, d'un jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BEAUVAIS, en date du 14 Février 2024, enregistré sous le n° 21/00285.

ET :

Monsieur [Y] [N]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et plaidant par Me Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR au référé.

Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

- en ses conclusions et sa plaidoirie : Me Vautrin, conseil de l'Association [6] du département de l'Oise,

- en ses conclusions et sa plaidoirie : Me Lienhardt, conseil de M. [N]

L'affaire a été mise en délibéré au 26 Juillet 2024 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe.

Vu le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Beauvais en date du 14 février 2024, qui a notamment :

- requalifié la relation de travail entre M. [Y] [N] et l'association [6] du Département de l'Oise en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 16 septembre 2016 ;

En conséquence,

- condamné l'association [6] du Département de l'Oise à verser à M.[N] la somme de 3.328,72 euros au titre de l'indemnité de requalification ;

- condamné l'association [6] du Département de l'Oise à verser à M.[N] la somme de 93.721,32 euros au titre de l'arriéré de salaire visant la période du 15 décembre 2018 au 29 octobre 2021 ;

- déclaré prescrite la demande de paiement d'arriéré de salaire pour la période antérieure au 15 décembre 2018 ;

- condamné l'association [6] du Département de l'Oise à verser à M.[N] la somme de 1.359,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- rejeté la demande de M. [N] de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- rejeté la demande de M. [N] en versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- rejeté la demande de M. [N] en versement d'une indemnité subséquente compensatrice de préavis ;

- rejeté la demande de M. [N] en versement d'une indemnité subséquente compensatrice de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis ;

- rejeté la demande de M. [N] en versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- rejeté la demande de M. [N] en versement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

- fixé le salaire de M. [N] à la somme de 3.328,72 euros brut mensuel ;

- dit que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2022, date de la première audience de conciliation, et celle de nature indemnitaire à compter du présent jugement.

L'association [6] du Département de l'Oise a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 15 mars 2024 au greffe de la cour.

Par acte de commissaire de justice en date du 14 mai 2024, l'association [6] du Département de l'Oise a fait assigner M.[N] à l'audience du 16 mai 2024 devant madame la première présidente de la cour d'appel d'Amiens, au visa de l'article 514-3 du Code de procédure civile et demande de :

- la dire recevable et bien fondée en ses demandes ;

- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de droit ayant trait aux condamnations prononcées par le conseil de prud'homme de Beauvais dans son jugement en date du 14 février 2024.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'il existe des moyens sérieux d'annulation et de réformation de la décision de première instance dans la mesure où :

- les premiers juges ne pouvaient requalifier le contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée en raison de l'acquisition de la prescription ;

- les premiers juges n'ont pas examiné les éléments apportés par l'employeur prouvant l'existence d'une relation à temps partiel ;

- il n'a jamais été dans son intention de considérer que M. [N] était chef d'orchestre à compter du 1er mai 2017 ;

Elle fait valoir qu'il existe des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance dans la mesure où :

- le montant à payer au titre de l'exécution provisoire de droit s'élève à 46.440 euros alors que sa situation économique et financière ne lui permet pas de s'acquitter de cette condamnation ;

- faute de trésorerie et face à l'impossibilité d'obtenir une subvention complémentaire, la mise en oeuvre de l'exécution provisoire de droit entraînerait ipso-facto la cessation de l'activité de l'association.

L'affaire ayant été renvoyée au 13 juin 2024, par conclusions transmises le 12 juin 2024, M.[N] demande de débouter l'association [6] du Département de l'Oise de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir pour l'essentiel que l'association [6] du Département de l'Oise n'invoque aucune conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement au jugement de première instance et qu'il n'existe pas de moyen sérieux de réformation du jugement du conseil des Prud'hommes de Beauvais qui est particulièrement motivé.

Les parties qui ont comparu à l'audience ont développé oralement leurs conclusions auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens de faits et de droits qu'elles ont invoqués au soutien de leurs prétentions, l'association [6] du Département de l'Oise ayant remis ses conclusions n°1 le jour de l'audience qui actualisent son exploit introductif d'instance.

SUR CE

L'article R.1454-28 du code du travail fait exception au principe de l'exécution provisoire de plein droit posé par le nouvel article 514 du code de procédure civile et dispose : 'A moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions.

Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :

1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;

2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;

3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.'

S'agissant de l'exécution provisoire de droit, l'article 514-3 du code de procédure civile exige, pour la recevabilité de la demande, que la partie comparante en première instance et qui n'a pas fait valoir d'observation quant à l'exécution provisoire rapporte la preuve de conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En l'espèce, M.[N] a été engagé par l'association [6] du Département de l'Oise qui invoque l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée intermittent et s'est vu notifier par l'employeur, par lettre recommandée datée du 27 octobre 2021, son licenciement pour faute grave.

A la suite de son licenciement, M.[N] a saisi le conseil des Prud'hommes de Beauvais suivant requête en date du 15 décembre 2021 en vue de la condamnation de l'association [6] du Département de l'Oise au paiement de diverses sommes notamment à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de rappel de salaires et indemnités.

Les parties ont comparu à l'audience du bureau de conciliation et après le constat de l'absence de conciliation, elles ont comparu devant le bureau de jugement, les conseillers prud'homaux ayant constaté le partage de voix suivant procès-verbal en date du 25 mai 2023.

C'est dans ces conditions que le jugement dont appel a été rendu le 14 février 2024 par la formation de départage du conseil des Prud'hommes de Beauvais.

Pour condamner l'association [6] du Département de l'Oise au paiement de la somme de 3.328,72 euros à titre d'indemnité de requalification et celle de 93.721,32 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 15 décembre 2018 au 29 octobre 2021, le jugement retient d'une part que, faute de l'établissement régulier d'un contrat de travail à durée déterminée, il y a lieu de requalifier le contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée et, d'autre part, que le contrat de travail à durée indéterminée intermittent entre M.[N] et l'association [6] du Département de l'Oise a été illicitement conclu, de telle sorte que, sans examiner les autres moyens notamment celui tenant à la libre disposition ou non du salarié à l'égard de l'employeur, le tribunal a requalifié le contrat en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet.

Or, il résulte des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail que la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée du travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat , réciproquement, la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Par ailleurs, selon l'article L.3223-14 du code du travail, l'absence d'écrit mentionnant la durée de travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet de telle sorte qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir le rythme de son travail et n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Ainsi, il appartenait au conseil des Prud'hommes d'examiner les pièces produites par l'association [6] du Département de l'Oise et de répondre au moyen relatif à l'absence de disponibilité permanente exigée de la part de M.[N] dont elle indique qu'il exerçait une activité au bénéfice d'autres structures et qu'il n'était pas en permanence à sa disposition.

Dès lors, l'association [6] du Département de l'Oise justifie d'un moyen sérieux de réformation du jugement dont appel.

S'agissant des conséquences manifestement excessives de la décision dont appel, les sommes recouvrables dans le cadre de l'exécution provisoire de droit à l'encontre de l'association [6] du Département de l'Oise s'élèvent à un montant brut de 29.958,48 euros auquel s'ajoutent les cotisations patronales d'un montant estimé à 16.481 euros, soit au total 46.439,48 euros.

Or, l'association [6] du Département de l'Oise, dont le financement est assuré essentiellement par des subventions du département de l'Oise, n'a recouvré qu'un tiers de subventions en début d'année 2024, le solde du compte courant de l'association étant débiteur de 19.386,57 euros au 31 mai 2024, cette situation ayant donné lieu dès avril 2024 à observations de la part de M. [P], expert comptable, qui fait état d'une cessation des paiements à brève échéance.

Ainsi, les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire de droit apparues postérieurement à la décision du conseil des Prud'hommes de Beauvais du 14 février 2024 sont établies et justifient d'ordonner la suspension de l'exécution provisoire.

L'équité ne commande pas d'accorder à M.[N] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la suspension de l'exécution provisoire étant prononcée dans le seul intérêt de l'association [6] du Département de l'Oise, il y a lieu de dire qu'elle supportera la charge des dépens de la présente instance en référé.

PAR CES MOTIFS,

Ordonnons la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement du conseil des Prud'hommes de Beauvais en date du 14 février 2024 ;

Déboutons M.[N] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Disons que l'association [6] du Département de l'Oise supportera la charge des dépens de la présente instance en référé.

A l'audience du 26 Juillet 2024, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme MANTION, Présidente et Mme CHAPON, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Referes 1er pp
Numéro d'arrêt : 24/00049
Date de la décision : 26/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-26;24.00049 ?
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