Ch. civile B
ARRET
du 22 JUIN 2011
R. G : 10/ 00241 C-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 11 février 2010 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 09/ 113
BOUCHERAT
C/
Syndicat des copropriét. RCE CANDIA A1 SOCIETE DES ASCENSEURS SCHINDLER Cie d'assurances ALLIANZ CPAM de la CORSE DU SUD
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE ONZE
APPELANTE :
Madame Annelise X... épouse Y...née le 21 Mars 1980 ...
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Doumé FERRARI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEES :
Syndicat des copropriétaires RESIDENCE CANDIA A 1 Pris en la personne de son syndic en exercice la SARL DE GESTION IMMOBILIERE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 6 Rue Général Fiorella 20000 AJACCIO
défaillant
SOCIETE DES ASCENSEURS SCHINDLER Prise en la personne de son représentant légal en exercice Lotissement Michelange no 8 ZI de BALEONE-RN 193 20167 SARROLA CARCOPINO
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Corinne FAVRE, avocat au barreau de PARIS
Compagnie d'assurances ALLIANZ Nouvelle dénomination des Assurances Générales de France Prise en la personne de son représentant légal en exercice 87, Rue de Richelieu 75002 PARIS
représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD Prise en la personne de son représentant légal en exercice Les Padules Boulevard Abbé Recco-BP 910 20702 AJACCIO CEDEX 09
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 mai 2011, devant Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 22 juin 2011.
ARRET :
Par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du Tribunal de grande instance d'AJACCIO du 11 février 2010 qui a débouté Madame Annelise X... épouse Y...de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au syndicat des copropriétaires de la résidence CANDIA, à la société AGF et à la société d'ascenseurs SCHINDLER et aux entiers dépens.
Vu la déclaration d'appel déposée le 19 mars 2010 pour Madame X....
Vu les dernières conclusions de l'appelante du 16 juillet 2010 aux fins d'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et de voir :
dire que le syndicat des copropriétaires de la résidence CANDIA et la société SCHINDLER ont engagé leur responsabilité pour faute suite à l'accident dont elle a été victime le 25 juin 2007,
les condamner solidairement à lui verser :
-4 500 euros au titre du déficit fonctionnel total de 4 mois et demi,
-6 000 euros pour les souffrances endurées (SE léger 2, 5/ 7),
-10 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent,
dire que la compagnie d'assurances AGF garantira le paiement des dites sommes,
condamner solidairement le syndicat des copropriétaires, la société SCHINDLER et la compagnie AGF à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de son avoué.
Vu les dernières conclusions de la société SCHINDLER du 29 septembre 2010 aux fins de voir, à titre principal confirmer le jugement entrepris et de condamner Madame X... à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, dire que sa responsabilité quasi délictuelle n'est pas établie, que la panne de l'ascenseur revêt les caractéristiques de la force majeure, que le lien de causalité avec le dommage n'est pas établi et débouter Madame X..., à titre plus subsidiaire, débouter Madame X... de sa demande au titre du déficit fonctionnel permanent, ramener les autres demandes à de plus justes proportions et condamner tout succombant aux dépens distraits au profit de son avoué.
Vu les dernières conclusions de la compagnie d'assurances ALLIANZ, nouvelle dénomination des ASSURANCES GENERALES DE FRANCE-AGF, aux fins de confirmation du jugement entrepris et, à titre subsidiaire de dire que la société SCHINDLER sera condamnée à la garantir de toute condamnation, et en toute hypothèse, de condamner tout succombant aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'assignation délivrée le 13 octobre 2010 et le 4 novembre 2010 en l'étude pour le syndicat des copropriétaires de la résidence CANDIA A 1 et à personne pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE-CORSE, à la requête de Madame X....
Vu l'ordonnance de clôture du 9 février 2011.
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EXPOSE DU LITIGE :
Le 25 juin 2007, Madame Annelise X... a demandé l'intervention des pompiers en faisant état de ce que l'ascenseur de l'immeuble de la résidence CANDIA avait chuté du troisième étage et qu'elle était bloquée dans l'ascenseur.
Les pompiers parvenaient à la faire sortir de l'ascenseur par la porte palière du première étage et la conduisaient au Centre Hospitalier d'AJACCIO où un traitement médicamenteux lui était prescrit.
Madame X... se rendait ensuite à la Clinique Clinisud où le docteur D...établissait un certificat médical mentionnant une entorse du rachis cervical et un traumatisme lombaire occasionnant 30 jours d'incapacité totale de travail, sauf complications.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE CORSE DU SUD l'avisait le 19 juillet 2007 de ce que le caractère professionnel de l'accident survenu le 25 juin 2007 était reconnu.
Madame X... obtenait, suivant ordonnance de référé du 17 juin 2008, la désignation du docteur Laurent E...en qualité d'expert.
L'expert E...déposait un rapport daté du premier octobre 2008 dans lequel il indiquait qu'il existait une relation certaine directe et exclusive entre les lésions présentées par Madame X... et l'accident du 25 juin 2007. Il retenait une incapacité temporaire totale de travail jusqu'au 15 novembre 2007, une consolidation au 14 mai 2008, des souffrances endurées de 2, 5/ 7 et un déficit fonctionnel permanent de 5 % constitué par des névralgies cervico-brachiales.
Par acte d'huissier des 29 et 30 janvier 2007, Madame X... assignait en réparation de son préjudice corporel, le syndicat des copropriétaires de la résidence CANDIA A 1, son assureur la compagnie AGF et la société SCHINDLER, titulaire d'un contrat d'entretien de l'ascenseur.
Par jugement du 11 février 2010, le Tribunal de grande instance d'AJACCIO rejetait les demandes de Madame X... en considérant que si le blocage de la porte de l'ascenseur était établi, il n'en est rien de la chute alléguée, qu'aucune faute de la société SCHINDLER n'est démontrée pas plus qu'un quelconque manquement du syndicat des copropriétaires et que la réalité du préjudice est insuffisamment établie.
Devant la Cour, Madame X... se fonde sur l'article 1382 du code civil et l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.
Elle soutient que l'ascenseur installé par la société SCHINDLER a connu une défaillance technique caractérisée constituée par une chute du troisième au premier étage de l'ascenseur qui s'est bloqué entre deux étages.
Elle se réfère au rapport des pompiers et à l'expertise judiciaire et fait valoir que le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés par le défaut d'entretien des parties communes et que le rapport de contrôle de la société APAVE a relevé des anomalies quant à la sécurité de l'ascenseur.
Elle indique que l'assureur du syndicat des copropriétaires devra garantir les sommes mises à la charge du syndicat.
Elle considère que le traumatisme subi résulte de la chute de l'ascenseur et mérite une réparation à hauteur de ses demandes.
La société SCHINDLER réplique en contestant les affirmations de Madame X... relative à la chute de trois étages de la cabine de l'ascenseur et en soulignant que le courrier du 8 avril 2010 du commandant F...est tardif et qu'il n'établit pas que l'ascenseur a fait une chute de trois étages.
Elle précise que les pompiers sont intervenus après la chute alléguée et que le rapport de l'APAVE indique qu'il ne peut affirmer que l'incident est dû au désenclavement du limiteur de vitesse de l'ascenseur.
Elle indique qu'elle assurait l'entretien de l'appareil en cause et qu'elle était intervenue le 25 juin 2007 en raison de la présence d'un pigeon ayant pénétré dans le local technique et endommagé le câble du limitateur de vitesse.
Elle souligne que le système de sécurité d'urgence a bien fonctionné puisque la cabine a bien été bloquée.
Elle soutient que l'introduction inopinée de l'animal constitue une cause étrangère manifeste revêtant les caractéristiques de la force majeure et précise qu'elle a suggéré la pose d'une grille pour qu'un tel événement ne puisse se reproduire.
Elle conteste tout manquement à ses obligations contractuelles et tout défaut d'entretien. Elle indique que les travaux de mise en conformité évoqués par le rapport APAVE n'entrent pas dans le champ du contrat de maintenance et doivent faire l'objet d'une commande spécifique.
Elle fait valoir, à titre subsidiaire que le quantum des demandes de Madame X... est manifestement surévalué, en particulier quant aux déficits fonctionnel temporaire et permanent.
La compagnie d'assurance ALLIANZ conteste le défaut d'entretien invoqué par Madame X... et entend à titre subsidiaire être garantie par la société spécialisée à laquelle elle a confié l'entretien de l'ascenseur.
A titre subsidiaire, elle demande de ramener à de plus justes proportions les demandes de l'appelante.
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MOTIFS DE LA DECISION :
Madame X... invoque la responsabilité quasi délictuelle du syndicat des copropriétaires dans la chute de la cabine d'ascenseur entre le troisième étage et le premier étage.
Le premier juge a considéré que si le dysfonctionnement, notamment le blocage de la porte était établi, il n'en est rien de la chute alléguée qui serait à l'origine du dommage corporel de Madame X....
Le rapport d'intervention adressé le 8 avril 2010 par le chef du Centre du service d'incendie et de secours de la Corse du Sud ne mentionne évidemment pas que les pompiers ont assisté à l'accident mais précise qu'ils ont été informés par téléphone que l'ascenseur avait chuté du troisième étage jusqu'au premier étage et qu'une personne se plaignait de douleurs dans le dos.
Cette personne a, selon le rapport, été dégagée dans l'espace restant après mise en sécurité de l'appareil et accompagnée à l'hôpital où un traitement médicamenteux a été prescrit.
Ce traitement s'explique mal si la porte de l'ascenseur s'était bloquée sans qu'une chute de l'appareil soit intervenue et le rapport d'incident du 25 juin 2007 à 15 h 06, soit postérieurement à l'accident, mentionne un pigeon sur le limitateur actionnant le parachute, ce qui corrobore l'allégation de chute de l'appareil.
L'expert judiciaire a enfin retenu une relation certaine directe et exclusive entre les lésions qu'il a décrites et l'accident survenu le 25 juin 2007.
Le fait que le médecin du service des urgences n'ait pas mentionné d'incapacité temporaire totale de travail n'est pas déterminant dès lors qu'il n'a pas abordé cette question et que les médicaments prescrits sont compatibles avec l'entorse cervicale et le traumatisme lombaire signalés par le docteur D...qui a examiné Madame X... le jour de l'accident.
Le lien de causalité entre le dommage corporel et la chute de l'ascenseur est en conséquence démontré.
Cette chute intempestive de la cabine d'ascenseur, chose dont le syndicat des copropriétaires est présumé responsable en application du premier alinéa de l'article 1384 du code civil provient également d'une faute du syndicat des copropriétaires qui a manqué à une obligation de prudence en ayant recours à un appareil dont la sécurité était susceptible d'être altérée par l'effet d'un pigeon.
La responsabilité du syndicat des copropriétaires sera en conséquence retenue sur le fondement de l'article 1382 du code civil invoqué par l'appelante et le jugement entrepris sera infirmé.
La présence de pigeons en ville n'étant pas imprévisible et l'accident ayant pu être évité par la pose d'une grille de protection du local technique, le syndicat des copropriétaires ne pourra invoquer utilement la force majeure pour s'exonérer de la responsabilité encourue et il y aura lieu de le condamner in solidum avec son assureur à réparer le dommage causé à Madame X....
Le syndicat des copropriétaires ayant confié l'entretien de l'ascenseur à une société spécialisée qui a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne préconisant pas avant l'accident la grille de protection à laquelle elle a songé après l'accident, il y aura lieu de condamner la société SCHINDLER à garantir le syndicat des copropriétaires de toutes condamnations mises à sa charge.
L'expert a retenu une incapacité temporaire totale de travail du 25 juin 2007 au 15 novembre 2007 chez une préparatrice en pharmacie née en 1980. La demande de Madame X... à hauteur de la somme de 3 000 euros de ce chef sera en conséquence accueillie.
L'expert a évalué à 2, 5/ 7 le taux de souffrance endurée en soulignant les nombreuses séances de kinésithérapie nécessaires. Le préjudice de Madame X... sera justement réparé par une condamnation à hauteur de la somme de 4 000 euros de ce chef.
L'expert a évalué à 5 % le déficit fonctionnel permanent en notant un retour à l'état antérieur au niveau du rachis lombaire mais une persistance d'un syndrome post-commotionnel modéré et un syndrome de névralgies cervico-brachiales d'intensité modérée. Le préjudice de Madame X... sera justement réparé par une condamnation d'un montant de 7 500 euros à ce titre.
Le préjudice corporel total de Madame X..., hors frais médicaux pris en charge par l'organisme social, s'élève en conséquence à la somme de 14 500 euros.
L'équité ne commande pas de prononcer en l'espèce une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de l'instance seront mis à la charge du syndicat des copropriétaires, de la compagnie ALLIANZ et de la société SCHINDLER qui succombent et l'avoué de l'appelante sera autorisé à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement du Tribunal de grande instance d'AJACCIO du 11 février 2010 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare le syndicat des copropriétaires de la résidence CANDIA A 1 entièrement responsable du préjudice causé à Madame Annelise X... épouse Y...par suite de l'accident d'ascenseur survenu le 25 juin 2007,
Condamne in solidum ce syndicat des copropriétaires et la compagnie ALLIANZ à verser à Madame Annelise X... la somme de QUATORZE MILLE CINQ CENTS EUROS (14 500 €) en réparation de son préjudice corporel hors frais médicaux pris en charge par l'organisme social,
Condamne la société SCHINDLER à garantir le syndicat des copropriétaires de la résidence CANDIA A 1 de toutes les condamnations mises à sa charge,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence CANDIA A 1, la compagnie ALLIANZ et la société SCHINDLER aux entiers dépens et autorise l'avoué des l'appelante à faire application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT