Ch. civile A
ARRET du 06 AVRIL 2011
R. G : 09/ 00048 R-JG
Décision déférée à la Cour : jugement du 12 janvier 2009 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 06/ 921
X...
C/
CONSORTS Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU SIX AVRIL DEUX MILLE ONZE
APPELANTE :
Madame Lucie Eliane X...née le 23 Octobre 1934 à BRAZAVILLE (CONGO) ...66000 PERPIGNAN
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assistée de la SCP MARIAGGI-BOLELLI, avocats au barreau d'AJACCIO
INTIMES :
Monsieur Bernard Y......06310 SAINT MARTIN DU VAR
défaillant
Madame Marie Antoinette Y...épouse A......06790 ASPREMONT
défaillante
Monsieur Alexis Y......20200 BASTIA
représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assisté de Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence, substituant Me Laurence VASCHETTI, avocat au barreau d'AJACCIO
Monsieur Marius Y......20000 AJACCIO
représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assisté de Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence, substituant Me Laurence VASCHETTI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 février 2011, devant Madame Julie GAY, Président de chambre, et Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller, dont l'un d'eux a été chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Sophie DUVAL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 avril 2011
ARRET :
Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Sophie DUVAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Madame Lucie B...-X...propriétaire sur la commune de SOLLACARO d'un bien foncier au lieu dit ...a introduit sur le fondement de l'article 684 du code civil une procédure à l'encontre de Bernard Y...et de Marie-Antoinette Y..., d'Alexis et Marius Y...afin d'obtenir un droit de passage au travers de leurs parcelles provenant du même auteur commun Bernardin Y...dans le but de désenclaver sa propriété.
Par jugement réputé contradictoire du 12 janvier 2009, le tribunal de grande instance d'AJACCIO, après avoir ordonné un transport sur les lieux et estimé que l'état d'enclave provenait du défaut d'entretien du chemin communal comme de son rétrécissement du fait de la construction d'un hangar par un tiers mais non de la division des parcelles par l'ancêtre commun, a :
- rejeté la demande de Madame B...-X...faute de mise en cause de l'ensemble des propriétaires riverains appelés à intervenir dans l'instance en désenclavement,
- rejeté la demande au titre des frais non taxables et laissé les dépens à la charge de Madame Lucie B...-X....
Cette dernière a relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 janvier 2009.
En ses conclusions déposées le 16 mars 2010 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, l'appelante soutient que l'enclavement de sa parcelle résulte du morcellement de la propriété de feu son grand-père qui formait une entité unique, même si elle avait été constituée par achats successifs, la propriété étant desservie par un chemin naturel sur lequel elle s'estime fondée à se prévaloir de l'existence d'une servitude dite " du père de famille ", prévue par l'article 684 du code civil.
Elle souligne que contrairement à ce qu'indique le jugement déféré, il n'est pas nécessaire de traverser d'autres parcelles que celle des consorts Y...pour permettre un accès à sa propriété et que la mise en cause d'éventuels riverains non concernés ne peut qu'être inutile dès lors que le passage doit être recherché sur le fonds provenant du même héritage qui constitue l'accès naturel de sa propriété.
Elle précise que le chemin communal est d'ailleurs impraticable et inaccessible du côté du hangar qui y a été édifié.
Elle fait valoir que la servitude dont elle bénéficie n'a pu s'éteindre par le non usage et que les attestations versées aux débats comme émanant de personnes parentes ou au service des intimés sont subjectives et orientées et doivent être écartées des débats.
Elle ajoute que si le tracé du chemin actuel n'est pas le moins dommageable pour leur fonds, les consorts Y...peuvent en proposer un autre ou solliciter qu'il soit défini par expertise mais ne peuvent la priver d'accès à sa propriété.
Elle conclut en conséquence à la réformation de la décision entreprise et demande à la Cour de dire que sa propriété sise sur la commune de SOLLACARO au lieu-dit ...cadastrée A44 à A48, et ...cadastrée no215 bénéficiera d'un droit de passage permettant l'accès à la voie publique sur les parcelles de Messieurs Marius, Alexis et Bernard Y...et de Madame Y...épouse A...cadastrées section A 183, A 184, B 20, B 21b, 22 lieu-dit ..., A 182 lieu-dit ..., A 185 lieu-dit ..., A 187 lieu-dit ..., A 242 et 243 lieu-dit ..., B 23, B 24 lieu-dit ..., section B no 589 lieu-dit ...et B 591, 588 et 590 lieu-dit ....
Elle sollicite la condamnation d'Alexis et Marius Y...en paiement de la somme de 15. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la privation de jouissance subie ainsi que celle de 3. 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Alexis et Marius Y...font observer en leurs écritures déposées le 31 mars 2010 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens, que la propriété de Madame B...est bordée par un chemin communal et que si elle estime ce dernier insuffisant, il lui appartient de demander à la commune son amélioration mais que l'action qu'elle forme à leur encontre est irrecevable.
Ils précisent que l'état d'enclave n'étant pas consécutif à la division d'un fonds ou au partage de la propriété, les dispositions de l'article 684 du code civil ne pouvent trouver application.
Ils font observer que les propriétés d'...et de ...n'ont jamais fait partie du même fonds et ont été acquises parcelle après parcelle pendant 50 ans à l'exception de la partie de la propriété appartenant à la mère de Madame B...et ils contestent formellement que le chemin desservant leur pressoir à huile ait servi à d'autres dessertes.
Ils font valoir que Madame B...devra appeler en la cause les propriétaires des terrains sur lesquels un passage carrossable pourrait être aménagé dans le respect des règles du code civil.
Ils ajoutent que si une servitude de passage avait existé jusqu'en 1953, au bénéfice de la propriété ..., celle-ci serait éteinte par son non usage pendant trente ans, puisque jusqu'en 1998, lorsque le fonds était loué, son occupant n'y accédait que par le chemin communal et en aucune façon par leur propriété agricole de ...qui serait partagée en deux par l'assiette de la servitude.
Ils concluent en conséquence au rejet de l'action de Madame B...-X...qui n'a pas appelé en cause tous les riverains afin que soit déterminé le chemin le plus court et le moins dommageable.
Ils sollicitent reconventionnellement la condamnation de l'appelante à leur payer une somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que tous les dépens recouvrés par la SCP Ribaut-Battaglini, avoués conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Madame Marie Antoinette Y...épouse A...et Monsieur Bernard Y...régulièrement assignés n'ont pas constitué avoué.
Il sera statué par arrêt de défaut, Monsieur Bernard Y...n'ayant pas été assigné à sa personne.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 septembre 2010.
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SUR CE :
Attendu que l'article 684 du code civil dont se prévaut Madame B...-X...pour solliciter un droit de passage sur le terrain des intimés ne peut trouver application que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat ;
Que l'article 693 précise qu'il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude ;
Qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier que la propriété d'...dont Madame B...-X...est propriétaire est composée pour partie d'une parcelle cadastrée A44 provenant de l'héritage de sa mère née L..., son grand-père maternel s'en étant porté acquéreur en 1913, et pour partie des parcelles cadastrées A45 à 48 dépendant de la succession de son père qui les avait lui-même reçues en héritage lors du partage des biens immobiliers de son propre père Alexis Bernardin Y...;
Que si celui-ci tenait de son père Marius Y...à la fois les parcelles d'...acquises les 28 décembre 1876 et 26 février 1887 et la parcelle de ...acquise le 18 octobre 1872, l'acte du 28 décembre 1876 comme celui du 26 février 1887 indiquant tous deux que les parcelles acquises à cette occasion " tenaient " " d'un côté à un chemin public " ;
Que Monsieur H...comme Monsieur I...précisent d'ailleurs dans les attestations produites aux débats par les intimés confirmées par celle de Madame J...et de Madame K...que le passage vers la propriété d'..." se faisait par le chemin de servitude communal " ;
Que des constatations matérielles réalisées lors du transport sur les lieux et consignées dans le procès-verbal dressé le 12 décembre 2007, il ressort que la situation d'enclave de la propriété de l'appelante résulte de l'état du chemin communal susceptible de la desservir qui n'est pas accessible avec un véhicule automobile et a été rétréci du fait de la construction d'un hangar abritant le matériel d'une entreprise de BTP ;
Attendu que l'enclavement ne résultant ainsi nullement de la division des fonds ayant appartenu à Marius puis à Bernardin Y..., grand-père de Madame B...-X...l'article 684 sur lequel elle fonde son action ne saurait trouver en l'espèce application ;
Que le jugement déféré qui a rejeté sa demande en lui rappelant qu'il lui appartenait, afin de mettre fin à son état d'enclave d'appeler tous les propriétaires riverains de manière à déterminer en application des articles 682 et 683 du code civil l'assiette du passage de son fonds à la voie publique ne peut qu'être confirmé ;
Attendu que la demande de dommages et intérêts qu'elle formule à l'encontre des intimés au titre de la privation de jouissance sera en conséquence rejetée ;
Qu'il en sera de même de la demande qu'elle présente sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les intimés ont été contraints d'exposer à l'occasion de la présente procédure des frais non taxables dont il est équitable de leur accorder compensation dans la limite de 2. 000 euros que Madame B...-X...sera condamnée à leur verser ;
*
* * PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par Madame Lucie B...-X...au titre de la privation de jouissance comme sa demande au titre des frais non taxables,
La condamne à verser à Alexis et Marius Y...une somme de DEUX MILLE EUROS (2. 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel distraits au profit de la SCP Ribaut-Battaglini, avoués.
LE GREFFIER LE PRESIDENT