Ch. civile A
ARRET No
du 08 FEVRIER 2012
R. G : 10/ 00575 R-MNA
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 30 juin 2010 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 10/ 936
SAFER DE LA CORSE
C/
X...Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
HUIT FEVRIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANTE :
SAFER DE LA CORSE prise en la personne de son représentant légal Maison de l'agriculture 15, Avenue Jean Zuccarelli 20200 BASTIA
assistée de Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Monsieur Marie-Ange X......
assisté de la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et de Me Jean louis SEATELLI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Monique Y...... 75015 PARIS
assisté de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et de la SCP CASANOVA et ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 novembre 2011, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mademoiselle Carine GRIMALDI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 08 février 2012
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Par acte d'huissier en date du 14 mai 2010, la SAFER de la CORSE a fait assigner Madame Marie-Ange X...et Madame Monique Y...devant le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de BASTIA aux fins d'obtenir la désignation d'un expert chargé d'évaluer les travaux que Madame X...dit avoir fait sur les parcelles cadastrées section C no 708, 711, 999, 1000, 1001 et 1002 sur la commune d'..., après que la SAFER, qui avait exercé son droit de préemption sur ces biens à l'occasion d'une vente de ceux-ci par Madame Y...aux époux E..., eut acquis ces biens en avril 2006 et les eut cédés à Madame X....
Par jugement du 30 juin 2010, le juge des référés a :
- mis hors de cause Madame Monique Y...,
- condamné la SAFER de CORSE à lui payer la somme de 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur Stéphane F...avec la mission suivante :
se rendre sur les lieux à ... en présence des parties ou celles-ci régulièrement convoquées par lettre recommandée avec avis de réception, visiter les parcelles cadastrées section no 708, 711, 999, 1000, 1001et 1002 et les décrire,
dire quelle est l'importance de ces parcelles dans l'ensemble des propriétés de Madame Marie-Ange X...,
décrire les travaux réalisés par Madame Marie-Ange X...depuis l'acquisition des parcelles, évaluer leur coût,
dire s'il s'agit de simples travaux d'entretien ou de travaux entraînant une plus value du bien ; dans cette dernière hypothèse, évaluer la plus value,
dire si Madame X...a subi une perte d'exploitation à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA qui a annulé la décision de préemption de la SAFER,
établir un pré-rapport et recueillir les dires des parties,
dresser rapport écrit de ses opérations et constatations et déposer ledit rapport dans un délai de six mois à compter de sa saisine.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de BASTIA le 20 juillet 2010, la SAFER DE LA CRSE a interjeté appel de cette décision.
Suivant ses dernières écritures en date du 4 novembre 2010, auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SAFER DE LA CORSE demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a mis hors de cause Madame Y...et a condamné la SAFER à lui régler la somme de 1. 000 euros au tire de l'article 700 du code de procédure civil,
- dire que la mesure d'expertise ordonnée par cette décision aura lieu au contradictoire de Madame Monique Y...,
- réserver les dépens.
Par ses dernières écritures en date du 19 janvier 2011 auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Madame X...demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée à son égard et de condamner la SAFER en tous les dépens.
Par ses dernières écritures en date du 17 janvier 2011 auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Madame Y...demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a mis hors de cause Madame Monique Y...
En conséquence,
- débouter la SAFER DE CORSE de sa demande d'expertise au contradictoire de Madame Y...
-condamner la SAFER DE LA CORSE à a somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction opérée par la SCP RIBAUT-BATTAGLINI ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été signée le 23 juin 2011 et l'affaire renvoyée au 26 septembre, puis au 21 novembre 2011 pour être plaidée.
*
* *
SUR CE :
Attendu que la SAFER DE CORSE a introduit une action devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de BASTIA pour solliciter une mesure d'expertise ;
Que cette expertise doit porter sur les travaux que Madame X..., à laquelle la SAFER avait rétrocédé les terres acquises de Madame Y...après préemption, dit avoir réalisés ;
Que la SAFER a exposé que la présence de Madame Y...aux opérations d'expertise demandées lui apparaissait indispensable ;
Qu'en effet la SAFER estime qu'elle va se trouver dans l'obligation de restituer le bien à Madame Y...et d'exiger d'elle le remboursement du prix de vente comme de restituer à Madame X...le montant du prix de vente qu'elle a réglé, et que dans ces conditions Madame Y...pourrait se voir réclamer par la SAFER le montant de la plus-value apportée aux parcelles qui vont revenir dans son patrimoine ;
Que la SAFER ajoute que Madame Y...est la propriétaire originelle et actuelle du bien, et est donc en droit de s'exprimer sur les améliorations qui auraient été apportées par Madame X...;
Attendu que Madame Y...s'oppose à sa mise en cause en indiquant qu'elle ne voit pas en quoi elle pourrait se voir réclamer le montant de la plus-value alors qu'elle s'est toujours conformée à ses obligations de vendeur en respectant le droit de préemption de la SAFER et que, n'étant plus propriétaire des terres au moment des travaux, elle n'a aucune qualité pour participer aux opérations d'expertise ;
Attendu qu'elle précise aussi qu'en l'absence de décision définitive sur la validité de la préemption de la SAFER, et en l'état du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA annulant la décision de préemption, sa mise en cause est prématurée ;
Attendu enfin qu'elle soutient n'avoir aucune responsabilité dans cette procédure, dans laquelle sont en cause, d'une part Madame X..., laquelle a réalisé d'importants travaux alors même que son droit de propriété était contesté, et de l'autre la SAFER, qui a exercé abusivement son droit de préemption ;
Attendu enfin que Madame Y...soutient que le retour éventuel dans son patrimoine de terres dont la valeur est susceptible d'être réévaluée en raison des travaux effectués risque de lui causer un important préjudice, en lui ôtant toute chance de vendre, au prix initialement prévu, ses terrains aux époux E...;
Attendu qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, " s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé " ;
Attendu que Madame Y...a conclu le 9 août 2005 un compromis de vente avec Monsieur et Madame E..., portant sur des parcelles situées à ... sur une superficie de 65 510 mètres carrés ; que la SAFER, informée par le notaire en charge de la vente, de ce compromis, a exercé son droit de préemption et acquis les terrains puis revendu ceux-ci, le 20 août 2006, à Madame X...;
Attendu que la cour d'appel de BASTIA, sur recours des époux E...qui avaient été déboutés en première instance d'une demande d'annulation de la procédure de préemption, a réformé la première décision et annulé la décision de la SAFER, laquelle se trouve aujourd'hui dans l'obligation de restituer le bien à Madame Y..., contre paiement du prix de vente, comme de restituer le prix de vente qu'elle a réglé à Madame X...;
Attendu qu'en l'état de travaux que Madame X...invoque avoir effectués sur ces terrains, et pour lesquels elle entend obtenir paiement, la SAFER a demandé une mesure d'expertise ;
Attendu qu'il résulte des débats que cette mesure d'expertise intervient dans le cadre d'un litige potentiel entre la SAFER et Madame X..., et qu'il résulte des écritures de la SAFER comme de celles de Madame Y...que la SAFER envisage de se retourner vers cette
dernière si Madame X...lui réclame la somme correspondant aux plus-values réalisées par elle sur ces terres ;
Attendu que, dans la mesure où le compromis de vente entre Madame Y...et les époux E...n'a pas été formalisé par un acte de vente, il n'est pas avéré que cette dernière ait cédé ses droits sur la propriété aux époux E..., lesquels n'ont d'ailleurs pas été attraits dans la cause ;
Que dès lors, il est de l'intérêt même de Madame Y...que l'expertise soit effectuée au contradictoire de celle-ci, d'autant que Madame Y...a exprimé sa position sur le litige potentiel né des travaux effectués par Madame X..., en contestant que la charge des travaux puisse lui être imputée et en indiquant que la procédure actuelle était susceptible de lui causer un préjudice lié à l'incertitude de trouver un nouvel acquéreur ;
Attendu en conséquence que la SAFER justifie d'un motif légitime d'obtenir que l'expertise susvisée soit effectuée au contradictoire de Madame Y...;
Attendu en outre que l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œ uvre des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, l'application de ce texte n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité de Madame Y...ou de toute autre personne appelée comme partie à la procédure ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de mettre dans la cause, à titre conservatoire, Madame Monique Y...et d'infirmer l'ordonnance querellée sur ce point, en laissant toutefois les dépens à la charge de la SAFER ;
*
* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné l'expertise telle que précisée dans le dispositif de l'ordonnance et a réservé les dépens,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Dit que la mesure d'expertise ordonnée par l'ordonnance du juge des référés en date du 30 juin 2010 aura lieu au contradictoire de Madame Monique Y...,
Condamne la SAFER aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT