Ch. civile B
ARRET No
du 30 MAI 2012
R. G : 11/ 00140 C-PL
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 janvier 2011 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 09/ 808
X... C...
C/
Y... Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TRENTE MAI DEUX MILLE DOUZE
APPELANTS :
Monsieur Jean-Claude X... né le 26 Octobre 1935 à LYON (69000)... 13100 AIX-EN-PROVENCE
ayant pour avocat la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA et Me Pascale CHIRON, avocat au barreau d'AJACCIO
Madame Marie-Claire C... épouse X... née le 19 Septembre 1938 à MARSEILLE (13000)... 13100 AIX-EN-PROVENCE
ayant pour avocat la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA et Me Pascale CHIRON, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMES :
Monsieur Pierre Paul Y... Es-qualités d'administrateur de la copropriété de l'immeuble sis Place Docteur Montepagano ... 20000 AJACCIO
Défaillant
Monsieur Bruno Z...... 75015 PARIS
ayant pour avocat Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA et Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 avril 2012, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 30 mai 2012.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* * Par déclaration remise au greffe le 22 février 2011, les époux Jean-Claude et Marie-Claire X..., copropriétaires de l'immeuble sis place docteur Montépagano à BONIFACIO, ont relevé appel du jugement réputé contradictoire du tribunal de grande instance d'AJACCIO en date du 17 janvier 2011 qui les a déboutés de leur action tendant à la remise en état des lieux, formée par assignation du 3 septembre 2009 contre Monsieur Bruno Z..., autre copropriétaire, et Monsieur Pierre-Paul Y..., administrateur de la copropriété.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 6 décembre 2011, les appelants demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
- constater que Monsieur Z... a autorisé son locataire à réaliser des travaux sur les parties communes de l'immeuble, se les appropriant ainsi, sans obtenir l'accord des appelants,
- dire que les présente action est soumise à la prescription trentenaire,
- en conséquence, ordonner à Monsieur Z... de restituer sous astreinte les parties communes en remettant en état les lieux, à savoir reboucher l'ouverture effectuée sur le mur, dissimuler les gaines et fils de la climatisation et placer l'unité extérieure de celle-ci de manière conforme aux prescriptions en vigueur à BONIFACIO,
- subsidiairement, en cas d'application de la prescription décennale, constater que la continuité de l'atteinte dont s'agit n'est pas établie pendant 10 ans et rejeter en conséquence la prescription,
- dans tous les cas, condamner Monsieur Z... au paiement de la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts, de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et le débouter de sa demande reconventionnelle.
Dans ses ultimes conclusions signifiées le 12 décembre 2011, Monsieur Z... demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner les appelants au paiement des sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Pierre-Paul Y... n'a pas constitué avoué. A la requête des appelants, il a été assigné à sa personne le 5 avril 2011 avec signification de la déclaration d'appel et des conclusions. Il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2012 ; l'affaire a été plaidée le 5 avril 2012 puis mise en délibéré au 30 mai 2012, les parties régulièrement avisées.
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SUR QUOI, LA COUR
La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
Il convient de relever à titre liminaire qu'aucune demande n'est formée, que ce soit à titre principal ou incident, contre Monsieur Pierre-Paul Y... intimé par les appelants.
Il ressort de la procédure que les époux X... sont copropriétaires d'un appartement situé aux deuxième et troisième étage d'un immeuble sis au numéro 3 de la place Montepagano à BONIFACIO ; que Monsieur Z... est copropriétaire, au rez-de-chaussée de cet immeuble, d'un local commercial donné en location à l'EURL La Perle de Venus ayant pour gérant Monsieur Jean-Philippe G... qui, en vertu d'un bail distinct, exploite un second local commercial au rez-de-chaussée d'un immeuble mitoyen.
Il est établi en fait que le locataire a entrepris courant 2008 des travaux autorisant la communication entre ses deux magasins et qu'à cet effet, une ouverture a été aménagée dans le mur mitoyen. En outre, le locataire a disposé, sur la façade de l'immeuble sis 3 place Montepagano une unité de climatisation reliée à plusieurs fils apparents sortant du mur de façade.
Il est également établi que tous ces travaux ont été réalisés sans que l'accord des époux X... ait été recueilli, étant précisé que nous sommes en présence d'une copropriété inorganisée et que la désignation de Monsieur Pierre-Paul Y... comme administrateur n'est intervenue que par ordonnance présidentielle du 15 janvier 2010 soit après la réalisation des travaux litigieux.
Pour débouter les époux X... de leur action en remise en état des lieux, le tribunal a retenu que l'existence d'un trouble affectant l'immeuble ou la jouissance du lot des demandeurs n'était pas démontrée.
Toutefois, les appelants font justement observer que chaque copropriétaire a le droit d'exiger de la part des autres copropriétaires la cessation de toute atteinte aux parties communes, sans avoir à justifier d'un préjudice personnel. C'est encore avec exactitude qu'ils soutiennent que tous travaux entrepris sans l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, autrement dit des autres copropriétaires dans une copropriété inorganisée comme en l'espèce, sont irréguliers et que le copropriétaire doit par la suite être condamné à rétablir les lieux dans leur état antérieur.
Les appelants font valoir sans pouvoir être démentis sur ce point que le mur dans lequel le locataire de Monsieur Z... a aménagé une ouverture est un mur porteur incontestablement constitutif d'une partie commune et que dès lors, tous travaux portant atteinte à ce mur, nécessitaient leur accord préalable, en leur qualité de copropriétaire. En l'absence avérée d'accord, l'intimé ne peut se justifier, comme il tente de le faire, en faisant valoir que les travaux auraient consisté non pas dans la création d'une ouverture mais dans l'enlèvement d'une cloison qu'un précédent locataire aurait installé pour boucher une ouverture qu'il avait lui-même créée courant 1987. En effet, la modification justement incriminée réside dans l'aménagement d'une communication non autorisée entre la copropriété et un autre immeuble, peu important que cette communication résulte de la création d'une ouverture dans le mur ou de l'enlèvement d'une cloison précédemment installée. Dans les deux cas, il existe une atteinte avérée aux parties communes et étant donné que l'aménagement ici dénoncé date de 2008, la question de la prescription de l'action entreprise par les demandeurs en 2009 ne se pose pas, comme ces derniers le soutiennent à bon droit.
Par ailleurs, il est constant que l'appareil de ventilation et les fils de connexion installés en façade par le même locataire à la même période, modifient l'aspect extérieur de l'immeuble et qu'ils sont dès lors irréguliers en l'absence d'autorisation de la copropriété.
L'intimé ne saurait s'exonérer en faisant valoir que les atteintes retenues émanent de son locataire, tiers à la copropriété. En effet, le copropriétaire bailleur est responsable des infractions commises par son locataire, comme le soutiennent exactement les appelants. Il convient dès lors, au regard des deux atteintes aux parties communes de la copropriété ci-dessus caractérisées, de condamner Monsieur Z... à remettre les lieux dans leur état initial et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 3 mois suivant la signification du présent arrêt.
Les appelants ne démontrent pas en quoi les travaux irréguliers sont pour eux la cause d'un préjudice justifiant l'allocation de dommages et intérêts. Ils seront en conséquence déboutés de la demande qu'ils ont formée à cet effet.
La condamnation prononcée contre l'intimé suffit à démontrer la légitimité de l'action entreprise par les appelants à son encontre. Monsieur Z... sera en conséquence débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Ce dernier, qui finalement succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel qui ne sauraient comprendre les frais de constat et de mise en demeure réclamés par les appelants. Il convient en outre de condamner Monsieur Z... au paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile mais il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit que les travaux constitués par l'aménagement d'une ouverture dans le mur mitoyen et l'installation en façade d'une unité de climatisation, réalisés sous la responsabilité de Monsieur Bruno Z..., sont irréguliers ;
Condamne Monsieur Bruno Z... à remettre les lieux dans leur état initial, sous astreinte de CENT EUROS (100 euros) par jour de retard passé le délai de 3 mois suivant la signification du présent arrêt ;
Condamne Monsieur Bruno Z... à payer aux époux Jean-Claude et Marie-Claire X... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) à titre de dommages et intérêts ;
Déboute les époux Jean-Claude et Marie-Claire X... de leurs autres demandes ;
Déboute Monsieur Bruno Z... de toutes ses demandes ;
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT