Ch. civile B
ARRET No
du 06 JUIN 2012
R. G : 11/ 00124 C-PL
Décision déférée à la Cour : décision du 24 janvier 2011 Commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction d'AJACCIO R. G : 10/ 34
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
C/
X... B... X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUIN DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS Pris en la personne de son représentant légal 39, Boulevard Vincent Delpuech 13006 MARSEILLE
assisté de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Pascale PERREIMOND, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Monsieur Laziz X... Pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légale de ses trois enfants mineurs :- Samir, né le 17 août 1994,- Soufiane, né le 22 février 2001,- Anissa, née le 6 décembre 2004....... 20137 PORTO-VECCHIO
assisté de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, Me Frédérique CAMPANA, avocat au barreau d'AJACCIO substitué par Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/ 1205 du 14/ 04/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
Madame Habiba B... épouse X... Prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses trois enfants mineurs :- Samir, né le 17 août 1994,- Soufiane, né le 22 février 2001,- Anissa, née le 6 décembre 2004.... ... 20137 PORTO-VECCHIO
assistée de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, Me Frédérique CAMPANA, avocat au barreau d'AJACCIO substitué par Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/ 1205 du 14/ 04/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
Monsieur Samad X...... ... 20137 PORTO-VECCHIO
assisté de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, Me Frédérique CAMPANA, avocat au barreau d'AJACCIO substitué par Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/ 1204 du 14/ 04/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 06 avril 2012, devant Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 juin 2012.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 08 février 2012 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* * Suite à la requête déposée le 24 juin 2010 par Monsieur et Madame X... et leurs enfants, tendant à la réparation de leur préjudice moral suite à l'assassinat de leur fils et frère courant janvier 2006, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) instituée auprès du tribunal de grande instance d'AJACCIO a évalué, par décision contradictoire du 24 janvier 2011, le préjudice moral des requérants ainsi qu'il suit :
- pour Monsieur X... Laziz et Madame B... Habiba épouse X..., père et mère de la victime, en leur nom personnel, la somme de 60 000 euros chacun,
- pour Monsieur X... Laziz et Madame B... Habiba épouse X... ès qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs Samir, Soufiane et Anissa, la somme de 40 000 euros pour chacun d'eux,
- pour Monsieur X... Samad, la somme de 40 000 euros.
Par déclaration remise au greffe le 16 février 2011, le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions (le Fonds de Garantie) a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées le 7 décembre 2011 et régulièrement signifiées, il demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise et, statuant à nouveau, principalement de constater que la victime a commis une faute de nature à exclure le droit à indemnisation de ses ayants droits et les débouter en conséquence de leur demande, subsidiairement de fixer avant toute réduction l'indemnité revenant à chacun des parents à 25 000 euros et celles revenant aux frères et soeurs à 12 000 chacun, dire et juger que leur droit à indemnisation ne saurait excéder 50 %.
Dans leurs ultimes conclusions déposées le 18 octobre 2011 et régulièrement signifiées, les consorts X... demandent à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a considéré que la
victime n'avait commis aucune faute de nature à exclure ou à limiter le droit à indemnisation des ayants droit. Formant appel incident sur l'évaluation de leur préjudice, ils sollicitent l'allocation des sommes suivantes :
- pour Monsieur X... Laziz et Madame B... Habiba épouse X... en leur nom personnel, la somme de 150 000 euros chacun,
- pour Monsieur X... Laziz et Madame B... Habiba épouse X... ès qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs Samir, Soufiane et Anissa, la somme de 80 000 euros pour chacun d'eux,
- pour Monsieur X... Samad, la somme de 80 000 euros.
Les consorts X... sollicitent encore l'allocation de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2012 ; l'affaire a été plaidée le 6 avril 2012 puis mise en délibéré au 6 juin 2012, les parties régulièrement avisées.
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SUR QUOI, LA COUR
La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
Au soutien de son appel, le Fonds de Garantie prétend que les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale qui prévoient que la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime doivent trouver application dès lors qu'il est démontré que l'assassinat de Mounir X... a pour origine sa participation à un cambriolage.
Les consorts X... contestent pour leur part tout lien de causalité direct entre la participation au demeurant non démontrée de la victime à un cambriolage et son assassinat perpétré en outre dans des circonstances justifiant d'élever le montant des sommes habituellement accordées en réparation du préjudice moral.
La faute de la victime susceptible de limiter ou d'exclure le droit à indemnisation au sens des dispositions de l'article 706-3 précité doit avoir contribué directement à l'atteinte à son intégrité physique.
Il convient de relever, à l'instar de la CIVI, que la participation du jeune Mounir X..., alors âgé de 16 ans, jamais condamné et inconnu des services de police, à un vol commis dans une résidence est certes présentée par les auteurs de son homicide comme le mobile de celui-ci mais qu'elle n'est pas formellement établie par les pièces de la procédure pénale produite aux débats. La thèse soutenue par le Fonds de Garantie se heurte dès lors à une difficulté sur le terrain de la preuve.
La cour estime en outre que, comme les ayants droits de la victime le soutiennent, le comportement fautif prêté à cette dernière n'était pas de nature à l'exposer à sa propre mort de la main de ses comparses. En effet, il résulte de l'ordonnance de mise en accusation que le mobile allégué ne réside pas dans l'acte délictueux lui-même, sa préparation, sa commission ou le partage du butin, mais dans la crainte d'une dénonciation imaginée par des auteurs du vol. C'est donc à bon droit que la commission a retenu l'absence de lien de causalité, en toute hypothèse, entre une faute de la victime et la réalisation du dommage. En conséquence il n'y a lieu ni à exclure ni à réduire le droit à indemnisation contrairement aux prétentions du Fonds de Garantie.
Sur l'évaluation du préjudice moral, la cour estime que le montant des sommes attribuées trouve une explication légitime dans des circonstances particulières constituées en l'espèce par la mise à mort impitoyable d'un jeune mineur, l'ignorance de son sort dans laquelle ses proches ont été tenus pendant deux ans et les souffrances psychologiques endurées dont les certificats médicaux produits au dossier témoignent. Il convient dès lors d'entrer en voie de confirmation également de ce chef.
Les dépens seront mis à la charge du Trésor Public. Aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme la décision déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIER LE PRESIDENT