Ch. civile B
ARRET
du 18 MAI 2011
R. G : 09/ 00576 R-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 11 juin 2009 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 07/ 1283
CONSORTS X...
C/
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE 28 COURS GRANDVAL A AJACCIO
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU DIX HUIT MAI DEUX MILLE ONZE
APPELANTS :
Monsieur Jean Luc X... né le 05 Janvier 1953 à AJACCIO (20000) ...20000 AJACCIO
représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-François SALASCA, avocat au barreau d'AJACCIO
Madame Marie Caroline X... née le 20 Décembre 1956 à AJACCIO (20000) ...20000 AJACCIO
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-François SALASCA, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE 28 COURS GRANDVAL A AJACCIO Représenté par son syndic en exercice SARL C2I 1 Rue Général Campi 20000 AJACCIO
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-Claude MANENTI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 mars 2011, devant Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, dont l'un d'eux a été chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 mai 2011
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, le président de Chambre empêché, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* * Vu le jugement du 11 juin 2009 du tribunal de grande instance d'AJACCIO qui a rejeté l'ensemble des demandes de Monsieur Jean Luc X... et de Madame Marie Caroline X..., débouté le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 28, cours Grandval à AJACCIO de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et condamné Monsieur Jean Luc X... et Madame Marie Caroline X... à verser au Syndicat des copropriétaires la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.
Vu la déclaration d'appel déposée le 30 juin 2009 pour Monsieur Jean Luc X... et Madame Marie Caroline X....
Vu les dernières conclusions des consorts X... du 8 septembre 2010 aux fins d'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble de leurs demandes et de voir :
- prononcer l'annulation de la résolution unique adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires tenue le 8 août 2007, notifiée le 20 septembre 2007, ayant ratifié sur le fondement de l'article 25 B de la loi du 10 juillet 1965 les travaux irréguliers réalisés en 1995 par Madame B...sur un bien privatif indivis,
- dire et juger que s'agissant d'une modification des parties privatives des appelants, cette ratification ne pouvait intervenir qu'à l'unanimité de l'article 26 de la loi,
- constater l'abus de majorité causé par l'adoption de la résolution litigieuse,
- condamner le Syndicat des copropriétaires à leur payer la somme de 20. 000 euros sur le fondement de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965 et celle de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le Syndicat des copropriétaires aux dépens ainsi qu'au coût des différentes sommations interpellatives délivrées.
Vu les dernières conclusions du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 28, cours Grandval du 2 novembre 2010 aux fins de confirmation du jugement rendu le 11 janvier 2009 en ce qu'il a débouté les consorts X... de toutes leurs demandes, de voir réformer pour le surplus le jugement et, statuant à nouveau, de voir condamner les consorts X... au paiement de la somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Vu l'ordonnance de clôture du 19 janvier 2011.
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EXPOSE DU LITIGE :
Par acte notarié du 28 septembre 1993 intervenait le partage de la succession de Madame Paule C...veuve D...qui comportait divers biens immobiliers dont un immeuble situé ....
Mesdames B..., E...et X..., les trois filles de Madame VEUVE D...recevaient notamment, en pleine propriété, le tiers indivis du lot 15 constitué de la cour de la maison familiale.
Une clause particulière de l'acte prévoyait que Madame B...aurait la jouissance exclusive et privative d'une partie de cette cour jouxtant l'immeuble au Nord sur une longueur de 9, 20 mètres et une largeur de 4, 40 mètres.
Courant 1995, Madame B...procédait au remblaiement et à l'édification d'une terrasse couverte sur cette partie de la Cour.
Deux fenêtres de l'immeuble étaient en outre transformées en portes-fenêtres pour permettre l'accès à cette terrasse.
Courant 2004, Madame X... décédait et par acte du 25 janvier 2005, ses héritiers Monsieur Jean-Luc X... et Madame Marie Caroline X... saisissaient le tribunal de grande instance d'AJACCIO d'une action en suppression des aménagements réalisés par Madame B....
Cette instance aboutissait à un arrêt de la Cour d'appel de BASTIA du 25 juin 2008 rejetant cette demande suivie d'un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2009 rejetant le pourvoi.
Par délibération de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble tenue le 8 août 2007, les travaux d'aménagement réalisés par Madame B...faisaient l'objet d'une ratification votée par Madame E...représentant 292 millièmes sur 1000 millièmes et par Madame B...représentant 325 millièmes. Le représentant de la succession X..., titulaire de 383 millièmes, votait contre cette ratification.
Le procès-verbal de l'assemblée générale du 8 août 2007 était notifié le 18 septembre 2007 aux héritiers de Madame X... qui assignaient, par acte d'huissier du 12 novembre 2007 le Syndicat des copropriétaires, devant le tribunal de grande instance d'AJACCIO, afin d'obtenir l'annulation de la résolution unique adoptée le 8 août 2007, la condamnation du syndicat à leur payer la somme de 20. 000 euros en application des dispositions de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965, outre 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11 juin 2009, le tribunal de grande instance d'AJACCIO a rejeté les demandes des consorts X... en relevant que l'arrêt du 25 juin 2008 avait autorité de la chose jugée, en ce qu'il a qualifié la cour litigieuse en partie privative en indivision, et en jugeant que la création de la terrasse n'avait pas modifié la destination de la cour, ni conféré à Madame B...un accès exclusif au jardin et que le vote de la résolution critiquée ne nécessitait pas l'unanimité prévue à l'article 26 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 et ne constituait pas un abus de majorité.
Devant la Cour, les consorts X... soutiennent que les travaux réalisés par Madame B...ne pouvaient être autorisés que par un vote unanime des copropriétaires.
Ils font valoir que l'autorisation accordée modifie la surface et la nature de leur lot privatif. Ils se réfèrent à un constat d'huissier établi par Maître F... le 22 juillet 2010 pour soutenir que les travaux permettent à Madame B...de bénéficier d'un accès et d'un usage exclusif du jardin attenant à sa terrasse et ont gravement porté atteinte à la destination des parties privatives en indivision. Ils invoquent les articles 815 et suivants du code civil.
Ils considèrent que le but recherché par Madame B...était particulier et exclusif de toute notion d'intérêt général et indiquent qu'elle a modifié la destination des parties privatives du rez de chaussée et n'a pas respecté la volonté des fondateurs qui ont imprimé à l'immeuble sa destination générale en créant un appartement là où existaient des locaux à usage professionnel.
Ils font valoir que la Cour d'appel de BASTIA dans son arrêt du 25 juin 2008 et la Cour de cassation avaient procédé à une analyse erronée de la situation juridique du litige en considérant à tort que l'assemblée générale du 8 août 2007 n'avait pas été contestée et invoquent la mauvaise foi de Madame B...qui n'a pas procédé à la remise en état de l'accès en terrasse réalisé au niveau des greniers qui a donné lieu à une condamnation prononcée par le tribunal de grande instance d'AJACCIO le 23 février 2007.
Ils reprochent aux deux autres copropriétaires d'avoir intérêt lié et indiquent qu'ils sont fondés à faire valoir leurs droits résultant de l'acte de dévolution successorale.
Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 28, cours Grandval réplique en faisant valoir que la majorité prévue à l'article 25b de la loi du 10 juillet 1965, et non celle de l'article 26, devait s'appliquer au vote de la résolution critiquée.
L'intimé soutient que la création de la terrasse ne porte pas atteinte à l'accès au jardin qui s'effectue depuis l'origine par un petit portail tout à fait indépendant des marches de la terrasse de Madame B.... Il se réfère à un constat d'huissier établi le 3 août 2010 et à des attestations.
Il relève que l'arrêt de la Cour d'appel du 25 juin 2008 avait indiqué que les travaux réalisés étaient conformes à la destination de l'immeuble, utiles au copropriétaire et insusceptibles de priver les consorts X... d'une quelconque place de parking ou de porter atteinte au caractère esthétique de l'immeuble.
Il conteste l'existence d'un quelconque abus de majorité et souligne qu'une terrasse est utile aux locaux du rez de chaussée qu'ils soient utilisés à usage d'habitation ou professionnel et que les travaux réalisés étaient conformes à l'intérêt général de l'immeuble particulièrement humide avant les travaux.
Il verse aux débats un avis de la SOCOTEC du 31 juillet 1995 et un devis descriptif de l'entreprise de maçonnerie qui a réalisé les travaux.
Il considère que les appelants n'ont d'autre but que d'entraver le fonctionnement de la copropriété et que leur action est abusive et justifie l'octroi des dommages et intérêts demandés par lui.
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MOTIFS DE LA DECISION :
La nature de partie privative indivise du lot no15 découle des stipulations de l'acte de partage du 28 septembre 1993 qui précise que l'immeuble est divisé par lots énumérés comme comprenant " les quote-parts afférentes à chacun des lots dans les parties communes ".
Cette analyse a été retenue par l'arrêt de la Cour d'appel de BASTIA du 25 juin 2008 qui bénéficie de l'autorité de la chose jugée en ce qu'il a, dans son dispositif, débouté les consorts X... de leurs demandes de remise en état antérieur de la façade arrière de l'immeuble et de la cour arrière.
Si les consorts X... estimaient que leur contestation de la résolution ratifiant ces travaux était susceptible d'avoir une incidence sur l'action qui a abouti à l'arrêt du 25 juin 2008 et à la décision de la Cour de cassation rejetant leur pourvoi, il leur appartenait d'en faire état dans l'instance relative à la demande de suppression des aménagements réalisés.
Le litige opposant les parties sur la validité du vote de la résolution unique adoptée le 8 août 2007 relève de l'application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis qui, aux termes de son article premier, régit tout immeuble bâti dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes.
L'objet de la résolution critiquée est l'autorisation donnée à un copropriétaire d'effectuer des travaux et l'article 25b, de la loi du 10 juillet 1965 dispose que cette autorisation est votée à la majorité si ces travaux affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble et sont conformes à la destination de celui-ci tandis que l'article 26 alinéa 2 de la loi précitée dispose que l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.
Le constat d'huissier établi par Maître G...le 3 août 2010 et les attestations des co-indivisaires et du jardinier, Monsieur Jean-Marie H..., versés aux débats par l'intimé démontrent que, contrairement aux affirmations des appelants, l'accès au jardin constituant le lot 16 n'est pas affecté par la réalisation des travaux ratifiés dans la résolution critiquée et qu'il est inexact de prétendre que Madame B...dispose grâce aux travaux d'un accès et d'un usage exclusifs du jardin.
Les appelants ne démontrent en conséquence pas l'existence d'une modification à la destination du lot 16 ou aux modalités de jouissance de ce lot laissé dans l'indivision.
Ils n'établissent pas non plus que les travaux réalisés ne sont pas conformes à la destination de l'immeuble et aux droits des autres copropriétaires. Ainsi que l'a relevé le premier juge, l'agrément de cette terrasse peut autant bénéficier aux occupants lors d'un usage à titre d'habitation qu'à titre professionnel et la réserve de jouissance exclusive de la partie de la cour interdit aux autres copropriétaires de s'y garer ou d'en faire usage.
Le vote de la résolution critiquée pouvait en conséquence s'effectuer à la majorité de l'article 25b précité.
Les appelants soutiennent qu'il y a eu abus de majorité mais ils ne démontrent pas que les travaux litigieux qui profitent à Madame B...causent un préjudice à la copropriété. Les photographies produites établissent que les murs extérieurs et intérieurs de l'immeuble étaient très humides avant les travaux qui ont consisté en la création d'un drain au pied de la façade sur cour et ont répondu aux préconisations de la SOCOTEC dans son avis du 31 juillet 1995. Ces travaux ont en conséquence été utiles à l'immeuble dont l'aspect extérieur est plus plaisant et le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes des consorts X....
Faute pour l'intimé d'avoir établi le caractère abusif de l'action des appelants qui pouvaient avoir mal analysé la nature du lot numéro 15 et la portée de la clause particulière y afférente, sa demande de dommages et intérêts ne peut prospérer et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
L'équité commande de confirmer également le jugement dans son application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner les appelants au paiement d'une somme de 3. 000 euros de ce chef en cause d'appel.
Les appelants qui succombent supporteront les dépens de l'instance.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'AJACCIO du 11 juin 2009 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur Jean Luc X... et Madame Marie Caroline X... au paiement d'une somme de TROIS MILLE EUROS (3. 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 28 cours Grandval à AJACCIO,
Les condamne aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT