COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE JANVIER DEUX MILLE ONZE
Ch. civile A
ARRET No
du 12 JANVIER 2011
R. G : 09/ 00667 C-JG
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 mai 2009 Tribunal d'Instance de BASTIA R. G : 07/ 527
X...
C/
FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA HAUTE-CORSE
APPELANT :
Monsieur Ange X... né le 19 Avril 1939 à BASTIA (20200) ... 20230 SAN NICOLAO
représenté par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
assisté de Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Charlène VESPERINI-PIERI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA HAUTE-CORSE Prise en la personne de son représentant légal en exercice Résidence Nouvelle Corniche Saint-Joseph 20200 BASTIA
représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Charles LAGIER, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 novembre 2010, devant Madame Julie GAY, Président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Catherine GIRARD-ALEXANDRE, Conseiller Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Sophie DUVAL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2011.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Sophie DUVAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * A la suite des dégâts occasionnés en août 2007 à son exploitation agricole par des sangliers, Ange X... a actionné la Fédération Départementale des Chasseurs de la Haute-Corse sur le fondement des articles L 426-1 à L 426-6 et R 426-1 à R 426-19 du code de l'environnement devant le Tribunal d'instance de BASTIA pour obtenir réparation de son préjudice.
Par jugement du 25 mai 2009, le Tribunal d'instance de BASTIA l'a débouté de sa demande et condamné à payer à la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Corse une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 juillet 2009.
En ses conclusions du 17 mars 2010, il expose qu'il est propriétaire de plusieurs parcelles de terre sur le territoire des communes d'ALERIA et de LINGUIZZETTA (Haute-Corse) et que celles-ci complantées en vignes de cépages nobles, sont régulièrement dévastées par les hordes de sangliers.
Il souligne avoir alerté en vain la Fédération des Chasseurs et lui avoir adressé, lors du nouveau sinistre du mois d'août 2007 une lettre recommandée en lui demandant de désigner un expert pour évaluer les dommages.
Il précise que face à la carence de la Fédération, il a fait appel avant la saison des vendanges à Monsieur Marc Marie D... expert près la Cour d'appel qui a établi un rapport, transmis par ses soins à la Fédération avec mise en demeure de procéder à son indemnisation.
Il ajoute que le 25 septembre, la Fédération a mandaté un expert pour le 29 septembre 2007, expert qui n'a pu que constater que les parcelles avaient été vendangées à la date de la visite, ce qui a entraîné le rejet de sa demande pour ce motif.
Faisant valoir que l'intimée ne rapporte pas la preuve de l'envoi du formulaire de déclaration de dégâts prévu par l'article R 426-12 du code de l'environnement et que l'application stricto sensu de l'article R 426-12 du code de l'environnement est inéquitable, d'autant que la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Corse a méconnu les obligations légales qui s'imposaient à elle, Monsieur X... conclut à l'infirmation du jugement entrepris.
Il demande à la Cour de constater qu'il n'a jamais été rendu destinataire de l'imprimé d'indemnisation prévu par la Fédération des Chasseurs et sollicite sur le fondement du rapport établi par Monsieur D... la condamnation de l'intimée à lui payer une somme de 23. 738 euros en réparation de son préjudice outre celle de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il sollicite subsidiairement l'organisation d'une expertise judiciaire aux fins de voir constater l'état des récoltes et l'importance des dommages causés par le gibier.
Il sollicite en tout état de cause la condamnation de l'intimée à lui payer une somme de 2. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Fédération Départementale des Chasseurs de la Haute-Corse fait valoir pour sa défense qu'elle a reçu le 21 août le courrier recommandé de Monsieur X... lui demandant de missionner un expert le plus rapidement possible.
Elle précise que le 24 août 2007, conformément à la procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts de gibier prévue à l'article R 426-12 du code de l'environnement, elle a adressé à l'appelant un formulaire de déclaration de dégâts afin de respecter le formalisme de la procédure d'indemnisation mais que sans lui répondre, Monsieur X... a mandaté de son propre chef un expert " personnel " sur les lieux du dommage qui a dressé un rapport.
Elle indique qu'à la réception de ce rapport, elle a informé l'intéressé qu'elle mandatait un estimateur qui n'a pu que constater que les parcelles étaient vendangées le 28 septembre 2007, ce qui l'a amenée à indiquer à Monsieur X... qu'il ne pouvait être donné suite à sa demande.
Elle fait valoir en effet que Monsieur X... a entretenu une confusion entre le régime d'indemnisation dite " administrative " prévue par les articles L 426-1 à L 426-6 du code de l'environnement qui ne s'applique qu'aux dégâts causés aux récoltes par le grand gibier et la procédure d'indemnisation judiciaire dont les modalités sont établies par les articles L 426-7 à L 426-8 et les articles R 426-20 à R 426-29 du même code.
Elle soutient que Monsieur X... qui a fait a priori usage de la procédure d'indemnisation administrative et qui a signé d'estimation définitive de dégâts, a violé l'article R 426-12 du code de l'environnement en ne lui retournant pas le dossier que celle-ci lui a demandé par courrier du 24 août 2007.
Elle fait observer qu'en refusant une estimation provisoire et contradictoire des dégâts, qui devait avoir lieu avant que les vignes ne soient vendangées, l'appelant a pris le risque de s'exposer à l'irrecevabilité de la demande.
Elle ajoute que Monsieur X... n'est pas recevable à exciper des articles R 226-20 et suivants du code rural qui permettent à un agriculteur victime de dégâts, d'attraire en justice le détenteur des droits de chasse qui a la charge des dégâts, ce que n'est pas la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Corse ou à se fonder sur le rapport d'un expert désigné par ses soins qui n'est pas contradictoire.
Elle conclut au déboutement de Monsieur Ange X... de toutes ses demandes, fins et prétentions, ainsi qu'à la confirmation du jugement déféré et sollicite reconventionnellement la condamnation de l'appelant à lui payer une somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 septembre 2010.
*
* *
SUR CE :
Attendu que le code de l'environnement en ses articles L 426-1 à L 426-6 prévoit au bénéfice de l'exploitant dont les cultures ou récoltes ont été endommagées par des sangliers ou du gros gibier et à l'encontre de la Fédération Départementale des Chasseurs une procédure non contentieuse d'indemnisation ;
Qu'il ouvre aussi en ses articles L 426-7 à L 426-8 et R 426-20 à R 426-24 à cet exploitant une procédure d'indemnisation judiciaire ;
Attendu qu'en l'espèce, Monsieur X... a introduit par la déclaration qu'il a adressée le 13 août 2007 à la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Corse la procédure non contentieuse prévue par les articles sus-visés ;
Que c'est à bon droit que le premier juge, après avoir constaté que cette déclaration ne comportait pas les renseignements requis par l'article R 426-12 du code de l'environnement quant à la date d'observation des premières manifestations des dégâts, leur nature, leur étendue et leur localisation ainsi que l'évaluation des pertes en volume et le montant de l'indemnité sollicitée compte tenu du dernier barème départemental connu, a considéré que cette procédure n'avait pu valablement prospérer, le délai de dix jours prévu à l'article R 426-13 n'ayant pas commencé à courir ;
Qu'en effet Monsieur X... à qui il appartenait d'adresser une déclaration dûment complétée ne saurait faire grief à l'intimée de ne pas lui avoir adressé rapidement le formulaire adéquat, la Fédération Départementale ayant pour seule obligation de faire le nécessaire pour estimer les dégâts dans les dix jours de la réception de cette déclaration ;
Que par ailleurs si le rapport établi par Monsieur D... adressé le 21 septembre 2007 à l'intimée, rapport qui comportait tous les éléments requis par l'article R 426-12 sus-indiqué a entraîné la désignation par l'intimée de l'estimateur prévu par l'article R 426-13, cet expert n'a pu que constater le 29 septembre que les vignes avaient été vendangées ;
Que dans ces conditions, l'appelant ne saurait invoquer à son bénéfice les dispositions du dernier alinéa de ce même code aux termes duquel " si l'estimateur ne s'est pas présenté dans le délai de dix jours pour constater les dégâts, son estimation est réputée conforme à celle du demandeur " ;
Que le tribunal a estimé dès lors à juste titre que la réception du rapport de Monsieur D... par la Fédération Départementale des Chasseurs avait bien fait partir le délai de dix jours imposé par l'article R 426-13 mais que l'estimateur n'ayant pu que constater le 29 septembre que les vignes étaient vendangées depuis la veille au mépris des dispositions de ce même article interdisant la récolte des parcelles litigieuses avant expertise ou expiration du délai de dix jours, la demande de Monsieur X... ne pouvait être accueillie ;
Attendu qu'enfin il appartenait à l'appelant, confronté à l'impérieuse nécessité de procéder aux vendanges sans tarder, d'opter pour la procédure d'indemnisation judiciaire et de saisir le tribunal d'instance en application de l'article R 426-24 du code de l'environnement pour faire désigner un expert afin que ce dernier puisse réaliser ses opérations au contradictoire de la Fédération Départementale des Chasseurs et non de prendre l'initiative de faire procéder unilatéralement à une évaluation de ses dommages ;
Qu'ainsi le rapport de Monsieur D... qui ne respecte pas le principe du contradictoire ne peut servir de fondement à la demande d'indemnisation formulée par l'appelant ;
Attendu qu'en outre plus de trois ans après les faits, une nouvelle expertise ne peut utilement être menée à bien et la demande formée en ce sens par l'appelant ne peut qu'être rejetée ;
Attendu que le jugement déféré sera ainsi confirmé et Monsieur X... débouté de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Attendu que l'intimée a été contrainte d'exposer des frais non compris dans les dépens dont il est équitable de lui accorder compensation dans la limite de 1. 000 euros ;
Attendu que Monsieur X... qui succombe, supportera la charge des dépens.
*
* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur X... de ses demandes,
Le condamne à payer à la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Corse prise en la personne de son Président en exercice, la somme de MILLE EUROS (1. 000 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT