Ch. civile A
ARRET No
du 26 OCTOBRE 2011
R. G : 09/ 00564 C-MNA
Décision déférée à la Cour : jugement du 11 mai 2009 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 07/ 1029
X...
C/
Y... B... Z... E... F...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE ONZE
APPELANT :
Monsieur Jean-Jacques X... né le 31 Août 1947 à ROUEN (76000)... 76130 MONT ST AIGNAN
représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assisté de Me Jean luc ALBERTINI, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMES :
Monsieur Antonio Y......... 20144 SAINTE LUCIE DE PORTO-VECCHIO
représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SELARL CEGEXPORT, avocats au barreau d'AJACCIO
Madame Gianfranca B... épouse Y......... 20144 SAINTE LUCIE DE PORTO-VECCHIO
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SELARL CEGEXPORT, avocats au barreau d'AJACCIO
Monsieur Carlo Igino Z......... 20144 SAINTE LUCIE DE PORTO-VECCHIO
représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SELARL CEGEXPORT, avocats au barreau d'AJACCIO
Madame Marina Vittoria Giuseppina E... épouse Z......... 20144 SAINTE LUCIE DE PORTO-VECCHIO
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SELARL CEGEXPORT, avocats au barreau d'AJACCIO
Madame Patrizia F... épouse G...
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SELARL CEGEXPORT, avocats au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 septembre 2011, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2011.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* * Suivant acte d'huissier en date du 28 août 2007, Monsieur Jean-Jacques X... a fait assigner Monsieur Antonio Y... et Monsieur Alberto G... devant le Tribunal de grande instance d'AJACCIO aux fins d'obtenir l'étêtage des eucalyptus se trouvant sur le lot no39 des défendeurs, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard, outre le versement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance.
Suivant jugement en date du 11 mai 2009 le Tribunal a déclaré irrecevable l'action formée par le demandeur pour défaut de qualité ou d'intérêt à agir, au motif que celui-ci ne justifiait pas de sa qualité de propriétaire du lot concerné par le litige.
Suivant déclaration déposée au greffe de la Cour d'appel de Bastia le 29 juin 2009, Monsieur Jean-Jacques X... a interjeté appel de cette décision.
Il s'est, par déclaration signifiée à la partie adverse le 10 novembre 1989, désisté de son appel à l'égard de Monsieur Antonio G....
Par acte d'huissier en date du 5 août 2010, Monsieur Jean-Jacques X... a fait assigner en intervention Madame Patrizia G... née F..., Madame Gianfranca Y... née B..., Monsieur Carlo Z... et Madame Marina Z... née E... devant la Cour d'appel de BASTIA aux fins d'obtenir les mêmes condamnations que celles sollicitées à l'égard des premiers défendeurs.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2011 et la cause fixée pour être plaidée au 5 septembre 2011.
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Suivant conclusions récapitulatives no3 en date du 14 décembre 2010, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, Monsieur X... demande à la Cour de :
- le déclarer recevable en son appel,
- lui donner acte de ce qu'il se désiste de son appel à l'égard de Monsieur Alberto G...,
- lui donner acte de ce qu'il verse aux débats le règlement du lotissement réclamé par les copropriétaires,
- lui donner acte de ce qu'il a appelé dans la cause les quatre autres propriétaires de la parcelle no39,
- condamner l'ensemble des copropriétaires à procéder aux opérations suivantes dans les huit jours suivant la signification des la décision :
· élagage régulier et périodique de l'eucalyptus et du chêne situés dans le champ de la vue du fond no40, · cet élagage devant permettre aux occupants du lot no40, du rez de chaussée jusqu'au point le plus élevé de la villa, de disposer d'une vue complète et constante sur la mer,
- ce sous astreinte définitive de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,
- dire qu'en cas de réitération de l'infraction, et huit jours après une mise en demeure délivrée par acte extra judiciaire restée infructueuse, l'astreinte définitive recommencera à courir,
- condamner l'ensemble des copropriétaires au paiement d'une somme de 5 000 euros de dommages intérêts pour trouble de jouissance et résistance abusive,
- les condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il expose au préalable qu'il apparaît, au vu du titre de propriété versé aux débats, comme le propriétaire du lot no 40, et a donc qualité pour agir.
S'agissant du fondement de son action, il invoque l'existence d'une obligation contractuelle, résultant du règlement de copropriété et du cahier des charges auxquels se réfère expressément le titre de propriété de Monsieur X....
Plus précisément, il se réfère aux dispositions de l'article 17 du cahier des charges qui distingue entre, d'une part, la végétation (qui doit être conservée dans son état naturel et donc préservée de tout élagage (et dont les eucalyptus et chênes lièges sont des spécimens selon les intimés) et, d'autre part les plantations (lesquelles doivent se conformer aux règles de l'architecte et ne pas gêner les vues d'autres propriétaires).
Selon Monsieur X..., plutôt qu'à cette distinction contestable, il convient de s'attacher à l'esprit des textes réglementant la copropriété, qui veut que, tout en respectant l'interdiction de déboisement de la végétation naturelle, les propriétaires conservent la vue vers la mer, ainsi qu'il ressort de la configuration du lotissement, toute entière tournée vers la mer.
Il argue que plusieurs éléments confortent l'existence de cette obligation d'accès visuel à la mer :
- le fait que, avant la présente procédure, l'un des intimés avait d'initiative procédé à l'élagage de son eucalyptus,
- des courriers du syndic réclamant l'élagage des arbres de la propriété des intimés et se fondant sur les dispositions du cahier des charges (notamment sur le principe du respect de la vue des résidents) et sur " les diverses décisions prises en assemblée générale ".
Suivant conclusions récapitulatives no 3 en date du 6 octobre 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, les intimés demandent à la Cour de :
- à titre principal, confirmer le premier jugement et débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, en cas de condamnation de Monsieur Y..., dire que les autres intimés seront tenus de le garantir solidairement et indéfiniment,
- condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de leurs demandes, les intimés exposent que Monsieur X... fonde son action sur le non-respect du cahier des charges et plus particulièrement des dispositions de son article 17, lequel opère une distinction entre la notion de végétation, laquelle doit, selon cet article, être conservée dans son état naturel, et celle de plantations, pour lesquelles, toujours selon cet article, les propriétaires devront se conformer aux règles établies par l'architecte du lotissement.
Ainsi pour les intimés, les chêne et eucalyptus dont il est demandé l'élagage font partie de la végétation naturelle du site et ne sont donc pas visés par ces règles.
Ils exposent au surplus que, si l'on prend également en considération le règlement du lotissement, qui est aussi visé par le cahier des charges en son article 1, celui-ci, en son article 14, qui mentionne que " les arbres existants seront maintenus dans toute la mesure du possible ", concerne les espaces verts des parties communes et non les jardins. Ils ajoutent qu'au surplus il ressort de ces textes que le promoteur a entendu intégrer les constructions dans le paysage et en conséquence protéger celui-ci, y compris la végétation litigieuse.
Ils ajoutent enfin que Monsieur X... ne aurait invoquer aucune servitude de vue, le titre de propriété de Monsieur Y... n'y faisant pas référence.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2011.
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SUR CE
1- Sur la recevabilité de l'action
Attendu qu'il résulte de l'acte authentique du 19 mars 1997 et du plan de situation produit aux débats que Monsieur X... est propriétaire du lot no40 du lotissement dénommé... sur la commune de... et que le lot no39 appartenant aux intimés se situe en contrebas de sa propriété ;
Attendu qu'en conséquence son action est recevable ;
2- Sur l'existence d'une obligation contractuelle d'élagage
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites … Elles doivent être exécutées de bonne foi ;
Attendu que l'article 17 du cahier des charges auquel l'acte de vente se réfère expressément stipule que la végétation comprise dans les zones non aedificandi de protection délimitées de façon précise dans les plans parcellaires de chaque lot, sera conservée dans état naturel et aucun déboisement ne sera toléré à l'exception de celui nécessaire pour la voirie et l'implantation des constructions. Le démaquisage et le défrichage seront limités au strict minimum tout en tenant compte des prescriptions de protection incendie. Pour les plantations, les propriétaires devront se conformer aux règles établies par l'architecte du lotissement et ne pas gêner les vues d'autres propriétaires ou détruire une perspective d'ensemble d'intérêt général.
Attendu que le règlement de copropriété précise en son article 10 que la hauteur des constructions est limitée à 6 mètres à l'égout du toit au point le plus bas de la construction ;
Qu'il prévoit en son article 11 que les villas prévues constituent les toiles de fond du paysage de la pointe de Capicciola. En conséquence une grande qualité architecturale sera recherchée.. dans la composition de chaque volume … dans la silhouette du volume bâti sur le fond des plantations et du relief qui caractérisent le site et son aménagement ;
Attendu qu'en l'état de ces textes contractuels il convient de se référer, pour une plus claire appréciation de ce que les parties ont entendu réglementer, aux autres pièces produites par celles-ci ;
Attendu qu'il résulte de l'attestation de Monsieur K..., en date du 10 octobre 2007 que celui-ci avait, sur la demande des propriétaires, procédé à l'élagage d'un eucalyptus situé sur le lot no39 leur appartenant, de sorte que ces derniers avaient reconnu ainsi implicitement qu'ils avaient obligation d'élaguer leurs arbres ;
Que les courriers adressés par le syndic le 10 mars 2003 puis le 1er février 2006 aux intimés rappelaient à ces derniers leur obligation " de réduire la hauteur des eucalyptus et des chênes afin que Monsieur X... ne subisse plus le préjudice de perte de vue " et rappelaient que les copropriétaires avaient, en assemblée générale, réaffirmé le " principe de respect de la vue des résidents " ;
Qu'il ressort de ces lettres, comme de l'attestation K..., que les copropriétaires ont entendu préserver, parallèlement à la préservation de la végétation existante, le respect de la vue des résidents sur la mer ;
Qu'ainsi, dire que seules les plantations, par opposition à la végétation, sont soumises à l'obligation d'élagage, serait contraire à la volonté des copropriétaires ;
Qu'au surplus l'article 17 précité du cahier des charges n'interdit, dans le même but de protection de l'état naturel, que le déboisement, et non l'élagage de la végétation ;
Attendu que de leur côté les intimés produisent une lettre du syndic en date du 19 juin 2009 dans laquelle le maire de la commune stigmatise le « traitement particulier » réservé à certains arbres de la résidence ; que ce courrier, en l'absence de précisions sur ledit traitement particulier, ne saurait démontrer que l'élagage des arbres est interdit ;
Attendu que la lettre susmentionnée de Monsieur K..., non plus que la photographie de la pièce no6, invoquées par les défendeurs pour démontrer qu'ils se livrent à un élagage régulier de leurs arbres, ne sauraient, en l'absence de documents récents et datés, prouver qu'ils continuent d'élaguer ;
Attendu en conséquence que Monsieur X... est bien fondé à invoquer, sur la base contractuelle du cahier des charges, l'obligation d'élagage ;
3- Sur la portée de l'obligation d'élagage
Attendu que Monsieur X... a produit aux débats un constat de Maître L... en date du 16 août 2000, attestant, photographies à l'appui, de la présence, sur le lot en aval, d'eucalyptus de grande taille bouchant partiellement la vue sur la mer et la presqu'île de Capicciola ;
Attendu que les autres clichés produits, hors constat d'huissier, ne peuvent être précisément datés ni identifiés, qu'il y a donc lieu de se référer exclusivement au constat de Maître L... et de dire que l'obligation d'élagage portera sur les cinq eucalyptus qui bouchent partiellement la vue sur la mer ;
4- Sur l'existence d'un préjudice
Que les intimés ne justifient pas avoir, postérieurement à l'élagage précisé à l'attestation H..., procédé à l'élagage des eucalyptus ;
Attendu en effet que la lettre susmentionnée de Monsieur K..., non plus que la photographie de la pièce no6, invoquées par les défendeurs pour démontrer qu'ils se livrent à un élagage régulier de leurs arbres, ne sauraient, en l'absence de documents récents et datés, prouver qu'ils continuent d'élaguer ;
Attendu en conséquence que Monsieur X... justifie de l'existence d'un préjudice de jouissance résultant de la perte de la vue sur la mer, qu'il conviendra d'indemniser à hauteur de 3 000 euros ;
5- Sur l'astreinte
Attendu qu'après avoir obtenu un temps l'élagage des arbres litigieux Monsieur X... a dû saisir le Tribunal de grande instance le 28 août 2007, qu'il est donc bien fondé à obtenir le prononcé d'une astreinte, laquelle, conformément aux dispositions de l'article 34 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédure civiles d'exécution, sera ordonnée à titre provisoire pour un montant de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt et ce pour une durée de trois mois.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirmant en partie le jugement du Tribunal de grande instance d'AJACCIO en date du 11 mai 2009,
Déclare recevable l'action formée par Monsieur Jean-Jacques X...,
Lui donne acte de ce qu'il se désiste de son appel à l'égard de Monsieur Alberto G...,
Et y ajoutant,
Condamne in solidum Monsieur Antonio G..., Madame Patricia F..., Madame Gianfranca B..., Monsieur Carlo Z... et Madame Marina E... à procéder, dans la quinzaine suivant la signification du présent arrêt, à l'élagage régulier des eucalyptus décrits comme bouchant partiellement la mer et visés au constat de Maître L... en date du 16 août 2000,
Ce sous astreinte de CINQUANTE EUROS (50 euros) par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, pendant une durée de trois mois,
Condamne les intimés in solidum à verser à Monsieur X... la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 euros) à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance,
Les condamne à lui verser la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT