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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00461

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 07 mai 2024, 24/00461


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE







RG : 24/00461

N° Portalis : DBV7-V-B71-DVYV







ORDONNANCE DU 07 MAI 2024

Rendue en application de l'Article L.3211-12-1 du Code de la Santé Publique



Nous, Pascale BERTO, vice-présidente placée affectée à la cour d'appel en qualité de conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, dans le cadre des dispositions des articles L.3211-12-4 et suivants du code de la santé publique



Assistée de Murielle LOYSON, greff

ière.



Vu la procédure concernant

Mme [B] [C],

né le 28 octobre 1953

[Adresse 2] [Localité 1]

admis, le 20 avril 2024, admis en soins ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

RG : 24/00461

N° Portalis : DBV7-V-B71-DVYV

ORDONNANCE DU 07 MAI 2024

Rendue en application de l'Article L.3211-12-1 du Code de la Santé Publique

Nous, Pascale BERTO, vice-présidente placée affectée à la cour d'appel en qualité de conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, dans le cadre des dispositions des articles L.3211-12-4 et suivants du code de la santé publique

Assistée de Murielle LOYSON, greffière.

Vu la procédure concernant

Mme [B] [C],

né le 28 octobre 1953

[Adresse 2] [Localité 1]

admis, le 20 avril 2024, admis en soins sous hospitalisation complète à l'Établissement Public de Santé Mentale de [3] sans demande d'un tiers,

comparante

Assistée par Me Antoine LE SCOLAN, au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy,

Vu l'ordonnance rendue le 26 avril 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Basse -Terre, disant n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Vu la déclaration d'appel de [B] [C], par l'intermédiaire de son avocat et reçue au secrétariat- greffe de la cour d'appel le 30 avril 2024 à 17h00,

Vu les convocations à l'audience tenue le 06 mai 2024 à 15 heures au siège de la cour d'appel en chambre du conseil, en application de l'article L 3211-12-2 du code de la santé publique,

En présence de

Mme [B] [C], assistée de Maître Antoine LE SCOLAN,

En présence de Mme la Directrice de l'Établissement Public de Santé Mentale de [3] ([Localité 4]),

En l'absence du Ministère Public, régulièrement convoqué, non représenté.

L'audience s'est tenue le 06 mai 2024 à 15h00 au siège de la juridiction, en audience publique conformément à l'article L3211-12-2 du code de la santé publique.

FAITS ET PROCEDURE :

Par décision du 19 avril 2024, Mme [W] [Y], administrateur de garde de l'Etablissement public de santé mentale de [3] a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de Mme [B] [C] sans tiers.

Le 23 avril 2024, Mme [A] [P], attachée d'administration hospitalière, par délégation de la Directrice de l'EPSM a saisi le juge des libertés et de la détention en vue du contrôle de cette mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance rendue le 26 avril 2024, le juge de la liberté et de la détention du tribunal judiciaire de Basse-Terre a dit n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Mme [B] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision par mail reçu au greffe de la cour le 30 avril 2024 à 17h00. Aux termes de son mémoire d'appel, il sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée.

Me Antoine LE SCOLAN, aux termes de son mémoire et en sa plaidoirie a sollicité l'infirmation de l'ordonnance querellée, estimant irrégulière la mesure d'hospitalisation complète en soins psychiatriques de Mme [B] [C] pour atteinte aux droits de la défense à défaut d'avoir été mis en contact avec un avocat au cours de son hospitalisation ; à défaut d'obtenir une demande par un tiers et à défaut d'avis à famille dans le délai de 24 heures ; à défaut de délégation de signature des auteurs des actes contestés ; à défaut de notification des décisions au patient et de ses droits ; sur le retard de notification de la décision d'admission ; à défaut de prise en compte de la contestation à l'audience des mesures de contention ou d'isolement.

Mme [B] [C] a eu la parole en dernier.

A l'issue des débats, les parties présentes ont été informées que la décision était mise en délibéré au 07 mai 2024 fin de matinée, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS :

Aux termes de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.

L'article L.3211- 12-1- 3° du même code dispose que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission. La saisine est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

En l'espèce, selon le certificat médical du 19 avril 2024 du docteur [X] [K], médecin au CHU de [3], Mme [B] [C] présentait un « trouble du comportement avec incurie, mise en danger de son entourage et discours délirant. »

Il concluait que ces troubles rendent impossible son consentement et nécessitent des soins assortis d'une surveillance constante à l'EPSM de [3] selon les dispositions de l'article L 3212-1-II-2 du Code de la Santé Publique dans le cadre de soins psychiatriques sous contrainte.

Par décision du 19 avril 2024, Mme [W] [Y], administrateur de garde de l'Etablissement public de santé mentale de [3], a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de Mme [B] [C]. Notifiée à la patiente le même jour.

Aux termes du certificat de situation de 24h, établi le 20 avril 2024 à 10h20 par le Dr [U] [N], praticien hospitalier à l'EPSM de [3], Mme [B] [C] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 19 avril 2024, « la patiente présente des troubles du comportement et un vécu de persécution alimenté par des interprétations ct des pensées erronées. Elle se barricade dans son domicile avec son fils et son frère qui sont vulnérables, en les privant d'accès aux soins et à l'accompagnement social mis en place. D'où un signalement fait au Juge et une intervention des Forces de l'Ordre.

Les propos sont diffluents avec une méfiance extrême, elle parle de menaces par l'entourage et de la fin du monde. Elle évoque des projets non plausibles.

On note une absence d'antécédents psychiatriques connus, une anosognosie et une inconscience des troubles psychiatriques et des risques encourus pour elle-même et pour sa famille.»

Il concluait qu'il existe un péril imminent pour sa santé, et dans ces conditions, les soins psychiatriques sans consentement sont justifiés ct la mesure doit être maintenue, sous la forme d'une hospitalisation complète, conformément aux dispositions de l'article L 3211-2-2 du Code de la Santé Publique.

Selon le certificat de situation de 72 heures établi le 22 avril 2024 à 12h07 par le Dr [Z] [J], médecin psychiatre, Mme [B] [C] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 20 avril 2024, il présente des « Tableau clinique évocateur d'une organicité, prise en charge en CS1 pour une évaluation et surveillance constante.

Délire de persécution à bas bruit, absence de troubles du comportement.

Nombreuses comorbidités somatiques chroniques non stabilisées par absence de suivi spécialisé. »

Il concluait que « les soins psychiatriques sans consentement sont justifiés et la mesure doit être maintenue en hospitalisation complète, conformément aux dispositions de 1'article L.3211-2-2 du Code de la Santé Publique ».

Par décision du 22 avril 2024 à 20h00, Mme [A] [P], attachée d'administration hospitalière, par délégation de la Directrice de l'Etablissement public de santé mentale de [3], a ordonné le maintien en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète de Mme [B] [C].

Aux termes d'un avis motivé du 22 avril 2024, le Dr [U] [N], psychiatre, a indiqué « Tableau clinique évocateur d'une organicité, prise en charge en CS1 pour une évaluation et surveillance constante.

Délire de persécution à bas bruit, comportement inadapté avec isolement et refus du contact social mettant en péril les soins et la santé de la patiente, de son fils et de son frère qui sont vulnérables avec handicap

Il existe de nombreuses comorbidités somatiques chroniques non stabilisées par absence de suivi spécialisé. »

Il concluait que l'état clinique de la patiente nécessitait la poursuite de la prise en charge en hospitalisation complète.

Le 23 avril 2024, Mme [E] [G], Directeur de l'EPSM, a saisi le juge des libertés et de la détention en vue du contrôle de cette mesure d'hospitalisation complète.

Aux termes des certificats d'inaptitude du 25 avril 2024 à 14h29 et du certificat de situation du 26 avril 2024 à 08h50 du Dr [R] [O], médecin psychiatre, Mme [B] [C] a refusé de rencontrer le JLD.

Sur la recevabilité de l'appel :

Formé dans les formes et les délais prescrits par la loi, l'appel de Mme [B] [C] est recevable.

Sur la procédure :

Sur les exceptions de procédure

Selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond.

En l'espèce il résulte de l'ordonnance dont appel les exceptions nouvelles tirées de l'absence et de l'irrégularité des notifications des décisions, des droits et voies de recours, du défaut d'avis à famille dans le délai de 24 heures, du retard de notification de la décision d'admission ; soulevées pour la première fois en cause d'appel, seront déclarées irrecevables. En outre, il émane des pièces de la procédure que la décision querellée a été notifiée à la patiente le 19 avril 2024 et, qu'aux termes des certificats de situation 24h et 72h des 20 et 22 avril 2024 celui-ci a été informé « des modalités de soins, de ses droits, voies de recours et garanties et ses observations ont pu être recueillies ». De plus le défaut d'avis à la famille ne porte pas grief au patient.

Sur la fin de non-recevoir :

Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice.

Le régime des fins de non-recevoir diffère de celui des exceptions de procédure en ce qu'elles peuvent être invoquées en tout état de cause et ne nécessitent pas la preuve d'un grief.

En application des dispositions de l'article L 3212 - 1 du code de la santé publique, la décision d'admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent doit en principe être prononcée par le directeur de l'établissement.

Toutefois, il lui est possible en application des dispositions de l'article D.143 - 33 du code de la santé publique de déléguer ses compétences en cette matière.

De plus, l'article D.6143 - 34 du même code, s'agissant des exigences conditionnant la régularité de cette délégation, dispose :

« Toute délégation doit mentionner :

1°/le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée,

2 °/la nature des actes délégués.

3 °/ Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. »

Par ailleurs l'article D.6143 - 35 du même code prévoit que ces délégations doivent être notifiées aux intéressés et publiées par tous moyens les rendant consultables.

En l'espèce, il est contesté que les auteurs de la saisine et des décisions d'admission et de maintien ont fait l'objet d'une délégation l'ayant habilité à la prendre.

Cependant, l'article L.6147-7du CSP prévoit que le directeur d'un établissement public peut déléguer sa signature.

Il appartient au juge judiciaire de vérifier la régularité de l'acte qui le saisit, y compris au regard de la qualité du signataire de la requête.

Il résulte de la décision DG/EPSM-G/2023-09 du 24 avril 2023 portant délégation permanente de signature à compter du 1er avril 2023 que Mesdames [P], [F], [S] et [T], [V] pour toutes décisions relevant de leur garde. Il résulte de la décision DG/EPSM-G/2023-08 du 24 avril 2023 portant délégation de signature à Mesdames [P] pour la gestion des soins sans consentement, les demandes de saisine pour contrôle et des demandes de saisine de main levée, délégation temporaire pour l'admission en soins sans tiers.

Force est de constater qu'il n'est pas produit de délégation de signature pour Mme [W] [Y], administrateur de garde de l'Etablissement public de santé mentale de [3], qui est signataire de la décision du 19 avril 2024.

L'irrespect de ces exigences formelles n'ont ainsi pas mis en mesure le patient de vérifier immédiatement que l'auteur de l'acte administratif d'hospitalisation sous contrainte avait juridiquement compétence et qualité pour prendre cette décision.

Le moyen est donc fondé et donc sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, il convient d'infirmer la décision querellée et d'ordonner la mainlevée.

Sur la nécessité de différer les effets de l'infirmation de l'ordonnance :

L'article L3211-12-1 du code de la santé publique prévoit la possibilité pour le juge des libertés et de la détention au vu des éléments du dossier et par décision motivée, de décider que la mainlevée prenne effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi, la mesure d'hospitalisation complète prenant fin dès l'établissement de ce programme ou à l'expiration du délai.

Il résulte des pièces du dossier, et notamment de l'avis motivé du 22 avril 2024, du Dr [U] [N], psychiatre, que la patiente présente les troubles suivants : « Tableau clinique évocateur d'une organicité, prise en charge en CS1 pour une évaluation et surveillance constante.

Délire de persécution à bas bruit, comportement inadapté avec isolement et refus du contact social mettant en péril les soins et la santé de la patiente, de son fils et de son frère qui sont vulnérables avec handicap

Il existe de nombreuses comorbidités somatiques chroniques non stabilisées par absence de suivi spécialisé. »

En l'espèce, compte tenu de la gravité des troubles psychiatriques constatés durant l'hospitalisation, de la nécessaire poursuite des soins et de l'adhésion précaire de Mme [B] [C] aux soins, il y a lieu de retarder de 24 heures maximum les effets de cette ordonnance de mainlevée des soins en hospitalisation complète afin de laisser la possibilité de mise en place d'un programme de soins.

La cour, en équité, rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, magistrat délégué par le premier président, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe après avis donné aux parties,

Infirmons la décision déférée, et statuant à nouveau,

Faisons droit à la fin de non-recevoir tirée de l'absence de délégation de signature ;

Donnons mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [B] [C] ;

Disons que la mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin que l'établissement puisse, le cas échéant, établir un programme de soins, l'hospitalisation complète prenant fin dès l'établissement de ce programme ou à l'expiration de ce délai.

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Rejetons la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d'établissement et à monsieur le préfet.

Fait à Basse-Terre le 07 mai 2024.

Le greffier Le conseiller délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 24/00461
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.00461 ?
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