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04/09/2024 | FRANCE | N°23/04112

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 septembre 2024, 23/04112


ARRET







S.A.S. CHAUSSEA





C/



[T]































































copie exécutoire

le 04 septembre 2024

à

Me DUMUR

Me BERIOU

EG/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024



***

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N° RG 23/04112 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I4H6



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 14 SEPTEMBRE 2023 (référence dossier N° RG F 22/00088)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. CHAUSSEA agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siè...

ARRET

S.A.S. CHAUSSEA

C/

[T]

copie exécutoire

le 04 septembre 2024

à

Me DUMUR

Me BERIOU

EG/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024

*************************************************************

N° RG 23/04112 - N° Portalis DBV4-V-B7H-I4H6

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 14 SEPTEMBRE 2023 (référence dossier N° RG F 22/00088)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. CHAUSSEA agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

concluant par Me Frédérique DUMUR de la SARL ILIADE AVOCATS, avocat au barreau de METZ

représentée et plaidant par Me Hélène CAMIER de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

Madame [C] [T]

née le 28 Juin 1986 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en personne,

assistée, concluant et plaidant par Me Jeremie BERIOU de la SELARL HORME AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX

DEBATS :

A l'audience publique du 03 juillet 2024, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 805 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme Eva GIUDICELLI en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l'arrêt sera prononcé le 04 septembre 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 septembre 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [T], née le 28 juin 1986, a été embauchée à compter du 3 octobre 2010 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société Compagnie européenne de la chaussure.

Le contrat de travail a été transféré à la société la Halle le 1er janvier 2019, puis à la société Chaussea (la société ou l'employeur) le 15 juillet 2020.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [T] occupait le poste de directrice de magasin.

La société Chaussea compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle du commerce succursaliste de la chaussure.

Par courrier du 25 novembre 2021, Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire, fixé au 7 décembre 2021.

Le 17 décembre 2021, elle a été licenciée pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil le 4 mai 2022.

Par jugement du 14 septembre 2023, le conseil a :

- jugé le licenciement de Mme [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- fixé la moyenne des salaires de Mme [T] à 2 795,17 euros brut ;

- condamné la société Chaussea à verser à Mme [T] les sommes suivantes :

- 8 074,94 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 8 385,51 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 838,55 euros au titre des congés payés afférents ;

- 18 168,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné le remboursement par la société Chaussea aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [T] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de deux mois dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du code du travail ;

- rappelé que les sommes à caractère salarial produisaient intérêts au taux à compter de la signature par le défendeur de l'avis de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation soit le 9 mai 2022 ;

- rappelé que les dommages et intérêts produisaient des intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition au greffe du jugement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R.1454-14 et 15 du code du travail selon laquelle la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par les articles R.1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R.1454-28 ;

- débouté Mme [T] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société Chaussea de ses demandes plus amples et contraires ;

- condamné la société Chaussea aux dépens.

La société Chaussea, régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 juin 2024, demande à la cour de :

- recevoir son appel et le dire bien fondé ;

- rejeter l'appel incident de Mme [T] puisque mal fondé ;

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- a jugé le licenciement de Mme [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- a fixé la moyenne des salaires de Mme [T] à 2 795,17 euros brut ;

- l'a condamnée à verser à Mme [T] :

* 8 385,51 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 838,55 euros brut à titre de congés y afférents ;

* 8 074,94 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

* 18 168,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux dépens ;

- le confirmer en ce qu'il a débouté Mme [T] du surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

- dire que le licenciement pour faute grave notifié le 17 décembre 2021 à Mme [T] est régulier et bien fondé ;

Subsidiairement,

- dire qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- débouter Mme [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [T] à lui verser 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Mme [T], par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2024, demande à la cour de :

- dire et juger mal fondée en son appel la société Chaussea ;

En conséquence,

- débouter la société Chaussea de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris concernant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Chaussea à lui verser les sommes de :

- 8 385,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 838,55 euros au titre des congés payés afférents ;

- 8 074,94 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- confirmer encore le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Chaussea à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais l'infirmer sur le quantum ;

Et, statuant à nouveau,

- condamner la société Chaussea à lui payer la somme de 29 349,29 euros à titre d'indemnité pour licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse ;

- dire et juger que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société défenderesse en bureau de conciliation et d'orientation ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la société Chaussea à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux éventuels dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce.

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée comme suit :

« Par lettre remise en main propre le jeudi 25 novembre 2021, nous vous avons convoquée à un entretien le mardi 07 décembre 2021 à 11h00, avec Monsieur [G] [X], Directeur des Ventes, sur le magasin de [Localité 6] auquel vous n'avez pas souhaité être accompagnée.

Nous vous informons de notre décision de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants :

Par courriel anonyme du lundi 15 novembre 2021, un de vos collaborateurs à décrit à l'ensemble des magasins CHAUSSEA ainsi qu'à la direction une situation particulièrement préoccupante sur le magasin de [Localité 5] que vous avez sous votre direction dans le cadre d'une mission.

Une enquête a donc été diligentée afin de mettre en lumière la véracité des faits. Dans un premier temps, le mardi 16 novembre 2021 par votre Directeur des Ventes, Monsieur [G] [X], puis le mercredi 17 novembre 2021 par Monsieur [Z] [R], Directeur des Ressources Humaines et Madame [N] [E], Secrétaire du CSSCT. Ainsi il ressort de l'enquête plusieurs manquements de votre part qui ont contribué à instaurer un mal-être au travail pour vos collaborateurs.

Tout d'abord il ressort de cette enquête que le samedi 23 octobre au soir, lors de la fermeture du magasin, vous avez participé à une altercation qui a eu lieu sur le parking du point de vente. En effet, suite à un différend ayant eu lieu dans la journée entre vos deux premiers vendeurs, un d'entre eux, Monsieur [L] [Y], vous a informé de son intention d'en découdre le soir même. Ainsi alors que vous étiez en congé au moment des faits, vous vous êtes présentée sur le parking du magasin accompagnée de votre mari afin « d'apaiser les esprits ». Cependant, lors de votre arrivée vous avez adopté une attitude agressive à l'égard d'un de vos premiers vendeurs, Monsieur [J] [M], vous lui avez notamment dit « toi tu fermes ta gueule et tu me rends les clefs », lors de cet esclandre, Monsieur [J] [M], s'est fait violemment agresser verbalement par vous et Monsieur [L] [Y], qui lui a dit « « je vais niquer ta mère, ta grand-mère ». Ce dernier a même tenté d'en venir aux mains mais forte heureusement votre compagnon est intervenu pour l'en empêcher.

En agissant de la sorte, en plus de prononcer des propos vexatoires, vous avez toléré qu'un de vos premiers vendeurs puisse agresser un autre sans que cela fasse l'objet d'une sanction. Votre inaction à contribuer à créer un climat de peur et une perte de confiance de la part de l'équipe et ce n'est pas acceptable.

Pire encore, il s'avère que vous avez demandé à l'équipe de ne pas faire part de ces problèmes relationnels lors de la visite de la direction qui a eu lieu la semaine suivante. Une fois encore, vous tenter de couvrir une situation qui est inacceptable au regard de vos collaborateurs qui se sont retrouvés impuissants face à l'attitude déplorable de votre premier vendeur. De surcroit, vous auriez également demandé à une collaboratrice de ne pas porter de legging lors du passage de votre hiérarchie sur le point de vente en raison de sa morphologie. Une fois encore vous vous rendez responsable de faits très graves puisqu'il s'agit de propos manifestement discriminatoires. Il ressort également que la veille du passage de votre direction vous aurez fait travailler plusieurs de vos collaborateurs jusqu'à 3 heures du matin, or cela va à l'encontre des règles légales de durée de travail et des obligations qui vous incombent puisqu'en tant que directrice de magasin vous devez impérativement veiller au respect de la législation relative au temps de travail.

Mais ce n'est pas tout, il nous a été révélé que vous avez attendu la visite de la direction pour mettre à jour le registre du personnel et faire signer le règlement intérieur alors que les fonctions RH / management d'une directrice de magasin comportent l'application de la législation sociale basique.

Au-delà de ce management et attitude inacceptable de la part d'une Directrice de Magasin qui encadre des salariés, vous vous êtes également permis d'enfreindre les usages applicables au sein de la société puisque vous avez embauché Monsieur [P] [A] alors qu'il s'agissait du compagnon de votre premier vendeur, Monsieur [L] [Y]. Ce manquement est d'autant plus regrettable que cette liaison est à l'origine de l'animosité présente sur le magasin, et notamment de l'altercation qui a eu lieu entre vos deux premiers vendeurs le samedi 23 octobre 2021.

Lors de votre entretien en date du 7 décembre 2021 vous avez expliqué à votre Directeur des Ventes que vous vous êtes rendue sur le parking du magasin afin de mettre un terme au conflit et que vos propos envers votre premier vendeur avaient pour unique but de prendre le dessus sur la conversation, or en tant que manager il ne vous appartient pas d'avoir de telles paroles à l'égard de votre équipe. Par ailleurs, vous avez confirmé l'altercation qu'il y a eu le samedi 23 octobre entre vos deux premiers vendeurs, vous avez également expliqué que le jeudi 28 octobre vous avez travaillé jusqu'à minuit avec 3 autres membres de l'équipe, et jusqu'à 2h30 du matin avec deux de vos collaborateurs le samedi 30 octobre 2021. Quant au registre du personnel et au règlement intérieur qui ne sont pas à jour vous avez expliqué que votre Directrice Régionale vous avez demandé de vérifier ces éléments avant la venue de la direction et que vous avez mis à jour ces documents à ce moment-là. De plus, vous avez indiqué ne pas avoir connaissance de la liaison entre vos collaborateurs lors du recrutement de M. [P] [A], pourtant les documents d'embauche qu'il vous a fourni mentionnent une adresse identique à celle de votre premier vendeur. Pour conclure, vous avez précisé "avoir tout fait dans les règles", vous dites ne pas avoir été accompagnée dans votre mission de Directrice de Magasin. Ainsi, il ressort de vos dires que vous ne vous remettez pas en question, vous ne semblez pas prendre conscience des répercussions de votre comportement sur l'ambiance globale au sein de l'équipe.

En agissant ainsi, vous avez manqué aux dispositions l'article L1152-1 du Code du travail qui précise que : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.». En tant que directrice de magasin vous êtes tenue de prévenir immédiatement et par écrit la direction de toute faute significative de l'un des salariés. Enfin, vous avez eu une attitude déplacée, indigne d'une directrice de magasin et qui a porté atteinte à la santé et sécurité de vos collaborateurs en tentant de dissimuler l'attitude dangereuse de votre premier vendeur.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement.»

L'employeur se prévaut notamment du compte-rendu d'entretien préalable établi par le directeur des ventes qui l'a mené, du rapport d'enquête interne confié à la secrétaire du CSSCT, élue syndicale, et des échanges avec la directrice régionale pour établir les griefs invoqués justifiant le licenciement pour faute grave de la salariée.

Mme [T] conteste le caractère probatoire du compte-rendu d'entretien préalable et du rapport d'enquête produits rappelant qu'elle a toujours nié la version des faits présentée par la direction, qu'elle ne disposait pas du pouvoir de sanction dévolu à la directrice régionale dument informée de la situation et qu'elle n'était en charge du magasin de [Localité 5] qu'à titre temporaire depuis quelques semaines en plus du magasin du [Localité 6].

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

C'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.

Le doute profite au salarié.

En l'espèce, pour preuve de la matérialité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, l'employeur ne produit qu'un courriel anonyme du 15 novembre 2021 du magasin de [Localité 5] à la direction, un compte-rendu d'enquête interne du 18 novembre 2021 signé par M. [R], directeur des ressources humaines, M. [X], directeur des ventes, et Mme [E], membre du CSSCT, et un compte-rendu d'entretien préalable établi et transmis à sa hiérarchie par M. [X] le 7 décembre 2021.

Mme [T] contestant la matérialité des faits qui lui sont reprochés, il convient d'apprécier la force probante de ces pièces.

S'il pouvait justifier le déclenchement d'une enquête interne, le courriel anonyme du 15 novembre 2021 ne saurait valoir preuve des faits qu'il dénonce.

De même, s'il ressort du compte-rendu d'enquête interne du 18 novembre 2021 que les investigations ont été menées par trois personnes, dont deux membres de la direction et une représentante du personnel, ce qui est un gage d'objectivité, le cadre des auditions réalisées n'est pas clair, certaines personnes semblant avoir été entendues à deux reprises, d'autres une seule fois, tantôt par M. [X] seul, tantôt par Mme [E] seule, tantôt par M. [R] et Mme [E], par téléphone et au magasin.

A défaut de reprise des déclarations ainsi retranscrites dans des attestations signées par chacun des témoins entendus, ce manque de rigueur dans la tenue des investigations conduit à écarter la force probante de ce document.

Enfin, le compte-rendu d'entretien préalable établi par le seul représentant de l'employeur à cet entretien est également dépourvu de force probante à défaut d'approbation de son contenu par la salariée concernée.

Il en résulte que l'employeur ne verse aux débats aucun élément probant permettant de démontrer la matérialité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement.

Le licenciement de Mme [T] doit donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse par confirmation du jugement entrepris.

L'employeur demandant l'infirmation du chef de jugement fixant la moyenne des salaires sans exposer aucun moyen pour ce faire, la cour ne peut que confirmer le jugement entrepris sur ce point en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Le jugement est confirmé quant aux indemnités de rupture accordées dont le quantum n'est pas utilement critiqué par l'employeur.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de l'absence d'élément sur sa situation professionnelle depuis son licenciement, de son ancienneté dans l'entreprise (11 ans) et de l'effectif de celle-ci, la cour estime que le conseil de prud'hommes a justement indemnisé le préjudice subi.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

2/ Sur les demandes accessoires

L'employeur succombant en son appel, il convient de confirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais irrépétibles, et de le condamner aux dépens d'appel.

L'équité commande de la condamner à payer à la salariée 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

Sa demande de ce chef est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Chausséa à payer à Mme [C] [T] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Chausséa aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/04112
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.04112 ?
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