Ch. civile B
ARRET No
du 04 AVRIL 2012
R. G : 11/ 00039 C-MPA
Décision déférée à la Cour : jugement du 11 mai 2010 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 09/ 1997
Y...
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATRE AVRIL DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Monsieur Jean Gilbert Y... né le 28 Septembre 1951 à LONGCHAMP (52240) ...88000 LONGCHAMP
ayant pour avocat la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Linda PIPERI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 285 du 19/ 05/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIME :
Monsieur Gérard X... né le 26 Avril 1965 à BASTIA (20200) ... 20230 SAN NICOLAO
assisté de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA et de Me Marie-Christine MARIETTI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 février 2012, devant Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 avril 2012
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* * FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Jean Gilbert Y... a procuré une pelle mécanique à Monsieur Gérard X... au mois de décembre 2007.
Monsieur Gérard X... a émis un chèque de 17 500 euros qui a été encaissés par Monsieur Jean Gilbert Y... le 24 novembre 2007.
Soutenant que l'engin était affecté de vices rendant impossible son utilisation, il a fait assigner Monsieur Jean Gilbert Y... afin d'obtenir la restitution du prix de vente par acte d'huissier en date du 5 novembre 2008.
Vu le jugement en date du 11 mai 2010 rectifié par jugement du 16 novembre 2010 par lequel le tribunal de grande instance de BASTIA a ordonné la résolution de la vente conclue en novembre 2007 entre Monsieur Jean Gilbert Y... et Monsieur Gérard X... en raison des vices cachés affectant le tractopelle de marque CASE livré le 17 décembre 2007, condamné Monsieur Jean Gilbert Y... à payer à Monsieur Gérard X... la somme de 17 500 euros en remboursement du prix de vente du tractopelle outre les intérêts au taux légal produits par cette somme depuis le 15 avril 2008, dit que Monsieur Gérard X... sera tenu de restituer à Monsieur Jean Gilbert Y... le tractopelle, condamné Monsieur Jean Gilbert Y... à payer à Monsieur Gérard X... la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Vu la déclaration d'appel formalisée par Monsieur Jean Gilbert Y... le 20 janvier 2011.
Vu les conclusions déposées dans l'intérêt de ce dernier le 21 juillet 2011.
Il prétend à l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions soutenant qu'il n'est pas le propriétaire du tractopelle acquis par Monsieur Gérard X... et qu'il n'existe donc aucun lien contractuel entre eux.
En outre, il soutient que Monsieur Gérard X... ne démontre pas que l'engin livré est bien celui affecté des vices constatés suivant procès-verbal d'huissier en date du 24 juin 2008.
Vu les conclusions de Monsieur Gérard X... en date du 21 septembre 2011.
Au visa des articles 1641, 1644 du Code civil et 1153 du code de procédure civile, il sollicite la confirmation du jugement entrepris.
Y ajoutant, il réclame le paiement d'une amende civile de 3 000 euros pour procédure abusive ainsi qu'une somme identique à titre de dommages-intérêts outre celle de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 décembre 2011 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 16 février 2012.
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* *
MOTIFS :
Attendu sur l'existence d'un contrat de vente qu'en application de l'article 1341 du Code civil, il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret ;
Attendu toutefois qu'en application de l'article 1347 du Code civil, cette règle reçoit exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit ; qu'il en est ainsi de tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ;
Attendu sur ce point que sont versés aux débats deux courriers établis par Monsieur Jean Gilbert Y... ; que dans une première lettre du 29 mars 2008, il reconnaît qu'il a fait avoir ce tractopelle au mois de décembre 2007 pour rendre service ; qu'il confirme dans ce courrier qu'au regard des dysfonctionnements invoqués, il s'était engagé à aider Monsieur Gérard X... à en trouver un autre ;
Attendu que dans une lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 28 avril 2008 au conseil de Monsieur Gérard X..., il reconnaît à nouveau avoir effectivement fait obtenir cette pelleteuse et proposé d'essayer de trouver une autre solution pour en trouver une autre ;
Attendu que le contenu de ces lettres permet de confirmer que Monsieur Jean Gilbert Y... a effectivement procuré une pelle mécanique à Monsieur Gérard X... ; que ce faisant et alors qu'il reconnaît s'être engagé à trouver une solution de remplacement, les termes de ces courriers permettent de considérer que Monsieur Jean Gilbert Y... s'est comporté comme le vendeur du matériel litigieux ;
Attendu que la matérialité et le contenu de ces courriers leur confèrent le caractère d'un commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 précité ;
Attendu d'autre part qu'il est établi et non contesté que Monsieur Gérard X... a établi un chèque de 17 500 euros à l'ordre de Monsieur Jean Gilbert Y... qui l'a encaissé ; que cet élément permet également de corroborer la réalité de la transaction litigieuse ;
Attendu en effet qu'à cet égard, Monsieur Jean Gilbert Y... soutient avoir reversé le prix de vente au véritable propriétaire de l'engin ; que toutefois, cette allégation n'est corroborée par aucune pièce versée au débat, ce dernier ne justifiant même pas de l'identité d'un autre propriétaire ;
Attendu pas plus que l'intention libérale n'est démontrée dans la mesure où Monsieur Gérard X... s'est acquitté du prix de vente entre les mains de Monsieur Jean Gilbert Y... qui ne justifie nullement de sa qualité d'intermédiaire à titre amical ainsi qu'il le soutient ;
Attendu donc que l'ensemble de ces éléments permet de considérer qu'un contrat de vente a été effectivement passé entre Monsieur Jean Gilbert Y... et Monsieur Gérard X... pour l'acquisition d'une pelle mécanique au prix de 17 500 euros ;
Attendu sur la réalité de l'engin livré que Monsieur Jean Gilbert Y... prétend que la preuve n'est pas rapportée que la pelle mécanique arguée de vices soit celle qu'il a effectivement procurée à Monsieur Gérard X... ;
Attendu néanmoins qu'il reconnaît dans ces courriers que, dès la livraison, Monsieur Gérard X... l'a informé de ce que l'engin ne convenait pas ; qu'à cet égard, il doit être noté que l'ensemble des courriers produits ont été établis dans un temps très proche de la livraison ;
Attendu ainsi que Monsieur Gérard X... signalait que la pelle mécanique était inutilisable et réclamait une facture ; que bien plus, dans son courrier du 10 mars 2008, il précise l'impossibilité technique d'utiliser le tractopelle 580 pourtant payé 17 000 euros par chèque bancaire ;
Attendu que la numérotation de la pelle mécanique telle que mentionnée précédemment n'a pas été contredite par Monsieur Jean Gilbert Y... dans ses propres lettres en réponse à la réclamation ; que surtout le type 580 de la pelle mécanique est confirmé dans le procès-verbal de constat établi le 24 juin 2008 ;
Attendu enfin qu'il n'est pas établi ou même argué que Monsieur Gérard X... ait pu posséder plusieurs tractopelles ; qu'à l'opposé, ce dernier verse au débat plusieurs témoignages de personnes attestant de l'annulation de travaux de terrassement en raison des problèmes mécaniques affectant l'engin qu'il venait d'acquérir ;
Attendu que ces éléments de preuve permettent de considérer que Monsieur Gérard X... ne disposait que d'une seule pelle mécanique qui ne peut donc être que celle acquise auprès de Monsieur Jean Gilbert Y... ;
Attendu sur les vices affectant l'engin litigieux qu'il ressort du procès-verbal de constat établi le 24 juin 2008 en présence du représentant d'une société distributeur exclusif de la marque que cette dernière est affectée d'un nombre important de dysfonctionnements ;
Attendu ainsi que l'officier public et ministériel a relevé que le matériel était prévu pour 1000 heures de travail alors que le compteur affiche 1631 heures, le moteur chauffe ce qui engendre une consommation anormalement élevée de liquide de refroidissement, l'alternateur ne charge pas, il existe une présence importante d'huile au niveau du moteur, le sillent bloc moteur est usé et posé sur le châssis ce qui le fait vibrer, le
silencieux d'échappement est tordu, la pelle à l'arrêt n'est pas fixe et dévie vers la pente ce qui est très dangereux, les deux fourreaux de stabilisateurs sont fissurés ce qui peut engendrer la chute de l'engin s'ils finissent par casser, la canalisation de la pelle est affectée de deux soudures qui, si elles lâchent feront tomber un des composants de l'engin, les freins ne marchent pas, les pivots de pont avant ont un jeu important ce qui risque d'engendrer la perte d'une roue, le verrouillage du tablier ne tient pas en position fixe ;
Attendu enfin qu'il est constaté que le tractopelle examiné possède deux plaques constructeurs, l'une étant rivetée et l'autre étant simplement collé avec des numéros de série différents ; qu'en conclusion, le technicien estime que l'engin de chantier n'est pas apte au travail car trop dangereux ;
Attendu qu'il ressort des faits de l'espèce que Monsieur Gérard X... s'est acquitté du prix de l'engin avant sa livraison ; qu'il n'a donc pu se convaincre des vices, tels que décrits précédemment et établis par le constat d'huissier, qu'à la livraison ; qu'il se déduit de ces circonstances que ses défauts lui ont été nécessairement dissimulés par le vendeur ;
Attendu que le nombre et la gravité des désordres et vices tels qu'établis sur l'engin litigieux rendent nécessairement ce dernier impropre à l'usage auquel il était destiné tel que Monsieur Gérard X... ne l'aurait certainement pas acquis s'il les avait connus ;
Attendu dans ces conditions qu'il est bien fondé en son action sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, celle-ci ayant été introduite moins d'un an après la vente litigieuse ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que les circonstances de l'espèce et les éléments de procédure ne permettent pas de caractériser un abus au sens de l'article 559 du code de procédure civile ;
Attendu néanmoins que les témoignages produits quant à l'existence de la pelle mécanique litigieuse permettent également d'objectiver le préjudice subi par Monsieur Gérard X... du fait des dysfonctionnements de cette dernière qui ne lui ont pas permis de prendre en charge des travaux de terrassement pour plusieurs clients ; que le préjudice financier et professionnel ainsi subi sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 3 000 euros ;
Attendu que Monsieur Jean Gilbert Y..., qui succombe, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile ; qu'en outre aucun élément tiré
de l'équité ne permet d'écarter la demande de Monsieur Gérard X... formée sur le fondement de l'article 700 du même Code ; qu'il sera alloué de ce chef à Monsieur Gérard X... la somme de 2 000 euros, cette somme prenant en compte le coût du procès-verbal de constat en date du 24 juin 2008.
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* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de BASTIA en date du 11 mai 2010 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur Jean Gilbert Y... à payer à Monsieur Gérard X... la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 €) à titre de dommages-intérêts,
Condamne Monsieur Jean Gilbert Y... aux entiers dépens,
Condamne Monsieur Jean Gilbert Y... à payer à Monsieur Gérard X... la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 €) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT