Ch. civile B
ARRET No
du 26 JANVIER 2011
R. G : 08/ 01042 C-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 novembre 2008 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 05/ 1347
Cie d'assurances GENERALI FRANCE IARD Cie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
C/
Synd. des copropriétaires IMMEUBLE U PALAZZU Cie d'assurances LE GAN Société SOCOTEC S. M. A. B. T. P Cie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS-M. A. F-Société FARANGE Cie d'assurances
MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD-M. M. A-S. A. MUTUELLE DU MANS ASSURANCES BET CETA INGENIERIE Cie d'assurances ALLIANZ H... Y... Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE ONZE
APPELANTES ET INTIMEES :
Compagnie d'assurances GENERALI FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice 7 Boulevard Haussmann 75456 PARIS CEDEX 09
représentée par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
assistée de la SELARL CABINET DEGRYSE, avocats au barreau de TOULON plaidant par Me Julie ARTERO, avocat au barreau de TOULON
Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS Prise en la personne de son représentant légal en exercice 9 Rue Hamelin 75016 PARIS
représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP TOMASI-SANTINI-GIOVANNANGELI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA
INTIMES :
Syndicat des copropriétaires de l'IMMEUBLE U PALAZZU Pris en la personne de son Syndic en exercice la SARL Agence du Golfe Elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice 111 Cours Napoléon 20000 AJACCIO
représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de la SCP MORELLI-MAUREL-SANTELLI-PINNA-RECCHI, avocats au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence.
Compagnie d'assurances LE GAN Prise en la personne de son représentant légal en exercice 13 Tour GAN LA DEFENSE 92082 NANTERRE
représentée par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP ROMANI-CLADA-PERETTI, avocats au barreau d'AJACCIO
Société SOCOTEC Prise en la personne de son représentant légal en exercice Immeuble Le Belvedere Route du Salario 20000 AJACCIO
représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Jean-Louis SEATELLI, avocat au barreau de BASTIA et Me Valérie GASQUET-SEATELLI, avocat au barreau de BASTIA
SOCIETE MUTUELLE ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS Prise en la personne de son représentant légal en exercice 114 Avenue Emile Zola 75739 PARIS
représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour d'Appel D'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Jean-Louis SEATELLI, avocat au barreau de BASTIA et Me Valérie GASQUET-SEATELLI, avocat au barreau de BASTIA
Société FARANGE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 4 Boulevard Masseria 20000 AJACCIO
représentée par la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Pierre Dominique DE LA FOATA, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence.
Compagnie d'assurances MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD-M. M. A-Prise en la personne de son représentant légal en exercice 10 Boulevard Alexandre Oyon 72030 LE MANS CEDEX 9
représentée par la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avoués à la Cour
S. A. MUTUELLE DU MANS ASSURANCES Prise en la personne de son représentant légal en exercice 10 Boulevard Alexandre Oyon 72030 LE MANS CEDEX 09
défaillante
BET CETA INGENIERIE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 6 Résidence Belvédère 20000 AJACCIO
défaillante
Compagnie d'assurances ALLIANZ Venant aux droits de la compagnie d'assurance AGF Prise en la personne de son représentant légal en exercice 87 Rue de Richelieu 75002 PARIS
représentée par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
assistée de la SCP ASSUS-JUTTNER-PUJOL, avocats au barreau de NICE plaidant par Me Jean-François SCAMPUCCHI, avocat au barreau de NICE
Madame Marie Monique H... épouse Y... Prise en sa qualité d'ayant droit de feu Pierre Y... ... 75015 PARIS
représentée par la SCP C. TOLLINCHI-C. PERRET-VIGNERON-K. BARADAT-- BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de la SELARL Roland SANVITI, avocats au barreau de PARIS plaidant par Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Pierre Paul Y... Pris en sa qualité d'ayant droit de feu Pierre Y... ... 75015 PARIS
représenté par la SCP C. TOLLINCHI-C. PERRET-VIGNERON-K. BARADAT-- BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de la SELARL Roland SANVITI, avocats au barreau de PARIS plaidant par Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Robert Jean Y... Pris en sa qualité d'ayant droit de feu Pierre Y... ... 75015 PARIS
représenté par la SCP C. TOLLINCHI-C. PERRET-VIGNERON-K. BARADAT-- BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de la SELARL Roland SANVITI, avocats au barreau de PARIS plaidant par Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 novembre 2010, devant Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, dont l'un d'eux a été chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2010, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 26 janvier 2011.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Vu le jugement du Tribunal de grande instance d'AJACCIO du 17 novembre 2008 qui a :
rejeté l'exception de nullité de l'assignation,
déclaré non prescrite la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble " U PALAZZU ",
condamné in solidum, par provision :
- la société FARANGE, son assureur le G. A. N, le Cabinet CETA, son assureur les MUTUELLES DU MANS, la société SOCOTEC, son assureur la S. M. A. B. T. P, la compagnie GENERALI et l'entreprise ZUCCONI à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 24. 895, 05 euros au titre des désordres résultant du défaut d'étanchéité des jardinières,
- Marie Monique H... veuve Y..., Pierre Y..., Robert Y..., la M. A. F, la société FARANGE, le G. A. N à payer au syndicat des propriétaires la somme de 9. 919, 23 euros au titre des désordres résultant du défaut d'étanchéité du porche de l'immeuble,
- la société FARANGE, le G. A. N, la compagnie GENERALI, le Cabinet CETA, les MUTUELLES DU MANS, la société SOCOTEC, la S. M. A. B. T. P à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 37. 898, 73 eruos au titre des désordres afférents aux boxes des voitures,
- la société FARANGE, les MUTUELLES DU MANS, la société SOCOTEC, la S. M. A. B. T. P à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3. 534, 90 euros au titre des désordres afférents aux affaissements du revêtement du parking, des regards au droit de la façade, des fissures d'un mur de soutènement,
- la société FARANGE, le G. A. N, le Cabinet CETA, les MUTUELLES DU MANS, la société SOCOTEC, la S. M. A. B. T. P à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 592, 60 euros au titre du décollement du crépi du mur de soutènement,
condamné in solidum la M. A. F, la société FARANGE, le G. A. N, la M. M. A, la société SOCOTEC, la société GENERALI ASSURANCES, le Cabinet CETA INGENIERIE, la S. M. A. B. T. P, les consorts Y... et l'entreprise ZUCCONI à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5. 000 eruos sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné une expertise confiée à Monsieur Jean Michel K... avec mission d'évaluer le montant des travaux de réfection des désordres ayant donné lieu à condamnation,
rejeté les autres demandes,
condamné in solidum les défendeurs aux dépens.
Vu la déclaration d'appel déposée le 8 décembre 2008 pour la MUTUELLE DES ARCHITECTES DE FRANCE (M. A. F).
Vu la déclaration d'appel déposée le 30 décembre 2008 pour la compagnie d'assurances GENERALI FARNCE IARD.
Vu l'ordonnance de jonction de ces deux instances rendue le 20 mars 2009.
Vu l'assignation délivrée le 6 avril 2010 en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile à la société à responsabilité BET CETA INGENIERIE.
Vu les dernières conclusions de la M. A. F du 8 avril 2009 tendant à l'infirmation du jugement entrepris, à obtenir à titre principal l'irrecevabilité de la demande au syndicat des copropriétaires pour forclusion, à titre subsidiaire à obtenir sa mise hors de cause, à titre très subsidiaire à voir limiter sa garantie et, en tout état de cause, à voir condamner la partie qui succombe à lui verser la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la compagnie GENERALI venant aux droits de la compagnie le CONTINENT du 14 janvier 2010 tendant à l'infirmation du jugement entrepris et à obtenir, à titre principal, que la demande du syndicat des copropriétaires soit déclarée irrecevable pour forclusion, à titre subsidiaire qu'elle soit mise hors de cause, les désordres constatés ne lui étant pas imputables, à titre très subsidiaire une limitation des prétentions du syndicat des copropriétaires aux montants retenus par l'expert judiciaire, une limitation de sa responsabilité en application des dispositions de l'article L 113-9 du code des assurances, un partage de responsabilité, une condamnation des autres constructeurs et de leurs assureurs à la garantir des condamnations mises à sa charge et, en toute hypothèse, la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation in solidum avec tous succombants aux dépens distraits au profit de son avoué.
Vu les dernières conclusions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble " U PALAZZU " du 18 novembre 2009 tendant, sur le fondement des articles 1792 et subsidiairement 1147 du code civil, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité du promoteur, des constructeurs et de leur compagnie d'assurance et ordonné une nouvelle expertise, son infirmation en ce qu'il n'a pas retenu le dommage concernant la mauvaise évacuation des eaux des terrasses sur plots, le rejet de l'exception de procédure ayant fait l'objet d'une ordonnance définitive du juge de la mise en état, la condamnation in solidum du promoteur des constructeurs et de leur compagnie d'assurance à lui verser la somme de 200. 118, 30 euros avec intérêts de droit à compter du 23 septembre 1998, ainsi que celle de 20. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire.
Vu les dernières conclusions de la société anonyme FARANGE du 16 mars 2010 aux fins d'infirmation du jugement entrepris, à titre principal, de voir constater qu'elle n'a commis aucune faute et de débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes, à titre subsidiaire de condamner la compagnie le GAN et tout succombant à la garantir des condamnations mises à sa charge, de rejeter la demande de nouvelle expertise, de constater le caractère tardif de l'action et la nature purement d'ordre esthétique des dommages et, en tout état de cause, de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la compagnie G. A. N ASSURANCES IARD du 16 décembre 2009 tendant à voir juger, à titre principal, que le délai de garantie décennale n'a pas été interrompu par l'assignation en référé du 22 septembre 1998, à titre subsidiaire que ce délai n'a été interrompu que pour les seuls dommages listés dans cette assignation, à titre très subsidiaire que les dommages ne relèvent pas de ceux visés aux articles 1792 et suivants du code civil, à titre infiniment subsidiaire, que la compagnie GENERALI ASSURANCES, assureur de la société SITRA, devra la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et que la ou les parties succombant supportent les dépens, ceux d'appel de son avoué pouvant être recouvrés directement.
Vu les dernières conclusions des ayants-droit de l'architecte Pierre Y... du 9 mars 2010 aux fins de voir constater que la mission de Monsieur Y... était limitée au projet architectural, de l'exonérer de toute responsabilité dans l'origine des désordres affectant l'immeuble, de mettre hors de cause ses ayants-droit, à titre subsidiaire, de dire que la M. A. F doit les garantir, en toute hypothèse condamner le syndicat des copropriétaires à leur verser la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens distraits au profit de leur avoué.
Vu les dernières conclusions de la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (S. M. A. B. T. P) et de la société anonyme SOCOTEC du 18 mars 2010 aux fins d'infirmation du jugement entrepris, de voir constater le caractère non décennal des désordres, dire que le contrôleur technique n'est pas soumis à la présomption de responsabilité, qu'il doit être mis hors de cause, à titre subsidiaire de ne pas prononcer de condamnation in solidum à son encontre, de faire application de la franchise contractuelle opposable à la société SOCOTEC, plus subsidiairement de condamner les maîtres d'oeuvre, bureau d'étude et entreprises concernés à relever et garantir la S. M. A. B. T. P et ce sous la garantie de leurs assureurs respectifs et, en toute état de cause de condamner tout succombant aux dépens distraits au profit de leur avoué.
Vu les dernières conclusions de la compagnie la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES (M. M. A) du 14 janvier 2010 aux fins d'infirmation du jugement entrepris, de voir juger que l'assignation en référé n'a pas interrompu le délai de garantie décennale, subsidiairement que ce délai n'a été interrompu que pour les dommages listés dans cette assignation, qu'il y a lieu de débouter les demandes du syndicat des copropriétaires présentées contre elle, de rejeter sa demande de nouvelle expertise, de dire qu'il n'est pas établi que les jardinières sises en terrasse des appartements faisaient l'objet de la prestation du BET CETA qui n'a pas exécuté les travaux d'étanchéité et qu'il y a lieu de la mettre hors de cause de ce chef et de condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de la compagnie ALLIANZ, venant aux droits de la compagnie A. G. F, du 18 novembre 2009 aux fins de confirmation du jugement du 17 novembre 2008 en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie ALLIANZ VIA en l'état de la prise d'effet de sa police au premier janvier 1999, à titre subsidiaire de réformer ce jugement en ce qu'il a retenu le caractère décennal des dommages, et, en tout état de cause, de lui allouer la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de dire n'y avoir lieu à nouvelle expertise et de condamner la partie succombante aux dépens distraits au profit de son avoué.
Vu l'ordonnance de clôture du 8 septembre 2010.
EXPOSE DU LITIGE :
La société FARANGE, en sa qualité de promoteur immobilier a fait édifier à AJACCIO un ensemble immobilier dénommé Résidence " U PALAZZU ".
La conception de cet ensemble a été confiée à l'architecte Pierre Y..., assuré auprès de la MUTUELLE DES ARCHITECTES DE FRANCE.
La direction et le suivi des travaux relevaient de la société BET CETA INGENIERIE, assuré par la M. M. A.
Le contrôle technique a été exécuté par la société SOCOTEC, assurée auprès de la S. M. A. B. T. P.
Le gros oeuvre a été réalisé par la société ZUCCONI assuré auprès de la compagnie ALLIANZ VIA, devenue la compagnie A. G. F puis ALLIANZ.
Les travaux d'étanchéité de la résidence ont été confiés à la société SITRA, assurée auprès de la compagnie le CONTINENT devenue GENERALI.
Le promoteur a souscrit le 25 octobre 1989 un contrat d'assurance dommages ouvrage auprès de la compagnie G. A. N.
Un procès-verbal de réception des travaux a été établi le 2 octobre 1990, sans réserve, avec les sociétés ZUCCONI et SITRA.
Après avoir tenté vainement d'obtenir de l'assureur dommages ouvrage la reprise de désordres, le syndicat des copropriétaires de la Résidence " U PALAZZU " obtenait, suivant ordonnance de référé du 15 décembre 1998 la désignation d'un expert judiciaire chargé en particulier de décrire les désordres relevés par Monsieur L..., mandaté par le syndicat, et ceux allégués lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 juillet 1996.
L'expert M..., désigné en remplacement du remplaçant du premier expert décédé, déposait son rapport le 21 mars 2005.
Le syndicat des copropriétaires assignait au fond les 18 et 21 octobre 2005. Par ordonnance du 11 mai 2007, le juge de la mise en état rejetait l'exception tendant à voir déclarer nulle l'assignation introductive d'instance soulevée par la compagnie GENERALI, les autres assureurs en cause et la société FARANGE.
Par jugement du 17 novembre 2008, le Tribunal de grande instance d'AJACCIO a rejeté la nullité de l'assignation soulevée, déclaré non prescrite la demande du syndicat des copropriétaires, condamné in solidum par provision les défendeurs à l'exception de la compagnie A. G. F
mise hors de cause et ordonné une nouvelle expertise aux fins de chiffrer les travaux de reprise des désordres ayant donné lieu à condamnation (façades, porche, boxes, affaissement du bitume et des regards, mur de soutènement).
*
* *
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'exception de nullité de l'assignation :
L'article 55 du décret du 17 mars 1967 dispose que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale des copropriétaires.
Le défaut d'autorisation constitue une nullité de fond de l'acte introductif d'instance qui peut être soumis à la Cour même si le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance a déjà rejeté cette exception.
La société FARANGE et les assureurs des parties en cause font valoir que l'assemblée générale des copropriétaires du 11 juillet 1996 n'a autorisé que l'assignation en référé datée du 9 octobre 1998 et qu'après le rapport de l'expert une nouvelle assemblée générale s'est tenue le 29 juin 2005 qui a donné mandat au syndic aux fins d'engager une procédure devant le Tribunal de grande instance dans des termes n'assurant pas la régularité de l'assignation délivrée, dont le dispositif diffère de la décision d'autorisation.
Ils considèrent que cette dernière assemblée générale n'a donné mandat au syndic que d'agir pour obtenir une contre-expertise judiciaire afin d'établir que les désordres listés par Monsieur L... dans son rapport initial sont de nature décennale tandis que l'assignation du 18 octobre 2005 demande une condamnation in solidum du promoteur, des constructeurs et des assureurs à payer la somme de 200. 118, 30 euros au titre des désordres relevés par l'expert judiciaire M... et, seulement à titre subsidiaire, une nouvelle expertise.
Cette analyse qui opère une mise à néant de l'autorisation donnée le 11 juillet 1996 du seul fait de l'intervention d'une seconde assemblée générale rendue nécessaire par le dépôt du rapport obtenu en référé, n'est pas pertinente. Le mandat d'ester en justice du 11 juillet 1996 n'était pas limité à une action en référé et autorisait le syndic à agir au fond. L'assemblée générale du 29 juin 2005 n'a fait que compléter le mandat donné au syndic qui a fait délivrer une assignation contenant, à titre subsidiaire, la demande de contre-expertise dont il a été question lors de cette deuxième assemblée générale. La liste des désordres soumis à la juridiction résulte de manière indiscutable du premier rapport de Monsieur L... et a fait l'objet d'une approbation par les copropriétaires en assemblée générale.
Il y aura lieu en conséquence de rejeter cette exception de nullité.
Sur la prescription :
L'assignation en référé du 8 octobre 1998 visait des désordres précis, ceux la même qui ont donné lieu à l'assignation au fond délivrée les 18 et 21 octobre 2005.
Le procès-verbal de réception des travaux en cause date du 2 octobre 1990.
Le délai de dix ans de l'article 1792-4-1 du code civil n'était pas expiré lorsque le syndicat des copropriétaires a interrompu la prescription en agissant en référé et l'assignation au fond a été délivrée dans le nouveau délai de dix ans qui a commencé à courir à compter de la désignation de l'expert judiciaire.
La fin de non recevoir tirée de la prescription sera en conséquence rejetée.
Sur les mises hors de cause :
Le jugement entrepris a mis hors de cause la compagnie A. G. F au motif que le commencement des travaux était antérieur à la prise d'effet du contrat d'assurance en date du premier janvier 1989 souscrit par la société ZUCCONI. La production des conditions personnelles du contrat précisant la date d'effet au premier janvier 1989, alors que la société ZUCCONI a reçu un premier ordre de service le 12 octobre 1988 mentionnant une date effective d'ouverture du chantier au premier juillet 1988, conduit à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie A. G. F, devenue compagnie ALLIANZ.
L'architecte Pierre Y... est intervenu dans l'opération de construction qu'au titre d'une mission limitée au projet architectural. L'expertise de Monsieur M... précise que cette mission se limitait au projet de conception avec dépôt de demande de permis de construire. La maîtrise d'oeuvre du projet était assurée par le bureau d'étude CETA INGENIERIE qui a été chargé du cahier des clauses techniques particulières. L'architecte a d'ailleurs adressé à la M. A. F un imprimé de renseignement précisant sa mission et l'intervention du bureau d'étude. Il a produit un mémoire d'honoraire du 27 mars 1992 établi par le maître d'oeuvre. Sa responsabilité ne peut en conséquence être présumée à partir de la constatation d'un dommage.
Il appartenait au maître de l'ouvrage ou au maître d'oeuvre de choisir les spécifications techniques en matière d'étanchéité du proche, des terrasses, des jardinières ou des boxes de parking. Aucune faute de conception n'ayant été démontrée, il y aura lieu d'infirmer le jugement entrepris et de mettre hors de cause les ayants-droit de l'architecte Y... et son assureur la M. A. F.
Le contrôleur technique SOCOTEC a également fait l'objet d'une condamnation in solidum alors qu'il ne doit pas être considéré comme un constructeur. La convention de contrôle technique conclue le 16 juin 1988 avec la société FARANGE précise qu'elle est chargée d'une mission relative à l'isolation phonique des bâtiments d'habitation et à la solidité des ouvrages et éléments d'équipement. Aucun des désordres allégués par le syndicat des copropriétaires n'est en rapport avec la mission confiée à la société SOCOTEC et aucune faute ou manquement à une obligation de conseil n'est prouvée en ce qui la concerne. La présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 et suivants du code de la construction n'étant applicable au contrôleur technique que dans les limites de sa mission, en application des dispositions de l'article L 111-24 du code de la construction, il y aura lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de mettre hors de cause la société SOCOTEC et son assureur la S. M. A. B. T. P.
Sur le dommage relatif aux terrasses sur plots :
Le syndicat des copropriétaires demande l'infirmation du jugement du 17 novembre 2008 en ce qu'il a rejeté ses prétentions concernant le dommage afférent aux terrasses sur plots des appartements situés au dernier étage. Les premiers juges ont suivi l'avis de l'expert judiciaire qui a considéré que les dalles amovibles en pente nulle imposaient un entretien fréquent afin d'éviter la formation de mousses et de permettre un écoulement normal de l'eau et que c'était ce défaut d'entretien qui était à l'origine du dommage.
Le syndicat des copropriétaires soutient que l'absence d'évacuation des eaux n'est pas due à une accumulation de mousses et de boue mais à un défaut de conception de l'ouvrage et souligne qu'il est illusoire de procéder à un entretien régulier d'une terrasse comportant 400 dalles dont chacune pèse 22 kilogrammes dès lors que la pente est insuffisante.
Le rapport du 22 juin 1995 de Monsieur L..., technicien mandaté par le syndicat des copropriétaires, avait pourtant mentionné que les plots étaient posés sur une étanchéité classique, que l'ensemble était d'apparence conforme et que des terres accumulées avec le temps était de nature à aggraver la lenteur de l'évacuation de l'eau inhérente à ce type de dispositif. Aucune infiltration n'a été constatée et les terrasses peuvent être utilisées.
Le rapport du 11 mai 1995 établi par Monsieur Joseph N... dans le cadre d'une expertise " dommages-ouvrage " mentionne que la stagnation d'eau sous terrasse carrelée signalée par Madame O... est causée par une gargouille qui se trouve plus ou moins bouchée avec des matériaux d'apport extérieur mais que la présence d'eau au niveau de la membrane est inhérente au procédé. Ce technicien indique qu'un mode de réparation éventuel consisterait en la suppression des dalles sur plots avec leur revêtement et la mise en oeuvre d'un carrelage avec pente vers les exutoires.
Le dispositif actuellement en place n'est cependant pas inadapté s'il est convenablement entretenu et si la végétalisation des terrasses est maîtrisée. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé, faute pour le syndicat des copropriétaires d'établir une faute du promoteur et de pouvoir se prévaloir de la responsabilité de plein droit de l'article 1792 du code civil en raison de la nature du dommage allégué.
Sur le dommage relatif au porche :
L'expert M... a constaté des traces d'infiltrations et de dégradation de la peinture sur le contour voûté du porche de l'immeuble avec un prolongement sur la partie horizontale. Il a précisé que le porche comportait un habillage en dalles de granit scellées dépourvu de revêtement d'étanchéité. Les photographies annexées au rapport de l'expert judiciaire et celles du reportage photographique versé aux débats par le syndicat des copropriétaires établissent qu'il ne s'agit pas d'un simple désordre d'ordre esthétique mais bien d'un dommage qui affecte cet immeuble luxueux dans un de ses éléments constitutifs et rend impropre à sa destination le porche et le hall d'entrée de l'immeuble. La responsabilité de plein droit du promoteur et du maître d'oeuvre qui aurait dû prévoir la mise en place d'une étanchéité sera en conséquence retenue et il y aura lieu de condamner à titre provisionnel in solidum la société FARANGE, son assureur le G. A. N, la société BET CETA INGENIERIE et son assureur à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 9. 919, 23 euros dans l'attente du rapport de l'expert désigné par les premiers juges qui ne pouvaient trancher, compte tenu de l'ancienneté du rapport de Monsieur M..., et ont justement décidé de recourir à une nouvelle mesure d'instruction.
La société SITRA n'ayant pas reçu mission de mettre en place un dispositif d'étanchéité et la société ZUCCONI n'ayant commis aucune faute, leurs assureurs ne seront pas condamnés de ce chef.
Sur le dommage relatif aux boxes de parking :
Le rapport de l'expert judiciaire a noté un décollement de la peinture des boxes de parking et des fissures sur les voiles béton et sur un pilier d'entrée et a considéré que des travaux de mise en place d'une étanchéité des jardinières et du sol des planchers extérieurs étaient indispensables. Les photographies produites établissent la réalité d'un dommage qui ne peut être considéré comme d'ordre purement esthétique dès lors que ces boxes ont vocation à permettre le stationnement de véhicules qui peuvent être endommagés par les infiltrations constatées.
Il appartenait au maître d'oeuvre de prévoir un dispositif efficace assurant l'étanchéité de ces boxes et il y aura lieu de prononcer, en application des dispositions de l'article 1792 du code civil, la condamnation in solidum des seuls promoteur, maître d'oeuvre et de leurs assureurs à payer au syndicat des copropriétaires la provision retenue par les premiers juges, en confirmant le recours à l'expertise.
Sur les autres dommages :
Les dommages qui affectent la peinture des façades à proximité des jardinières et sont constituées par l'affaissement des regards et d'une partie du bitume du parking et le décollement du crépi d'un mur de soutènement ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne l'affectent pas dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement au point de le rendre impropre à sa destination.
La responsabilité de plein droit de l'article 1792 du code civil ne peut en conséquence être invoquée par le syndicat des copropriétaires sur ces points mais il importe de déterminer si les conditions de la responsabilité de droit commun, invoquée à titre subsidiaire par le syndicat des copropriétaires, sont remplies en l'espèce.
Il appartient au demandeur en première instance d'établir l'existence de ces dommages, de prouver qu'ils ont été dénoncés dans le délai de dix ans à compter de la réception et de démontrer l'existence d'une faute directement à l'origine de ces dommages.
Le syndicat des copropriétaires a mentionné ces dommages dans l'assignation en référé délivrée moins de dix ans après la réception et l'assignation au fond visait ces dommages.
Les opérations d'expertise ont démontré que les jardinières mises en place n'étaient pas étanchéifiées.
Le maître d'oeuvre chargé du suivi du chantier a commis une faute directement à l'origine des écaillements constatés en ne vérifiant pas, avant qu'elles ne soient remplies de terre, que les jardinières étaient pourvues d'un revêtement bénéficiant d'une garantie de dix ans, comme mentionné à l'annexe du cahier des clauses techniques particulières.
L'entreprise de gros oeuvre pouvait penser que cette étanchéité serait effectuée après la mise en place des jardinières en béton armé.
Il y aura lieu en conséquence de condamner le seul maître d'oeuvre et son assureur, la M. M. A, de payer par provision la somme de 24. 895, 05 euros, retenue par l'expert judiciaire, au syndicat des copropriétaires, soit 15. 279, 84 euros au titre des jardinières et 9. 615, 21 euros au titre des reprises de peinture.
Les dommages relatifs aux affaissements du bitume et des regards du parking s'expliquent selon l'expert judiciaire par un défaut de compactage, ceux concernant le mur de soutènement par un remblaiement trop brutal ou un défaut de préparation du support avant l'application du crépi. Ces fautes sont imputables à la société ZUCCONI qui n'a pas été assignée et au maître d'oeuvre n'ayant pas exercé efficacement sa mission de suivi du chantier, qui sera condamné in solidum avec son assureur au paiement à titre provisionnel au syndicat des copropriétaires de la somme de 4. 127, 50 euros qui résulte du chiffrage des travaux de réfection figurant dans le rapport de l'expert judiciaire.
Sur les autres demandes :
La société FARANGE est fondée à obtenir la garantie de son assureur le G. A. N qui lui-même est fondé à obtenir la garantie de l'assureur de la société BET CETA INGENIERIE qui a participé à la réalisation des dommages de nature décennale qui sont à l'origine des condamnations prononcées contre le promoteur relatives au porche et aux boxes de parking.
L'équité ne commande pas de prononcer en l'espèce une quelconque condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et il y a lieu d'infirmer les condamnations prononcées en la matière parles premiers juges et de rejeter les demandes présentées sur ce fondement en cause d'appel.
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société BET CETA INGENIERIE, qui est le principal responsable des dommages constatés, et de son assureur la M. M. A.
Les parties qui ne succombent pas en matière de dépens et qui ont demandé l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile seront autorisées à les mettre en oeuvre.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du 17 novembre 2008 du Tribunal de grande instance d'AJACCIO en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance, rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription, mis hors de cause la compagnie A. G. F, ordonné une expertise confiée à Monsieur Jean-Michel K... et organisé les modalités de mise en oeuvre de cette mesure d'instruction,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Rejette la demande du syndicat des copropriétaires de la Résidence " U PALAZZU " relative aux dommages afférents aux terrasses sur plots,
Met hors de cause les ayants-droit de l'architecte Pierre Y... et la MUTUELLE DES ARCHITECTES DE FRANCE, la société SOCOTEC et la compagnie S. M. A. B. T. P,
Condamne in solidum, à titre provisionnel, la société FARANGE, la compagnie Le G. A. N, la société BET CETA INGENIERIE et la compagnie M. M. A à payer au syndicat des copropriétaires la somme de NEUF MILLE NEUF CENT DIX NEUF EUROS et VINGT TROIS CENTIMES (9. 919, 23 €) au titre des dommages du porche de l'immeuble et celle de TRENTE SEPT MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT DIX HUIT EUROS et SOIXANTE TREIZE CENTIMES (37. 898, 73 €) au titre des dommages constatés dans les boxes de parking,
Condamne in solidum la société BET CETA INGENIERIE et la compagnie M. M. A à payer à titre provisionnel les sommes de VINGT QUATRE MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT QUINZE EUROS et CINQ CENTIMES (24. 895, 05 €) au titre des jardinières et des écaillements en façade et de QUATRE MILLE CENT VINGT SEPT EUROS et CINQUANTE CENTIMES (4. 127, 50 €) au titre des affaissements de bitume, des regards et du mur de soutènement,
Dit que la compagnie Le G. A. N devra garantir la société FARANGE des condamnations prononcées contre elle,
Dit que la compagnie M. M. A devra garantir la compagnie Le G. A. N des condamnations prononcées contre elle,
Rejette les demandes présentées tant en première instance qu'en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des prétentions des parties,
Condamne in solidum la société BET CETA INGENIERIE et la compagnie M. M. A aux entiers dépens et, s'agissant de ceux d'appel, autorise les avoués de la compagnie GENERALI, de la société FARANGE, des consorts P..., de la société SOCOTEC, de la S. M. A. B. T. P et de la compagnie ALLIANZ à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT