VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 383 DU SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT
AFFAIRE No : 16/00953
Décision déférée à la Cour :Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 11 mai 2016-Section Activités Diverses
APPELANTE
Madame Sarah A...
[...]
Représentée par Maître Charles X... de la SELARL JURINAT (Toque 42) substitué par Maître Y..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/001340 du 15/07/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
INTIMÉE
ASSOCIATION POUR L'AIDE À L'ENFANCE ET À L'ADOLESCENCE (AAEA)
[...]
[...]
Représentée par Maître Jérôme Z... de la SCP MORTON etamp; ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 novembre 2017
GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure :
Il résulte des pièces versées au débat et des explications fournies par les parties les éléments suivants.
Par contrat à durée indéterminée à temps plein, Mme Sarah A... a été engagée par l'Association pour l'Aide à l'Enfance et à l'Adolescence ci-après désignée AAEA, en qualité d'éducatrice jeunes enfants faisant fonction de monitrice-éducatrice, à compter du 6 mars 2006.
A la suite du décès de son époux, survenu le [...] , Mme A... obtenait de son employeur l'autorisation de prendre ses congés payés du 12 au 28 mars 2012, ainsi qu'un aménagement de ses horaires de jour.
Mme A... sollicitait auprès de son employeur, le 1er juin 2012, une rupture conventionnelle de son contrat de travail faisant valoir que sa vie quotidienne était "très compliquée à gérer", la santé physique et psychologique de ses enfants se trouvant "gravement entamée", ainsi que son investissement professionnel eu égard "aux exigences liées à l'internat".
Mme A... faisait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 27 juin 2012, lequel était prolongé à plusieurs reprises, Mme A... ne reprenant plus son travail depuis.
Cet arrêt de travail était prolongé le 7 novembre 2012, pour trois mois en raison d'un "état dépressif sévère". Le 28 janvier 2013, cet arrêt de travail était prolongé de six mois, jusqu'au 6 août 2013.
Dans un premier temps, l'association, par courrier du 17 juillet 2012, faisait savoir que son conseil d'administration avait donné un avis défavorable à sa demande de rupture conventionnelle.
Il ressort des arrêts de travail délivrés à Mme A... , que celle-ci, à partir de février 2013, résidait à Pignan dans l'Hérault.
Malgré son arrêt de travail, Mme A... était élue déléguée du personnel le 25 avril 2013.
Par courrier du 3 septembre 2013, Mme A... réitérait sa demande de rupture conventionnelle du contrat de travail. Il lui était donné, par l'association, une réponse favorable le 22 janvier 2014.
Par courriels des 16 avril et 2 juin 2014, il était fait savoir à Mme A... qu'il lui faudrait être en poste pour mettre régulièrement en oeuvre cette rupture conventionnelle, la salariée répondant par courriel du 11 juin 2014, qu'elle ne pouvait venir en Guadeloupe car ses moyens financiers ne lui permettaient pas de prendre un billet d'avion à 850 euros.
Dans un courriel du 27 juin 2014, l'employeur, après avoir fait savoir à Mme A... que ses congés annuels étaient accordés pour la période du 1er juillet au 7 août 2014, rappelait à celle-ci que pour la rupture conventionnelle, il lui fallait reprendre son poste et se soumettre à une visite du CIST (médecine du travail).
Une demande de rupture conventionnelle du contrat de travail était formalisée par les parties le 27 octobre 2014, une indemnité spécifique de rupture étant fixée à la somme de 9618,72 euros, mais l'inspectrice du travail, par décision du 16 décembre 2014, refusait de donner son autorisation au motif que Mme A... se trouvait hors du département, que l'organisation des entretiens préparatoires s'était traduite par des échanges de messages électroniques, et qu'il était dès lors impossible de vérifier le respect de la procédure concernant lesdits entretiens préparatoires. L'inspectrice relevait en outre que Mme A... n'avait pas été convoquée à la réunion de consultation du comité d'entreprise du 26 septembre 2014, et qu'elle n'avait pas été en mesure de faire valoir ses observations auprès de ce comité. Il était également relevé que l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle était inférieure au minimum conventionnel prévu.
Le 24 février 2005, Mme A... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre afin de voir ordonner la résiliation de son contrat de travail, ladite résiliation produisant les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur. Elle sollicitait paiement de diverses indemnités.
Par jugement du 11 mai 2016, la juridiction prud'homale déboutait Mme A... de l'intégralité de ses demandes et la condamnait à verser à l'Association AAEA la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 22 juin 2016, Mme A... interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 4 juin 2016..
Ses premières conclusions étaient adressées au greffe de la Cour, le 20 avril 2017, les parties ayant été convoquées pour l'audience du 22 mai 2017. L'examen de l'affaire était renvoyée à l'audience des débats du 25 septembre 2017 afin de permettre à l'intimée de répliquer. Celle-ci notifiait ses conclusions dès le 2 juin 2016 à l'appelante.
Mme A... répondait aux écritures de l'intimée en communiquant de nouvelles conclusions le jour même de l'audience des débats, le 25 septembre 2017.
Compte tenu du caractère tardif de cette communication, qui fait grief à l'intimée et enfreint le principe du contradictoire, dans la mesure où l'Association AAEA n'a pu auparavant les examiner et les discuter, la Cour décide d'écarter des débats les secondes conclusions de l'appelante.
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Par conclusions adressées au greffe de la Cour le 20 avril 2017, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de Mme A..., celle-ci sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de manquements graves de son employeur, et entend voir juger que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle réclame paiement des sommes suivantes :
-76 317,56 euros à titre de salaire pour la période d'octobre 2014 à mars 2015,
-7631,75 euros à titre d'indemnité de congés payés sur lesdits salaires,
-5263,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-526,32 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,
-14 474,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-63 159,36 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-5000 euros par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A... demande à ce que soit ordonnée la remise sous astreinte des fiches de salaires de mars 2014 à mars 2017, ainsi que l'attestation Pôle Emploi et un certificat de travail.
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Par conclusions communiquées le 2 juin 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, et auxquelles il convient de se référer pour l'exposé exhaustif des moyens de l'Association AAEA, celle-ci sollicite la confirmation du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Association AAEA fait valoir que la résiliation du contrat de travail ne peut sanctionner que des manquements ayant pour effet d'empêcher la poursuite du contrat de travail, et qu'elle ne peut sanctionner des manquement qui ont pour effet de maintenir le contrat de travail, relevant par ailleurs que Mme A... ne bénéficie plus du statut protecteur.
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Motifs de la décision :
A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, Mme A... invoque la tardiveté de la remise des attestations de salaire permettant la perception de ses indemnités journalières. Elle explique que bien qu'elle ait transmis l'intégralité des documents nécessaires à sa prise en charge au titre des indemnités journalières à son employeur, celui-ci n'a pas transmis ces éléments à la caisse de sécurité sociale, et qu'elle s'est donc retrouvée sans revenus pendant 4 mois.
L'examen des pièces versées au débat ne montre aucune réclamation de la salariée au sujet d'une telle carence de la part de l'employeur.
Au contraire c'est l'employeur qui réclamait à Mme A..., par courriel du 28 novembre 2013, ses attestations de paiement d'indemnités journalières pour la période du 27 décembre 2012 au 6 janvier 2013, et pour la période du 10 juin 2013 au 30 juin 2013, afin de lui verser le complément de salaire.
En ce qui concerne la tardiveté des remises de ses fiches de salaires qu'elle prétend avoir réclamées à de nombreuses reprises, elle ne justifie que d'une seule demande par courriel du 26 septembre 2014, dont on ne sait sur quelles fiches cette demande portait, cette demande n'ayant d'ailleurs pas été réitérée par la suite, ce qui montre que la situation a été régularisée.
Mme A... fait état également de la tardiveté des indemnités journalières complémentaires versées en application du régime de prévoyance.
Il a été rappelé ci-avant que l'employeur avait réclamé à Mme A..., par courriel du 28 novembre 2013, ses attestations de paiement d'indemnités journalières afin qu'il puisse lui être versé les compléments de salaires, aucune réclamation de la salariée au sujet du versement de ces compléments de salaire ne ressort des pièces versées au débat.
Il y a lieu d'en déduire, comme pour les éventuels retards dans la délivrance de fiches de paie, ou de retard dans le versement d'indemnités journalières, que la situation a été régularisée bien avant la demande de résiliation judiciaire qui a été introduite plus d'un an après les échanges de courriels concernant les attestations de paiement d'indemnités journalières, le versement de complément de salaire et la demande de remise de fiches de salaires.
Ainsi les retards reprochés à l'employeur, qui, en tout état de cause, ont été régularisés bien avant que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail soit formée, ne sauraient caractériser des manquements suffisamment graves justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Au demeurant, comme le souligne l'employeur, il y a lieu de relever que c'est à la suite de l'impossibilité d'obtenir de l'autorité administrative, l'autorisation de rupture conventionnelle, que Mme A..., au lieu d'exercer un recours contre la décision de refus de l'inspectrice du travail, a entendu voir prononcer judiciairement la rupture du contrat de travail, en invoquant des faits anciens qui, en tout état de cause, ne lui faisaient plus grief.
Il doit être relevé que le refus d'autorisation, par l'autorité administrative, de la rupture conventionnelle, ne peut être imputé à faute à l'employeur, ce refus étant en particulier motivé par l'absence d'entretiens préparatoires, cette absence ne pouvant être reprochée à l'employeur dans la mesure où Mme A... a fait savoir qu'elle ne pouvait se rendre à de tels entretiens.
En conséquence la demande de résiliation judiciaire sera rejetée, et par voie de conséquence les demandes indemnitaires formées par Mme A....
En ce qui concerne la demande de rappel de salaire pour la période d'octobre 2014 à mars 2017, il y a lieu de rappeler que pendant cette période Mme A... a subi des arrêts maladie et n'a pas repris son travail. Par ailleurs la salariée n'invoque aucune disposition qui lui permettrait de percevoir de son employeur des indemnités complémentaires, au delà des délais prévus par les articles D. 1226-1 et D. 1226-2 du code du travail. En conséquence elle doit être également déboutée de sa demande de paiement de salaire.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné Mme A... au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau sur ce chef de demande,
Déboute l'Association AAEA de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Déboute Mme A... de sa demande de paiement de salaire et de ses demandes de remise de documents sous astreinte,
Dit que les dépens sont à la charge de Mme A....
Le Greffier, Le Président,