Ch. civile A
ARRET No
du 20 MARS 2013
R. G : 12/ 00482 C-PYC
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Juge aux affaires familiales d'AJACCIO, décision attaquée en date du 04 Avril 2012, enregistrée sous le no 11/ 00612
X...
C/
C...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT MARS DEUX MILLE TREIZE
APPELANT :
Monsieur Mohamed X...né le 24 Avril 1968 à MERS EL KEBIR (ALGERIE) ...38400 SAINT MARTIN D'HERES
ayant pour avocat Me Laurence GAERTNER DE ROCCA SERRA, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 1953 du 28/ 06/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
Madame Karima C... épouse X...née le 11 Août 1980 à ORAN (ALGERIE) ...-...20000 AJACCIO
ayant pour avocat la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 2437 du 30/ 08/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 15 janvier 2013, devant Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 mars 2013.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *Mohamed X...et Karima C... se sont mariés le 6 septembre 2006 à OUJDA au MAROC.
Un enfant Sarah est née de leur union le 22 décembre 2008 à SAINT MARTIN D'HERES (ISERE).
Par requête déposée au greffe du tribunal de grande instance d'AJACCIO le 15 juin 2011, Karima C... a saisi le juge aux affaires familiales.
Par ordonnance de non-conciliation en date du 4 avril 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'AJACCIO, après avoir fait entendre Mohamed X...sur commission rogatoire à GRENOBLE, a notamment :
- rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par Mohamed X...au profit du tribunal de grande instance de GRENOBLE,
- attribué le domicile conjugal ainsi que les meubles meublants à Mohamed X...,
- dit que l'autorité parentale sur l'enfant commun serait exercée exclusivement par la mère jusqu'à ce que le père sorte de prison, puis conjointement,
- fixé la résidence de l'enfant chez la mère,
- dit qu'il n'y avait pas lieu de fixer pour l'instant un droit de visite et d'hébergement du fait de l'incarcération du père,
- condamné Mohamed X...à payer mensuellement à Karima C... la somme indexée de 250 euros au titre de sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant.
Mohamed X...a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 12 juin 2012.
Dans ses dernières écritures en date du 3 septembre 2012 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mohamed X...expose que le couple s'est installé à SAINT MARTIN D'HERES dans l'ISERE ; que Sarah est née dans cette ville ; qu'ils ont décidé d'aller tous les trois passer des vacances au MAROC en avril 2011 et devaient rentrer le 5 juin 2011 ; que Madame X...et sa fille ont disparu ; que Mohamed X...est revenu en FRANCE le 5 juin 2011 ; qu'il a signalé à la Police le départ de son épouse et de sa fille sans laisser d'adresse, puis déposé une requête en séparation de corps le 8 juillet 2011 ; qu'il a appris par la requête de son épouse qu'elle-même et sa fille étaient en CORSE ;
Qu'au sens de l'article 1071 du code civil, la résidence de l'époux avec qui réside l'enfant commun doit être stable et habituelle et doit avoir été fixée sans fraude pour être retenue comme lieu de résidence de la famille et fonder la compétence territoriale du tribunal ;
Qu'en l'espèce, Madame X..., qui avait pris de nombreuses affaires personnelles et divers papiers, avait prémédité son départ ;
Qu'il conteste formellement les allégations de violence ; qu'il n'y a d'ailleurs jamais eu aucune plainte ; qu'il n'est produit aucun certificat médical faisant état de blessures ;
Que Madame X...connaissait son passé judiciaire et son traitement médical ;
Qu'en ce qui concerne l'autorité parentale, il est sorti de prison depuis le 11 août 2012 et en demande donc l'exercice conjoint ;
Qu'il propose d'exercer son droit de visite et d'hébergement une fin de semaine tous les deux mois et la moitié des vacances scolaires en été, à charge pour Madame X...d'en supporter les frais et l'organisation, puisqu'elle a décidé de l'éloignement ; qu'il désire que soit fixée une plage horaire pour téléphoner à sa fille ;
Qu'il ne sera pas mis à sa charge de contribution à l'éducation de sa fille, compte tenu de ses revenus.
Il demande donc à la cour :
- de réformer l'ordonnance de non-conciliation rendue le 4 avril 2012 par le juge aux affaires familiales d'AJACCIO en ce que ce magistrat s'est déclaré territorialement compétent,
- statuant à nouveau, de se déclarer incompétente territorialement pour traiter du divorce des époux X...,
- au fond, de réformer l'ordonnance déférée sur l'autorité parentale, le droit de visite et d'hébergement et la contribution du père à l'éducation et l'entretien de l'enfant,
Statuant à nouveau, de :
- dire que l'autorité parentale sur l'enfant mineur sera exercée conjointement par les parents,
- dire que le droit de visite et d'hébergement du père s'exercera de la manière suivante :
. un week-end tous les deux mois, le premier week-end des mois pairs, du vendredi soir au dimanche soir,
. la première partie des vacances scolaires d'été les années paires et la seconde partie les années impaires,
à charge pour Madame X...de conduire Sarah à l'aéroport d'Orly à PARIS le jour du départ du vol et de venir la chercher au même endroit le jour du retour,
et à charge pour Monsieur X...de venir chercher Sarah à l'aéroport de LYON et de l'y reconduire,
- dire que Madame X...procédera par achat de billets en " pre-paid " qui seront mis à la disposition de Monsieur X..., un mois avant la date de départ,
- constater l'insolvabilité de Mohamed X...et de débouter Madame X...de sa demande de contribution,
- dire que le père aura un droit d'appel téléphonique tous les mardis soir entre 19 heures et 20 heures 30,
- dire que cette plage horaire est un minimum et que Madame X...devra tout mettre en oeuvre pour permettre les contacts téléphoniques entre Monsieur X...et sa fille et à tout le moins ne pas les empêcher.
Dans ses dernières écritures en date du 30 octobre 2012 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Karima C... épouse X...expose que :
Dans l'hypothèse fréquente où les époux ne résident plus ensemble parce que l'un d'entre eux a quitté le domicile pour s'installer avec les enfants, le juge compétent est celui du lieu où réside ce parent ; que cette solution vaut même en l'absence de consentement du mari ; qu'il suffit que le nouveau lieu de résidence ait un caractère de stabilité et de durée sauf situations particulières de mauvais traitements par exemple comme en l'espèce ;
Qu'en ce qui concerne l'autorité parentale elle a dû quitter le domicile conjugal pour échapper aux violences de son mari ; qu'il part souvent au MAROC ; qu'il a été condamné au moins trois fois ; qu'elle ne peut se trouver bloquée du fait de l'absence de Mohamed X...; qu'elle devra donc avoir l'exercice exclusif de l'autorité parentale ;
Que le droit de visite et d'hébergement devra être restreint à un samedi par mois dans un centre médiatisé à AJACCIO ; que l'enfant n'a jamais vu son père ; que les antécédents de celui-ci sont inquiétants ; qu'elle s'oppose à tout droit d'hébergement ;
Que la part contributive de Mohamed X...devra être confirmée ; qu'elle-même gagne 927 euros nets par mois alors que Mohamed X...perçoit une pension d'invalidité de 1. 147 euros.
Elle demande donc confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne l'autorité parentale qui devra être exercée exclusivement par elle-même. Elle sollicite que le droit de visite et d'hébergement soit réduit à une visite un samedi par mois dans un centre de médiatisation.
L'ordonnance de clôture a été prise le 12 décembre 2012 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 15 janvier 2013.
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SUR QUOI
Sur la compétence territoriale
L'article 1070 du code de procédure civile dispose que le juge aux affaires familiales territorialement compétent est le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ; si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ; dans les autres cas le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure.
Il est constant que le couple et leur enfant devaient rentrer ensemble de leurs vacances au MAROC par avion le 5 juin 2011. Karima C... a quitté le MAROC à l'insu de son époux avec sa fille, est rentrée à GRENOBLE, a déclaré à la Police de GRENOBLE le 11 mai 2011 qu'elle quittait le domicile familial, a fait de même deux mois plus tard à AJACCIO. Elle a ensuite déposé sa requête introductive de la présente instance le 11 juin 2011 soit à peine un mois après être arrivée en Corse. Cependant, depuis, Karima X...a sollicité à AJACCIO,
et obtenu, le RSA, un logement dans un foyer, puis un appartement HLM où elle habite toujours actuellement avec sa fille, et enfin un emploi d'insertion. Dès lors il y a lieu de considérer en dépit de la voie de fait qu'a créée cette nouvelle situation qu'à la date de la requête, le lieu de résidence de la mère avec qui résidait habituellement l'enfant était AJACCIO, et que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu sa compétence. L'ordonnance sera confirmée sur ce chef.
L'exercice de l'autorité parentale
Il ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats que Mohamed X...qui a maintenant purgé sa peine, soit moins apte que Karima C...- qui n'est en FRANCE que depuis peu et ne parle pas très bien le français-à exercer les droits et à assumer les obligations et les décisions qui ont pour finalité l'intérêt de l'enfant.
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle prévoyait la reprise par Mohamed X...de l'exercice de l'autorité parentale à sa sortie de prison.
Le droit de visite et d'hébergement
Les allégations d'actes de violence familiale de la part de Mohamed X...ne sont étayées par aucune pièce et en toute hypothèse ne concernent pas la petite fille. L'argument à supposer qu'il soit pertinent selon lequel Mohamed X...ne connaîtrait pas sa fille est manifestement inexact et est d'ailleurs contredit par les propres écritures de Karima C.... Rien ne permet donc maintenant, de restreindre le droit de visite et d'hébergement de Mohamed X....
Il sera donc fait droit à sa demande d'un week-end tous les deux mois et de la moitié des vacances scolaires d'été.
En raison du coût des déplacements, sauf meilleur accord des parents, le voyage aller-retour AJACCIO-MARSEILLE, MARSEILLE-AJACCIO sera à la charge et de la responsabilité de la mère et le voyage aller-retour MARSEILLE-GRENOBLE et GRENOBLE-MARSEILLE sera à la charge et de la responsabilité du père.
Sur la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation de sa fille
Mohamed X...perçoit, aux termes du relevé du 31 mai 2011 versé aux débats, une pension d'invalidité de 783, 84 euros par mois et une ASI (allocation supplémentaire) de 229, 73 euros, soit un total de 1. 013, 57 euros. Sur cette somme, il apparaît justifié de fixer la part contributive de Mohamed X...à l'entretien et l'éducation de sa fille à la somme de 125 euros par mois.
Sur les communications téléphoniques
Le parent chez qui la résidence de l'enfant est fixée doit tout mettre en oeuvre pour que l'autre parent maintienne ses liens avec son enfant et donc puisse communiquer librement avec lui. En conséquence il sera fait droit à la demande de Mohamed X....
Sur les dépens
Les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
- Réforme l'ordonnance déférée en ce qu'elle n'a pas accordé de droit de visite et d'hébergement à Mohamed X...et en ce qu'elle a fixé sa part contributive à l'éducation et l'entretien de l'enfant à DEUX CENT CINQUANTE EUROS (250 €),
- Statuant à nouveau,
- Dit qu'à défaut de meilleur accord entre les parties, Mohamed X...exercera son droit de visite et d'hébergement une fin de semaine, tous les deux mois, la première des mois pairs du vendredi soir au dimanche soir, et la première moitié des vacances scolaires d'été, les années paires, la deuxième moitié, les années impaires,
- Dit qu'à défaut de meilleur accord entre les parties, le voyage AJACCIO-MARSEILLE aller et retour sera à la charge financière et de la responsabilité personnelle de la mère et que le voyage MARSEILLE-SAINT MARTIN D'HERES aller et retour sera à la charge financière et de la responsabilité personnelle du père,
- Condamne Mohamed X...à payer à Karima C... au titre de sa contribution à l'éducation et l'entretien de l'enfant, la somme de CENT VINGT CINQ EUROS (125 €) par mois indexée et payable selon les modalités de l'ordonnance déférée,
- Confirme l'ordonnance déférée dans toutes ses autres dispositions,
- Y ajoutant,
- Ordonne à Karima C... de transmettre à Mohamed X...un numéro de téléphone de façon que ce dernier puisse communiquer librement avec sa fille,
- Dit que Mohamed X...pourra au minimum appeler sa fille tous les mardis soir de 19 heures à 20 heures,
- Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT