Ch. civile A
ARRET No
du 03 AVRIL 2013
R. G : 11/ 00463 C-RMS
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 02 Mai 2011, enregistrée sous le no 09/ 1048
X...A...
C/
Y...C...Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TROIS AVRIL DEUX MILLE TREIZE
APPELANTS :
Monsieur Dominique X...né le 17 Avril 1942 à BONIFACIO... 20000 AJACCIO
assisté de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, la SCP LEANDRI LEANDRI, avocats au barreau d'AJACCIO
Madame Antoinette A... épouse X...née le 01 Octobre 1922 à PNOM PHENH (Cambodge)... 20169 BONIFACIO
assistée de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, la SCP LEANDRI LEANDRI, avocats au barreau d'AJACCIO
INTIMES :
Monsieur Alex Y...né le 02 Janvier 1956 à COLOGNE (32430)... 20169 BONIFACIO
assisté de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Marie-Laurence BAI-BRAMI, avocat au barreau de PARIS
Madame Evelyne C... épouse Y...née le 27 Janvier 1949 à MUNICH... 20169 BONIFACIO
assistée de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Marie-Laurence BAI-BRAMI, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Christian Z...... 20169 BONIFACIO
Défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 janvier 2013, devant Madame Julie GAY, Président de chambre, et Madame Marie BART, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie BART, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 03 avril 2013.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* * Vu le jugement rendu le 2 mai 2011 par le tribunal de grande instance d'AJACCIO :
- déclarant irrecevable la demande de remise en état des lieux formée à titre principal par Madame Antoinette A...épouse
X...et Monsieur Dominique X...à l'encontre des époux Alex Y...et concernant le " grottone " creusé dans la falaise à laquelle est adossé l'immeuble en copropriété sis quai... cadastré section AC no 68 sis commune de BONIFACIO,
- déclarant irrecevable la demande de remise en état des lieux formée à titre reconventionnel par les époux Y...à l'encontre des consorts X...concernant ledit " grottone ",
- déboutant les époux Y...de leur demande d'enlèvement de la structure irrégulièrement installée par les consorts X...,
- déboutant les époux Y...de leur demande d'indemnisation au titre de l'abus de procédure,
- condamnant les consorts X...à payer aux époux Y...la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnant les consorts X...aux dépens.
Vu la déclaration d'appel de Monsieur Dominique X...et de Madame Antoinette A... épouse X...déposée au greffe le 3 juin 2011.
Vu les dernières écritures des consorts X...déposées au greffe le 22 mai 2012.
Vu les dernières écritures des époux Y...déposées au greffe le 26 septembre 2012.
Vu l'assignation délivrée le 16 novembre 2011 à Monsieur Christian Z...et la signification des conclusions en date du 22 mai 2012.
Vu la clôture de la procédure suivant ordonnance en date du 24 octobre 2012 et le renvoi à l'audience du 28 janvier 2013.
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SUR CE :
Madame Antoinette A...veuve X...et Monsieur Dominique X...sont respectivement usufruitier et nu propriétaire d'un local situé au rez de chaussée d'un immeuble sis sur le territoire de la commune de BONIFACIO... cadastré section AC no 68.
Ce local s'ouvre au nord sur la voie publique face à la mer et se prolonge au sud par une grotte dénommée " grottone " dont le sommet de la voûte est situé au niveau du troisième étage de l'immeuble.
Aucune séparation n'existe entre le local et le " grottone " qui forment un ensemble.
Ce local est actuellement loué à la SARL MECANIC MARINE laquelle exploite dans les lieux une activité commerciale de vente et location de bateaux.
Courant 1995, les consorts X...ont autorisé Monsieur René H..., précédent gérant de la SARL MECANIC MARINE à prolonger dans la partie haute du " grottone " les murs est et ouest du local situé au rez de chaussée de l'immeuble et à y installer un plafond dans le prolongement de celui séparant ledit local du premier étage et ce, dans le but d'être protégé des gravats tombant de la voûte de la grotte.
Les époux Alex Y...qui sont propriétaires de l'appartement situé au premier étage de l'immeuble ont fait entreprendre courant août 2009 par Monsieur Christian Z...des travaux d'aménagement sur la dalle réalisée par Monsieur H....
Après avoir fait sommation aux époux Y...par acte de Me B...du 12 août 2009 d'avoir à interrompre ces travaux, les consorts X...ont suivant exploit du 9 novembre 2009 fait assigner ceux-ci ainsi que Monsieur Christian Z...devant le tribunal de grande instance d'AJACCIO en démolition sous astreinte des ouvrages réalisés sur la dalle et en défense d'accéder à celle-ci.
Les époux Y...qui contestent à titre principal la qualité pour agir des consorts X...ont reconventionnellement sollicité l'enlèvement de la ventilation installée dans le " grottone " ainsi que celle de la structure en inox constituant une pergola bâchée surélevée d'une enseigne.
Le 2 mai 2011, le tribunal de grande instance d'AJACCIO a rendu le jugement visé.
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MOTIFS :
- Sur la qualité à agir des consorts X...:
Pour déclarer irrecevables les consorts X...en leur action, le premier juge a considéré que " le grottone " fait partie du domaine public naturel et qu'en conséquence, celui-ci étant imprescriptible et inaliénable, ces derniers ne peuvent en être propriétaires.
Le domaine public immobilier des personnes publiques est régi par le code de la propriété des personnes publiques. Ce texte en ses articles L 2111-4 et suivants précisent ainsi que le domaine public naturel est soit maritime soit fluvial.
Les articles L 2111-4 et 7 qui s'appliquent respectivement au domaine public naturel maritime et au domaine public naturel fluvial ne citent pas cependant au titre de cette domanialité les grottes ou les cavités naturelles.
Par ailleurs, si l'article L 2111-1 du code de la propriété des personnes publiques dispose que : " Sous réserve des dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public soit affecté à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public " et que l'article L 2111-2 ajoute que : " Font également partie du domaine public, les biens des personnes publiques qui concourent à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indispensable ", les époux Y...qui soutiennent que ces articles sont applicables à l'espèce ne rapportent pas la preuve comme ils le soutiennent que le " grottone " relève du domaine public car il empêche les immeubles bâtis sur le quai ... de s'appuyer sur la falaise qui les surplombe et permet de surcroît l'éventuel passage des services publics.
Les pièces versées à la procédure par les consorts X...établissent au contraire l'usage privé du " grottone " actuellement loué à la SARL MECANIC MARINE.
De plus, ceux-ci justifient de leur propriété en produisant leur titre à savoir l'acte établi le 26 février 1877 par Me J..., notaire lors à BONIFACIO selon lequel leur auteur Jacques X...a acquis de Marie Jeanne K...épouse L...notamment " un grand magasin avec grottone " lequel compte tenu des précisions données à l'acte quant à la situation du bien est parfaitement identifiable et correspond à l'espèce, ce que ne contestent pas d'ailleurs les époux Y....
Ce titre est de surcroît corroboré par l'ancien plan cadastral de la commune de BONIFACIO datant de l'année 1853 où l'évent du " grottone " est déjà matérialisé.
Les consorts X...à titre tout à fait superfétatoire se prévalent aussi justement d'une possession trentenaire utile en démontrant selon les attestations très circonstanciées émanant de Monsieur Joseph M..., Monsieur N...Gabriel, Monsieur O...Raphaël, qu'au moins depuis l'année 1962 les lieux " grottone " compris ont été loués par eux à la famille H...qui au départ y exploitait une activité de mécanique générale.
Ainsi, les consorts X...doivent être déclarés recevables à agir.
- Au Fond :
En application de l'article 552 alinéa 1 du code civil, " La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ".
En conséquence, la dalle construite dans le courant de l'année 1995 par l'entreprise GAFFORI couvrant la partie haute du " grottone " dans le prolongement de celle séparant le rez de chaussée du premier étage de l'immeuble cadastré section AC n o 68 et qui est située au dessus du sol du " grottone " appartient aux consorts X..., les époux Y...ne rapportant pas la preuve contraire.
Me Pierre François P..., huissier de justice à PORTO VECCHIO désigné selon ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance d'AJACCIO en date du 31 août 2009 a constaté le 2 octobre 2009 sur le dessus de la dalle l'encombrement de celle-ci par divers objets ainsi que la présence d'une cloison érigée à l'aide de carreaux en plâtre et celle d'une porte dans la partie médiane de la cloison ; qu'ayant accédé ensuite à l'appartement des époux Y...après être sorti du magasin, l'officier ministériel a en outre constaté que les intimés avaient construit une dalle de compensation sur la dalle édifiée par l'entreprise GAFFORY et créé une pièce de forme irrégulière d'une surface de 2, 35 m x 4, 27 m environ dotée d'un parquet flottant et d'un faux plafond laquelle est fermée au sud, côté falaise par la cloison en carreaux de plâtre précitée.
Contrairement à ce que soutiennent les époux Y..., il n'est pas démontré que lors de leur acquisition, leur appartement se composait d'un appartement principal et d'une pièce attenante et que la dalle de compensation existait déjà.
Leur acte dressé le 13 février 1999 par Me Jules B...fait seulement état d'" un appartement situé au premier étage occupant l'entier étage d'une surface habitable de 47, 86 m2 comprenant un séjour, une salle d'eau, deux chambres et un WC indépendant ".
Sur sommation interpellative, leur venderesse a de plus précisé que ni ses parents ni elle n'avaient fait construire de dalle de compensation.
Enfin, Monsieur Gérard H...qui a habité l'appartement pendant près de vingt ans atteste que " celui-ci était composé de deux chambres, un séjour, une cuisine une salle de bains et un wc, on se rendait au wc qui se trouvait dans une cabine maçonnée à gauche d'un balcon donnant sur la grotte, en traversant l'une des chambres. Fin 1994, mon père a reçu l'autorisation des héritiers d'Antoine X...de remplacer la couverture en tôle ondulée par une dalle construite à une vingtaine de centimètres au dessus du balcon/...../ Lorsqu'ils ont acheté l'appartement, les époux Y...ont effectué des travaux de rénovation importants. Ils ont détruit le balcon et se sont installés sur la première partie de la dalle la plus proche de leur appartement. Lorsque dans le courant de l'été 2009, ils ont à nouveau entrepris des travaux sur la
première partie de la dalle qu'ils se sont appropriés dans son intégralité/...../ Je ne pouvais plus taire cette situation et j'ai prévenu Monsieur Dominique X...".
Il est ainsi manifeste qu'au détriment du droit de propriété des consorts X..., les époux Y...ont voulu agrandir leur appartement et que ceux-ci compte tenu de ce qui précède, ne peuvent se prévaloir ni d'un juste titre ni de leur bonne foi.
La démolition des aménagements réalisés par ceux-ci et le désencombrement de la dalle doivent donc être ordonnés comme il sera dit au dispositif.
Monsieur Christian Z...contre qui les consorts X...dirigent aussi ces demandes doit toutefois être mis hors de cause.
- Sur les demandes reconventionnelles :
. Sur la demande d'enlèvement du système de ventilation installée dans le " grottone " :
Les époux Y...qui soutiennent que le système de ventilation installé dans le " grottone " par le locataire des consorts X...crée des nuisances sonores amplifiées par l'effet de résonance créé par la grotte sollicite le démontage de cette installation.
Ceux ci cependant qui ne versent aux débats aucun constat d'huissier, attestations ou expertise ne démontrent pas le préjudice qu'ils invoquent et doivent en conséquence être déboutés de leur demande.
. Sur la demande tendant au démontage de la structure métallique et de l'enseigne publicitaire :
De ce chef aussi, les époux Y...ne démontrent pas en quoi l'extension prétendue du local commercial leur cause un préjudice personnel. Ceux-ci n'ont pas par ailleurs qualité pour contester une éventuelle occupation du domaine public.
Les consorts X...par contre justifient que la pose de la structure en inox dont l'enlèvement est sollicitée par les époux Y...a fait l'objet d'une déclaration de travaux à la mairie de BONIFACIO et que Monsieur Y...a antérieurement à cette déclaration soit le 13 novembre 1999 donné son autorisation à ces travaux de façade (pièce n o 53).
Les consorts X...font par ailleurs observer que leur locataire paie régulièrement au titre de l'occupation du domaine public communal une redevance annuelle à la commune de BONIFACIO laquelle s'est élevée pour l'année 2009 à la somme de 1. 605, 20 euros.
Ceux-ci ajoutent enfin que leur locataire a démonté l'enseigne publicitaire comme en témoignent les clichés photographiques (avril 2011 et 2012) qu'ils versent aux débats.
- Sur les autres demandes :
Les époux Y...ne démontrent pas non plus en quoi les substances entreposées par la SARL MECANIC MARINE leur causent un préjudice. Il en est de même des moisisures dont ils font état et qui seraient générées par un plexiglas installé au sommet du " grottone ".
Pour finir, ceux-ci qui invoquent l'existence d'un préjudice moral et qui n'en justifient pas plus doivent aussi être déboutés de leur demande de ce chef.
La résistance abusive de ceux-ci n'étant pas toutefois établie par les consorts X..., ces derniers doivent être déboutés également de leur demande en dommages et intérêts.
L'équité par contre commande d'allouer à ceux-ci la somme de 3. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté les époux Y...de leur demande tendant à l'enlèvement de la structure métallique et les consorts X...de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
STATUANT A NOUVEAU,
Dit que les consorts X...qui justifient de leur qualité de propriétaire sur le " grottone " situé dans le prolongement de l'immeuble à usage de magasin sis... cadastré section AC n o 68 sont recevables à agir,
Condamne les époux Alex Y...à démolir les ouvrages édifiées sur la dalle (en ce compris la dalle de compensation) séparant le rez de chaussée du premier étage de l'immeuble cadastré section AC n o 68 et ce, sous astreinte de DEUX CENTS EUROS (200 euros) par jour de retard, passé le délai de quarante cinq jours à compter de la signification du présent arrêt,
Condamne les époux Alex Y...à libérer ladite dalle de tous meubles leur appartenant sous la même astreinte,
Fait défense à ceux-ci d'y accéder sous la même astreinte et ce, par infraction constatée,
Met hors de cause Monsieur Christian Z...,
Déboute les époux Y...de l'ensemble de leurs demandes,
Rejette toutes autres demandes contraires,
Condamne les époux Y...à payer aux consorts X...la somme de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3. 500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les époux Y...aux dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût de la sommation d'avoir à arrêter les travaux en date du 12 août 2009, le coût de la signification de l'ordonnance sur requête du 31 août 2009, le coût du procès verbal de constat de Me P...du 2 octobre 2009 et celui de la sommation interpellative délivrée à Madame Jeanne Q...épouse R...le 14 février 2012.
LE GREFFIER LE PRESIDENT