Ch. civile A
ARRET No
du 14 DECEMBRE 2011
R. G : 09/ 00739 R-MNA
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 mai 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 07/ 1156
CONSORTS X...
C/
CONSORTS Y... C... X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE ONZE
APPELANTES :
Madame Patricia X... née le 11 Juillet 1960 à WITTLICH (ALLEMAGNE)...
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Jean louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Pauline X... épouse A... née le 03 Mars 1962 à BARCELONNETTE (04400)...
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Jean louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Monsieur Philippe X......
représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Georges Y......
représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
Madame Rose Marie C... épouse X......
défaillante
Monsieur Frédéric X......
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 octobre 2011, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 07 décembre 2011, prorogée par mention au dossier au 14 décembre 2011.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Mademoiselle Carine GRIMALDI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* *
De l'union de Monsieur Antoine X..., décédé le 22 octobre 1961, et de Madame Françoise Marie F..., décédée le 22 février 1976, sont issus quatre enfants :
- Philippe X...,
- Dorothée X..., décédée sans laisser de descendance,
- Marie-Madeleine X..., décédée en laissant pour lui succéder son fils unique Georges Y...,
- Pierre François X..., décédé en laissant pour héritiers son épouse Rose Marie C... et ses trois enfants Patricia, Pauline et Frédéric X....
Mesdames Patricia et Pauline X... ont fait assigner Monsieur Georges Y..., Monsieur Philippe X..., Madame Rose-Marie C... veuve X... et Monsieur Frédéric X... devant le Tribunal de Grande Instance de BASTIA afin que soient ordonné le partage des successions d'Antoine X... et de son épouse Françoise Marie F..., qu'il soit jugé que Messieurs Philippe X... et Georges Y... seront privés de leurs droits sur le bien successoral recelé et qu'une expertise judiciaire soit ordonnée.
Suivant jugement du 28 mai 2009, le Tribunal de Grande Instance de BASTIA a :
- ordonné le partage des successions de Monsieur Antoine X... et de son épouse ainsi que de la communauté ayant existé entre eux,
- attribué préférentiellement à Monsieur Philippe X... la propriété de la maison indivise située à SAN GAVINO DI TENDA,
- ordonné une mesure d'expertise aux fins de vérification de la signature du testament de Madame Dorothée X... et commis pour y procéder Monsieur Patrick H..., expert,
- débouté Madame Patricia X... et Madame Pauline X... de leurs demandes fondées sur le recel successoral et tendant à priver Monsieur Philippe X... de tout droit sur les maisons situées à SAN GAVINO DI TENDA et à SORIO DI TENDA, sur la parcelle cadastrée G 430 p à PIETRA A CASA ainsi que sur les loyers produits par la location de la maison de SORIO DI TENDA,
- sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état expertise du 15 juillet 2009.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel le 5 août 2009, Madame Patricia X... et Madame PAULINE A... née X... ont interjeté appel de cette décision.
Par décision rendue le 11 janvier 2011 par le magistrat chargé de la Mise en état, l'ordonnance de clôture du 14 octobre 2010 a été révoquée à la demande de Mesdames Patricia et Pauline X... qui ont demandé que ledit rapport et leurs écritures soit admis aux débats.
Par leurs dernières écritures en date du 17 mars 2011, Mesdames Patricia et Pauline X... demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement critiqué,
- de rejeter la demande d'attribution préférentielle,
- d'écarter le prétendu testament de Dorothée X...,
- de dire que Philippe et Madeleine X... ont dissimulé l'existence de leurs cohéritiers en louant la maison de SORIO DI TENDA, en se conduisant en propriétaires exclusifs de celle de SAN GAVINO DI TENDA, en se faisant déclarer propriétaires, par jugement, de la parcelle cadastrée à SAN GAVINO DI TENDA sous le numéro 430 de la section G et en vendant la parcelle B 452 de SORIO DI TENDA,
- de dire qu'ils seront privés de tout droit sur les biens recelés,
- de dire les dépens frais privilégiés de partage.
Elles exposent que, s'agissant des dispositions de l'article 831 du code civil, celles-ci ne s'appliquent pas au cas d'espèce, et que Monsieur Philippe X... ne justifie pas de sa demande d'attribution préférentielle.
Elles se réfèrent au rapport d'expertise lequel conclut à la présence d'éléments permettant de douter de l'authenticité du testament de Dorothée X..., pour demander à la cour d'écarter cette pièce.
Elles prétendent enfin que les intimés ne justifient pas avoir été sans nouvelles de leur part, et que Philippe X... a anticipé sur l'attribution préférentielle et qu'il les a chassées de la maison de SAN GAVINO, et qu'ils ont tenté de publier le jugement du 1er avril 1999 qui les déclarait seuls propriétaires de la parcelle vendue alors que celle-ci dépend de la succession.
Par leurs dernières écritures en date du 17 mars 2010, Monsieur Philippe X... et Monsieur Georges Y..., qui n'ont pas conclu après dépôt du rapport d'expertise, demandent la confirmation pure et simple du jugement critiqué et la condamnation des appelantes à leur payer la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que Monsieur Philippe X... habite la maison de SAN GAVINO DI TENDA depuis sa naissance et que celle-ci n'a jamais fait l'objet d'un recel successoral.
Ils contestent de même tout recel successoral concernant la parcelle G 430 p, et affirment qu'ils ignoraient les coordonnées de leurs nièces et cousines et qu'ils n'ont fait que se défendre à la procédure judiciaire initiée contre eux par les consorts I..., n'ayant en outre jamais tenté de faire exécuter le jugement les instituant propriétaires.
Ils soutiennent que Monsieur Philippe X... est en droit de se voir attribuer préférentiellement la maison de SAN GAVINO DI TENDA, puisqu'il y réside depuis sa naissance.
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 12 mai 2011.
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SUR CE :
1- Sur le recel successoral :
Attendu qu'aux termes de l'article 778 du code civil, " sans préjudice de dommages-intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession " ;
Attendu que le recel existe dès lors que peuvent être caractérisés des faits positifs de recel et que l'intention frauduleuse du ou des héritiers ;
Attendu que les appelantes accusent Monsieur Philippe X... et Monsieur Georges Y... de recel des biens suivants :
- la parcelle cadastrée G 430 p à PIETRA A CASA :
Attendu qu'il ressort des pièces produites que les intimés ont, par jugement du 1er avril 1999, été déclarés propriétaires de ladite parcelle, mais qu'ils étaient défendeurs à la procédure, et non initiateurs, qu'en conséquence il ne peut, en l'absence d'autre élément, leur être reproché d'avoir recelé ce bien, d'autant que l'expert chargé dans le cadre de cette procédure a, dans son rapport du 26 septembre 1997, noté les déclarations de Monsieur Philippe X... qui indique que " sa famille est propriétaire de l'ensemble du terrain clos de murs depuis 100 ans " ;
Attendu en outre qu'il ressort des correspondances échangées entre Madame Patricia X... et le conseil des intimés constitué dans le cadre de la procédure ayant abouti au jugement du 1eravril 1999 que ces derniers n'ont fait aucune démarche pour faire publier ce jugement et s'approprier la parcelle ;
Attendu en conséquence que le recel n'est pas constitué ;
- la maison d'habitation de SAN GAVINO DI TENDA et la maison louée par Monsieur Philippe X... à SORIO DI TENDA :
Attendu que les appelantes ne produisent aucun élément positif constitutif du recel de ces biens ;
Attendu que le seul fait d'habiter un bien indivis ou de louer l'un des biens indivis n'est pas constitutif de recel, ces faits ouvrant régulièrement droit à une indemnité d'occupation au profit des autres héritiers et rendant Monsieur Philippe X... redevable de la part des loyers perçus par lui sur le bien indivis conformément à l'article 815-12 du code civil ;
Attendu en outre que Madame Patricia X... ne rapporte pas la preuve des refus de la faire participer au partage successoral qu'elle dit avoir essuyés de la part de ses oncle et cousin ;
Qu'au contraire il ressort des lettres amicales adressées par Madame Patricia X... à Monsieur Philippe X... en 2006 que ces parents ne se connaissaient pas depuis longtemps au moment de l'envoi de ces correspondances ;
Attendu que le recel n'est donc pas davantage constitué sur ces biens et qu'en conséquence il n'y a pas lieu à restitution des loyers perçus sur la maison louée par Monsieur Philippe X... ;
2- Sur la demande d'attribution préférentielle formée par Monsieur Philippe X... :
Attendu qu'aux termes de l'article 831-2 du code civil, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et du mobilier le garnissant ;
Attendu qu'il ressort des attestations produites aux débats que Monsieur Philippe X... a habité depuis sa naissance la maison familiale de SAN GAVINO DI TENDA ;
Que les pièces de procédure afférentes à la parcelle G 430 sise à PIETRA A CASA situent son domicile dans la même commune ;
Que les appelantes ne contestent d'ailleurs pas ce fait ;
Attendu que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont attribué préférentiellement ce bien à Monsieur Philippe X... ;
3- Sur la validité du testament de Dorothée X... :
Attendu qu'aux termes de l'article 970 du code civil, " le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune forme " ;
Attendu qu'il appartient au légataire d'établir la sincérité de cet acte lorsque les héritiers contestent l'écriture et la signature du testament ;
Attendu que Monsieur Patrick H..., expert en document a, dans son rapport, observé de nombreuses discordances entre le testament et les textes de comparaison, portant notamment sur l'étude du trait et des formes graphiques des lettres ; qu'il a conclu, au terme de son expertise, que " le testament manuscrit en date du 12 septembre 1987 au nom de Dorothée X... présente des indices concordants qui nous paraissent suffisamment probants pour douter de son authenticité " ;
Attendu que la cour fera sur ce point usage du droit d'évocation que lui confère l'article 568 du code de procédure civile pour dire ce document dépourvu d'effets de droit en faveur de la mère de Monsieur Georges Y... ;
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant, après avoir évoqué la question de l'authenticité du testament établi par Dorothée X...,
Dit ledit document dépourvu d'effets de droits en faveur de la mère de Monsieur Georges Y...,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mesdames Patricia X... et Pauline X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT