COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 896 DU 23 DECEMBRE 2019
No RG 17/01330 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-C35E
Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 06 juillet 2017, enregistrée sous le no 14/00128
APPELANTS :
Monsieur X... T...
[...]
[...]
Madame E... T...
[...]
[...]
Monsieur M... T...
[...]
[...]
Représentés tous par Me Anis MALOUCHE, (TOQUE 26) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉE :
SA ORANGE
[...]
[...]
Représentée par Me Martine INNOCENZI, (TOQUE 15) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 779-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 21 décembre 2019.
Par avis du 21 décembre 2019, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 23 décembre 2019.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère, présidente empêchée, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant convention de prêt à usage en date du 10 octobre 2010, la SA France Telecom (devenue la SA ORANGE) s'est engagée à prêter à titre gratuit à M.X... T... et à Mme E... T... (sa mère), un terrain immobilier situé sur la commune de Baie-Mahault cadastré [...] afin qu'ils puissent "y cultiver (leur) potager et y faire paître (leur) bétail", ce pour une durée d'un an tacitement reconductible par période d'un an, sauf résiliation prévue contractuellement.
Suite à une mise en demeure en date du 04 avril 2012 et à une sommation délivrée le 11 février 2013 par le ministère de la SCP [...] huissiers de justice, d'avoir à détruire les constructions édifiées sur cette parcelle, par courrier recommandé du 02 août 2013, non réclamé, la SA ORANGE a fait usage de sa faculté de résiliation avec effet au 30 novembre 2013.
Suite à l'assignation délivrée le 09 janvier 2014 à la demande de la SA ORANGE à l'encontre de M. X... et de Mme E... T... prétendument occupants sans droit, ni titre, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a, par jugement du 06 juillet 2017 :
-reçu l'intervention volontaire de M. M... T...,
-déclaré irrecevable la demande tendant à dire que la convention conclue le 10 octobre 2010 est nulle et non avenue en remettant les parties dans l'état antérieur à la signature,
-dit que le contrat du 10 octobre 2010 par lequel la société France Telecom aux droits de laquelle vient la société Orange SA, a accordé à M. X... et à Mme Z... T... un prêt à usage portant sur une portion d'une parcelle cadastrée section [...] située à [...], d'une contenance de 1ha 984 métres carré, a été résilié au 30 novembre 2013,
-dit que M. X... et Mme E... T... sont occupants sans droit ni titre de la parcelle cadastrée section [...] située à [...] depuis le 30 novembre 2013,
-ordonné l'expulsion de M. X... et de Mme E... T... de la parcelle cadastrée section [...] située à [...] tant de corps que de biens, ainsi que de tous occupants de leur chef, avec recours si besoin est à la force publique,
-rejeté la demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de M. X... et de Mme E... T...,
-rejeté la demande de M. M... T... en revendication de la parcelle cadastrée section [...] située à Destrellan Sud sur la commune de Baie-Mahault,
-condamné in solidum M. M..., M. X... et Mme E... T... à payer à la société Orange SA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
-rejeté les autres demandes des parties,
-condamné in solidum M. M..., M. X... et Mme E... T... aux dépens qui comprendront le coût des actes d'huissier de justice de la SCP [...] des 11 juin 2012, 11 février et 8 avril 2013.
Selon déclaration reçue au greffe le 04 octobre 2017, M. M... T..., M. X... T... et Mme E... T... ont relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 21 janvier 2019, le conseiller de la mise en état a débouté M. M... T..., M. X... T... et Mme E... T... de leur demande d'expertise et les a condamnés au paiement des dépens de l'incident.
Les parties ont conclu au fond. L'ordonnance de clôture est intervenue le 09 octobre 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Les dernières conclusions, remises au greffe les 28 mars 2019 par les appelants, 20 septembre 2019 par l'intimée, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
M. M... T..., M. X... T... et Mme E... T... demandent à la cour, de :
*à titre principal,
-constater que la parcelle [...] n'avait pas été cédée à l'Etat par les actes dont ce dernier avait bénéficié en 1961, 1964 et 1970,
-dire que de ce fait la SA ORANGE venant aux droits de France Telécom n'a pas pu devenir propriétaire de la parcelle [...] selon l'acte signé avec l'Etat en 1993,
-constater l'empiétement de la SA ORANGE sur des parcelles ne lui appartenant pas,
-dire et juger que cet empiétement est constitutif d'une voie de fait,
-à défaut désigner un géomètre-expert avec pour mission de définir les limites de la propriété de la SA ORANGE se situant en zone AS au sud de la route nationale et au nord du domaine public lacustre découlant du titre de propriété des 20 juillet et 05 août 1993,
*à titre subsidiaire,
-dire et juger que M. M... T... est devenu propriétaire de la parcelle [...] par l'effet de la prescription acquisitive suite à sa possession depuis au moins 1966,
*à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la convention conclue le 10 octobre 2010 est nulle et non avenue en remettant les parties dans l'état antérieur à la signature,
-condamner la SA ORANGE au paiement de la somme de 5 000 euros à M. X... T... et Mme E... T... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SA ORANGE demande à la cour, de :
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre le 06 juillet 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en nullité de la convention de prêt à usage passée entre la société France Telecom et M. X... et Mme E... T... portant sur la parcelle cadastrée [...] située sur la commune de Baie-Mahault d'une contenance de 1ha 984m², prononcé la résiliation de cette convention au 30 novembre 2013, ordonné l'expulsion de M. X... et de Mme E... T... tant de corps que de biens ainsi que de tous occupants de leur chef, avec recours si besoin est à la force publique, ceux-ci étant occupants sans droit, ni titre de la parcelle [...] depuis le 30 novembre 2013, rejeté la demande de M. M... T... en revendication de la parcelle cadastrée section [...] située à Destrellan sur la commune de Baie-Mahault, condamné in solidum M. X... et Mme E... T... au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euros ainsi qu'aux dépens,
-recevoir la SA ORANGE en son appel incident et le déclarer fondé,
-en conséquence, infirmer le jugement querellé en ce qu'il a rejeté la demande de la SA ORANGE en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice qui lui est causé du fait de l'immobilisation de la parcelle et de leur refus de démolir les constructions édifiées,
-statuant à nouveau, condamner solidairement M. X... T... et Mme E... T... au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre,
-condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
Sur la qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée [...]
Sur la correspondance des titres
A l'énoncé de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements
Suivant acte administratif des 20 juillet et 05 août 1993 publié à la conservation des hypothèques de Pointe-à-Pitre le 25 août 1993, l'Etat, en vertu de la loi no90-568, a transféré à titre gratuit à la société France Telecom, un terrain sis à [...], cadastré [...], d'une superficie de 22 ha, 09a et 10ca telle qu'elle résulte de l'élaboration du cadastre et les constructions y édifiées, avec jouissance à compter du 01er janvier 1991.
De cet acte, il ressort que ce terrain est la propriété de l'Etat pour l'avoir acquis de la société industrielle et agricole de Pointe-à-Pitre aux termes des actes administratifs publiés à la conservation des hypothèques, des 12 mai 1961 (pour une superficie de 5ha et 10a outre 65a) et 16 novembre 1964 (pour une superficie de 20ha 21a 60ca outre 17ha 83a 80ca) et de la société immobilière de construction de l'administration des finances des 15 et 25 avril 1970 (pour une superficie de 27 200m²).
Le terrain anciennement cadastré [...] a fait l'objet d'une division en 31 parcelles numérotées [...] à 494 dont la superficie totale s'élève à 21ha 91a 69ca selon le document d'arpentage enregistré au service du cadastre et réalisé le 30 juin 2000 par le cabinet Hierso géomètre-expert soit une différence totale de 1741m² par rapport à la surface retenue dans l'acte administratif précité et de 161 m² pour la parcelle [...] issue de [...].
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'écart de superficie des terres appartenant à l'Etat -dont la totalité dépasse largement 21 ha- et la mention de l'absence de "garantie de mesure ou de consistance" figurant dans l'acte de cession des 20 juillet et 05 août 1993, ne permettent pas de considérer que la parcelle en cause [...] n'était pas la propriété de l'Etat et aujourd'hui de la SA ORANGE ou que cette dernière devait en garantir l'occupation par les colons occupants, étant précisé que la rénovation du cadastre a été organisée par une loi du 18 juillet 1974.
De ces documents, il n'est pas davantage établi que l'Etat a transmis à la SA ORANGE un surplus de terres ne lui appartenant pas, cette dernière exposant expressément ne pas être propriétaire du lot 26 divisé désormais en 57 parcelles cadastrées [...] à [...] et les appelants n'en rapportant pas la preuve contraire (l'acte des 15 et 25 avril 1970 n'ayant vendu à l'Etat que 27 200 m2 d'une parcelle de 15ha 01a 14ca constituant le lot 26 des terres morcelées de [...]) ou que la parcelle [...] a été comblée, au sud, sur le domaine public lacustre. A ce sujet, il convient de préciser que le courrier du 01er avril 1977 adressé par le préfet de Guadeloupe à M.F... Y... -non concerné par le présent litige- au sujet de la concession d'un terrain dont ce dernier aurait été occupant à Houelbourg Baie-Mahault lequel aurait pu avoir été noyé du fait de la régression de la mangrove dans cette zone, est sans conséquence sur l'identité du propriétaire de la parcelle cadastrée [...] sise à Destrellan, objet de la cause.
Dés lors, sans qu'il soit opportun d'ordonner une expertise, en l'espèce non étayée, la cour n'ayant pas à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve, c'est à tort que MM. M..., X... et Mme Z... T... soutiennent que la SA ORANGE a empiété sur des parcelles ne lui appartenant pas.
Sur la prescription acquisitive
L'article 2258 du code civil dispose que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.
L'article 2261 du même code ajoute que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière étant de trente ans en vertu des dispositions de l'article 2272 du code civil.
En l'espèce, si au soutien de la prescription acquisitive de la parcelle [...] alléguée par M. M... T..., les appelants versent aux débats une dizaine d'attestations de témoins (MM. P... K..., W... A..., N... Q..., S... B..., R... L..., V... D..., Mme J... O...) indiquant que celui-ci occupe depuis plus de 30 ans (depuis 1965 ou 1967) la parcelle revendiquée en y élevant ses boeufs et cochons, il apparaît d'autres documents du dossier que celui-ci n'ignorait pas que cette dernière était la propriété de l'Etat puis de la SA ORANGE de sorte qu'il n'occupait pas de façon non équivoque et à titre de propriétaire.
Cela ressort du mail envoyé le 10 janvier 2010 par M. X... T... à M. H... U... de la SA ORANGE faisant allusion aux courriers par eux envoyés en 2005 au conseil général, en 2006 à la société France Télécom ou en 2009 à la ville de Baie-Mahault en vue d'une régularisation de leur situation pour l'acquisition de ladite parcelle.
Dans tous les cas, il est constant que la parcelle revendiquée a été cédée à l'Etat à la société France Telécom par acte des 20 juillet et 05 août 1993 régulièrement publié à la conservation des hypothèques et que dans le cadre de la convention de prêt à usage signée le 10 octobre 2010 avec la SA ORANGE désignée comme prêteur, M. X... et Mme E... T... en sont devenus emprunteurs, ce que n'ignorait pas M. M... T... lequel n'a pas fait valoir ses droits prétendus de propriétaire.
En réalité, ce dernier établit la preuve d'actes de simple tolérance qui ne peuvent fonder ni une possession non équivoque, ni une prescription acquisitive de la parcelle cadastrée [...] .
Dés lors, c'est à raison que la juridiction de premier ressort a rejeté la demande en revendication de la parcelle cadastrée [...] présentée par M. M... T.... En conséquence, le jugement querellé sera confirmé de ce chef.
Sur la validité de la convention de prêt à usage
L'article 1110, alinéa 1, du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
L'article 1112 du même code énonce que il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes.
En l'espèce, le 10 octobre 2010, la SA ORANGE (anciennement France Telecom) s'est engagée à prêter à titre gratuit à M.X... T... et à Mme E... T..., un terrain immobilier situé sur la commune de Baie-Mahault cadastré [...] afin qu'ils puissent "y cultiver (leur) potager et y faire paître (leur) bétail".
Ce prêt à usage a été signé pour une durée d'un an soit jusqu'au 01 octobre 2011 et tacitement reconductible par période d'un an, sauf résiliation prévue à l'article 8 de ladite convention prévoyant que "par dérogation à l'article 1888 du code civil, la présente convention est révocable à tout moment par le prêteur sous réserve de respecter la fin de la récolte en cours, le retrait de la chose étant à la discrétion du prêteur et ce sans justification de sa part, aucune indemnité ne sera due par le prêteur à l'emprunteur, la résiliation s'effectuera par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée à l'autre partie, trois mois au préalable".
L'article 4.8 du dit contrat précise que "l'emprunteur s'engage à prendre les lieux prêtés dans l'état où ils se trouvent et à ne faire aucune construction de quelque nature que ce soit, sans le consentement exprès et écrit du prêteur".
Les Consorts T... soutiennent que leur consentement a été vicié, l'erreur portant sur la substance du contrat et qu'ils ont subi la violence de la SA ORANGE car celle-ci a profité de leur ignorance et de leur état de faiblesse puisque l'édification de la construction dont on leur reproche aujourd'hui l'existence remonte à plus de 10 ans et le cabanon à plus de 30 ans de sorte qu'au moment de la signature de cette convention, la clause résolutoire était déjà édifiée. Ils précisent qu'ils ne se sont pas désistés de leur action en nullité dont le point de départ ne peut être que le jour où ils ont effectivement eu conscience de l'erreur à savoir le jour de la réception de la mise en demeure soit le 24 avril 2012, l'exception de nullité, étant dans tous les cas, perpétuelle.
Au visa de l'article 1304 ancien du code civil prévoyant une prescription quinquennale pour les actions en nullité d'une convention, les premiers juges ont considéré que la demande de M. X... et Mme Z... T... tendant à la nullité de la convention de prêt à usage signée le 10 octobre 2010 était irrecevable pour être prescrite au motif que si ces derniers avaient formulé cette prétention dans leurs conclusions du 11 septembre 2014 soit dans le délai légal de 5 ans, ils s'en étaient désistés dans leurs écritures du 01er octobre 2015 de sorte que sa reformulation dans leurs conclusions du 04 février 2016 était tardive pour avoir été présentée postérieurement au délai de prescription expirant le 11 octobre 2015.
Ce raisonnement ne peut être retenu puisque M. X... et Mme E... T... ne se sont pas désistés de leur demande en nullité de la convention signée le 10 octobre 2010 et dans tous les cas l'ont formulée, ainsi que le précise la juridiction de premier ressort, dans leurs conclusions du 11 septembre 2014 soit dans le délai quinquennal prévu par la loi.
Aussi, le jugement querellé sera infirmé du chef de la recevabilité de cette demande en nullité.
Sur le fond, il convient de rappeler que la validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat, les appelants étant mal fondés à soutenir qu'ils n'ont eu conscience de l'erreur que lors de la réception du courrier de résiliation du 04 avril 2012 alors qu'il s'agit d'une modalité d'exécution prévue audit contrat.
Le contrat conclu le 10 octobre 2010 précise expressément que l'emprunteur s'engage à prendre les lieux prêtés dans l'état où ils se trouvent et à ne faire aucune construction de quelque nature que ce soit, mais aucun état des lieux, pourtant prévu à l'article 7 du contrat signé, n'a été versé au dossier.
Il y a lieu de rappeler que l'objet de la convention de prêt à usage est de permettre à M. X... T... et à Mme E... T... de cultiver leur potager et de faire paître leur bétail, en aucun cas d'y fixer leur résidence habituelle, leur adresse portée sur cette dernière, étant d'ailleurs "44 LTS Moudong Nord Baie-Mahault".
De plus, les photographies produites, prises le 19 mai 2010 sur le terrain dont s'agit, montrent MM. X... et M... T..., souriants, serrer la main des représentants de la SA ORANGE. Ces dernières ne laissent pas apparaître la maison d'habitation litigieuse et si des photographies représentant celles-ci sont produites, elles ne permettent pas d'établir son édification antérieurement à la signature de ladite convention, la seule appréciation de M. G... C... expert immobilier requis par les appelants, faite dans son rapport du 8 août 2014, selon laquelle la maison en cause a plus de 10 ans, étant insuffisante en l'absence d'autres documents à en justifier.
Dans tous les cas, M. X... et Mme Z... T... ne produisent aucune pièce justifiant de l'idée fausse qu'ils ont eu de la nature des droits qu'ils pensaient acquérir, de sorte que le moyen tiré de la nullité de ladite convention signée le 10 octobre 2010 pour cause d'erreur sur la substance de la chose sera rejeté.
Par ailleurs, les appelants ne justifient pas d'agissements abusifs de la part de la SA ORANGE à leur encontre, leur seul statut d'éleveurs face à cette dernière ne suffisant pas à démontrer qu'ils ont craint de ne pas contracter ou ont subi une contrainte pour le faire. Aussi, la violence ne peut davantage être invoquée comme motif de nullité de cette convention.
Dés lors, M. X... et Mme E... T... échouant à rapporter la preuve que leur consentement a été vicié, leur demande en nullité de la convention conclue le 10 octobre 2010 avec la SA ORANGE tout comme l'exception de nullité soulevée, seront rejetées.
Sur la résiliation de la convention de prêt à usage
L'article 1875 du code de civil dispose que le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge pour le preneur de la rendre après s'en être servi.
Ce contrat se caractérise par la réunion de trois éléments : la remise d'une chose, la restitution de cette chose et cela à titre gratuit.
L'article 1888 du même code précise que le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée.
Il est admis que cet article n'étant pas d'ordre public, lorsque aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose à usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable.
En l'espèce, ainsi qu'il a été précisé supra, le prêt à usage en cause a été signé pour une durée d'un an tacitement reconductible par période d'un an, et a expressément prévu que "par dérogation à l'article 1888 du code civil, la présente convention est révocable à tout moment par le prêteur sous réserve de respecter la fin de la récolte en cours, le retrait de la chose étant à la discrétion du prêteur et ce sans justification de sa part, aucune indemnité ne sera due par le prêteur à l'emprunteur, la résiliation s'effectuera par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée à l'autre partie, trois mois au préalable", l'article 4.8 du dit contrat prévoyant que "l'emprunteur s'engage à prendre les lieux prêtés dans l'état où ils se trouvent et à ne faire aucune construction de quelque nature que ce soit, sans le consentement exprès et écrit du prêteur".
Il ressort des procès-verbaux de constats dressés les 11 juin 2012, 08 avril 2013 et 20 décembre 2013 par la SCP [...], huissiers de justice à Pointe-à-Pitre, que se trouvent sur la parcelle cadastrée [...] outre un cabanon composé de planches de bois et de feuilles de tôles, une maison de construction mixte composée d'un container incorporé à une plate-forme en béton, l'autre partie de la maison étant édifiée en bois avec couverture de tôle ondulée et terrasse couverte.
S'il n'est pas contesté que le cabanon ou "ajoupa" préexistait au contrat conclu le 10 octobre 2010, M. X... T... et Mme E... T... ne rapportent pas la preuve que cette maison béton-bois y était également édifiée à cette date, la seule appréciation de M. G... C... expert immobilier requis par les appelants, faite dans son rapport du 8 août 2014, selon laquelle cette dernière a plus de 10 ans, étant insuffisante en l'absence d'autres documents à en justifier, étant précisé qu'elle ne figure pas sur les photographies versées prises sur le terrain le 19 mai 2010 lors d'une visite des représentants de la SA ORANGE.
Aussi, vu les termes de la convention de prêt à usage conclue entre les parties précisant que "le retrait de la chose (est) à la discrétion du prêteur et ce sans justification de sa part", il y a lieu de considérer que la SA ORANGE a pu valablement, dans un délai raisonnable et hors récolte, par courrier recommandé du 02 août 2013, faire usage de sa faculté de résiliation avec effet au 30 novembre 2013.
Dés lors, c'est à raison que les premiers juges ont fait droit à cette demande et ordonné l'expulsion de M. X... T... et de Mme E... T..., devenus occupants sans droit, ni titre, du terrain en cause. En conséquence, le jugement querellé sera confirmé de ces chefs.
Sur la demande de dommages et intérêts
A l'énoncé de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, si la SA ORANGE indique vouloir réaliser son patrimoine notamment au profit de la ville de Baie-Mahault, elle ne rapporte pas la preuve du dommage à elle causé directement par M. X... et Mme E... T... légitimes à faire valoir leurs droits même à tort, plusieurs parcelles limitrophes de celle en cause restant la propriété de l'intimée.
Aussi, c'est à raison que les premiers juges ont considéré que la SA ORANGE ne justifiait pas de la somme réclamée au titre de l'immobilisation de cette parcelle et du coût non rapporté de la démolition. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Les circonstances de la cause commandent l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'intimée ayant été contrainte d'exposer des frais irrépétibles devant la cour.
Succombant, MM. M... et X... T... et Mme E... T... supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe ;
Confirme le jugement déféré rendu le 6 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande tendant à dire que la convention conclue le 10 octobre 2010 est nulle et non avenue ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Déclare recevable la demande en nullité de la convention signée le 10 octobre 2010 entre M. X... T... et Mme E... T... et la SA ORANGE ;
Déboute M. X... T... et Mme E... T... de cette demande en nullité ;
Condamne in solidum M. M... T..., M. X... T... et Mme E... T... aux entiers dépens et au paiement en faveur de la SA Orange d'une indemnité de procédure de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties.
Et ont signé le présent arrêt.
La Greffière La Présidente