MJBS-VS
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 417 DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT
AFFAIRE No : No RG 15/01901 - No Portalis DBV7-V-B67-CTKN
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE - section commerce - du 25 Juin 2015.
APPELANTE
SNLP EURL LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE, prise en la personne de son gérant Monsieur Jean Y...
[...]
Représentée par Me Jean-Louis Z..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
INTIMÉE
Madame Jessica Séverine A...
[...]
Représentée par Me E... B..., avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président,
Madame Marie-Josée BOLNET, conseillère,
Madame Gaëlle BUSEINE, conseillère,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 Août 2018, date à laquelle, la mise à disposition de cet arrêt a été prorogé au 3 Décembre 2018
GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire prononcé publiquement le 03 Décembre 2018, par mise à disposition de l'arrêt, au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du CPC ;
Signé par Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, en remplacement de M. Bernard ROUSSEAU, président empêché, conformément aux dispositions de l'article 456 du code procédure civile et par Mme Valérie SOURIANT, greffier, à laquelle la décision a été remise parle magistrat signataire.
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PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS
Par arrêt avant-dire droit en date du 26 juin 2017 auquel il convient de se reporter pour un exposé exhaustif des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, la cour a notamment :
- déclaré recevable l'appel interjeté par la SNLP EURL CAPESTERRIENNE contre le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Basse - Terre le 25 juin 2015,
- rejeté la demande de Mme Jessica C... fondée sur l'article 526 du code de procédure civile,
- sursis à statuer sur le fond et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du lundi 13 novembre 2017, en invitant Mme C... à communiquer à l'eurl SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE ses pièces et conclusions sur le fond de l'affaire, dans le respect du principe du contradictoire, et ce dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt,
- réservé les demandes et les dépens.
Par conclusions No 2 et rectificatives auxquelles il a été fait référence à l'audience de plaidoirie du 04 juin 2018, la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE demande de :
- constater, en la forme, l'irrégularité formelle du jugement du conseil de prud'hommes en date du 25 juin 2015, lequel porte atteinte au principe du contradictoire, aux droits de la défense et au respect du délai raisonnable,
- constater que ce jugement a été rendu ultra petita et sur des demandes qui ne lui ont pas été communiquées,
Au fond,
- constater que le contrat de Mme C... n'‘a pas été modifié et qu'aucune atteinte n'‘a été portée à son congé parental,
- constater que Mme C... a été régulièrement licenciée, la lettre de convocation à l'entretien préalable informant valablement cette dernière de la possibilité de se faire assister d‘un conseiller de son choix inscrit sur la liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département,
- constater que les motifs de licenciement sont parfaitement clairs et en rapport avec les nombreuses absences de l'intéressée et des manquements liés à la disparition de sommes de la caisse,
- rejeter purement et simplement la demande de radiation,
- infirmer et mettre à néant le jugement querellé,
- condamner Mme C... au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions No1 du 24 août 2017 auxquelles il a été fait référence à ladite audience, Mme C... demande de :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
- déclarer au fond l'appel injustifié,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- condamner l'appelante à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
Par arrêt avant-dire droit du 26 juin 2017, la cour a déclaré recevable l'appel interjeté par la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE. Dès lors, les demandes soutenues à ce titre doivent être déclarées sans objet.
Sur la nullité du jugement
La SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE soutient que le jugement est nul et non avenu au motif que le conseil de prud'hommes de Basse-Terre qui était confronté à des difficultés pour rendre ses décisions, a fini par rendre, de prorogé en prorogé durant la période de 2013 à 2015, son jugement qui ne respecte pas le principe du contradictoire et porte sérieusement atteinte aux droits de la défense. La SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE indique, en outre, que les demandes formulées initialement par Mme C... (acte introductif, citation et demande additionnelle) ne correspondent pas à celles sur lesquelles le conseil de prud'hommes a statué ; qu'ainsi, cette juridiction a statué ultra petita.
Elle dit encore qu'il est aussi surprenant que le président de la formation, M. Jean-Luc D..., apparaissant empêché sur le jugement, mais ayant été, en réalité, suspendu de ses fonctions, ait pris part au délibéré et au prononcé du jugement.
L'article 458 du code de procédure civile prévoit que doit être observé à peine de nullité ce qui est prescrit par les articles 447,451,454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455(alinéa1er) et 456. Cependant, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention conformément à l'article 9 du même code.
En l'espèce, il résulte de l'examen des pièces du dossier que la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE ne verse au débat aucun document confirmant la décision de suspension prise à l'égard de M. D..., faisant obstacle à toute présidence de la formation de jugement et à toute participation aux débats du 07 juin 2012 et délibéré du 25 juin 2015.
Dès lors, il y a lieu de débouter la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE de sa demande visant la nullité du jugement.
Sur l'irrégularité du jugement
La SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE fait valoir :
- d'une part, que le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes avait pris note de ce que Mme C... avait obtenu de son employeur satisfaction sur ses demandes à l'exception de celle relative à la prime BINO et n'a renvoyé l'affaire devant la formation de jugement que pour le surplus,
- d'autre part, que les demandes exposées et annexées à la citation du 28 avril 2011 ne correspondent pas à celles retenues par le conseil de prud'hommes dans la décision querellée.
Sur le premier point, il importe de rappeler que l'article R.1454-10 du code de travail dispose que le bureau de conciliation entend les explications des parties et s'efforce de les concilier. Un procès- verbal est établi. En cas de conciliation totale ou partielle, ce procès-verbal mentionne la teneur de l'accord intervenu.
En l'espèce, régulièrement convoquée à l'audience non publique du bureau de conciliation du 21 octobre 2010, la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE n'a pas comparu et aucun procès-verbal n'a pu être établi, contrairement aux allégations de l'appelante. Il a été inscrit sur la cote du dossier du conseil de prud'hommes l'absence de comparution de la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE à ladite audience de conciliation et le renvoi de l'affaire devant le bureau de jugement, rendant impératif sa convocation devant cette formation par acte d'assignation.
Sur les demandes nouvelles, il résulte des dispositions de l'article R.1452-7 du code du travail encore en vigueur en 2015 que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables, même en appel.
Toute demande nouvelle était donc recevable en tout état de cause dès lors qu'elle se rattachait au contrat de travail à l'origine de la demande initiale et qu'elle était formulée avant le prononcé de la décision par la juridiction saisie.
En conséquence, l'irrégularité du jugement, inopérante, doit être écartée.
Sur la régularité de la procédure de licenciement
La SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE soutient que Mme C... a été valablement convoquée à l'entretien préalable prévu à la date du 16 juin 2011, sans qu'il ne soit, de surcroît, porté atteinte à son congé parental.
Eu égard aux dispositions de l'article L.1232- 2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
L'article R.1232-1 prescrit que la lettre de convocation doit indiquer l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur, la date, l'heure et le lieu de cet entretien. Cette convocation indique également que le salarié peut se faire assister à cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié.
L'article D.1232-5 précise que la liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture. Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie.
En l'espèce, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée à Madame C... ne comportait pas l'indication de la faculté de se faire assister par un conseiller de son choix, alors que l'examen de cette convocation fait apparaître une observation scrupuleuse desdites mentions. Il est aussi clairement établi que l'entretien préalable s'est tenu le 16 juin 2011, date à laquelle Mme C... a repris son activité de vendeuse à l'issue de son congé parental expirant le 15 juin 2011.
Dès lors, le jugement est infirmé sur ce chef et Mme C... déboutée de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
Sur le licenciement
La SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE soutient, en substance, que le licenciement est parfaitement justifié par les nombreuses absences de la salariée, des indélicatesses commises dans la caisse et un comportement irrespectueux caractérisé par des insultes à l'égard de l'employeur.
Selon l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié pour une cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, la lettre de licenciement, adressée sous pli recommandé avec avis de réception à Mme C... le 17 juin 2011, fait état des motifs suivants :
- répétition d'erreurs de caisse,
- répétition de mauvaises manipulations d'enregistrement de ventes d'articles et de décompte,
- propos injurieux et irrespectueux,
- absences fréquentes autorisées et non autorisées.
S'il résulte du dossier des éléments pertinents justifiant de l'absence de Mme C... de l'entreprise en raison de son début de grossesse déclaré à la sécurité sociale le 05 janvier 2010 et se poursuivant jusqu'au congé parental expirant le 15 juin 2011, il n'est, en revanche, produit aucun document faisant la preuve d'absences non autorisées de cette salariée, susceptibles de mettre en péril le fonctionnement de la librairie.
Il ne peut, par ailleurs, être accordé de force probante au relevé établi par l'employeur (pièce no9) qui fait état d'absences débutant en mars 2008 et se poursuivant jusqu'à décembre 2008, sans qu'il apparaisse de mesure prise à l'égard de la salariée à titre de mise en garde ou d'avertissement pour sanctionner les 49 heures 30 d'absences.Celles-ci étaient forcément autorisées par l'employeur.
Il n‘est pas davantage rapporté par l'appelante la preuve de propos injurieux tenus par la salariée à son égard.
Enfin, il n'est pas établi de façon certaine que les erreurs de caisse aient été commises par Mme C... alors que deux salariées exécutaient la même tâche de vendeuse-caissière, celle-ci étant partagée avec Mme G... E....
Au vu ces éléments, il y a lieu de juger le licenciement de Mme C... dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et de confirmer le jugement entrepris sur le licenciement et les indemnités subséquentes, en l'absence de toute contestation de leurs montants.
Sur les demandes accessoires
En l'absence de contestations élevées sur le rappel de salaires, l'indemnité pour absence de remise de l'attestation Pôle Emploi, la remise d'un nouveau certificat de travail et l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement entrepris sur ces chefs.
Sur les frais irrépétibles
L'équité commande que la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE soit condamnée à payer à Mme Jessica C... la somme de 1200 euros au titre des frais engagés par cette dernière dans la présente instance pour la défense de ses intérêts.
Sur les dépens
Succombant, La SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement du 25 juin 2015 sauf en ce qu'il a condamné la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE à payer à Mme Jessica C... la somme de mille trois cent soixante cinq euros (1365 euros) à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Et statuant à nouveau,
Déboute Madame Jessica C... de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Rejette les demandes plus amples et contraires ;
Condamne la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE, en la personne de son représentant légal, à payer Mme Jessica C... la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SNLP LIBRAIRIE CAPESTERRIENNE aux dépens ;
La greffière La présidente