La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/09/2024 | FRANCE | N°23/02686

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 septembre 2024, 23/02686


ARRET







[I]





C/



S.A.R.L. MONTDI PIZZA



























































copie exécutoire

le 04 septembre 2024

à

Me FAYEIN BOURGOIS

Me GRAUX

LDS/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024



**

***********************************************************

N° RG 23/02686 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZPC



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 07 JUIN 2023 (référence dossier N° RG 21/00279)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [E] [T] [D] [I]

né le 21 Avril 1994 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1...

ARRET

[I]

C/

S.A.R.L. MONTDI PIZZA

copie exécutoire

le 04 septembre 2024

à

Me FAYEIN BOURGOIS

Me GRAUX

LDS/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024

*************************************************************

N° RG 23/02686 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IZPC

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 07 JUIN 2023 (référence dossier N° RG 21/00279)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [E] [T] [D] [I]

né le 21 Avril 1994 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté, concluant et plaidant par Me Dorothée FAYEIN BOURGOIS de la SCP FAYEIN BOURGOIS-WADIER, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. MONTDI PIZZA

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparante en la personne de M. [M], gérant

assistée, concluant et plaidant de Me Guillaume GRAUX de la SELAFA SEJEF, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 19 juin 2024, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame Laurence de SURIREY en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame Laurence de SURIREY indique que l'arrêt sera prononcé le 04 septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 septembre 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [E] [I], né le 21 avril 1994, a été embauché à compter du 12 février 2014 dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi à durée indéterminée par la société Montdi pizza (la société ou l'employeur), en qualité d'employé polyvalent.

La société Montdi pizza compte moins de 11 salariés.

Le 12 septembre 2020, les parties ont signé une rupture conventionnelle.

Contestant la légitimité de la rupture conventionnelle et ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens le 1er septembre 2021.

Par jugement du 7 juin 2023, le conseil a :

dit et jugé que la société Montdi pizza avait bien communiqué la rupture conventionnelle signée avec M. [I] et l'a débouté de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle ;

dit que de ce fait la rupture conventionnelle du contrat de travail liant M. [I] et la société Montdi pizza était régulière ;

dit que la rupture dudit contrat de travail ne pouvait pas s'analyser en une rupture sans cause réelle et sérieuse ;

par conséquent débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail et de toutes demandes liées à ladite rupture telle indemnité de préavis et congés payés, ainsi que l'indemnité de licenciement ;

constaté que si sur un document interne à l'entreprise, il était fait référence à la convention collective HCR c'est bien celle de la restauration rapide qui était stipulée sur les bulletins de salaire de M. [I] ;

constaté que M. [I] n'apportait pas la preuve qu'il n'a eu connaissance que de la mauvaise convention collective applicable ;

constaté que M. [I] ne rapportait pas la preuve qu'il n'a pas bénéficié des dispositions applicables de la convention collective de la restauration rapide ;

par conséquent, débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise information sur le lieu de travail de la convention collective applicable ;

constaté que M. [I] exerçait une activité de 7 jours sur 7 au service de la société Montdi pizza ; qu'il ne bénéficiait pas des 2 jours de repos hebdomadaires fixés par la convention collective de la restauration rapide mais n'apportait aucun élément venant prouver le préjudice subi ;

par conséquent, débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi pour non-attribution du repos hebdomadaire ;

constaté que la société Montdi pizza avait régularisé la situation en matière de droits liés aux jours de fractionnement et que M. [I] n'apportait aucun élément venant argumenter sa demande liée à ce droit dont il n'aurait pas bénéficié ;

par conséquent débouté M. [I] de sa demande liée aux jours de fractionnement ;

constaté que la société Montdi pizza ne compensait ni financièrement, ni en jours de repos les jours fériés prévus par la convention collective dont devait bénéficier M. [I];

par conséquent condamné la société au paiement de la somme de 1 992,77 euros brut au titre de la compensation des jours fériés ;

ordonné à la société la communication de documents de fin de contrat et en l'occurrence un bulletin de salaire pour les périodes considérées et une attestation Pôle emploi conforme au jugement, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 31ème jour de la notification du jugement ;

dit qu'il se réservait le droit de liquider ladite astreinte ;

condamné la société au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

dit que les sommes allouées à M. [I] recevraient application des dispositions relatives aux intérêts légaux ;

dit que les sommes allouées à M. [I] recevraient application des dispositions relatives à l'exécution provisoire de droit ;

débouté la société Montdi pizza de sa demande formulée à titre reconventionnel.

M. [I], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 mai 2024, demande à la cour de :

le déclarer recevable en son appel et bien fondé en ses demandes portées devant la chambre prud'homale de la cour d'appel d'Amiens ;

en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit et jugé que la société Montdi pizza avait bien communiqué la rupture conventionnelle signée et l'a débouté de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle ;

- dit et jugé que de ce fait la rupture conventionnelle du contrat de travail le liant avec la société Montdi pizza était régulière ;

- dit et jugé que la rupture dudit contrat de travail ne pouvait pas s'analyser en une rupture sans cause réelle et sérieuse ;

- par conséquent l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail et de toutes demandes liées à ladite rupture telle indemnité de préavis et congés payés, ainsi que l'indemnité de licenciement ;

- constaté que si sur un document interne à l'entreprise, il était fait référence à la convention collective HCR c'est bien celle de la restauration rapide qui était stipulée sur ses bulletins de salaire ;

- constaté qu'il n'apportait pas la preuve qu'il n'a eu connaissance que de la mauvaise convention collective applicable ;

- constaté qu'il ne rapportait pas la preuve qu'il n'a pas bénéficié des dispositions applicables de la convention collective de la restauration rapide ;

- par conséquent l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour mauvaise information sur le lieu de travail de la convention collective applicable ;

- constaté qu'il exerçait une activité de 7 jours sur 7 au service de la société Montdi pizza;

- constaté qu'il ne bénéficiait pas des 2 jours de repos hebdomadaires fixés par la convention collective de la restauration rapide ;

- constaté qu'il n'apportait aucun élément venant prouver le préjudice subi ;

- par conséquent, l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi pour non-attribution du repos hebdomadaire ;

- constaté que la société Montdi pizza avait régularisé la situation en matière de droits liés aux jours de fractionnement ;

- constaté qu'il n'apportait aucun élément venant argumenter sa demande liée à ce droit dont il n'aurait pas bénéficié ;

- par conséquent l'a débouté de sa demande liée aux jours de fractionnement.

Statuant à nouveau,

déclarer que la convention de rupture est atteinte de nullité ;

Ce faisant,

déclarer que la rupture du contrat de travail intervenue dans ce contexte produira les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

déclarer que la société Montdi pizza a failli à ses obligations tenant à la mise à disposition et à l'affichage de la convention collective applicable, au respect du repos hebdomadaire, au congé supplémentaire pour fractionnement, et qu'il lui en résulte un préjudice ;

En conséquence,

condamner la société Montdi pizza à lui payer :

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir affiché et laissé à disposition une convention collective erronée ;

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect du repos hebdomadaire ; 

- 366,36 euros à titre d'indemnité de congé supplémentaire pour fractionnement ;

- 3 663,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 366,63 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 3 154,38 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 12 822,46 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

déclarer que l'ensemble de ces sommes portera intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances de nature salariale et à compter de la notification de l'arrêt à intervenir par le bureau de jugement pour les créances de nature indemnitaire ;

confirmer le jugement en ses dispositions relatives à la compensation des jours fériés, à l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens ;

condamner la société Montdi pizza à lui payer, en cause d'appel, la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

dire que le montant du salaire moyen est de 1 831,78 euros ;

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- constaté que la société Montdi pizza ne compensait ni financièrement ni en jours de repos les jours fériés prévus par la convention collective dont il devait bénéficier et, par conséquent, l'a condamnée au paiement de la somme de 1 992,77 euros au titre de la compensation des jours fériés ;

- condamné la société Montdi pizza au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

en conséquence, débouter la société Montdi pizza de son appel incident et de ses demandes relatives, en cause d'appel, aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

débouter la société Montdi pizza de ses demandes et prétentions.

La société Montdi pizza, par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 juin 2024, demande à la cour de :

sur l'appel principal, confirmer la décision du conseil de prud'hommes d'Amiens dans l'intégralité des dispositions contestées par l'appelant à titre principal et débouter M. [I] de sa demande d'annulation de la rupture conventionnelle et de ses demandes indemnitaires ;

à titre subsidiaire, constater le versement de l'indemnité de rupture conventionnelle équivalente au moins à l'indemnité de licenciement, prononcer la compensation entre cette somme et l'éventuelle indemnité de licenciement à servir, et limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif au minimum du barème légale en l'absence de toute preuve d'un éventuel préjudice ;

accueillir son appel incident et infirmant la décision des premiers juges sur la question relative à la compensation des jours fériés, condamner M. [I] à lui rembourser la somme de 1 992,77 euros brut à titre de rappel de ce chef ;

en tout état de cause, infirmer la décision des premiers juges au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, en cause d'appel, condamner M. [I] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leurs moyens et leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS,

1/ Sur la validité de la rupture conventionnelle :

M. [I] soutient, en substance, que l'employeur, malgré ses réclamations, ne lui a pas restitué un exemplaire signé de la convention de rupture alors que l'obligation lui en incombait, que l'employeur ne rapporte pas la preuve du contraire, l'exégèse qu'il fait de son message du 29 octobre 2020, reprise à tort par le conseil de prud'hommes, étant fallacieuse, ce qui entraîne la nullité de la rupture conventionnelle, la rupture intervenue devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur soutient, en substance, qu'il a remis un exemplaire de la convention de rupture à M. [I] ; que ce dernier ne rapporte pas la preuve du contraire et que la teneur du courriel du 29 octobre 2020 dans lequel il emploie le verbe redonner est bien la preuve de ce qu'il lui avait bien préalablement donné une première fois le document réclamé. Il invoque une machination de la part du salarié.

Sur ce,

La remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause.

Il en résulte que l'employeur est tenu à l'obligation de remettre un exemplaire de la convention au salarié et que la charge de la preuve de cette remise lui incombe.

En cas de nullité de la convention de rupture conventionnelle, la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, l'employeur ne rapporte pas la preuve de la remise du document définitif à M. [I], contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes cette preuve ne pouvant résulter sans équivoque de la seule analyse sémantique d'un message électronique du 29 octobre 2020.

Les termes employés par M. [I] « vous ne m'avez jamais redonné  le double de la convention de rupture » doivent être compris dans leur contexte. Or, il ressort de la suite des échanges du 31 octobre que le salarié réclame son exemplaire de la convention de rupture qu'il aurait dû avoir le jour de la signature de celle-ci et que la photocopie reçue par email à la suite de son premier message du 29 octobre était illisible. D'ailleurs, dans la suite de la conversation l'employeur n'emploie pas lui le verbe redonner mais donner et ne proteste pas mais, au contraire, annonce qu'il enverra un exemplaire de la convention par courrier. Il ne rapporte pas la preuve de cet envoi. Il n'établit pas non plus l'existence d'une machination ou d'un piège tendu par M. [I] afin d'enrichissement à ses dépens.

Il en résulte que c'est à bon droit que le salarié invoque la nullité de la rupture conventionnelle.

2/ Sur les conséquences de la nullité de la rupture conventionnelle :

La nullité de la convention de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient d'allouer à M. [I] les sommes de 3 663,56 euros au titre du préavis, de 366,35 euros au titre des congés payés afférents, ces sommes justifiées dans leur principe n'étant pas critiquées dans leur quantum.

La demande au titre de l'indemnité de licenciement sera rejetée dès lors que M. [I] a déjà perçu une somme équivalente dans le cadre de la rupture conventionnelle.

L'entreprise occupant habituellement moins de onze salariés, M. [I] peut prétendre à une indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d'un montant compris entre 1,5 et 7 mois de salaire.

Le salarié fait valoir que la non-remise d'un exemplaire de la convention l'a mis dans l'impossibilité d'en reprendre les termes pour le cas échéant se rétracter et illustre les difficultés d'exécution du contrat.

En considération des circonstances de la rupture et en l'absence de toute information sur l'existence d'un préjudice professionnel, la somme de 2 800 euros apparaît de nature à assurer la réparation du dommage subi.

3/ Sur les demandes au titre du temps de travail :

3-1/ Sur le repos hebdomadaire :

La convention collective, en son article 34, prévoit que pour les établissements ouverts 7 jours sur 7 ce qui est le cas de celui dans lequel travaillait M. [I], chaque salarié dispose de 2 jours de repos consécutifs. Il peut être dérogé à la règle des 2 jours de repos consécutifs sur accord des deux parties.

En l'espèce, il est constant que M. [I] ne bénéficiait que d'un jour de repos par semaine et aucune preuve n'est rapportée de ce qu'il avait donné son accord sur ce point. En effet, le seul fait de ne pas avoir formé de réclamation avant le 19 juillet 2020 ne permet pas de déduire un accord tacite de sa part, ce d'autant qu'il ne bénéficiait pas d'informations fiables, la convention collective affichée dans l'établissement, non applicable, étant moins favorable aux salariés en ce qu'elle ne prévoit pas deux jours de repos consécutifs.

L'employeur ne saurait échapper à sa responsabilité en mettant en avant une absence de réclamation du salarié ou son mode d'organisation qu'il lui appartient de mettre en accord avec les dispositions conventionnelles ou encore le paiement de primes pour « service seul ».

Portant atteinte à son droit au repos et à une vie de famille, ce manquement de l'employeur a causé un préjudice au salarié qui sera réparé par l'octroi d'une indemnité de 3 500 euros.

3-2/ Sur les demandes de rappel de congé :

L'article 37 de la convention collective dispose que « (') Le congé principal de 24 jours ouvrables peut être fractionné par l'employeur avec l'agrément du salarié, étant précisé que :

-12 jours ouvrables de ce congé (ou 10 jours ouvrés), compris entre deux repos hebdomadaires, sont obligatoirement pris en une seule fois, dans la période comprise entre le 1er mai et le 31 octobre ;

-les jours restants de ce même congé principal pris dans la période comprise entre le 1er novembre et le 30 avril ne donnent pas lieu à des jours supplémentaires pour fractionnement en application de la dérogation prévue à l'article L. 223-8 du code du travail, 4e alinéa, sauf si l'employeur a été amené à refuser au salarié de les prendre, par fraction ou en totalité, dans la période comprise entre le 1er mai et le 31 octobre. Si tel est le cas, il est attribué 2 jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé principal est au moins égal à 6 et un seul lorsqu'il est compris entre 3 et 5 jours ».

En l'espèce, l'employeur ne conteste pas que M. [I] avait droit à des congés supplémentaires en raison du fait qu'il lui a imposé un fractionnement de ses congés mais prétend avoir payé ce qu'il devait après déduction des créances prescrites par un chèque du 16 mars 2021 d'un montant de 312,31 euros.

Il ne produit cependant aucun décompte permettant de contredire utilement celui du salarié dont la réclamation se situe dans les limites de la prescription puisqu'elle ne porte que sur les trois années précédant la rupture du contrat de travail. Ainsi, au vu de la somme déjà réglée à ce titre, la société est encore débitrice de ce chef de la somme de 54,05 euros.

4/ Sur la demande au titre de la convention collective :

M. [I] soutient que l'affichage dans les locaux de l'entreprise de la convention collective des cafés hôtels restaurants alors que la convention collective applicable mentionnée sur le contrat de travail et les bulletins de paie était celle de la restauration rapide, plus favorable, l'a empêché de connaître et faire valoir ses droits.

L'employeur argue d'une simple erreur matérielle sans conséquence préjudiciable pour le salarié dès lors que celui-ci avait connaissance de la convention collective applicable et appliquée dans l'entreprise.

Il est constant que la convention collective affichée dans les locaux de l'entreprise était celle des cafés hôtels restaurants au lieu de celle de la restauration rapide effectivement applicable. Or, la première est moins favorable aux salariés que la seconde à certains égards, notamment s'agissant des congés exceptionnels pour événements familiaux, jours de repos et conditions d'accès à l'échelon 1 du niveau 2.

Nonobstant l'absence de preuve d'un élément intentionnel de la part de l'employeur, cette « erreur », dès lors qu'elle s'est accompagnée de plusieurs manquements dans l'application de la convention collective applicable, a causé un préjudice au salarié en l'induisant en erreur sur la réalité de ses droits qu'il n'a pu faire valoir en temps et heures et qui, pour une part, se heurtent désormais à la prescription.

Il convient donc, par infirmation du jugement, de condamner la société à payer à M. [I] la somme de 1 000 euros de ce chef.

5/ Sur l'appel incident de la société s'agissant des jours fériés :

L'article 40 de la convention collective applicable prévoit que « Le personnel présent dans l'entreprise depuis plus de 10 mois bénéficiera des jours fériés légaux. Ces jours seront, au choix de l'employeur, soit rémunérés, soit compensés en temps.

En cas d'absence du salarié un jour férié, aucune compensation n'est due. Lorsque le repos hebdomadaire est pris habituellement à jour fixe, il ne pourra être déplacé sur le jour férié sans l'accord exprès du salarié concerné.

La journée du 1er Mai est régie par la réglementation en vigueur et n'est pas comprise dans les journées susmentionnées ».

En application de ce texte, lorsque le salarié travaille un jour férié, l'employeur doit soit le payer double, soit lui permettre de récupérer cette journée.

La société fait valoir qu'ayant exécuté le jugement qui mérite infirmation de ce chef en l'absence de manquement de sa part, le salarié doit lui restituer un indu de 1 992,27 euros.

M. [I] expose qu'il a perçu, à juste titre, la somme de 1 992,77 euros en exécution du jugement de ce chef qui a considéré que la société n'avait jamais compensé les jours fériés travaillés.

Or, à la lecture des bulletins de paie et des feuilles d'heures, il apparaît que certains jours fériés ont fait l'objet d'un paiement majoré pour lesquels M. [I] a donc été rempli de ses droits et que d'autres n'ont pas été travaillés qui n'avaient à être ni payés ni compensés de sorte que la société était en réalité débitrice de la somme de 259,13 euros pour la période considérée. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1 992,77 euros de ce chef.

L'infirmation du jugement vaut titre de restitution par le salarié de la somme de 1 733,64 euros.

6/ Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de fixation du salaire moyen qui est sans objet.

Les condamnations de nature salariale, la demande en étant faite, porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation par application de l'article 1231-7 du code civil.

Les demandes de nature indemnitaire portent intérêts de plein droit au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre au salarié une attestation France travail, un certificat de travail et un bulletin de paie rectifiés pour tenir compte du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette obligation d'une astreinte.

La société, qui perd le procès, sera condamnée aux dépens et à payer à M. [I] la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement et la société Montdi pizza de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société Montdi pizza à payer à M. [I] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité de la rupture conventionnelle du 12 septembre 2020,

Dit, en conséquence, que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Montdi pizza payer à M. [E] [I] les sommes de :

3 663,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 366,65 euros au titre des congés payés afférents,

2 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos hebdomadaire,

54,05 euros au titre de l'indemnité de congé supplémentaire pour fractionnement,

259,13 euros au titre de la compensation des jours fériés,

1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'affichage de la convention collective applicable,

Dit que les condamnations de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et rappelle que les demandes de nature indemnitaire portent intérêts de plein droit au taux légal à compter de la décision qui les prononce,

Ordonne à la société Montdi pizza de remettre à M. [I] une attestation France travail, un certificat de travail et un bulletin de paie rectifiés pour tenir compte du présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Rappelle que l'infirmation du jugement sur le quantum de l'indemnité au titre de la compensation des jours fériés vaut titre de restitution par M. [I] à la société Montdi pizza de la somme de 1 733,64 euros,

Condamne la société Montdi pizza à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés devant la cour,

Rejette toute autre demande

Condamne la société Montdi pizza aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/02686
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.02686 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award