Ch. civile A
ARRET No
du 23 JANVIER 2013
R. G : 11/ 00605 C-JG
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 14 Juin 2011, enregistrée sous le no 08/ 365
Y...
C/
X...Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE TREIZE
APPELANTE :
Madame Cléonice Y... veuve Z...née le 14 Janvier 1928 à BASTIA (20200) ......20600 BASTIA
assistée de Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, Me François José MARTINI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Monsieur Jean-François X...né le 01 Septembre 1981 à BASTIA (20200) ...20290 BORGO
assisté de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, Me Alessandra FAIS, avocat au barreau de BASTIA
Madame Rosette Y... épouse D...née le 14 Août 1932 à BASTIA (20200) ... 20200 BASTIA
assistée de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 novembre 2012, devant Madame Julie GAY, Président de chambre, et Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2013.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Suite à l'action introduite par Madame Cléonice Y... veuve Z...à l'encontre de sa soeur Madame Rosette D...et du petit-fils de celle-ci Jean-François X...pour voir celui-ci délaisser les parcelles indivises, figurant au cadastre de la commune de BORGO sous les numéros AK 31, AI 17 et AI 18 où il a implanté une porcherie, remettre les lieux en leur état primitif, lui verser 20. 000 euros à titre de dommages-intérêts et obtenir avant dire droit une expertise pour vérifier si des coupes de bois ont été réalisées par Monsieur X..., chiffrer le coût et la valeur du bois et des arbres détruits, déterminer son préjudice du fait de l'implantation de la porcherie, le Tribunal de grande instance de BASTIA a, par jugement du 14 juin 2011 :
déclaré l'action de Madame Cléonice Y... veuve Z...recevable,
débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes,
condamné la même à payer la somme de 3. 000 euros à Monsieur Jean-François X...à titre de dommages-intérêts,
débouté Madame Rosette Y... veuve D...de sa demande de dommages-intérêts,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
condamné Madame Cléonice Y... à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1. 500 euros tant à Monsieur Jean-François X...qu'à Madame Rosette Y... veuve D...,
condamné Madame Cléonice Y... veuve Z...aux dépens.
Madame Y...Cléonice veuve Z...a relevé appel de ce jugement par déclaration du 18 juillet 2011.
En ses dernières écritures qui ont été déposées au greffe le 15 février 2012 auxquelles il sera expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l'appelante soutient que contrairement à ce que soutient Monsieur X...l'action qu'elle a introduite ne requiert nullement le consentement de tous les indivisaires et est recevable aux termes de l'article 815-2 du code civil.
Elle fait valoir qu'il ressort du constat d'huissier dressé le 17 novembre 2009 qu'une porcherie visible depuis le bord de la route carrossable est située approximativement sur les parcelles AI 18 et AI 19 et qu'il n'est nullement prouvé que la remise en état des lieux ait été opérée.
Elle souligne en ce qui concerne les coupes de bois que celle-ci n'ont pu être constatées, Monsieur X...s'opposant à la visite des parcelles litigieuses et que les attestations qu'elle verse aux débats sont de nature, sinon à prouver les coupes qu'elle dénonce, du moins à justifier l'organisation d'une expertise.
Elle demande en conséquence à la cour, en réformant le jugement entrepris de :
la dire recevable et fondée en son action,
constater que Monsieur Jean-François X...a installé un élevage porcin sur les parcelles litigieuses et plus précisément sur la parcelle AI 19, et qu'il a effectué des coupes de bois sur l'unité foncière constituées par les parcelles sises sur le territoire de la commune de BORGO et cadastrées AI 10, 17, 18 et 19,
condamner Monsieur Jean-François X...à quitter lesdites parcelles et à remettre les lieux en leur état primitif,
le condamner au paiement d'une somme forfaitaire de 15. 000 euros en réparation du préjudice matériel qu'elle subit du fait de l'occupation irrégulière des biens dont elle est propriétaire indivis,
le condamner en outre à lui payer la somme de 3. 000 euros en réparation de son préjudice moral,
le condamner enfin aux entiers dépens d'instance et d'appel ainsi qu'à une somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Très subsidiairement sur l'évaluation du préjudice :
ordonner avant dire droit une expertise aux fins d'évaluation de son préjudice, résultant tant de l'occupation du bien litigieux, que des coupes de bois intervenues.
Par ses écritures déposées le 15 décembre 2011 auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus complet de ses prétentions et moyens, Madame Rosette D...précise que sa soeur et elle-même ont vendu à Monsieur Jean-François X...une parcelle de terre à BORGO cadastrée AI 15 et lui ont donné toutes les deux l'autorisation d'implanter une porcherie sur la parcelle A 18.
Elle fait valoir que suite au différend ayant opposé son petit-fils et sa soeur au sujet d'un droit de passage et au désaccord manifesté par l'appelante quant à l'installation de ses bêtes sur la parcelle indivise, Monsieur X...a déplacé celles-ci sur une autre parcelle, ce qui rend sans objet la demande de remise en état des lieux.
Elle ajoute qu'aucune coupe de bois n'a été effectuée sur la parcelle AI 17 et qu'aucune expertise ne se justifie pour le vérifier.
Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante à lui payer 2. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel infondé, 2. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI.
En ses dernières écritures déposées le 16 décembre 2011 auxquelles il y a lieu de se reporter pour un exposé plus exhaustif de ses moyens et prétentions, Monsieur X...forme appel incident contre la décision déférée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de Madame Z....
Il soutient que cette action est irrecevable et il en sollicite l'infirmation.
Il fait valoir qu'il n'a implanté sa porcherie sur la parcelle AI 18 qu'après avoir obtenu l'autorisation verbale de Madame Z...qui a attendu plus de deux ans avant d'entreprendre son action en justice et qu'il a procédé à la remise en état des lieux dans un souci d'apaisement.
Il conteste avoir procédé à la coupe d'arbres qui lui est reprochée et sollicite reconventionnellement l'allocation d'une somme de 5. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral qu'il subit.
Il demande en conséquence à la cour de :
déclarer recevable son appel incident,
confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Madame Z...de toutes ses demandes,
réformer le jugement du 14 juin 2011 quant au rejet de l'exception d'irrecevabilité et quant à la demande de dommages-intérêts pour un montant de 5. 000 euros et faisant droit à son appel incident,
déclarer irrecevable l'action intentée par Madame Z...,
débouter Madame Z...de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Reconventionnellement,
la condamner à la somme de 5. 000 euros à titre de dommages-intérêts,
dire et juger que la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral est une demande nouvelle,
débouter Madame Z...de cette demande,
condamner la requise à la somme de 3. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner Madame Z...aux entiers dépens.
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 4 juillet 2012.
*
* *
SUR CE :
Sur la recevabilité de l'action de Madame Z...:
Attendu que Monsieur X...prétend que l'action de Madame Z...qui constitue un acte d'administration requérant le consentement de tous les indivisaires serait exercée en violation des dispositions de l'article 815-3 du code civil, ce qui priverait l'appelante de toute qualité à agir ;
Attendu que toutefois aux termes de l'article 815-2 du code civil, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence ;
Que tel est le cas du délaissement et de la remise en état qui visent à la conservation des biens indivis et peuvent être poursuivis par un seul indivisaire ;
Que par ailleurs l'action en réparation d'un préjudice personnel étant ouverte à chaque indivisaire, il ne peut être reproché à Madame Z...de ne pas être recevable à réclamer réparation du fait de l'installation d'un élevage porcin ou de coupes de bois réalisées irrégulièrement sans son accord ;
Que la qualité à agir de Madame Z...étant indiscutable, les premier juges ont admis à juste raison la recevabilité de son action ;
Que la décision entreprise sera de ce chef confirmée et l'appel incident formé par Monsieur X...rejeté ;
Au fond :
Attendu que s'il est impossible en l'état des éléments du dossier de connaître expressément si Madame Z...avait donné son accord à l'installation d'un élevage porcin sur les parcelles indivises comme le soutiennent les intimés, il est toutefois démontré par le constat d'huissier dressé par Me I...le 17 novembre 2009 qu'il n'y avait à cette date ni construction ni cochon sur la parcelle AI 18 ;
Que Madame Z...ne verse aux débats que le constat qu'elle avait fait dressé par la SCP FILIPPI et LECA huissiers de justice le 17 décembre 2007, soit plusieurs mois auparavant, situant la porcherie litigieuse approximativement sur les parcelles AI 18, AI 19 ;
Qu'elle ne rapporte dès lors pas la preuve qui lui incombe que l'élevage porcin est toujours en place et que les parcelles indivises sont toujours occupées indûment par l'intimé ;
Que le délaissement étant intervenu et la remise en état de la parcelle réalisée alors que celle-ci n'avait jamais été mise en culture et se trouvait à l'état de friches lorsque Monsieur X...y avait installé son élevage, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté faute d'établissement d'un préjudice la demande de dommages-intérêts ;
Que le jugement déféré sera sur ce point confirmé ;
Attendu que si la demande que Madame Z...forme en cause d'appel au titre de son préjudice moral ne peut être rejetée comme nouvelle alors qu'elle n'est que l'accessoire et le complément de sa réclamation antérieure et de ce fait recevable en application de l'article 566 du code de procédure civile, il n'en demeure pas moins qu'eu égard à l'état de maquis des parcelles litigieuses que Monsieur X...avait occupé, il ne saurait être considéré que l'incidence sur son état de santé est en relation de cause à effet avec les faits imputés à l'intimé ;
Que sa demande sera dès lors rejetée comme infondée ;
Attendu que de même en ce qui concerne les coupes de bois, celles-ci ne sauraient être démontrées par les seules attestations produites par Madame Z...émanant de témoins qui ont vu Monsieur X...transporter du bois ;
Que ce dernier établit par les attestations de Monsieur J..., de Monsieur K...et de Monsieur L...avoir procédé à des coupes de bois sur les propriétés A...et J...;
Attendu que Madame Z...ne justifie pas de coupes de bois sur ses propriétés et la mesure d'instruction qu'elle sollicite ne saurait en aucun cas être ordonnée en vue de suppléer sa carence dans l'administration de la preuve conformément aux dispositions de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile, d'autant qu'il résulte du constat dressé à sa demande le 17 décembre 2007 que Messieurs X...père et fils avaient accepté que l'huissier pénètre sur leur propriété et que ce dernier a selon ses indications été freiné par les conditions météorologiques et la couverture de maquis, Madame Z...ne pouvant dès lors soutenir avoir été dans l'impossibilité d'accéder aux terrains où elle prétend que des coupes de bois ont été réalisées ;
Attendu que selon les documents qu'il produit, Monsieur Z...ayant seulement démaquisé pour prévenir tout risque d'incendie, le jugement déféré mérite dès lors encore sur ce point confirmation ;
Sur les demandes de dommages-intérêts :
Attendu que Monsieur X...formant appel incident, sollicite la condamnation de Madame Z...à lui verser une somme de 5. 000 euros au titre de son préjudice moral en invoquant les répercussions sur son état de santé de cette procédure ;
Attendu cependant que, si Monsieur X...produit aux débats un certificat médical du docteur M...du 2 mars 2009 attestant d'un syndrome dépressif évolutif, et indiquant qu'" au cours des entretiens, il a pu apparaître que cette pathologie est liée à un conflit familial ", ce document médical ne désigne pas pour autant Madame Z...comme responsable de ces troubles ;
Que le jugement qui a accordé à l'intimé une somme de 3. 000 euros à ce titre sera en conséquence réformé et Monsieur X...débouté de son appel incident ;
Attendu que Madame D...qui ne justifie pas d'un préjudice distinct des frais de procédure qu'elle a dû exposer sera elle-même déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Sur les frais non taxables :
Attendu que les intimés ont été contraints d'exposer des frais non taxables à l'occasion de la présente procédure, dont il est équitable de leur accorder compensation ; que la somme qui leur a été allouée par le premier juge sera ainsi confirmée ;
Que Madame Z...sera condamnée en outre sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à payer à chacun d'eux une somme supplémentaire de 1. 500 euros et sera déboutée de la demande qu'elle formule à ce même titre à l'encontre des intimés ;
Sur les dépens :
Attendu que Madame Z...qui succombe supportera la charge des dépens d'appel.
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* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant condamné Madame Cléonice Z...à payer à Monsieur Jean-François X...la somme de TROIS MILLE EUROS (3. 000 €) de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute Monsieur Jean-François X...de son appel incident,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par ce dernier,
Y ajoutant,
Déboute Madame Cléonice Z...de ses demandes, fins et conclusions,
Rejette la demande de dommages-intérêts de Madame Rosette D...,
Condamne Madame Cléonice Z...à payer tant à Madame Rosette D...qu'à Monsieur Jean-François X...une somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT