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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00459

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 07 mai 2024, 24/00459


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE







RG : 24/00459

N° Portalis : DBV7-V-B71-DVYT







ORDONNANCE DU 07 MAI 2024

Rendue en application de l'Article L.3211-12-1 du Code de la Santé Publique



Nous, Pascale BERTO, vice-présidente placée affectée à la cour d'appel en qualité de conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, dans le cadre des dispositions des articles L.3211-12-4 et suivants du code de la santé publique



Assistée de Murielle LOYSON, greff

ière.



Vu la procédure concernant

M. [J] [W],

né le 09 janvier 1964 à [Localité 2]

[Adresse 3]

admis, le 20 avril 2024, admis en soins...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

RG : 24/00459

N° Portalis : DBV7-V-B71-DVYT

ORDONNANCE DU 07 MAI 2024

Rendue en application de l'Article L.3211-12-1 du Code de la Santé Publique

Nous, Pascale BERTO, vice-présidente placée affectée à la cour d'appel en qualité de conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, dans le cadre des dispositions des articles L.3211-12-4 et suivants du code de la santé publique

Assistée de Murielle LOYSON, greffière.

Vu la procédure concernant

M. [J] [W],

né le 09 janvier 1964 à [Localité 2]

[Adresse 3]

admis, le 20 avril 2024, admis en soins sous hospitalisation complète à l'Établissement Public de Santé Mentale de la Guadeloupe sans demande d'un tiers,

non-comparant

Représenté par Me Antoine LE SCOLAN, au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy,

Vu l'ordonnance rendue le 26 avril 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Basse -Terre, disant n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Vu la déclaration d'appel de [J] [W], par l'intermédiaire de son avocat et reçue au secrétariat- greffe de la cour d'appel le 30 avril 2024 à 17h00,

Vu les convocations à l'audience tenue le 06 mai 2024 à 15 heures au siège de la cour d'appel en chambre du conseil, en application de l'article L 3211-12-2 du code de la santé publique,

En l'absence de Mme la Directrice de l'Établissement Public de Santé Mentale de Guadeloupe (Nord [Localité 1]), régulièrement convoquée et non représentée,

En l'absence du Ministère Public, régulièrement convoqué, non représenté.

L'audience s'est tenue le 06 mai 2024 à 15h00 au siège de la juridiction, en audience publique conformément à l'article L3211-12-2 du code de la santé publique.

FAITS ET PROCEDURE :

Par décision du 20 avril 2024, Mme [A] [U], administrateur de garde de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de M. [J] [W] sans tiers.

Le 23 avril 2024, Mme [B] [R], attachée d'administration hospitalière, par délégation de la Directrice de l'EPSM a saisi le juge des libertés et de la détention en vue du contrôle de cette mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance rendue le 26 avril 2024, le juge de la liberté et de la détention du tribunal judiciaire de Basse-Terre a dit n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

M. [J] [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision par mail reçu au greffe de la cour le 30 avril 2024 à 17h00. Aux termes de son mémoire d'appel, il sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée.

Me Antoine LE SCOLAN, aux termes de son mémoire et en sa plaidoirie a sollicité l'infirmation de l'ordonnance querellée, estimant irrégulière la mesure d'hospitalisation complète en soins psychiatriques de M. [J] [W] à défaut de non consentement aux soins ; à défaut de l'absence de convocation et de présence de la tutrice ; à défaut d'obtenir une demande par un tiers et à défaut d'avis à famille dans le délai de 24 heures ; qu'il n'est pas rapporté la preuve des délégations de signature aux auteurs des décisions contestées ; à défaut de signature de la décision de maintien en hospitalisation complète ; à défaut de notification des décisions au patient et de ses droits ; sur l'absence de proportionnalité de la mesure d'avis motivé fondant la décision de mise à l'isolement du patient en violation de l'article 5§1 de la CEDH ; à défaut de prise en compte de la contestation à l'audience des mesures de contention ou d'isolement.

A l'issue des débats, les parties présentes ont été informées que la décision était mise en délibéré au 07 mai 2024 dans la matinée, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS :

Aux termes de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.

L'article L.3211- 12-1- 3° du même code dispose que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission. La saisine est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

En l'espèce, selon le certificat médical du 20 avril 2024 du docteur [C], médecin au CHU de la Guadeloupe, M [J] [W] présentait les troubles mentaux suivants : délire de persécution, hallucinations auditives, anxiété, tachypsychie. Il concluait que ces troubles rendent impossible son consentement et nécessitent des soins assortis d'une surveillance constante à l'EPSM de Guadeloupe selon les dispositions de l'article L 3212-1-II-2 du Code de la Santé Publique dans le cadre de soins psychiatriques sous contrainte.

Par décision du 20 avril 2024, Mme [A] [U], administrateur de garde, par délégation du Directeur de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe, a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de M [J] [W]. Notifiée à la patiente le même jour.

Aux termes du certificat de situation de 24h, établi le 21 avril 2024 à 11h24 par le Dr [P] [H], praticien hospitalier à l'EPSM de la Guadeloupe, M [J] [W] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 20 avril 2024, « patient psychotique en rupture de traitement, retrouvé après 2 jours d'errance.

Hospitalisation pour remise en place du traitement à évaluation somatique car altération de l'état général et amaigrissement.

Vu en entretien avec ses frères, calme, propos en partie incohérents, désorientation temporo spatiale et absence de critique des troubles.

Consommation de cannabis et de crack au domicile ayant majoré un comportement incurique et des conduites à risque.

Pas d'éléments délirants francs.

Semble dans l'alliance avec une bonne relation de fratrie. Néanmoins l'ambivalence est importante avec nécessité de réinstaurer un traitement

psychotrope. »

Il concluait qu'il existe un péril imminent pour sa santé, et dans ces conditions, les soins psychiatriques sans consentement sont justifiés ct la mesure doit être maintenue, sous la forme d'une hospitalisation complète, conformément aux dispositions de l'article L 3211-2-2 du Code de la Santé Publique.

Selon le certificat de situation de 72 heures établi le 23 avril 2024 à 12H35 par le Dr [Z] [V], médecin psychiatre, M [J] [W] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 20 avril 2024, il présente des « troubles du comportement et errance pathologique ayant entrainé une situation de dégradation sociale, incurie, une altération de 1'état général et une rupture des soins psychiatriques et d'oppositions aux propositions d'accompagnement et d'assistance.

Absence des idées délirantes mais le discours est dif'uent avec une désorganisation, une désorientation et des troubles mnésiques.

L'ambivalence et l'inconsciente des risques encourus justifient le maintien des soins sous contrainte en hospitalisation. »

Il concluait que « les soins psychiatriques sans consentement sont justifiés et la mesure doit être maintenue en hospitalisation complète, conformément aux dispositions de 1'article L.3211-2-2 du Code de la Santé Publique ».

Par décision du 22 avril 2024 à 20h01, Mme [B] [R], attachée d'administration hospitalière, par délégation de Mme la Directrice de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe, a ordonné le maintien en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète de M. [J] [W]. Décision qui n'a pu être notifiée car le patient était sédaté.

Le 23 avril 2024, Mme [B] [R], attachée d'administration hospitalière, par délégation de la Directrice de l'EPSM, a saisi le juge des libertés et de la détention en vue du contrôle de cette mesure d'hospitalisation complète.

Aux termes d'un avis motivé du 24 avril 2024, le Dr [T] [K], psychiatre, a indiqué « Admission psychiatrique pour rechute psychotique associée à une errance dans un contexte d'inobservance thérapeutique avec probable consommation de toxiques minimisée.

Il présente actuellement une désorganisation psychique.

L'insight demeure faible. »

Il concluait que l'état clinique du patient nécessitait la poursuite de la prise en charge en hospitalisation complète.

Sur la recevabilité de l'appel :

Formé dans les formes et les délais prescrits par la loi, l'appel de M [J] [W] est recevable.

Sur la procédure :

Sur les exceptions de procédure

Selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond.

En l'espèce il résulte de l'ordonnance dont appel qu'il a été soutenu l'absence et l'irrégularité des notifications des décisions, des droits et voies de recours.

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.

En outre, toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

Si l'autorité administrative qui prend une mesure de placement ou maintien en hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit, d'une manière appropriée à son état, informer le patient le plus rapidement possible des motifs de cette décision, de sa situation juridique et de ses droits, le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui se rapporte à l'exécution de la mesure, est sans influence sur sa légalité conformément aux motifs de l'arrêt de la cour de cassation du 15 janvier 2015 (n° 13-24361).

Toutefois cette obligation d'information correspond à un droit essentiel du patient, celui d'être avisé d'une situation de soins contraints et des droits en découlant, étant ici rappelé que le juge européen assimile l'hospitalisation d'office à une arrestation et lui applique donc les obligations de l'article 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit d'information de la personne détenue.

Il émane des pièces de la procédure que les décisions querellées n'ont pu être notifiées au patient en raison de son état de santé incompatible, qu'aux termes des certificats de situation 24h et 72h des 21 et 23 avril 2024 celui-ci a été informé « des modalités de soins, de ses droits, voies de recours et garanties et ses observations ont pu être recueillies ». Le moyen est donc infondé.

Sur la fin de non-recevoir

Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice.

Le régime des fins de non-recevoir diffère de celui des exceptions de procédure en ce qu'elles peuvent être invoquées en tout état de cause et ne nécessitent pas la preuve d'un grief.

En application des dispositions de l'article L 3212 - 1 du code de la santé publique, la décision d'admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent doit en principe être prononcée par le directeur de l'établissement.

Toutefois, il lui est possible en application des dispositions de l'article D.143 - 33 du code de la santé publique de déléguer ses compétences en cette matière.

De plus, l'article D.6143 - 34 du même code, s'agissant des exigences conditionnant la régularité de cette délégation, dispose :

« Toute délégation doit mentionner :

1°/le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée,

2 °/la nature des actes délégués.

3 °/ Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. »

Par ailleurs l'article D.6143 - 35 du même code prévoit que ces délégations doivent être notifiées aux intéressés et publiées par tous moyens les rendant consultables.

En l'espèce, il est contesté que les auteurs de la saisine et des décisions d'admission et de maintien ont fait l'objet d'une délégation l'ayant habilité à la prendre.

Cependant, l'article L.6147-7du CSP prévoit que le directeur d'un établissement public peut déléguer sa signature.

Il appartient au juge judiciaire de vérifier la régularité de l'acte qui le saisit, y compris au regard de la qualité du signataire de la requête.

Il résulte de la décision DG/EPSM-G/2023-09 du 24 avril 2023 portant délégation permanente de signature à compter du 1er avril 2023 que Mesdames [R], [L], [E] et [I], AAH pour toutes décisions relevant de leur garde. Il résulte de la décision DG/EPSM-G/2023-08 du 24 avril 2023 portant délégation de signature à Mesdames [R] pour la gestion des soins sans consentement, les demandes de saisine pour contrôle et des demandes de saisine de main levée, délégation temporaire pour l'admission en soins sans tiers.

Force est de constater qu'il n'est pas produit de délégation de signature pour Mme [A] [U], administrateur de garde de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe, qui est signataire de la décision du 20 avril 2024

L'irrespect de ces exigences formelles n'ont ainsi pas mis en mesure le patient de vérifier immédiatement que l'auteur de l'acte administratif d'hospitalisation sous contrainte avait juridiquement compétence et qualité pour prendre cette décision.

Le moyen est donc fondé et donc sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, il convient d'infirmer la décision querellée et d'ordonner la mainlevée.

Sur la nécessité de différer les effets de l'infirmation de l'ordonnance:

L'article L3211-12-1 du code de la santé publique prévoit la possibilité pour le juge des libertés et de la détention au vu des éléments du dossier et par décision motivée, de décider que la mainlevée prenne effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi, la mesure d'hospitalisation complète prenant fin dès l'établissement de ce programme ou à l'expiration du délai.

Il résulte des pièces du dossier, et notamment de l'avis motivé du 24 avril 2024, le Dr [T] [K], psychiatre, qui a indiqué « Admission psychiatrique pour rechute psychotique associée à une errance dans un contexte d'inobservance thérapeutique avec probable consommation de toxiques minimisée. Il présente actuellement une désorganisation psychique. L'insight demeure faible. »

En l'espèce, compte tenu de la gravité des troubles psychiatriques constatés durant l'hospitalisation, de la nécessaire poursuite des soins et de l'adhésion précaire de M [J] [W] aux soins, il y a lieu de retarder de 24 heures maximum les effets de cette ordonnance de mainlevée des soins en hospitalisation complète afin de laisser la possibilité de mise en place d'un programme de soins.

La cour, en équité, rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, magistrat délégué par le premier président, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe après avis donné aux parties,

Infirmons la décision déférée, et statuant à nouveau,

Faisons droit à la fin de non-recevoir tirée de l'absence de délégation de signature ;

Donnons mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de M [J] [W] ;

Disons que la mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin que l'établissement puisse, le cas échéant, établir un programme de soins, l'hospitalisation complète prenant fin dès l'établissement de ce programme ou à l'expiration de ce délai.

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Rejetons la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d'établissement et à monsieur le préfet.

Fait à Basse-Terre, le 07 mai 2024.

Le greffier Le conseiller délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 24/00459
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.00459 ?
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