COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 340 DU 12 AVRIL 2010
R.G : 06/01350
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de POINTE A PITRE, décision attaquée en date du 28 juillet 2005, enregistrée sous le n° 02/2454
APPELANTS :
Monsieur [WL] [YC] [OP]
[Adresse 13]
[Localité 6]
Monsieur [RG] [N] [OP]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Madame [JK] [LI] [OP]
[Localité 9]
[Localité 12]
Madame [V] [R] [OP]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Monsieur [UN] [Z] [OP]
[Localité 9]
[Localité 12]
Tous représentés par Me Tania GALVANI (TOQUE 62), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMES :
Madame [K] [FR] [OP], veuve [Y]
[P]
[Localité 7]
Madame [OD] [Y]
[Adresse 11]
[Localité 7]
Madame [H] [S] [Y]
Section [Localité 9]
[Localité 12]
Madame [A] [B] [Y], épouse [G]
[Adresse 11]
[Localité 7]
Madame [PO] [W] [Y]
[Adresse 11]
[Localité 7]
Monsieur [O] [M] [Y]
[Adresse 11]
[Localité 7]
Tous représentés par Me Daniel DEMOCRITE (TOQUE 46), avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 779 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 1er février 2010.
Par avis du 1er février2010, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
M. Jean-Luc POISOT, président de chambre,
Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère,
Mme Claire PRIGENT, conseillère.
Et que l'arrêt sera rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 29 mars 2010, prorogé au 12 avril 2010.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées Signé par M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, et par Mme Murielle LOYSON, adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Les consorts [OP] ont, par acte d'huissier de justice du 12 novembre 2002, introduit une action en revendication de propriété des parcelles section BE [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5] lieudit [Localité 14] sur la commune du [Localité 12].
En défense, les consorts [Y] demandaient au tribunal de juger que les parcelles appartenaient à M. [VM] [Y] pour les avoir acquises par usucapion, qu'elles appartiennent aujourd'hui exclusivement à ses héritiers et de juger valide l'acte de notoriété du 6 novembre 2007.
Par jugement du 28 juillet 2005, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :
constaté que les parcelle cadastrées section BE [Cadastre 3],[Cadastre 4] et [Cadastre 5] sises commune du [Localité 12] sont la propriété des héritiers de [VM] [Y], lequel les a acquises par usucapion et que l'acte du 6 novembre 1997 a régulièrement constaté ce droit,
débouté les consorts [OP] de leurs demandes,
les a condamné à payer aux consorts [Y] la somme de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration remise au greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, le 20 octobre 2005, les consorts [OP] ont interjeté appel de la décision.
Les consorts [Y] ont constitué avocat et ont conclu.
La clôture est intervenue le 26 mars 2009.
Par arrêt avant dire droit du 30 novembre 2009, la cour a :
écarté des débats les conclusions des consorts [Y] du 25 mars 2009,
ordonné la production par les consorts [Y] de l'original de l'attestation de Mme [N] [OP] du 17 mars 200, avant le 1er février 2010,
ordonné la production par les consorts [OP] de l'accord écrit du propriétaire du terrain en date du 1er juillet 1983 visé par le permis de construire du 22 mars 1984 délivré à M. [UN] [OP], avant le 1er février 2010 .
L'affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2010, puis prorogée au 12 avril 2010.
***
Par conclusions récapitulatives du 20 novembre 2008, les consorts [OP] demandent à la cour de :
réformer le jugement entrepris,
juger, sur le fondement de l'article 2229 du code civil, qu'ils sont propriétaires de la parcelle objet du litige,
juger sur le fondement des articles 287 et 564 du code de procédure civile, que l'attestation attribuée à Mme [N] [OP] est un faux,
condamner les consorts [Y] à leur payer la somme de 8.000 € en raison du faux produit aux débats ainsi qu'à une amende civile,
les condamner, sur le fondement de l'article 1382 du code civil et 564 du code de procédure civile, à leur payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les travaux de terrassement et d'arrachage de vieux arbres fruitiers,
les condamner conjointement et solidairement à leur rembourser les frais exposés pour le constat d'huissier du 11 décembre 2008, soit la somme de 250 €,
les condamner à leur payer la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 24 juin 2008, les consorts [Y] sollicitent de la cour, sur le fondement des articles 1315, 2229 et 2236 du code civil la confirmation du jugement entrepris et la condamnation solidaire des consorts [OP] à leur payer 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le faux incident
Les consorts [OP] font grief aux consorts [Y] d'avoir produit un faux en l'attestation de Mme [N] [OP] du 17 mai 2000.
Ils affirment que Mme [N] [OP] aurait été trompée par sa s'ur, [FR], qui lui a fait signer une feuille vierge en lui faisant croire qu'elle signait un document pour l'installation d'un chauffe-eau.
Ils produisent aux débats un procès-verbal de constat par lequel Mme [N] [OP] affirme à l'huissier de justice que cette attestation est un faux et qu'elle ne sait ni lire ni écrire.
En vertu de l'article 297 du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.
D'une part, la cour a, avant dire droit, demandé aux consorts [Y] de produire l'original de l'attestation. Ceux-ci n'ont pas déféré à cette injonction.
D'autre part, même en examinant la simple photocopie de l'attestation on s'aperçoit clairement que la signature de l'attestation n'a pas été réalisée par la personne ayant écrit le texte. La signature est le fait d'une personne ayant des difficultés à écrire contrairement au texte. En outre, elle est mal centrée par rapport au texte, ce qui corrobore la thèse d'une feuille signée par Mme [OP], puis, remplie par les soins d'un tiers.
En conséquence, il sera déclaré que cette attestation est un faux. Celle-ci sera écartée des débats.
Les consorts [Y] font valoir que la demande des consorts [OP] en dommages et intérêts en raison de la production de cette pièce est une demande nouvelle qui doit, en application de l'article 564 du code de procédure civile, être déclarée irrecevable.
De fait, la demande de dommages et intérêts, nouvelle en appel, doit être déclarée irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.
Sur le fond
Les consorts [OP], à l'appui de leur action en revendication de propriété, soutiennent que leur père et mère [PC] [UV] [F] [OP] et [PH] [YU] [D] étaient de leur vivant propriétaires de la parcelle litigieuse, par l'effet d'une prescription acquise à compter des années 40.
Selon eux, cette possession s'est poursuivie après le décès de M. [PC] [OP], le 15 juin 1959 et de Mme [PH] [D], le 31 mai 1973, par leurs héritiers, en particulier, par M. [UN] [OP] qui habite le terrain indivis sur lequel il a fait édifier sa maison et par Mme [K] [OP], sa s'ur, venue s'installer sur le terrain dans le courant de l'année 1973.
Ils font valoir que c'est en fraude aux droits de ses frères et s'urs que Mme [K] [OP], veuve [Y] a obtenu devant notaire un acte de notoriété à son profit exposant que la parcelle de terre litigieuse est la propriété de M. [VM] [Y], son époux commun en biens, décédé le [Date décès 1] 1996.
Ils affirment que Mme [Y] ne tient pas ses droits de son époux, mais de ses père et mère qui ont de leur vivant occupé le terrain.
A titre de preuve de leurs droits, ils produisent un extrait d'acte authentique du 25 novembre 1870, un extrait d'acte naissance de Melle [XD] [SX], le 3 avril 1873, la copie de l'acte de décès de M. [PC] [OP], un acte de notoriété après son décès, quatre attestations, une sommation d'arrêter des travaux du 11 mai 2000, un procès-verbal de constat d'huissier mentionnant l'existence, sur le terrain, de neuf tombes marquées de coquillages, un permis de construire délivré au nom de M. [UN] [OP], le 22 mars 1984, une attestation d'assujettissement de M. [OP] à la sécurité sociale agricole en date du 25 novembre 1994.
Pour leur part, les consorts [Y] font valoir que, de son vivant, M [VM] [Y] a acquis la parcelle pour en avoir joui de façon non équivoque, non interrompue et à titre de propriétaire pendant plus de trente ans.
Ils soutiennent que c'est M. [VM] [Y] qui a autorisé M. [UN] [OP] à faire édifier une maison sur le terrain.
A l'appui de leurs affirmations, ils produisent un acte de notoriété établi par Maître [X] [MS], notaire, le 6 novembre 1997, des relevés cadastraux établis en 1997 et 1999, un relevé de propriété du 30 novembre 2004, une demande permis de construire du 4 décembre 1971 au nom de Mme [OP], des devis en son nom du 10 mars 1971 et un avis sur demande de permis de construire du 17 janvier 1972, une demande d'abonnement auprès de la SOGEA du 27 juin 1997, des avis d'imposition à la taxe foncière pour les années 1996 et 1997 ainsi que des attestations
Plusieurs éléments objectifs peuvent être déduits de pièces produites aux débats.
Il résulte, ainsi, du permis de construire délivré à M. [UN] [OP], le 22 mars 2004, que celui-ci ne prétendait nullement être le propriétaire de la parcelle sur laquelle il a construit puisqu'il avait sollicité pour ce faire l'autorisation de M. [WE] [ES].
Ce dernier, qui se qualifie sur le document : «d'héritier-propriétaire du terrain de numéro cadastral : B50,[Cadastre 4],[Cadastre 3]», indique qu'il est le cousin de M. [UN] [OP] et qu'il l'autorise à construire sur la parcelle B[Cadastre 5]. Ce document est daté du 13 décembre 1983.
Il en découle, d'une part, que M. [OP] ne se considérait nullement propriétaire de la parcelle BE [Cadastre 5] et ne la possède pas en qualité de propriétaire et, d'autre part, que l'insertion des consorts [Y] selon laquelle M. [UN] [OP] avait construit car il avait été autorisé par son beau-frère, M. [Y] est inexacte.
Les consorts [OP] produisent trois attestations indiquant que M. [Z] (en fait [UN]) [OP] a toujours vécu sur la parcelle avec ses parents et par la suite, malgré de absences pour son travail.
Plus intéressante et circonstanciée est l'attestation de Mme [I], [NR] [TW], Veuve [ES], institutrice retraitée, née en 1917. Cette dame, qui est la veuve de M. [WE] [ES], indique qu'elle est née et a grandi sur un terrain dont elle est l'héritière et qui jouxte le terrain où ont grandi les enfants [OP]. Elle certifie avoir vu [PC] [OP] et sa femme [ZT] élever leur sept enfants sur le terrain et qu'à leur mort ceux-ci sont restés sur le terrain. Elle affirme que M. [Y] n'est venu sur le terrain que dans les années 1975-1976, lorsqu'il a épousé [KJ] [OP] et remet en cause le témoignage de M. [GD] [TW], son frère, dont elle dit qu'il avait un intérêt personnel à témoigner en faveur des consorts [Y].
Cette intéressante attestation est toutefois contredite par l'autorisation du mari de Mme [ES]. Pourquoi celui- aurait-il donné à M. [UN] [OP] une autorisation de construire sur une parcelle à son cousin, si celui-ci en était propriétaire '
Les consorts [OP] produisent, en outre, un extrait d'acte authentique du 25 novembre 1875 portant vente à Melle [U] [L] d'une portion de terre d'un hectare détachée d'une portion plus considérable appelée [Localité 14] au [Localité 12].
Ils produisent également l'acte de naissance de la mère de M. [PC] [OP], Mme [GP] [SX], née le [Date naissance 2] 1876 sur la commune du [Localité 12] dans une case section Boibert, de [L] [U].
Or, il est impossible au vu de ces éléments de déduire que les parcelles revendiquées sont celles objet de l'acte authentique de 1875, que Mme [U] [L] et [U] [L] sont la même personne. En tout état de cause, si tel était le cas, M. [PC] [OP] aurait été en indivision sur la parcelle avec les autres éventuelles héritiers de Mme [U] [L] ou [L].
Il ne peut, donc, rien s'évincer de probant de ces éléments.
De même en est-il du procès-verbal de constat d'huissier mentionnant l'existence de tombes sur la propriété, qui seraient matérialisées par des coquillages. Faute de précision, ce constat ne peut induire une conséquence quelconque au profit des consorts [OP].
De fait, comme l'ont justement considéré les premiers juges, les consorts [OP] ne rapportent pas la preuve de leur propriété sur les parcelles de sorte qu'ils devront être déboutés de leurs demandes.
Les consorts [Y] demandent, pour leur part, qu'il soit jugé que les parcelles litigieuses sont la propriété des héritiers de [VM] [Y], lequel les a acquises par usucapion et juger que l'acte de notoriété du 6 novembre 1997 a régulièrement constaté ce droit.
Ils soutiennent, qu'avant sa mort, le 21 janvier 1996, M. [VM] [Y] avait usucapé les parcelles par une possession trentenaire conforme à la loi.
Outre l'acte de notoriété, établi par Maître [X] [MS] sur la foi de deux témoins qui ont produit, également, des attestations au présent litige, ils s'appuient sur le permis de construire, du 17 janvier 1972. Cependant, celui-ci n'est pas au nom de M. [VM] [Y], mais au nom de Mme [K] [FR] [OP], ainsi, d'ailleurs, que le plan et devis pour la construction de la maison.
En dehors des attestations, les seuls autres actes prouvant leur possession sont postérieurs à l'acte de notoriété du 6 novembre 1997, soit, les relevés de propriété, la demande d'abonnement en 1997 et les taxes foncières de 1996 et 1997.
Les consorts [Y] produisent, outre l'attestation de Mme [N] [OP], écartée des débats, six attestations, dont deux de M. [RY] [FL].
L' attestation de M. [NE] [T] n'apporte rien aux débats, puisqu'elle ne vise que les années après 1976.
Les attestations de M. [RY] [FL] indiquent qu'il a aidé M. [Y] à construire une petite maison et tôle sur la terrain en 1964 et qu'à ce moment le terrain était habité seulement par M. [Y] [VM].
Mme [IY] [J] atteste qu'elle connaît M. et Mme [Y] depuis 1963 à [Localité 9] et qu'ils ont construit leur maison en 1971 après avoir démoli leur petite maison.
M. [E] [SF], né en 1952, indique qu'il a connu M. [Y] depuis son plus jeune âge et qu'il allait et venait dans sa petite maison en bois et en tôle qu'il avait construite en 1963.
Quant à M. [GD] [TW], dans une longue attestation qui tente de faire l'historique de la parcelle où l'on retrouve en tant que possesseurs, les consorts [L], [C] et son fils [FE], il décrit avec précision l'arrivée sur la parcelle en 1963 de M. [VM] [Y], son exploitation de la parcelle, la construction d'une porcherie, puis d'une case et, enfin, d'une maison en dur en 1971.
Même si cette attestation est contredite par celle de sa s'ur, Mme [ES], il reste que les consorts [Y] peuvent se prévaloir d'attestations circonstanciées sur l'occupation de la parcelle à compter de 1963-1964 jusqu'à janvier 2006, qui ne peuvent être combattues par la seule attestation de Mme veuve [ES], laquelle n'explique, en outre pas pourquoi son époux s'est considéré lui-même propriétaire de la parcelle au point d'y autoriser une construction.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris lequel a constaté que les parcelle cadastrées section BE [Cadastre 3],[Cadastre 4] et [Cadastre 5] sises commune du [Localité 12] sont la propriété des héritiers de [VM] [Y], lequel les a acquises par usucapion et que l'acte du 6 novembre 1997 a régulièrement constaté ce droit.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Aucune considération ne commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant, publiquement, contradictoirement et, en dernier ressort,
Déclare que l'attestation produite par les consorts [Y] de Mme [N] [OP] en date du 17 mai 2000 est un faux.
Déclare la demande de dommages et intérêts en raison de la production du faux irrecevable sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile.
Confirme le jugement frappé d'appel en toutes dispositions.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que chaque partie conservera la preuve de ses propres dépens.
Et ont signé le présent arrêt
La greffière le président