Ch. civile A
ARRET No
du 01 FEVRIER 2012
R. G : 10/ 00680 R-MNA
Décision déférée à la Cour : jugement du 13 juillet 2010 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 09/ 800
CONSORTS Y...
C/
X...PAIERIE DEPARTEMENTALE DE LA HAUTE-CORSE X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
PREMIER FEVRIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANTES :
Madame Antoinette Y... épouse Z...Agissant en sa qualité d'héritière de Madame Norina A...épouse Y..., décédée le 09 avril 2010 née le 10 Novembre 1940 à BASTIA (20200) ...20200 BASTIA
ayant pour avocat la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et Me Jean-Michel CANAZZI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Odette Y... épouse C...Agissant en sa qualité d'héritière de Madame Norina A...épouse Y..., décédée le 09 avril 2010 née le 07 Juillet 1944 à ERBALUNGA (20222) ...20200 BASTIA
ayant pour avocat la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et Me Jean-Michel CANAZZI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Danielle Y... épouse D...Agissant en sa qualité d'héritière de Madame Norina A...épouse Y..., décédée le 09 avril 2010 née le 31 Octobre 1945 à BASTIA (20200) ...20200 BASTIA
ayant pour avocat la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et Me Jean-Michel CANAZZI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Flora Y... épouse E...Agissant en sa qualité d'héritière de Madame Norina A...épouse Y..., décédée le 09 avril 2010 née le 17 Novembre 1956 à BASTIA (20200) ...20200 SAN MARTINO DI LOTA
ayant pour avocat la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et Me Jean-Michel CANAZZI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Monsieur Eugène X...Pris en qualité de tuteur de Madame Antoinette Y... épouse X...né le 10 Novembre 1940 à BASTIA (20200) ...20200 BASTIA
assigné en intervention forcée
défaillant
PAIERIE DEPARTEMENTALE DE LA HAUTE-CORSE prise en la personne de son représentant légal Les Jardins de Bastia Chemin de l'Annonciade 20200 BASTIA
assistée de la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avocats au barreau de BASTIA, Me Christian GIOVANNANGELI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Angèle X...née le 17 Mai 1960 à BASTIA (20200) ... 20200 BASTIA
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 novembre 2011, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mademoiselle Carine GRIMALDI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 01 février 2012
ARRET :
Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Par jugement du 13 juillet 2010, le Tribunal de Grande Instance de BASTIA, saisi par la Paierie départementale de la Haute Corse, a :
- dit, sur le fondement de l'article 1167 du code civil, que la vente passée entre Madame Angèle X...et Madame A...d'un bien sis ...était inopposable au Conseil Général de Haute Corse
-dit que par conséquent la Pairie Départementale de Haute Corse pourra exercer toutes les poursuites nécessaires en vue du recouvrement de la créance détenue par le Conseil Général de Haute Corse à l'encontre de Madame Angèle X...,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Madame Angèle X...à payer à la Paierie Départementale de Haute Corse une indemnité de 1. 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame Angèle X...aux dépens distraits au profit de Maître Christian GIOVANNANGELI, avocat au barreau de Bastia, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel le 3 septembre 2010, Madame Antoinette Y... épouse X..., Madame Odette Y... épouse C..., Madame Danielle Y... épouse D...et Madame Flora Y... épouse E...ont fait appel de cette décision, en leur qualité d'héritières de Madame Norina A..., décédée le 9 avril 2010.
Madame Angèle X...a été attraite à la procédure par acte d'huissier du 4 janvier 2011.
Par acte du 3 janvier 2011, Odette Y... épouse C..., Danielle Y... épouse D...et Flora Y... épouse E...ont assigné en intervention forcée et en déclaration d'arrêt commun Monsieur Eugène X...pris en sa qualité de tuteur de son épouse née Antoinette Y....
Monsieur X...a été assigné en l'étude de la SCP FILIPPI, huissier de justice.
Si Antoinette Y... épouse X...n'a pas soutenu son appel, en leurs dernières écritures déposées le 15 juin 2011, Madame Odette Y... épouse C..., Madame Danielle Y... épouse D...et Madame Flora Y... épouse E...demandent à la cour :
- de réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré, de débouter la Pairie Départementale de Haute Corse de l'ensemble de ses demandes,
- de constater et au besoin de dire et juger que la Pairie Départementale de Haute Corse a par son seul fait et son manque de vigilance, compromis toutes chances de recouvrer sa créance en ne s'opposant pas à la vente passée entre Madame X...et Madame I..., en date du 9 septembre 2002,
- de condamner la Pairie Départementale de Haute Corse à payer à Madame Odette Y... épouse C..., Madame Danielle Y... épouse D...et Madame Flora Y... épouse E...la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP René Jobin et Philippe Jobin, avoués.
Par ses dernières écritures en date du 20 janvier 2011, le Payeur Départemental de la Haute Corse, comptable du Trésor, chargé du recouvrement, demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- débouter les appelantes de leurs demandes,
- dire et juger que la vente consentie par Madame X...à Madame A...l'a été en fraude des droits du Conseil général de Haute Corse,
- dire et juger que la vente consentie le 6 mars 2004 est inopposable à l'égard du Conseil Général de Haute Corse,
- dire que la Paierie départementale de Haute Corse pourra exercer toutes les poursuites nécessaires en vue de recouvrer la créance détenue par le conseil général de Haute Corse à l'encontre de Madame X...,
- condamner solidairement les consorts Y... et Madame X...au paiement de la somme de 2. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens distraits au profit de la SCP Canarelli.
L'ordonnance de clôture a été signée le 23 juin 2011 et l'affaire fixée pour être plaidée au 14 novembre 2011.
*
* *
SUR CE :
Attendu qu'aux termes de l'article 1167 du code civil, " les créanciers peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits " ;
Attendu que la fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire ; elle résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ;
Attendu que le créancier doit justifier d'une créance certaine en son principe au moment de l'acte argué de fraude ; qu'il n'est pas nécessaire que la créance dont se prévaut le demandeur ait été certaine ni exigible au moment de l'acte argué de fraude ;
Attendu que l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers ;
Attendu qu'en premier lieu les appelantes soutiennent que Madame X...s'est conformée aux obligations du contrôle judiciaire en hypothéquant un bien situé à NICE, et qu'elle ne pouvait, au moment où elle a consenti à la vente litigieuse, avoir conscience de l'étendue de la créance puisque plusieurs personnes avaient été mises en examen ;
Attendu qu'elles soutiennent enfin que la Paierie départementale a compromis par son seul fait toutes chances de recouvrer sa créance en s'abstenant de prendre une sûreté sur un bien vendu le 9 septembre 2002 par Madame X...à Madame I...;
Attendu qu'il n'est pas contesté que Madame Angèle X..., dans le cadre d'une information judiciaire, a été placée sous contrôle judiciaire par ordonnance du 5 avril 2001 et astreinte à constituer une sûreté personnelle à hauteur de 200 000 francs, et pour ce faire a affecté et hypothéqué au profit du Département de la Haute-Corse le lot no10, et sa quote part des parties communes, d'un immeuble sis no100 et 108 de l'avenue Cyrnos à NICE ;
Attendu qu'elle a, par acte notarié du 6 mars 2004, cédé à Madame Norina A..., sa grand-mère, les droits qu'elle détenait dans l'immeuble sis ..., pour la somme de 30. 489, 80 euros, ledit prix étant compensé avec pareille somme de 30. 489, 90 euros formant le principal d'une obligation pour prêt souscrite par Madame X...au profit de Madame A..., suivant reconnaissance de dette sous seing privé en date du 22 juillet 2003 ;
Attendu que, par jugement du Tribunal correctionnel de BASTIA du 2 mai 2006, Madame X...a été déclarée coupable de détournements de fonds publics au préjudice du bureau d'aide sociale à l'enfance et, par jugement du 28 novembre 2007, sur intérêts civils, condamnée à payer au Conseil général de la Haute-Corse la somme de 181. 886, 92 euros, et que la Paierie départementale a émis un titre de recette à son encontre pour ce montant ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la vente litigieuse a, en transférant la propriété à un tiers sans contrepartie financière pour le vendeur, nécessairement constitué un acte d'appauvrissement de nature à porter atteinte à la Pairie Départementale de Haute Corse.
Attendu qu'il ressort de la chronologie des faits et procédures suivies à l'encontre de Madame X...que, lorsque cette dernière a conclu la vente litigieuse en 2004, elle avait été mise en examen depuis près de trois ans, pour des faits supposés avoir été commis entre 1995 et 2000 ;
Qu'elle ne pouvait lors de la vente ignorer le montant des sommes qu'il lui était reproché d'avoir détournées ;
Qu'en tout état de cause la créance était certaine en son principe au moment de l'acte ;
Que les premiers juges ont à juste titre considéré que, même si elle avait hypothéqué un bien à hauteur de 200. 000 francs dans le cadre du contrôle judiciaire, elle ne pouvait ignorer, lors de la vente de son bien en mars 2004, que l'ampleur des détournements qu'elle avait effectués, et que le Tribunal a évalué à la somme de 181. 886, 92 euros, excédait dans de très larges proportions la somme affectée à la garantie du paiement de l'indemnité due à la partie civile ;
Attendu en conséquence que Madame X...ne démontre pas n'avoir pas eu connaissance du préjudice causé à son créancier au moment de la vente de 2004 ;
Attendu en second lieu que les appelantes exposent que, s'agissant de la complicité de l'acquéreur, Madame A...ignorait tout des poursuites engagées à l'encontre de Madame X...; qu'en effet il était mentionné à l'acte de vente que la compensation ne pourrait s'opérer qu'en l'absence d'inscription hypothécaire sur le bien ou après rapport de mainlevée de celle-ci ;
Que Madame A...avait été confortée dans son idée qu'aucune poursuite n'était engagée contre sa petite-fille par le fait qu'aucune inscription n'était apparue lors de la publication de l'acte ;
Attendu toutefois qu'en raison de la proximité de leurs liens familiaux, Madame A...ne pouvait ignorer la situation de Madame X..., de sorte qu'elle avait nécessairement connaissance du préjudice que cette vente allait causer au créancier de sa petite fille ;
Attendu que les appelantes soutiennent enfin que la Paierie départementale a compromis par son seul fait toutes chances de recouvrer sa créance en s'abstenant de prendre une sûreté sur un bien vendu le 9 septembre 2002 par Madame X...à Madame I...;
Mais attendu que les appelantes ne démontrent pas que le Département de la Haute Corse avait connaissance, sinon de l'existence, en tout cas de l'importance des détournements réalisés par Madame X..., qui n'a été mise en examen que le 5 avril 2001, et qui a été condamnée le 2 mai 2006 ;
Attendu au contraire que l'ensemble des procédures de poursuites effectuées par le Département dès après la condamnation civile de Madame X...et la fixation des sommes dues, telles qu'elles ressortent des pièces versées au dossier, témoignent des diligences entreprises par le créancier pour faire valoir ses droits ;
Attendu qu'en conséquence le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
*
* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement Madame Odette Y... épouse C..., Madame Danielle Y... épouse D...et Madame Flora Y... épouse E...aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT