Ch. civile B
ARRET No
du 01 FEVRIER 2012
R. G : 10/ 00095 C-MPA
Décision déférée à la Cour : jugement du 14 janvier 2010 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 08/ 1332
X...
C/
Y...Y...Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
PREMIER FEVRIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Monsieur Christian X...né le 24 Juillet 1986 à MANSOURIEH (LIBAN) ...20166 PORTICCIO
assisté de la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA et de la SCP MARIAGGI-BOLELLI, avocats au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
INTIMES :
Mademoiselle Emmanuelle Y...née le 18 Mars 1991 à SOBRAL (BRESIL) ... 20166 PIETROSELLA
assistée de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA et de la SCP CASALTA GASCHY, avocats au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
Monsieur Philippe Y...... 20166 PIETROSELLA
assisté de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA et de la SCP CASALTA GASCHY, avocats au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
Madame Marie-Thérèse Z... épouse Y...... 20166 PIETROSELLA
assistée de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA et de la SCP CASALTA GASCHY, avocats au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 décembre 2011, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 01 février 2012.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Christian X...a été renvoyé, par ordonnance du magistrat instructeur du 18 février 2008, devant le tribunal correctionnel d'AJACCIO du chef d'atteintes sexuelles aggravées par de circonstance sur la personne de Mademoiselle Emmanuelle Y....
Par jugement en date du 9 juillet 2008, il a été renvoyé des fins de la poursuite.
Par assignation en date du 27 novembre 2008, il a sollicité la condamnation de Mademoiselle Emmanuelle Y...et de ses parents en leur qualité de représentants légaux de leur fille à lui payer la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice subi par lui en raison de la dénonciation mensongère calomnieuse de Mademoiselle Emmanuelle Y....
Vu le jugement en date du 14 janvier 2010 par lequel le tribunal de grande instance d'AJACCIO a dit que Mademoiselle Emmanuelle Y...n'avait pas commis de faute au sens de l'article 1382 du Code civil, que Monsieur Philippe Y...et son épouse Madame Marie-Thérèse Z... n'étaient pas responsables du fait de leur fille Mademoiselle Emmanuelle Y...au sens de l'article 1384 du Code civil, en conséquence, a débouté Monsieur Christian X...de sa demande en condamnation solidaire en paiement de la somme de 300 000 euros, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur Christian X...aux dépens.
Vu la déclaration d'appel formalisée par Monsieur Christian X...10 février 2010.
Vu les dernières conclusions déposées dans l'intérêt de ce dernier le 27 décembre 2010.
Il soutient que les accusations portées depuis le mois de juin 2005 par Mademoiselle Emmanuelle Y...à son encontre et plus particulièrement celles du 28 juin 2005 puis réitérées par la suite, constituent des accusations et une dénonciation mensongères et calomnieuses constitutives d'une faute au sens de l'article 1382 du Code civil.
Il demande donc que Mademoiselle Emmanuelle Y...soit déclarée responsable du préjudice résultant de cette faute. Il conclut également à la responsabilité entière et solidaire de Monsieur Philippe Y...et son épouse Madame Marie-Thérèse Z... en leur qualité de parents et civilement responsables de leur fille mineure au moment des faits.
Il réclame le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de Mademoiselle Emmanuelle Y..., Monsieur Philippe Y...et son épouse Madame Marie-Thérèse Z... en date du 9 février 2011.
Ils soutiennent que les déclarations de Mademoiselle Emmanuelle Y...ne présentent pas de caractère mensonger et ne peuvent donc être constitutives d'une dénonciation calomnieuse.
Ainsi, ils prétendent à l'absence de faute commise par Mademoiselle Emmanuelle Y...au sens de l'article 1382 du Code civil et à l'absence de responsabilité des représentants légaux.
En conséquence, ils concluent à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et réclament le paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 mai 2011 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 9 septembre 2011.
À cette audience, l'affaire a été renvoyée au 9 décembre 2011, date à laquelle elle a été mise en délibéré.
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* *
MOTIFS :
Attendu sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, que Monsieur Christian X...soutient que Mademoiselle Emmanuelle Y...s'est rendue coupable à son égard d'une dénonciation mensongère ; qu'il allègue que cette dernière n'a pas hésité à se contredire durant la procédure pénale en donnant pas moins de 14 versions des faits ; qu'il ajoute que Mademoiselle Emmanuelle Y...connaissait un certain nombre de difficultés psychologiques et recherchait de façon acharnée des rencontres masculines ;
Attendu surtout qu'il prétend qu'elle l'a dénoncé parce qu'elle avait eu un rapport sexuel et croyait être enceinte ; qu'il ajoute que Mademoiselle Emmanuelle Y...le connaissait et pouvait donc le dénoncer immédiatement sans attendre une reconnaissance derrière une vitre sans tain ;
Attendu toutefois qu'il résulte de l'information que si les accusations de Mademoiselle Emmanuelle Y...ont été émaillées de certaines contradictions ou ont pu évoluer au cours des différentes auditions, il n'en reste pas moins que celle-ci a persisté dans la mise en cause de Monsieur Christian X...et des circonstances particulières dans lesquelles elle a affirmé avoir été victime d'abus sexuels ;
Attendu que contrairement à ce qu'indique Monsieur Christian X..., il ne ressort pas de l'enquête que ce dernier et Mademoiselle Emmanuelle Y...se connaissaient avant les faits délictueux ; que dans ces conditions, il ne peut être valablement reproché à cette dernière d'avoir attendu avant d'identifier personnellement l'un de ses agresseurs ;
Attendu à cet égard qu'il avait été noté par les enquêteurs des manifestations physiques traduisant le trouble de la jeune fille lorsque Monsieur Christian X...lui a été présenté derrière une glace sans tain ; qu'il convient de préciser que cette reconnaissance a pu intervenir en raison d'une bague portée par l'un des agresseurs et décrite par Mademoiselle Emmanuelle Y...ce qui a permis aux enquêteurs de faire le lien avec une autre affaire ;
Attendu qu'il résulte également d'analyses toxicologiques que Mademoiselle Emmanuelle Y...aurait été droguée avant de subir les atteintes sexuelles décrites ; que l'expertise psychologique ainsi que l'examen psychiatrique permettaient de constater que Mademoiselle Emmanuelle Y...avait présenté des symptômes classiques de troubles réactionnels à un événement vécu comme particulièrement traumatisant ;
Attendu que l'examen gynécologique pratiqué quelques semaines après les faits dénoncés mettait en évidence la présence de trois déchirures hyménéales permettant de conclure à la réalité d'une défloration ;
Attendu que l'examen de ces différents éléments recueillis lors de la procédure d'instruction ne permet pas de mettre en évidence que Mademoiselle Emmanuelle Y...ait sciemment et, en connaissance de cause, fait état de faits qu'elle savait mensongers ;
Attendu à cet égard qu'il convient d'observer que Monsieur Christian X...a été relaxé au bénéfice du doute ; que cette décision, par sa nature, à l'instar du constat précédent, ne permet pas d'objectiver une responsabilité particulière de Mademoiselle Emmanuelle Y...dans la dénonciation des faits ;
Attendu à l'opposé que Monsieur Christian X...ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, en application de l'article 1382 du Code civil, de la faute particulière et personnelle commise par Mademoiselle Emmanuelle Y...;
Attendu en effet que le rapport d'enquête privée produit, au-delà de la force probante qui puisse lui être conférée, ne fait que mettre en évidence certaines contradictions déjà objectivées dans la procédure d'instruction et pouvant s'expliquer, à la fois par la nature des faits dénoncés et son implication sur l'état psychique de la victime mais également par l'absorption de drogues qui a pu altérer sa faculté de réminiscence ;
Attendu de même que la relation dans ce rapport d'enquête privée des échanges électroniques de la jeune fille, au regard de l'âge de cette dernière, de sa situation d'adolescente, ne peuvent à eux seuls, permettre d'altérer de façon substantielle le contenu de ses déclarations au point de les invalider totalement ; que surtout, et à tout le moins, ils sont insusceptibles d'établir que Mademoiselle Emmanuelle Y..., par son attitude, avait évidemment conscience de la fausseté des faits qu'elle dénonçait ;
Attendu qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, il convient de dire et juger que la dénonciation faite par Mademoiselle Emmanuelle Y...n'est pas constitutive d'une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ; que Monsieur Christian X...a donc été valablement débouté en sa demande de ce chef ;
Attendu sur la demande formulée sur le fondement de l'article 1384 du Code civil, que les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ;
Attendu que le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte ; qu'en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé également sur ce point ;
Attendu que Monsieur Christian X..., qui succombe, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile et être débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du même code ; qu'en outre aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique de Monsieur Christian X...ne permet d'écarter la demande des intimés formée sur ce dernier fondement.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'AJACCIO en date du 14 janvier 2010 en toutes ses dispositions,
Condamne Monsieur Christian X...aux entiers dépens,
Condamne Monsieur Christian X...à payer à Mademoiselle Emmanuelle Y..., Monsieur Philippe Y...et son épouse Madame Marie-Thérèse Z... la somme de DEUX MILLE EUROS (2. 000 €) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT