COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 133 DU 08 FEVRIER 2010
R.G : 07/00871
Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 14 juin 2007, enregistrée sous le n° 04/01203
APPELANTE :
Madame [E] [I]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SCP MORTON & ASSOCIES (TOQUE 104), avocats au barreau de GUADELOUPE
INTIMEE :
LA CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MARITIME DE LA GUADELOUPE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Robert RINALDO (TOQUE 24), avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 décembre 2009, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Jean-Luc POISOT, président de chambre,
Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère, rapporteur,
Mme Claire PRIGENT, conseillère.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 08 février 2010.
GREFFIER :
Lors des débats: Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, et par Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Titulaire d'une créance dans ses livres sur la société Bellor International, la caisse régionale du crédit maritime mutuel de la Guadeloupe l'assignait devant le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre le 28 mars 2003 en paiement d'une somme de 185 255,62€, représentant à concurrence de 123 000€ les sommes dues au titre du solde du compte contentieux des billets à ordre et, à concurrence de
53 896,88€, les sommes dues au titre du compte contentieux relatif au prêt consenti à la société Bellor International, dans le cadre du 'post-financement de stocks' pour un montant principal de 76 000€.
La société Bellor International était mise en redressement judiciaire et le crédit maritime déclarait sa créance entre les mains de Maître [F] mandataire judiciaire, le 07 août 2003.
La liquidation judiciaire de la société était prononcée le 08 juin 2004.
Par un document intitulé 'protocole et convention de régularisation amiable' et signé le 28 juin 2002, Mme [I] s'est engagée, à garantir les engagements à l'égard du crédit maritime de M. [G] [B], en sa qualité de représentant légal des sociétés Bellor International et LF International.
La caisse régional du crédit maritime mutuel de la Guadeloupe a engagé deux procédures :
1 - une procédure de saisie-conservatoire sur le compte de Mme [I] ouvert en ses livres sous le n°00060999211 autorisée par ordonnance du juge de l'exécution en date du 25 mars 2004 :
Dans le cadre de cette procédure, par jugement en date du 1er juin 2004, cette ordonnance a été rétractée et la main-levée de la saisie-conservatoire a été ordonnée.
Par arrêt en date du 13 octobre 2008, la 2° chambre de la cour d'appel a infirmé ce jugement et statuant à nouveau, a débouté Mme [I] de sa demande tendant à obtenir main-levée de la saisie-conservatoire du crédit maritime et a validé la saisie-conservatoire , prononçant également la condamnation de Mme [I] au paiement de la somme de 800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.
2 - une procédure au fond, objet du présent litige :
La caisse de crédit maritime mutuel de la Guadeloupe a en effet fait assigner Mme [I] devant le tribunal de grande instance de Pointe- à-Pitre aux fins de voir prononcer sa condamnation à lui payer la somme de 176 896,88€.
Mme [I] a conclu au débouté de cette demande, au motif, notamment, que le protocole du 28 juin 2002, n'est pas un acte de cautionnement et que la banque triche quant au montant de la créance.
Par jugement en date du 14 juin 2007, la juridiction saisie a :
- condamné Mme [E] [I] à payer à la caisse régionale de crédit maritime mutuel de la Guadeloupe une somme de 176 896,88€ avec intérêts au taux légal à compter du 05 février 2003, à titre principal, ainsi qu'une somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté toute autre demande,
- condamné Mme [I] aux dépens.
Par déclaration remise au greffe de la cour d'appel le 21 juin 2007, Mme [I] [E] a interjeté appel de cette décision.
A l'appui de son appel, Mme [I] fait valoir que le crédit maritime a toujours caché qu'il détient la somme de 94 000 dollars américains versés en espèce par M.[G] [B] à titre de garantie et a accepté cette somme au mépris de la réglementation sur les charges et la lutte contre le blanchiment.
L'appelante soutient également qu'elle n'a pas la qualité de commerçante, que les règles du cautionnement civil doivent lui être appliquées et que l'acte sous seing privé intitulé 'protocole et convention de régularisation amiable' ne peut pas être considéré comme un acte de cautionnement mais comme une convention amiable consécutive à la défaillance de M. [G] [B] qui lui-même, par acte sous seing privé en date du 29 janvier 2002, s'est engagé comme caution solidaire des obligations résultant du prêt n°2012 d'un montant de 76 000,00€.
Mme [I] fait valoir que cet acte n'est suivi d'aucun acte formel de cautionnement qu'elle aurait donné, mais simplement de sa signature sous la mention 'Mme [I] [E] à titre personnel', ce qui n'emporterait aucune conséquence juridique, s'agissant d'un cautionnement donné par une personne non commerçante, qui devrait répondre aux exigences de formes de l'article 1326 du code civil.
En outre, selon l'appelante, un nouveau protocole a été signé par M. [G] [B] seul le 11 septembre 2002, ce qui démontrerait qu'elle ne s'est pas engagée à cautionner le prêt 02012 souscrit par la société Bellor International et les billets à ordre émis à l'appui du protocole dont elle n'est même pas signataire, ces engagements étant au demeurant totalement disproportionnés avec ses revenus de responsable de magasin.
Mme [I] fait grief au tribunal d'avoir considéré que sa qualité de dirigeant social démontrait sa parfaite connaissance de la portée de ses engagements, alors même qu'elle ne maîtrise pas le français étant de nationalité italienne, qu'elle a été manipulée par son compagnon M. [G] [B] qui, peu avant l'acte de cautionnement lui a cédé toutes ses parts et en a fait la gérante de paille de ses sociétés, lui-même ayant disparu en laissant d'innombrables dettes personnelles et sociales.
A titre reconventionnel, Mme [I] sollicite la main-levée de la saisie-conservatoire pratiquée sur ses comptes ainsi que le versement de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du blocage abusif de ses comptes.
Il est ainsi demandé à la cour d'infirmer le jugement querellé et statuant à nouveau :
- de dire que l'acte du 28 juin 2002 ne vaut pas cautionnement à l'égard de Mme [I] et de débouter la caisse régionale de crédit maritime mutuel de la Guadeloupe de toutes ses demandes,
- subsidiairement de constater que Mme [I] n'a pas eu, au moment de la signature de l'acte, une connaissance effective et précise de la nature, la portée et l'étendue des obligations cautionnées et qu'elle ne saurait y être tenue,
- plus subsidiairement, de constater que les engagements de caution sont disproportionnées avec les ressources de Mme [I] et d'annuler le dit cautionnement,
- d'ordonner à la caisse régionale de crédit maritime mutuel de la Guadeloupe, sous trois jours à compter de l'arrêt à intervenir, de donner main-levée de la saisie conservatoire pratiquée sur le compte de Mme [I] et de la recréditer de toutes les sommes indûment débitées antérieurement ou du fait de ces saisies,
- de libérer immédiatement le solde net du compte de Mme [I] en un chèque de banque à l'ordre de la CARPA,
- de lever l'interdiction bancaire, de faire le nécessaire auprès de l'IEDOM et de justifier des démarches entreprises en ce sens, le tout sous astreinte de 500€ par jour de retard commençant à courir 3 jours après la notification de l'arrêt à intervenir,
- de condamner la caisse régionale de crédit maritime mutuel de la Guadeloupe à payer à Mme [I] la somme de 30 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédures abusives, ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 22 mai 2009 et remises au greffe de la cour d'appel le même jour, la caisse régionale du crédit maritime mutuel de la Guadeloupe sollicite la confirmation de la décision entreprise, ainsi que la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité de 10 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Selon l'intimée, par le protocole en date du 28 juin 2002, Mme [I] s'est engagée à garantir personnellement les engagements des sociétés Bellor International et LF International.
En outre, l'appelante aurait la qualité de commerçante en sa qualité d'associée d'une SARL en nom collectif et comme telle serait tenue solidairement et indéfiniment des dettes contractées par la société SNC LF International et serait également commerçante en sa qualité d'unique associée et gérante d'une SARL, après transformation de la société.
Par ailleurs, Mme [I] aurait avalisé les deux billets à ordre créés le 28 juin 2002 sur la SARL Bellor International et la SNC LF International, M. [G] [B] n'ayant pas honoré ces deux billets à ordre, contrairement aux affirmations de l'appelante.
La caisse régionale de crédit maritime mutuel de la Guadeloupe fait valoir que la convention du 11 septembre 2002 dont il est fait état, ne remet nullement en cause le protocole signé par l'appelante , puisqu'elle n'y est pas partie et qu'en outre, par lettre recommandée avec avis de réception du 05 février 2003 adressée à M. [G] [B] et à l'EURL Bellor International, le dit protocole a été dénoncé par le crédit maritime, et est devenu caduc du fait de son inexécution.
S'agissant de la somme de 94 000$ versée en espèces par M. [G] [B] et dont il ne serait pas tenu compte selon l'appelante, l'intimée soutient qu'il s'agit d'une garantie versée entre ses mains dont elle est le gardien, qui ne remet pas en cause le montant de la créance.
S'agissant des revenus de Mme [I], qui seraient disproportionnés eu égard à l'engagement qu'elle aurait souscrit, l'intimée fait valoir que Mme [I] n'était pas responsable de magasin mais gérante de SARL, que compte tenu de son implication dans la société, les bulletins de salaires qu'elle communique porte à caution et qu'elle ne produit aucun élément permettant de connaître sa situation actuelle.
Enfin, la saisie conservatoire pratiquée serait tout à fait légitime étant la seule chance de recouvrement partiel de la créance, tant M. [B] que Mme [I] organisant leur insolvabilité, l'appelante n'ayant pas d'adresse connue et d'activité déclarée en Guadeloupe.
SUR CE
Attendu que par acte sous seing privé intitulé 'protocole et convention de régularisation amiable' et signé le 28 juin 2002 par M. [B] [G], à titre personnel et pour le compte de la société Bellor International et de la société LF International, par Mme [E] [I] à titre personnel et par M. [D] [K] pour le compte du crédit maritime mutuel de la Guadeloupe, cette banque a accordé, pour permettre le financement des stocks, les concours suivants :
Sur le compte Bellor International n°61 000,
- une prorogation de la facilité de caisse, échue au 30 juin 2002, à hauteur de 30k€ au 30 août 2002,
- un billet financier par escompte de billet à ordre à hauteur de 21k€ échéance du 30 août 2002 au taux de 11%,
Sur le compte LF International n°61 002,
- prorogation de la facilité de caisse, échue au 30 juin 2002, à hauteur de 7k€ au 30 août 2002,
- un billet financier par escompte de billet à ordre à hauteur de 41k€ échéance 30 août 2002 au taux de 11% ;
Attendu qu'il est précisé à l'acte que les concours consentis par la banque aux société en référence, sont adossés, par l'acceptation des éléments suivants :
- financement des stocks,
- cession en garantie de la vente du fonds de commerce de [Localité 5] et cession en garantie du produit à recevoir des procès en cours avec la BDAF et le Transitaire,
- engagement de caution [B] [G] n°601001, [I] n°60999 sur les sociétés en référence,
- engagement d'apport de capitaux par M. [B] sur les sociétés en référence ;
Attendu que par cet acte, Mme [I] a signé un engagement précis qui se déduit des termes mêmes de la convention sans qu'il soit besoin de l'interpréter ;
Que Mme [I] ne peut contester qu'elle a, nonobstant le fait qu'elle se soit engagée en son nom personnel, la qualité de commerçante étant associée de la SNC LF International ;
Qu'en sa qualité d'associée d'une société en nom collectif, elle est tenue indéfiniment et solidairement au paiement des dettes de la société conformément aux dispositions de l'article L222-1 du code de commerce ;
Qu'elle est ainsi, comme le soulève l'intimée, engagée en qualité de caution, conformément à la convention signée, mais également en qualité de débiteur principal ;
Attendu que s'agissant des formes du cautionnement, c'est par des motifs pertinents qui méritent adoption que le tribunal a considéré
que la convention en date du 28 juin 2002, qui ne répond pas aux formes strictes prévues par les articles 2015 et 2016 du code civil, n'en est pas moins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par un élément extrinsèque démontrant l'engagement de caution ainsi souscrit ;
Qu'en l'espèce, la qualité de gérante et d'associée unique des sociétés cautionnées constitue cet élément ;
Attendu que les bulletins de salaire produits par Mme [I] et concernant l'année 2002, qui mentionnent un revenu mensuel moyen net de 1500€ ne sauraient suffire à démontrer que son engagement de caution était disproportionné à ses revenus et qu'ainsi la banque a commis une faute ;
Que de même, l'appelante ne produit aucun élément probant à l'appui de son affirmation selon laquelle elle n'était pas en mesure de comprendre la portée de ses engagements, ayant été trompée par M. [G] [B] ;
Attendu que c'est également à bon droit , et par une juste analyse des faits et du droit, que les juges ont considéré que le second protocole en date du 11 septembre 2002, signé par M. [G] [B] en sa qualité de caution de la société Bellor Internationale, ainsi que pour le compte de la société LF International, et par le représentant du crédit maritime mutuel de la Guadeloupe, ne remet pas en cause les engagements de Mme [I] dès lors qu'elle n'est pas partie à ce second acte qui ne prétend nullement qu'il remplace le protocole en date du 28 juin 2002 ;
Qu'au demeurant, il ressort d'une pièce produite par l'appelante, que le crédit maritime mutuel a dénoncé le protocole en date du 11 septembre 2002, par correspondance en date du 5 février 2003 ;
Qu'il est précisé, à l'acte de dénonciation, que l'effet suspensif de ce protocole est annulé et que la totalité des créances redevient immédiatement exigible ;
Attendu enfin, que Mme [I] conteste le montant de la créance indiquant que le crédit maritime mutuel de la Guadeloupe fait fi d'une somme de 94 000€ versée en espèce par M. [G] [B] ;
Que cependant, cette somme remise à titre de garantie, dont la banque ne conteste pas avoir la garde, ne lui a pas été versée en paiement d'une partie de la dette et ne modifie en rien le montant de la créance de l'organisme de crédit ;
Attendu que compte tenu de ces éléments, le jugement qui a déclaré valable l'acte de caution en date du 28 juin 2002 et condamné Mme [I] au paiement de la somme de 176 896,88€, sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que Mme [I] sollicite la main-levée de la saisie-conservatoire pratiquée le 25 mars 2004 ;
Qu'elle fait valoir que cette mesure abusive lui a causé un grave préjudice entraînant une interdiction bancaire ainsi qu'une mise en contentieux par les organismes de crédit ;
Attendu que la caisse régionale du crédit maritime mutuel de la Guadeloupe, décrit des circonstances non contestées propres à menacer le recouvrement de la créance ;
Que Mme [I] ne déclare pas de domicile connu et prétend demeurer chez une amie ;
Qu'elle ne communique aucun élément permettant de connaître sa situation actuelle ;
Qu'elle ne justifie pas d'une activité déclarée ;
Que dans ces conditions, les demandes de main-levée de saisie-conservatoire et de dommages et intérêts ne peuvent qu'être rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision querellée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute Mme [E] [I] de ses demandes ;
Condamne Mme [E] [I] à payer la caisse régionale du crédit maritime mutuel de la Guadeloupe, une indemnité de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne Mme [E] [I] au paiement des entiers dépens distraits au profit de Maître Rinaldo conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt.
La greffière Le président