ARRET
N°
Association APEI
C/
[D]
copie exécutoire
le 04 septembre 2024
à
Me CARPENTIER
Me BASTIN
EG/IL/
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024
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N° RG 23/03161 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I2ME
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 10 JUILLET 2023 (référence dossier N° RG 22/00037)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Association APEI
A l'attention de Madame [U]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée, concluant et plaidant par Me Nathalie CARPENTIER de la SCP ANAJURIS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
ET :
INTIMEE
Madame [M] [D] épouse [R]
née le 11 Août 1968 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
comparante en personne,
assistée, concluant et plaidant par Me Anne-sophie BASTIN, avocat au barreau de LILLE
DEBATS :
A l'audience publique du 03 juillet 2024, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
- Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,
- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 04 septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 04 septembre 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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* *
DECISION :
Mme [D], épouse [R], née le 11 août 1968, a été embauchée à compter du 3 novembre 2008 par l'association APEI les papillons blancs (l'association ou l'employeur) dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'éducatrice spécialisée.
Elle a été affectée à l'ESAT « l'Envol » à compter du 9 décembre 2013.
Le 16 septembre 2021, son contrat de travail a été suspendu en raison du non-respect de ses obligations vaccinales résultant de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.
Ayant contracté la covid 19 le 1er avril 2022, la salariée a repris ses fonctions durant 4 mois, à compter du 14 avril 2022, grâce à un certificat de rétablissement.
A la suite d'une période de congés payés, le contrat de travail a de nouveau été suspendu le 30 août 2022.
Ayant contracté la covid 19 le 23 novembre 2022, elle a repris le travail le 5 décembre 2022 pour voir son contrat de travail à nouveau suspendu du 23 mars au 15 mai 2023, date de fin de l'obligation vaccinale.
Ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin le 14 avril 2022.
Par jugement du 10 juillet 2023, le conseil a :
- débouté Mme [R] de sa demande de nullité de la suspension du contrat de travail ;
- débouté Mme [R] de sa demande de réintégration sous astreinte ;
- débouté Mme [R] de ses demandes de rétablissement de salaire, primes et de congés payés ;
- débouté Mme [R] de sa demande relative à son reclassement temporaire pour motif médical et de ses conséquences indemnitaires ;
- débouté Mme [R] de sa demande supplétive de résiliation judicaire et de ses conséquences indemnitaires ;
- condamné l'APEI au paiement de 31 125,36 euros à titre de dommage et intérêts ;
- condamné l'APEI au versement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- condamné l'APEI au versement des intérêts légaux à effet du 3 juin 2022 au bénéfice de Mme [R] ;
- débouté les parties des autres demandes.
L'association APEI, régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 octobre 2023, demande à la cour de :
- la juger recevable et bien fondée en son appel ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [R] :
- de sa demande de nullité de la suspension du contrat de travail ;
- de sa demande de réintégration sous astreinte ;
- de ses demandes de rétablissement de salaires, primes et de congés payés ;
- de sa demande de reclassement temporaire pour motif médical et de ses conséquences indemnitaires ;
- de sa demande supplétive de résiliation judiciaire et de ses conséquences indemnitaires ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- l'a condamnée au paiement des sommes suivantes :
* 31 125,36 euros à titre de dommages et intérêts ;
*3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
*des intérêts légaux à effet du 3 juin 2022 ;
- l'a déboutée de sa demande à hauteur de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [R] de sa demande de condamnation à lui payer 31 125,36 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices moraux et psychologiques endurés et d'article 700 du code de procédure civile, au paiement des dépens et à l'application des intérêts au taux légal ;
- condamner Mme [R] à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et aux entiers dépens de 1ère instance ;
En tout état de cause,
- condamner Mme [R] à lui payer 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens d'appel.
Mme [R], par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 novembre 2023, demande à la cour de :
- infirmer et donc réformer le jugement en ce qu'il n'a pas :
- prononcé l'annulation de la 1ère décision de suspension du contrat de travail, au regard de l'absence de motivation de cette décision ;
- prononcé sa réintégration immédiate au poste occupé d'éducatrice spécialisée avant le 16 septembre 2021, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification du jugement ;
Ou en ce qu'il n'a pas :
- prononcé sa réintégration immédiate, après une visite médicale auprès de la médecine du travail pour voir prononcer son inaptitude médicale temporaire et l'obligation de son reclassement temporaire par l'APEI, jusqu'à sa réintégration définitive, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement ;
Et en ce qu'il n'a pas :
- condamné l'APEI au rétablissement et au versement de ses salaires et accessoires, sur les périodes non indemnisées, depuis la date de suspension, soit le 16 septembre 2021, jusqu'à sa date de réintégration, ou tant que la mesure de suspension est effective et non indemnisée, soit la somme de 2 593,78 euros brut par mois, + 10 % d'ICP : 259, 37 euros par mois, sauf à établir les comptes ;
- accordé la capitalisation des intérêts prononcés ;
- l'a déboutée de ses autres demandes (autres que la prime Macron) ;
- confirmer le jugement en ce qu'il :
- a condamné l'APEI à lui verser les sommes suivantes :
31 125, 36 euros à titre de dommages et intérêts ;
3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- a condamné l'APEI au versement des intérêts légaux, à effet du 3 juin 2022 ;
- l'a déboutée de sa demande au titre de la prime Macron ;
- a débouté l'APEI de ses autres demandes ;
Statuant à nouveau,
- annuler les 3 mesures de suspension de son contrat de travail, au regard de l'absence de motivation de ces décisions ;
- annuler les 3 mesures de suspension de son contrat de travail compte tenu de leur illégalité sur le fond ;
- confirmer les dommages et intérêts prononcée en 1ère instance, sur la base de l'ensemble des motifs soulevés au fond au corps des présentes ;
- condamner l'APEI au rétablissement et au versement de ses salaires et accessoires, sur les périodes non indemnisées, depuis la 1ère date de suspension, soit le 16 septembre 2021, jusqu'à sa date de réintégration, soit la somme de 2 593, 78 euros brut par mois, + 10 % d'ICP : 259, 37 euros par mois, sauf à établir les comptes ;
- condamner l'employeur à la capitalisation des intérêts prononcés ;
- condamner l'employeur à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS
Au préalable, la cour constate que bien que la salariée développe des moyens au soutien d'une demande de réintégration et de reclassement temporaire pour motif médical, elle ne forme aucune prétention à ce titre dans le dispositif de ses dernières conclusions.
Le jugement ne pourra donc qu'être confirmé de ces chefs en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.
1/ Sur la demande d'annulation des suspensions du contrat de travail
Mme [R] soutient, en substance, que les décisions de suspension de son contrat de travail :
1- ne sont pas motivées alors qu'elles lui font griefs,
2- ont été prises sans respect de l'obligation d'entretien prévue par la loi et en violation de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986,
3- sont manifestement illicites en ce que ce cas de suspension non prévu par le code du travail doit s'analyser en une sanction disciplinaire irrégulière et injustifiée ou en une sanction pécuniaire prohibée,
4- lui causent un dommage grave par la privation immédiate pour une durée indéterminée de son salaire,
5- ont porté une atteinte grave à sa liberté de travailler, d'entreprendre ainsi qu'à l'égalité entre salariés et au principe de non-discrimination sans respecter l'objectif de santé publique,
6- ont porté une atteinte disproportionnée au regard de l'enjeu poursuivi à son droit à subvenir aux besoins de sa famille,
7- ont porté atteinte à sa liberté de consentir à la vaccination et au secret médical,
Elle ajoute qu'étant demeuré à la disposition de son employeur, elle devait percevoir son salaire.
L'employeur répond qu'il est soumis à une obligation de sécurité à l'égard du public vulnérable accueilli et de son personnel et qu'il devait respecter la loi du 5 août 2021 applicable aux établissements médico-sociaux en matière de vaccination du personnel qui instaurait un nouveau cas de suspension du contrat de travail avec suspension de la rémunération.
Il ajoute qu'après plusieurs entretiens infructueux, la suspension du contrat de travail a été notifiée par courrier dûment motivé, que l'obligation d'entretien après 3 jours de suspension ne concerne que le pass sanitaire et non le pass vaccinal, que des alternatives ont été proposées à la salariée qui les a refusées, et que le reclassement ou l'adaptation du poste n'était pas envisageable à défaut de disposer d'établissements non soumis à l'obligation vaccinale et au regard de la nature des fonctions de la salariée.
L'article 12 de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dispose notamment :
I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19
1° Les personnes exerçant leur activité dans :
k) Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d'un contrat de soutien et d'aide par le travail mentionné au dernier alinéa de l'article L. 311-4 du même code ;
IV. - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, peut, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie des catégories de personnes mentionnées au I, l'obligation prévue au même I.
L'article 13 de cette loi prévoit notamment que :
I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent :
1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12.
Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent
2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité.
II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics.
Les personnes mentionnées au I de l'article 12 peuvent transmettre le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication mentionnés au I du présent article au médecin du travail compétent, qui informe l'employeur, sans délai, de la satisfaction à l'obligation vaccinale avec, le cas échéant, le terme de validité du certificat transmis.
V. - Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité.
L'article 14 de cette loi dispose notamment que :
I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret.
B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12.
Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret.
II. - Lorsque l'employeur constate qu'un salarié ne peut plus exercer son activité en application du I du présent article, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu.
La suspension mentionnée au premier alinéa du présent II, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.
Cette loi instaure une interdiction d'exercer à l'égard des professionnels qui ne présentent pas les justificatifs requis en termes de vaccination, contre-indication à la vaccination ou immunité ainsi qu'une obligation de contrôle de ces justificatifs à l'égard de l'employeur pour les salariés, et impose la suspension du contrat de travail en cas de non-présentation de ces justificatifs.
Selon l'article L.312-1 5° du code de l'action sociale et des familles, sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements ou services d'aide par le travail et de réadaptation, pré-orientation et rééducation professionnelle.
En l'espèce, il est constant que Mme [R] n'ayant pas souhaité se faire vacciner contre l'affection de la covid 19 alors qu'elle exerçait au sein d'un ESAT, établissement médico-social soumis aux dispositions précitées, son contrat de travail a été suspendu du 16 septembre 2021 au 13 avril 2022, du 30 août au 4 décembre 2022, et du 23 mars au 15 mai 2023.
Il ne saurait être reproché à l'employeur de ne pas avoir motivé les courriers de notification de ces suspensions alors que ces derniers rappellent la note de service ayant informé les salariés des dispositions légales applicables, constatent que la salariée n'a pas présenté les justificatifs requis, et actent la suspension du contrat de travail et de la rémunération de Mme [R] jusqu'à régularisation.
De même, si l'absence dans la loi d'obligation d'entretien pour le pass vaccinal alors qu'elle est prévue pour le pass sanitaire pose la question d'une omission involontaire au regard notamment de l'avis du 20 juillet 2021 du Conseil d'Etat saisi du projet de loi préconisant la convocation à un tel entretien également pour le pass vaccinal, l'employeur justifie avoir examiné avec la salariée, soit préalablement soit dans la semaine suivant la notification de la suspension, les possibilités permettant de remédier à l'absence de rémunération par la prise de jour de récupération ou de congés.
Dès lors, il ne saurait lui être reproché un quelconque manquement à ce titre, étant précisé que la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière n'est pas applicable à Mme [R], salariée du secteur privé.
L'ensemble des établissements gérés par l'employeur étant soumis à l'obligation vaccinale des salariés et les fonctions d'éducatrice spécialisée de Mme [R] nécessitant une présence sur site pour l'accompagnement des personnes prises en charge, aucune option d'aménagement temporaire du poste permettant d'éviter la suspension du contrat de travail n'était envisageable.
L'employeur ayant régulièrement mis en 'uvre les dispositions légales qui s'imposaient à lui, la suspension du contrat de travail fondée sur ces dispositions spécifiques ne peut être analysée en une sanction disciplinaire ou pécuniaire déguisées.
L'obligation vaccinale s'imposant à la salariée et non à l'employeur qui n'est chargé par la loi que d'en vérifier le respect et d'en tirer les conséquences, Mme [R] ne peut prétendre qu'elle s'est tenue à la disposition de son employeur alors qu'elle a fait le choix de se voir interdire l'exercice de ses fonctions par l'effet de la loi entraînant de facto la suspension de son contrat de travail et de sa rémunération.
Nonobstant l'ampleur des difficultés financières engendrées par ce choix, l'employeur qui n'a fait que constater l'absence de vaccination et acter la suspension du contrat de travail et du salaire conformément à la loi ne saurait être tenu pour responsable.
Concernant le non-respect des principes de non-discrimination et d'égalité entre les salariés prévus par le code du travail, Mme [R] se limitant à les invoquer sans préciser en quoi elle estime que l'employeur les a méconnus, ce moyen ne peut être retenu.
Le droit de ne pas consentir au vaccin en vertu de l'article L.1111-4 du code de la santé publique et le respect du secret médical prévu par les articles L.1110-4 et -7 du même code ainsi que L.4624-8 du code du travail n'ont pas plus étaient méconnus dans la mesure où Mme [R] est restée libre de ne pas se faire vacciner, et où l'article 13 de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 ne permet l'accès de l'employeur qu'au certificat de statut vaccinal, au certificat de rétablissement, et au certificat médical de contre-indication, les salariés pouvant faire le choix de transmettre ces deux derniers certificats, contenant plus de données médicales, au médecin du travail compétent, qui informe l'employeur du fait que l'obligation a été satisfaite.
Par ailleurs, le fait d'invoquer la jurisprudence prud'homale « en faveur des soignants » comme l'un des fondements de la demande et non comme illustration d'un raisonnement juridique développé par la salariée ne saurait être considéré comme un moyen pertinent alors d'une part que ces décisions ne s'imposent pas à la cour, et d'autre part qu'il appartient au demandeur d'articuler ses moyens en fait et en droit conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.
La cour relève que pour le surplus, la salariée ne fait que remettre en cause ce qu'elle considère comme une décision de l'employeur en invoquant le non-respect de divers textes constitutionnels et conventionnels sans attaquer explicitement la conformité de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 au regard de ces textes et alors que le Conseil constitutionnel (décision n°2021-824 DC du 5 août 2021) s'est prononcé sur la constitutionnalité de l'article 14 I A du projet de loi sans remettre en cause les articles 12, 13, 14 I B et II de la loi.
A défaut de moyens tendant à ce que cette loi soit écartée, le dispositif législatif en cause n'accordant aucune marge d'appréciation à l'employeur pour tirer les conséquences d'un défaut de vaccination de la salariée non fondé sur un certificat médical de contre-indication, seule une mauvaise application de ce dispositif ou d'une autre disposition législative valablement invoquée pourrait conduire à l'annulation des suspensions de contrat de travail que l'employeur n'a fait que constater.
La cour n'ayant retenu aucun manquement de l'employeur dans l'application des dispositions de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 ou des autres dispositions législatives valablement invoquées, il convient de rejeter la demande d'annulation des suspensions du contrat de travail et la demande de rappel de salaire subséquente par confirmation du jugement entrepris.
2/ Sur la demande de dommages et intérêts
L'employeur fait valoir qu'il ne peut être tenu pour responsable du préjudice résultant de l'application de la loi, qu'il a proposé des alternatives à la salariée, qu'il ne pouvait la reclasser car l'ensemble de son personnel relevait de l'obligation vaccinale et que les fonctions de cette dernière ne permettaient pas la mise en place du télétravail.
Mme [R] se réfère à la motivation du conseil de prud'hommes qui a fait droit à sa demande de dommages et intérêts aux motifs que l'employeur devait dans le cadre de l'exécution loyale du contrat de travail et de la priorité du maintien de l'emploi explorer des solutions possibles afin d'assumer la poursuite du contrat de travail.
En l'espèce, l'employeur n'ayant commis aucune faute dans la mise en 'uvre de la loi comme précédemment développé, c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la salariée.
3/ Sur les demandes accessoires
Mme [R] succombant en ses demandes, il convient d'infirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais de procédure, et de mettre les dépens d'appel à sa charge.
L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné l'APEI à payer à Mme [R] des dommages et intérêts et des frais de procédure avec intérêts légaux ainsi que les dépens de l'instance,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Mme [M] [D] épouse [R] de sa demande de dommages et intérêts,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne Mme [M] [D] épouse [R] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.