COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 15 DU VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE HUIT
AFFAIRE No : 05 / 01083
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'Hommes de POINTE A PITRE du 19 avril 2005, section encadrement.
APPELANT
Monsieur Emile X...
...
97160 LE MOULE
Représenté par Me Claude CHRISTON, substituant Me Jamil HOUDA (TOQUE 29) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
INTIMÉE
SA SOCIETE D'ELEVAGE DU NORD DE LA GRANDE TERRE
Lalanne
BP 3
97117 PORT LOUIS
Représentée par Me John Sylvanus DAGNON (TOQUE 41) (avocat au barreau de la GUADELOUPE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2007, en audience publique, mise en délibéré au 21 Janvier 2008, devant la Cour composée de :
M. Guy POILANE, Conseiller, Président,
M. Hubert LEVET, Conseiller,
Mme Isabelle ORVAIN, Conseillère,
qui en ont délibéré.
GREFFIER lors des débats : M. Michel PANTOBE, Greffier du Premier Grade
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé en audience publique le 21 Janvier 2008, signé par M. Guy POILANE, Conseiller, Président, et par Mme Marie-Anne CHAIBRIANT, Adjointe Administrative faisant fonction de Greffier, serment préalablement prêté, présent lors du prononcé.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Par un arrêt contradictoire et avant-dire droit en date du 24 septembre 2007, la cour de céans a procédé à une réouverture des débats en invitant Emile X... à verser aux débats la lettre de convocation à l'entretien préalable du 18 octobre 2000, la lettre de licenciement du 31 octobre 2000 et les enveloppes des envois recommandés correspondants.
Il est fait expressément référence à l'exposé des faits et de la procédure tel qu'il résulte de cet arrêt pour la poursuite de l'examen de ce dossier.
Par des conclusions notifiées à la partie adverse le 2 octobre 2007 puis déposées et soutenues lors de l'audience, Emile X... demande à la cour de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures en expliquant qu'il n'a " pu retrouver " les originaux des documents
sollicités ; qu'il n'a pas conservé les enveloppes ; que les documents ont été remis à l'ASSEDIC il y a sept ans.
La société D'ELEVAGE DU NORD DE LA GRANDE TERRE, pour sa part, ne conclut pas à nouveau et s'en remet à ses précédentes écritures déposées le 19 juin 2006.
Les moyens de fait et de droit soutenus par les parties dans les écritures visées ci-dessus et dans l'arrêt avant-dire droit seront repris par la cour dans l'exposé des motifs qui va suivre.
SUR CE :
Vu le dossier de la procédure et les éléments régulièrement versés aux débats.
Sur la rupture du contrat de travail :
Il n'est pas contesté par la société S. E. N. G. T. que l'appelant a été engagé par elle, suivant un contrat de travail écrit en date de " septembre 1987 ", sans autre précision, en qualité de " directeur de l'exploitation d'élevage ".
Pour justifier de la rupture de ce contrat de travail, Emile X... verse seul aux débats une lettre de convocation à un entretien préalable à son licenciement pour des raisons économiques en date du 18 octobre 2000, fixé au 25 octobre 2000 à 17 heures. Cette lettre mentionnant qu'elle est adressée en recommandé avec avis de réception n'est pas signée.
Le salarié-seul-verse également aux débats une lettre de licenciement en date du 31 octobre 2000 énonçant en ces termes la cause économique qui aurait été retenue : " restructuration de l'entreprise avec diminution des charges, notamment salariales suite aux pertes cumulées de l'entreprise ". Cette lettre ne porte également aucune signature.
Dans ses écritures, l'employeur dénie avoir procédé au licenciement.
Emile X..., pour sa part, a adressé à son employeur, par le truchement de son conseil, une lettre recommandé avec avis de réception (versé aux débats et signé par l'employeur) en date du 25 juin 2002, par laquelle il est considéré qu'il prend acte de la rupture de son contrat de travail à la date du 31 octobre 2000 " à l'initiative de la société
S. E. G. T. " et reproche à cette dernière de ne pas s'être acquitté de ses obligations contractuelles, mettant en évidence une créance non détaillée de 72 072, 95 €. Cette lettre, au vu des éléments du dossier n'a pas reçu de réponse, ce qui a conduit le salarié à saisir la juridiction prud'homale quant aux conséquences de la rupture, le 2 octobre 2003, soit trois années après l'envoi présumé de la lettre de licenciement.
En raison de l'irrégularité affectant la procédure de licenciement dans son ensemble dans la période précédant le 31 octobre 2000, la rupture du contrat de travail est considérée comme effective à cette date mais en écartant les lettres de convocation à l'entretien préalable du 18 octobre 2000 et celle de licenciement du 31 octobre 2000, sans que la preuve soit rapportée de ce qu'il s'agirait de faux comme le laisse entendre sans offrir de preuve la société S. E. G. T. La rupture doit, en conséquence, être envisagée comme résultant de la prise d'acte formalisée par Emile X... dans la lettre susvisée du 25 juin 2002 et est dès lors imputée à l'employeur qui ne peut se prévaloir d'aucune motivation, économique ou autre puisqu'il ne soutient aucun moyen sur ce point et se maintient sur une dénégation de toute procédure légale de licenciement. La décision du premier juge, en ce qu'il fonde le licenciement sur une cause économique, est en conséquence infirmée, la rupture étant imputable au seul employeur et s'analysant en un licenciement à la fois irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation du licenciement illégitime :
Il est réclamé par Emile X..., à ce titre, la somme de 66 206, 64 €, correspondant à vingt-quatre mois de salaire.
L'employeur conclut au rejet de cette demande, sans faire d'offre subsidiaire quant à son montant.
S'il doit être retenu que l'ancienneté du salarié est d'environ treize années, il n'en reste pas moins qu'il ne fournit aucun renseignement sur sa situation postérieurement au licenciement, sauf un avis de paiement d'indemnités de chômage du 1er février au 28 février 2001 et qu'il a attendu de nombreuses années pour faire valoir ses droits. En l'espèce, s'agissant d'une entreprise de moins de onze salariés, il s'imposait à Emile X... de qualifier précisément son préjudice, ce qu'il ne fait pas. Il ne peut pas non plus arguer du non-respect de l'obligation de reclassement en l'état d'une prise d'acte de la rupture qui ne repose pas sur un motif économique, motif par ailleurs vigoureusement contesté par le salarié dans ses écritures. Il y a lieu, en conséquence de condamner la société S. E. G. T. à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-5 du code du travail.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
C'est à bon droit que le premier juge a considéré qu'en raison de son ancienneté et de son statut de cadre, Emile X... n'avait pas été rempli de ses droits à ce titre, l'employeur ne lui ayant octroyé qu'un mois de préavis (voir le bulletin de paie pour solde de tout compte de novembre 2000) au lieu de trois mois. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a accordé à Emile X... la somme de 4 450, 82 € représentant un reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis.
Sur l'indemnité légale de licenciement :
Le jugement déféré est confirmé sur ce point en ce que l'employeur ne justifie pas s'être acquitté de l'indemnité légale de licenciement figurant sur le bulletin de salaire de novembre 2000, valant solde de tout compte, soit la somme de 3 494, 24 €.
Sur le règlement du salaire fixé dans le solde de tout
compte :
Le premier juge a justement relevé que rien ne prouve que le salaire restant dû par l'employeur au vu du bulletin de paie de novembre 2000 valant solde de tout compte a bien été payé à Emile X.... Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point en ce qu'il a condamné la société SEGT à payer à Emile X... la somme de 12 375, 90 € à titre de solde de salaire existant au moment de la rupture.
Sur le rappel de salaire pour la période de juillet 1998 à octobre 2000 :
Emile X... soutient toujours en cause d'appel que la société SEGT aurait omis de lui payer ses salaires pendant plus de deux ans et que néanmoins il se serait maintenu dans son poste. Pour justifier de sa réclamation dont la réalité est déniée par l'employeur, il met en avant les postes " rémunération " des bilans comptables sans les présenter en parallèle avec des bulletins de salaire et soutient que ces sommes inscrites n'ont pas été versés. Suivant ainsi une méthode à laquelle la cour ne peut s'associer, il est ainsi argué en réalité par le salarié du caractère frauduleux et fallacieux des bilans qui montrent par ailleurs que des crédits apparemment non salariaux d'Emile X... sont également inscrits, laissant penser qu'il est impliqué dans le financement même de l'entreprise. A défaut de bulletins de salaire versés aux débats par Emile X..., susceptibles d'être examinés au regard des bilans comptables, il y a lieu de considérer que les sommes inscrites à ces bilans sous la rubrique " rémunérations " ont bien bénéficié au salarié appelant qui prive la cour (tout comme l'employeur) de toute information précise et concrète. C'est donc à bon droit que les juges ont décidé de rejeter la demande salariale d'un montant de 79 072, 95 € présentée à tort par Emile X... pour la période considérée.
Sur la remise de l'attestation ASSEDIC :
L'attestation ASSEDIC est présente dans les pièces régulièrement versées aux débats. Considérant qu'il n'a été fait droit à aucune demande devant figurer sur cette attestation qui se révèle conforme (le salarié prouve qu'il a perçu des indemnités de chômage), il n'y a pas lieu d'en ordonner la remise sous astreinte par l'employeur. Le jugement est infirmé sur ce point, cette demande étant rejetée.
Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande qu'il soit alloué à Emile X... la somme de 800 € au titre de l'article susvisé ; le jugement déféré est par ailleurs confirmé sur cette même question des frais irrépétibles.
La société SEGT, qui succombe, est condamnée aux éventuels dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré, en matière sociale et en dernier ressort,
Vu l'arrêt avant-dire droit de la cour de céans en date du 24 septembre 2007,
Au fond :
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a déclaré le licenciement comme étant fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et ordonné sous astreinte la remise par l'employeur de l'attestation ASSEDIC,
La réforme sur ces deux points et statuant à nouveau :
Condamne la société S. E. G. T. à payer à Emile X... la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-5 du code du travail,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner la remise d'une attestation ASSEDIC rectifiée,
Y ajoutant :
Condamne la société S. E. G. T. à payer à Emile X... la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Laisse les éventuels dépens à la charge de la société S. E. G. T.
ET ONT SIGNÉ LE PRÉSIDENT ET LE GREFFIER.