ARRET No
du 12 SEPTEMBRE 2007
R.G : 06 / 00081 C-BW
Décision déférée à la Cour :
jugement du 12 décembre 2005
Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO
R.G : 97 / 1476
S.A.R.L PRATO CORBARA
C /
SA ASSURANCES GENERALES DE FRANCE
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT
APPELANTE :
S.A.R.L PRATO CORBARA
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
ZI DE CORBARA
20220 L'ILE-ROUSSE
représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour
assistée de Me Henri TEMPLE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
SA ASSURANCES GENERALES DE FRANCE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
87 rue de Richelieu
75060 PARIS CEDEX 02
représentée par Me Antoine CANARELLI, avoué à la Cour
assistée de Me Claude THIBAUDEAU, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Jean Jacques X...
Agent Général d'Assurances
...
...
représenté par la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avoués à la Cour
assisté de la SELAFA BLAMOUTIER-SALPHATI-FANTEL GOLDMIC avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 juin 2007, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre
Monsieur Bernard WEBER, Conseiller
Madame Marie-Laure PIAZZA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Emmanuelle PORELLI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2007.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Emmanuelle PORELLI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* *
I : SUR LA PROCÉDURE :
Vu le jugement rendu le 12 décembre 2005 par le Tribunal de grande instance d'Ajaccio qui :
• déclare la société Prato Corbara recevable en son action.
• met hors de cause le cabinet X... en ce qui concerne les condamnations pécuniaires.
• déclare nuls et non avenus la clause " valeur totale du contenu assuré " en ce qu'elle limite celle-ci à 2. 500. 000 francs et les avenants des 18 et 20 décembre 1995.
• condamne les AGF à payer à la société Prato Corbara la somme de 168. 002,47 euros et celle de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
• ordonne l'exécution provisoire du jugement.
• rejette toutes autres demandes.
• condamne les AGF aux dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise.
Vu l'appel interjeté par la sarl Prato Corbara contre ce jugement le 25 janvier 2006.
Vu l'appel interjeté par la sa Assurances Générales de France contre ce jugement le 10 avril 2006.
Vu les écritures déposées le 4 octobre 2006 par la sa Assurances Générales de France IART.
Vu les écritures déposées le 5 décembre 2006 par Monsieur Jean-Jacques X....
Vu les écritures déposées le 16 février 2007 par la sarl Prato Corbara.
II : SUR LES FAITS :
La société Baleone, aux droits de laquelle intervient la société Prato Corbara, qui exploite un fonds de commerce à rayons multiples à Ajaccio, a souscrit le 27 septembre 1991 auprès de la société AGF, par l'intermédiaire de son agent général Monsieur Jean-Jacques X..., un contrat d'assurance intitulé PAC 500 lui garantissant l'indemnisation des dommages causés par incendie à hauteur de 2. 500. 000 francs au titre de la valeur totale du contenu assuré et de 5. 000. 000 francs au titre des pertes d'exploitation.
Par avenant des 18 et 20 décembre 1995, les parties sont convenues de limiter l'engagement maximum de l'assureur par sinistre et par année d'assurance à 4. 000. 000 francs en précisant que les autres clauses et conditions du contrat initial demeurent inchangées.
Par assignation délivrée les 5 et 10 novembre 1997, la société Prato Corbara a saisi le Tribunal de grande instance d'Ajaccio d'une demande formée contre la société AGF et Monsieur Jean-Jacques X..., son agent général, en nullité de la clause de la police d'assurance du 27 septembre 1991 limitant le montant d'indemnisation du " contenu " et de l'avenant du 18 décembre 1995 et en paiement de la somme de 8. 684. 747 francs correspondant, sous déduction des acomptes perçus, au montant
du dommage subi par incendie accidentel du 21 septembre 1996 à l'origine de la destruction du magasin dans lequel elle exploitait son activité commerciale.
Le tribunal, par jugement avant dire droit du 17 mai 1999, a ordonné une expertise pour évaluer le montant du préjudice de l'assuré lié à la destruction des actifs (dommages " matériels ", dommages " marchandises " et " perte d'exploitation ") et à la disparition du fonds de commerce, et, après dépôt du rapport expertal du 27 juin 2003, rendu le jugement déféré à la Cour.
III : SUR LA MOTIVATION :
a : la prescription de la demande en nullité de la clause " valeur totale du contenu assuré " du contrat du 27 septembre 1991 et la demande en annulation de l'avenant du 20 décembre 1995.
La société Prato Corbara invoque les agissements dolosifs de l'assureur et de son agent général " de nature à engager leur responsabilité " qui se sont abstenus de toute information pré-contractuelle et qui ont manqué à leurs obligations de conseil et d'information sur la limitation du montant de la garantie préalablement à la signature de la police d'assurance du 27 septembre 1991 et de l'avenant du 18 décembre 1995 pour prétendre à la nullité de la clause " valeur totale du contenu assuré " insérée dans le premier de ces actes et à la nullité du second acte.
L'action en nullité engagée par la société Prato Corbara, contre l'assureur et son agent sur le fondement du manquement à leur obligation contractuelle de renseignement et de conseil, qui dérive du contrat d'assurance, se prescrit par deux ans et le point de départ de la prescription biennale se situe non à la date du sinistre survenu le 21 septembre 1996 mais au jour où l'assurée a eu connaissance du manquement prétendu de l'assureur à ses obligations et des conséquences en découlant pour elle.
La société Prato Corbara ne peut pas utilement invoquer avoir eu connaissance du comportement qualifié de dolosif de l'assureur et de son agent général et du préjudice en résultant pour elle, soit une garantie " contenu " manifestement insuffisante à couvrir le risque réel souscrite lors de la conclusion du contrat initial du 27 septembre 1991 et une limitation du montant global des garanties par l'effet de l'avenant du 20 décembre 1995, " à l'occasion du sinistre du 21 septembre 1996 lorsqu'elle a sollicité l'indemnisation de son préjudice " en considération des clauses figurant à ce titre dans chacun des actes selon la commune volonté des parties, qui sont rédigées de manière précise et claire et qui définissent sans ambiguïté la limitation de l'engagement maximum de l'assureur relativement aux garanties souscrites et à son montant.
Il s'ensuit que la société Prato Corbara, qui, par ailleurs, ne conteste pas avoir souscrit d'autres contrats d'assurance avec la société AGF pour chacun des 7 établissements qu'elle possède, n'a pas pu se méprendre sur la nature et la portée des garanties souscrites lors de l'établissement du contrat initial du 21 septembre 1991 et, donc, a contracté en toute connaissance de cause avec l'assureur à cette date, et a consenti dans les mêmes conditions à la modification de la nature et du montant des garanties initialement définies au contrat précité à la date de la souscription de l'avenant du 20 décembre 1995.
Il convient de déduire de ces circonstances que le point de départ du délai biennal de prescription pour contester la validité de ces actes doit se situer à la date de conclusion de chacun d'eux.
Dès lors que l'action a été engagée les 5 et 10 novembre 1997 par l'assurée, celle-ci n'est pas recevable à demander après l'expiration du délai de deux ans l'annulation de la clause litigieuse insérée dans le contrat du 27 septembre 1991 mais est recevable à contester la validité de l'avenant du 20 décembre 1995.
La généralité des termes de l'article L. 112-2 du code des assurances ne permet pas d'opérer des distinctions entre les modifications du contrat auxquelles il s'applique en sorte que préalablement à l'avenant du 20 décembre 1995, l'assureur était tenu d'une information pré-contractuelle envers la société Prato Corbara.
L'inexécution par l'assureur et par son agent de cette obligation d'information préalable est de nature à entraîner la nullité de l'avenant si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l'assurée.
Il convient, cependant, de constater que l'assurée ne prétend pas avoir souscrit l'avenant précité sur les conseils erronés de l'assureur.
Par ailleurs, la société Prato Corbara ne peut pas utilement soutenir que l'assureur a commis un dol caractérisé par une dissimulation de l'étendue des garanties offertes dans l'avenant dès lors que la limitation de celles-ci résulte des termes clairs, précis, non ambigus et compréhensibles même pour un profane de cet acte et procède " d'un commun accord entre les parties ", ce dont il résulte des mentions de ce document signé par l'assurée.
Il s'ensuit que la société Prato Corbara a fait le choix de limiter l'engagement de l'assureur en toute connaissance de cause de la nature et de l'étendue des garanties offertes dans l'avenant et ne démontre pas que cette modification acceptée des garanties bouleverse l'équilibre économique du contrat, et que l'absence des documents que l'assureur
était tenu de lui remettre préalablement à la modification du contrat n'a pas été de nature à vicier son consentement lors de la conclusion de cette nouvelle convention en date du 20 décembre 1995.
Il convient, en conséquence et par infirmation du jugement entrepris, de rejeter la demande en annulation de l'avenant précité et d'infirmer le jugement entrepris qui annule la clause " valeur totale du contenu assuré " du contrat du 27 septembre 1991 et les avenants des 18 et 20 décembre 1995.
b : le dommage indemnisable.
En l'absence de manquement fautif à son obligation de conseil et d'information, l'agent général doit être mis hors de cause et le jugement déféré confirmé de ce chef.
Il résulte de la convention des parties que le montant des garanties offertes à l'assurée est globalement limité à 4. 000. 000 francs par sinistre et par année d'assurance.
L'assureur justifie avoir acquitté directement à l'expert de l'assurée, soit le cabinet SOMEX, le montant de 124. 000 francs correspondant au maximum de 5 % de l'indemnité de 2. 500. 000 francs en exécution de la clause " garantie d'office " insérée dans les conventions spéciales en sorte que le demande en paiement formée par la société Prato Corbara à ce titre n'est pas fondée.
Dès lors qu'il a été énoncé que l'assureur et son agent général n'avaient pas commis de manquement fautif à leur obligation d'information et de conseil et que les conventions des parties n'ont pas été annulées, l'assurée n'est pas fondée à solliciter sur le fondement délictuel réparation du préjudice découlant de la perte de valeur du fonds de commerce en l'absence de souscription de garantie au titre " perte de valeur vénale ", ce dont il résulte des conditions particulières du contrat du 27 septembre 1991.
La société Prato Corbara qui ne conteste pas que le sinistre du 21 septembre 1996 a eu pour effet d'entraîner la cessation totale de l'activité de l'entreprise ne peut pas utilement réclamer l'indemnisation au titre de la perte d'exploitation pour une période de 12 mois qui est due contractuellement seulement en cas d'interruption ou de réduction temporaire de l'activité de l'entreprise.
Elle ne peut pas davantage imputer la perte d'exploitation de l'entreprise au refus de l'assureur de l'indemniser de son préjudice en considération des dates et des acomptes substantiels qu'il a opéré au titre des garanties souscrites, soit une somme globale de 1. 600. 000 francs entre novembre 1996 et mars 1997.
Dès lors en revanche que la société Prato Corbara a été empêchée de reprendre l'exploitation de son activité à la suite de la signification de la sommation de déguerpir délivrée le 30 décembre 1996 à la demande du propriétaire des locaux dans lesquels s'exerçait l'activité commerciale de l'assurée, elle est fondée à solliciter une indemnisation évaluée sans être contredit par l'assureur à 64. 638,38 francs, soit 424. 000 francs correspondant à la perte d'exploitation indemnisable pendant une période de 3 mois suivant le sinistre conformément au contrat des parties.
Enfin le contrat des parties du 27 septembre 1991 fixe la valeur totale du contenu assuré à 2. 500. 000 francs, soit 381. 122,54 euros correspondant au montant maximal de l'indemnisation due à ce titre.
Les premiers juges ont énoncé, cependant à bon droit, par référence au rapport d'expertise qu'une évaluation amiable et contradictoire des dommages relatifs aux aménagements immobiliers, mobiliers et marchandises avait été établie et enregistrée auprès de Monsieur C..., premier expert désigné, pour déduire que les chiffres proposés par celui-ci et non remis en cause doivent être retenus pour un montant de 3. 469. 026 francs, soit 528. 849,60 euros que la Cour retient au titre du contenu assuré.
Il s'ensuit que la créance de l'assurée s'élève à un montant total de 3. 893. 026 francs duquel il convient de déduire la somme globale de 3. 749. 739 francs correspondant pour 2. 367. OO2 francs au montant versé par l'assureur et reconnu par l'assurée dans ses écritures d'appel au titre des honoraires d'expert et des acomptes et agencements réglés à la société Prato et pour 1. 382. 737 francs au règlement du risque locatif opéré au profit du bailleur.
Il se déduit que le montant encore du à l'assurée au titre de sa créance indemnitaire s'élève à 143. 287 francs ou 21. 843,96 euros mais l'assureur offrant au titre du solde d'indemnité devant revenir à la sarl Prato Corbara 23. 659,18 euros, il convient de prononcer à son encontre condamnation au versement de cette somme.
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* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il met Monsieur Jean-Jacques X... hors de cause en sa qualité agent général,
Statuant à nouveau,
Déclare valables la clause " valeur totale du contenu assuré " insérée dans le contrat du 27 septembre 1991 et l'avenant du 20 décembre 1995,
Fixe la créance indemnitaire de la sarl Prato Corbara à TROIS MILLIONS HUIT CENT QUATRE VINGT TREIZE MILLE VINGT SIX FRANCS (3. 893. 026 francs),
Constate que la sa AGF a opéré au titre du contrat des versements d'un montant total de TROIS MILLIONS SEPT CENT QUARANTE NEUF MILLE SEPT CENT TRENTE NEUF FRANCS (3. 749. 739 francs),
Donne acte à la sa AGF de ce qu'elle demande à la Cour qu'elle juge que le solde de d ‘ indemnité devant revenir à la sarl Prato Corbara est de VINGT HUIT MILLE SIX CENT CINQUANTE NEUF EUROS et DIX HUIT CENTIMES (28. 659,18 euros) et la condamne au paiement de cette somme au profit de la sarl Prato Corbara,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la sarl Prato Corbara aux dépens de 1ère instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
FEUILLE DE SUIVI APRES ARRET
06 / 00081 Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée arrêt du DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT
S.A.R.L PRATO CORBARA
Rep / assistant : la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN (avoués à la Cour)
Rep / assistant : Me Henri TEMPLE (avocat au barreau de MONTPELLIER)
C /
SA ASSURANCES GENERALES DE FRANCE
Rep / assistant : Me Antoine CANARELLI (avoué à la Cour)
Rep / assistant : Me Claude THIBAUDEAU (avocat au barreau de BASTIA)
X...
Rep / assistant : la SCP RIBAUT-BATTAGLINI (avoués à la Cour)
Rep / assistant : la SELAFA BLAMOUTIER-SALPHATI-FANTEL (avocats au barreau de PARIS)
Rep / assistant : Me Agnès GOLDMIC (avocat au barreau de PARIS)
DOSSIERS AVOUES MANQUANTS :
NON
RENDRE LES DOSSIERS AUX AVOUES
DOSSIERS RENDUS LE
NOMBRE DE PHOTOCOPIES :
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