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26/07/2024 | FRANCE | N°24/00076

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Referes 1er pp, 26 juillet 2024, 24/00076


ORDONNANCE

N° 77

















COUR D'APPEL D'AMIENS



RÉFÉRÉS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 26 JUILLET 2024



*************************************************************



A l'audience publique des référés tenue le 12 Juillet 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 21 mai 2024,



Assistée de Madame Marie-Estelle CHAP

ON, Greffier.



En présence de Mme [V] [U] et M. [I] [J], Greffiers stagiaires.



Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00076 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JDHH du rôle général.



APRÈS ...

ORDONNANCE

N° 77

COUR D'APPEL D'AMIENS

RÉFÉRÉS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 26 JUILLET 2024

*************************************************************

A l'audience publique des référés tenue le 12 Juillet 2024 par Mme Chantal MANTION, Présidente de chambre déléguée par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 21 mai 2024,

Assistée de Madame Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

En présence de Mme [V] [U] et M. [I] [J], Greffiers stagiaires.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 24/00076 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JDHH du rôle général.

APRÈS COMMUNICATION DU DOSSIER AU MINISTÈRE PUBLIC

ENTRE :

Monsieur [F] [N]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101, postulant et plaidant par Me Lucile GRUSON substituant Me Benjamin CHEVALIER de la SELARL CVS, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0153

Assignant en référé suivant exploit de la SELARL JURICOM, Commissaires de justice associés à COMPIEGNE, en date du 27 Juin 2024, d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de COMPIEGNE, en date du 05 Juin 2024, enregistrée sous le n° 2022 L 503.

ET :

La S.C.P. ANGEL [Z] DUVAL ès qualités de liquidateur judiciaire de la société R.C.F. (RECOUVREMENT CONTENTIEUX FINANCIER),

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée et plaidant par Me Frédéric GARNIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS

DEFENDERESSE au référé.

Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

- en ses conclusions et sa plaidoirie : Me Gruson, conseil de M. [F] [N] ,

- en ses conclusions et sa plaidoirie : Me Garnier, conseil de la SCP Angel-[Z]-Duval

L'affaire a été mise en délibéré au 26 Juillet 2024 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe.

La société Recouvrement Contentieux Financier (ci-apès la société RCF) est inscrite au registre du commerce et des sociétés de Compiègne sous le n°400 233 920 depuis le 13 mars 1995, son siège social étant situé [Adresse 4] à [Localité 6].

Par jugement en date du 8 janvier 2020, le tribunal de commerce de Compiègne a prononcé le redressement judiciaire de la société RCF ayant alors pour associé unique et gérant M. [F] [N].

La date de cessation des paiements a été fixée au maximum légal des dix-huit mois du jugement d'ouverture, soit le 8 juillet 2018, Maître [S] a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [Z] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 5 février 2020, suite au rapport de l'administrateur judiciaire, le tribunal de commerce a converti la procédure en liquidation judiciaire, Maître [Z] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement en date du 5 juin 2024, le tribunal de commerce de Compiègne saisi à la requête du liquidateur judiciaire a :

- dit recevable l'action dirigée à l'encontre M. [N] ;

- condamné M. [N] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la liquidation judiciaire de la société RCF à hauteur de 190.790,53€ ;

- dit que cette condamnation produira intérêt de droit à compter de l'assignation ;

- prononcé une faillite personnelle à l'encontre de Monsieur [F] [N], né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8] (59), de nationalité française, demeurant [Adresse 5] ;

- fixé la durée de cette sanction à 8 ans ;

- condamné M. [N] à payer à Maître [Z] ès qualités la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- employé les frais, honoraires et les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la Sarl RCF ;

- dit et jugé que les dépens et frais irrépétibles seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif, en application de l'article L.651-3 alinéa 4 du Code de Commerce ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M. [N] a formé appel de ce jugement par déclaration reçue le 17 juin 2024 au greffe de la cour.

Par acte de commissaire de justice en date du 27 juin 2024, M. [N] a fait assigner la SCP Angel [Z] Duval prise en la personne de maître [R] [Z], à comparaître à l'audience du 12 juillet 2024 devant la juridiction du Premier Président de la cour d'appel d'Amiens et demande de :

- le déclarer recevable en son action ;

- constater l'existence de moyens sérieux d'annulation ou/et de réformation du jugement rendu le 5 juin 2024 par le tribunal de commerce de Compiègne ;

- prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 5 juin 2024 par le tribunal de commerce de Compiègne ;

- condamner la SCP Angel [Z] Duval ès qualité de mandataire liquidateur de la société RCF à payer à M. [N] une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 5000 euros ;

- condamner la SCP Angel [Z] Duval ès qualité de mandataire liquidateur de la société RCF aux entiers dépens de la présente instance.

Par conclusions en réponse transmises le 9 juillet 2024, la SCP Angel [Z] Duval prise en la personne de son représentant légal s'oppose aux prétentions de M. [N] et demande à la juridiction du Premier Président de :

- débouter M. [N] de toutes ses demandes ;

- radier l'affaire pour défaut d'exécution du jugement ;

- prendre acte de ce que le liquidateur judiciaire se déclare favorable à toute mesure de conciliation si elle était sollicitée ;

- condamner M. [N] aux dépens et au paiement de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises le 11 juillet 2024, M. [N] a développé ses arguments à l'encontre des moyens en défense de la SCP Angel [Z] Duval et s'oppose à la demande de radiation de l'appel formée à titre reconventionnel par cette dernière.

Les parties qui ont comparu à l'audience ont développé oralement leurs précédentes écritures auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de fait et de droit invoqués au soutien de leurs prétentions.

Le ministère public auquel le dossier a été communiqué a transmis son avis favorable à la confirmation de la décision entreprise dans la mesure où la procédure démontre amplement les abus commis par M. [N] à des fins personnelles et au détriment de l'entreprise judiciairement liquidée.

SUR CE

L'article R.661-1 du code de commerce dispose : " Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.

Toutefois, ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire les jugements et ordonnances rendus en application des articles L. 622-8, L. 626-22, du premier alinéa de l'article L. 642-20-1, de l'article L. 651-2, des articles L. 663-1 à L. 663-4 ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.

Les dispositions des articles 514-1 et 514-2 du code de procédure civile ne sont pas applicables.

Par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux."

M. [N] fait valoir qu'il existe des moyens d'annulation et/ou de réformation du jugement dont appel tenant pour les premiers au non respect du principe directeur du procès et pour les seconds à l'absence de motivation ou l'insuffisance de motivation du jugement dont appel.

M. [N] fait valoir que le tribunal de commerce de Compiègne l'a condamné au titre du comblement du passif à une somme supérieure à celle réclamée par la SCP Angel [Z] ès qualité, étant rappelé qu'il avait demandé le rejet pur et simple de cette demande.

Il estime que ce faisant, le tribunal a violé le principe de l'immutabilité du litige et les articles 4 et 5 du code de procédure civile et méconnu le principe du contradictoire des articles 14 et suivants du code de procédure civile qui lui imposait de demander à tout le moins aux parties leurs observations avant de fixer le montant de la condamnation à l'intégralité du passif admis.

La SCP Angel [Z] Duval réplique que les sanctions prononcées par le tribunal relèvent de son pouvoir souverain d'appréciation et qu'il a la possibilité de condamner le dirigeant dans la limite de l'insuffisance d'actif étant précisé qu'aucun actif n'a été appréhendé dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société RCF et que le passif vérifié s'élève à 190.790,53 euros, montant de la condamnation prononcée par le tribunal sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce qui dispose que, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

Pour condamner M. [N] sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce, le tribunal a indiqué " En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Maître [Z] du comblement pour tout ou partie de l'insuffisance d'actif et d'en fixer le montant à l'intégralité du passif vérifié".

Or, comme le fait observer M. [N], aux termes des dernières conclusions développées devant le tribunal de commerce, la SCP Angel [Z] Duval indiquait que la procédure de vérification du passif permettait d'évaluer le passif non contestable au jour de l'audience à la somme de 190.790,53 euros mais qu'il convenait de déduire provisoirement les créances déclarées par le CGEA à défaut de meilleure justification de leur antériorité au jugement d'ouverture de la procédure, soit la somme de 63.676,66 euros, l'insuffisance d'actif qu'il convient de laisser à la charge de M. [N] étant de 127.113,87 euros, montant auquel le mandataire liquidateur a limité sa demande.

Si, comme le fait observer la SCP Angel [Z] Duval le tribunal dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation relativement au passif mis en tout ou en partie à la charge du dirigeant à l'égard duquel une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif est établie, il ne peut le condamner à une somme dépassant le montant de l'insuffisance d'actif.

Par ailleurs, étant saisi d'une demande du mandataire liquidateur limitée à la somme de 127.113,87 euros, le tribunal ne pouvait condamner M. [N] à une somme supérieure sans avoir recueilli au préalable les observations des parties et notamment celles du mandataire liquidateur qui admettait au moins provisoirement que partie des sommes incluses dans le passif vérifié correspondent à un passif créé postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, s'agissant de la créance du CGEA.

Néanmoins, le moyen invoqué par M. [N] tend plus à une réduction de la condamnation mise à sa charge qu'à une réformation du jugement par rejet pur et simple des demandes de sanctions formées à son encontre par le mandataire liquidateur.

Par ailleurs, il ressort du bilan économique et social de Maître [S], administrateur judiciaire désigné en cette qualité par jugement en date du 8 janvier 2020, que la société RCF ne respecte pas les obligations de sa profession s'agissant notamment de la conservation sur compte séquestre des fonds détenus pour le compte de ses clients et qu'elle a poursuivi son activité malgré des excercices largement déficitaires et des capitaux propres négatifs qui atteignent un solde négatif de 319KF au 31 décembre 2018, date à partir de laquelle la comptabilité n'a plus été assurée par le cabinet d'expertise comptable ORCOM [Localité 9] [Adresse 1], les comptes de la société ayant été déposés jusqu'en 2017.

L'absence de tenue régulière de la comptabilité de la société RCF et la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements telles qu'elle ressortent des pièces prises en compte par le tribunal ne sont pas sérieusement contestées par M. [N] qui a continué à faire fonctionner la société alors que sa situation était largement compromise, les dérives de la direction ayant été signalées par les propres salariés de la société, qui dénonçaient pour l'un d'entre eux avoir été affecté depuis décembre 2019 à des tâches pour le compte exclusif de la société CABREC rachetée quelques mois auparavant par M. [N].

Ces faits qui relèvent en partie de sanctions pénales, s'agissant particulièrement de la non représentation des fonds recouvrés pour le compte des clients qui mandataient la société RCF, ont été pris en compte par le tribunal qui a apprécié souverainement l'opportunité de prononcer la faillite personnelle de M. [N] dont la durée a été fixée à 8 années, l'intéressé qui est actuellement retraité ne démontrant pas en quoi sa situation personnelle pourrait justifier une sanction plus légère voire l'absence de sanction.

Ainsi, les moyens invoqués par M. [N] ne sont pas suffisamment sérieux pour justifier la suspension de l'exécution provisoire du jugement dont appel.

Par ailleurs, la discussion relative au montant du passif susceptible d'être recouvré à l'encontre de M. [N] au titre des fautes de gestion établies à son encontre qui ont contribué à l'aggravation du passif, doit pouvoir se poursuivre devant la cour de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer la radiation de l'appel en application de l'article 524 du code de procédure civile.

M. [N] qui a pris l'initiative de la saisine du premier président a exposé la liquidation judiciaire de la société RCF à des frais qu'il est inéquitable de laisser à sa charge. Il y a donc lieu de condamner M. [N] à lui payer la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il y a lieu de dire que M. [N] supportera la charge des dépens de la présente instance en référé.

PAR CES MOTIFS,

Déboutons M. [N] de sa demande tendant à la suspension de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 5 juin 2024,

Condamnons M. [N] à payer à la SCP Angel [Z] Duval ès qualité de liquidateur de la société RCF la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons M. [N] aux dépens de la présente instance en référé.

A l'audience du 26 Juillet 2024, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme MANTION, Présidente et Mme CHAPON, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Referes 1er pp
Numéro d'arrêt : 24/00076
Date de la décision : 26/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-26;24.00076 ?
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