Ch. civile A
ARRET No
du 22 MAI 2013
R. G : 11/ 00741 C-MAB
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 06 Septembre 2011, enregistrée sous le no 09/ 00223
SCI HAMEAU DE CAPRA SCORSA SARL CAMPEOLE
C/
X... SARL LES TERRASSES DE LOZARI SARL ARCHIMAGE 2B Compagnie d'assurances MUTUELLES DES ARCHITECTES FRANCAIS SA SOBA CONSTRUCTION Société TP BAT Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT DEUX MAI DEUX MILLE TREIZE
APPELANTE :
SCI HAMEAU DE CAPRA SCORSA prise en la personne de son représentant légal en exercice Château Malaspina 20226 BELGODERE
assistée de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, Me Jean-Philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
APPELANTE ET INTIMEE :
SARL CAMPEOLE prise en la personne de son représentant légal en exercice 111, rue de Reuilly 75016 PARIS
assistée de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Claude THIBAUDEAU, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
Mademoiselle Isabelle X... ...83990 SAINT TROPEZ
ayant pour avocat la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocats au barreau de BASTIA
SARL LES TERRASSES DE LOZARI prise en la personne de son représentant légal c/ o M. Ange A...Les Pépinières de Furiani 20600 FURIANI
assistée de Me Antoine ALESSANDRI, avocat au barreau de BASTIA
SARL ARCHIMAGE 2B prise en la personne de son représentant légal Castelli di a Mora-Route de Pietramaggiore 20260 CALVI
ayant pour avocat la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocats au barreau de BASTIA
Compagnie d'assurances MUTUELLES DES ARCHITECTES FRANCAIS Prise en la personne de son représentant légal 9, rue Hamelin 75783 PARIS CEDEX 16
ayant pour avocat la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocats au barreau de BASTIA
SA SOBA CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal c/ o M. C...Les Pépinières de Furiani 20600 FURIANI
Défaillante
Société TP BAT prise en la personne de son représentant légal en exercice Résidence Monceau-le Fango 20200 BASTIA
Défaillante
Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de son président du conseil d'administration et directeur général 26 rue Drouot 75001 PARIS
ayant pour avocat Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA Me Josette CASABIANCA, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 mars 2013, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près M. le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 22 mai 2013.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SARL Campeole exploite un camping à Belgodere sur un terrain donné en location par la commune, au lieu-dit Lozari.
Au cours de l'année 2006, la SARL Les Terrasses de Lozari et la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa, toutes deux propriétaires de terrains contigus au camping ont chacune entrepris des travaux de construction en vue de la réalisation d'ensembles immobiliers.
Considérant que ces travaux constituaient des troubles anormaux de voisinage, la SARL Campeole a attrait la SARL Les Terrasses de Lozari et la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa devant le tribunal de grande instance de Bastia sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour obtenir leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 86 654, 00 euros au titre de son préjudice financier et celle de 100 000, 00 euros au titre de la perte d'image.
Par jugement du 6 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Bastia a :
- condamné la SARL Les Terrasses de Lozari à payer à la SARL Campeole la somme de 45 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa à payer à la SARL Campeole la somme de 45 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la SARL Les Terrasses de Lozari à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
. à la SARL Campeole la somme de 1 000, 00 euros,. à la SARL Archimage 2B la somme de 1 000, 00 euros,. à la SRL SO. BA Costruzioni la somme de 1 000, 00 euros
-condamné la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la SARL Campeole la somme de 1 000, 00 euros-à Madame Isabelle X... la somme de 1 000, 00 euros-à la compagnie AXA France IARD la somme de 1 000, 00 euros,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- fait masse des dépens et condamné la société Les Terrasses de Lozari et la société Les Hameaux de Capra Scrosa à en supporter chacune la moitié,
- autorisé leur distraction au profit de la SCP Tomasi et de Maître Jean-Michel Albertini, avocats.
La SCI Les Hameaux de Capra Scorsa a relevé appel de ce jugement par déclaration déposée au greffe le 8 septembre 2011.
La SARL Campeole a relevé appel incident par conclusions du 1er février 2012.
La SARL Les Terrasses de Lozari a relevé appel par déclaration déposée au greffe le 12 juillet 2012.
Par déclaration du 24 septembre 2012, la SARL Les Terrasses de Lozari s'est désistée de son appel à l'égard des sociétés Soba Construction et Archimage 2B.
Par ordonnance du 17 septembre 2012, le magistrat chargé de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel de la SARL Les Terrasses de Lozari faute d'avoir conclu dans les délais impartis par l'article 908 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 21 novembre 2012, ce même magistrat a ordonné l'exécution provisoire du jugement déféré.
En ses dernières conclusions en date du 29 novembre 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SCI Les Hameaux Capra Scrosa demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Bastia le 6 septembre 2011,
- débouter la société Campeole de l'ensemble de ses demandes, les travaux exécutés sous sa maîtrise d'ouvrage n'ayant généré aucun trouble excédant les troubles normaux de voisinage, la société Campeole ne démontrant pas davantage l'existence d'un préjudice financier ou d'un préjudice d'image indemnisable,
subsidiairement :
- dire que Madame X... et la société TPBAT ont commis des fautes contractuelles à l'égard du maître de l'ouvrage notamment en ne respectant pas le planning contractuel de réalisation des travaux et qu'ils sont dès lors responsables à son égard des préjudices subis invoqués par la société Campeole,
- en conséquence, condamner in solidum Madame X... et son assureur, la MAF et la société TP BAT et son assureur la compagnie AXA France IARD à la relever et la garantir de l'ensemble des condamnations, en principal, dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens
-en tout état de cause, condamner la société Campeole et subsidiairement in solidum les appelés en garantie à lui payer la somme de 5 000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que tous frais et dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Ribaut-Battaglini.
Elle fait valoir qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, elle a confié à Madame X... la maîtrise d'oeuvre de l'opération immobilière sur la commune de Belgodere. Quant aux travaux de gros oeuvre, ils ont été confiés à la société TP BAT.
Elle considère que le jugement entrepris n'a pas caractérisé de faute à sa charge alors qu'il a été rendu sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Elle rappelle que la jurisprudence relative aux troubles du voisinage impose à la SARL Campeole de rapporter la preuve de l'imputabilité du trouble. Or, elle considère qu'en sa qualité de maître de l'ouvrage, elle n'a réalisé aucun des travaux de construction. Elle rappelle que la réalisation de travaux sur un terrain constructible ne constitue pas en soi un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage mais un trouble prévisible devant être accepté par les voisins. Elle ajoute que le juge des référés n'a pas fait droit à la demande de la SARL Campeole tendant à l'arrêt des travaux mais en a simplement ordonné la suspension jusqu'au 30 septembre 2006. Elle indique encore que la société Campeole ne rapporte pas la preuve de son préjudice financier ni de celui lié à la perte d'image.
Subsidiairement, elle se fonde sur un arrêt de la Cour de Cassation du 22 juin 2005 qui retient qu'en tant que voisins occasionnels, les constructeurs (dont Madame X... architecte réputée constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil) supportent la présomption de responsabilité. Elle critique le jugement en ce qu'il a retenu qu'il ne serait pas subrogé, en qualité de maître de l'ouvrage, dans les droits du plaignant tant qu'il ne l'a pas indemnisé lui rendant impossible tout recours. Elle considère que les fautes commises par Madame X... et la société TP BAT sont incontestables en ce qu'ils n'ont pas respecté le planning prévu et que leur responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil.
En ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Madame Isabelle X... demande à la Cour de :
- réformer le jugement,
- débouter la SARL Campeole, faute de troubles anormaux du voisinage,
subsidiairement :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
à titre très subsidiaire :
- juger que la faute constatée implique de retenir pour responsable la SARL TP BAT,
en tout état de cause :
- condamner la partie qui succombe au paiement de la somme de 2 000, 00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle explique avoir rempli l'ensemble des obligations qui lui incombaient en qualité d'architecte. Elle considère que la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa n'est pas fondée à lui reprocher le non respect du planning prévisionnel, son obligation étant de moyens et sa responsabilité étant subordonnée à l'existence d'une faute.
Elle ajoute que sa responsabilité comme architecte ne peut être recherchée puisqu'elle n'est pas la voisine de la SARL Campeole. Elle affirme que le tribunal a, à tort, retenu que les troubles dont se plaint la SARL Campeole sont anormaux alors que ce sont les aléas normaux liés aux travaux de construction. Elle précise que la responsabilité du maître de l'ouvrage lui a imposé son projet de construction de 101 lots comprenant 6 hameaux en connaissant les désagréments inévitables que sa promotion allait occasionner à ses voisins.
Elle considère enfin qu'en cas de troubles avérés, la responsabilité pèserait intégralement sur la SARL TP BAT et que seuls 10 % de la condamnation pourraient lui être imputés.
En ses dernières conclusions en date du 3 février 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la compagnie d'assurances AXA France IARD demande à la cour de :
- réformer le jugement du 6 septembre 2011 dont appel,
- constater l'absence de troubles anormaux de voisinage et débouter la SARL Campeole de l'ensemble de ses fins et demandes,
- prononcer sa mise hors de cause,
- condamner la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa à lui payer une indemnité de 2 000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
subsidiairement :
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la SARL TP BAT a réalisé les travaux conformément aux délais contractuels sans commettre de faute susceptible d'engager sa responsabilité envers le maître de l'ouvrage,
- débouter la SCI Les Hameaux de Capra Scrosa de son appel en garantie à l'encontre de la SARL TP BAT et de son assureur,
- prononcer sa mise hors de cause,
- condamner qui de droit à lui payer la somme de 2 000, 00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle expose que le tribunal a, à tort, retenu un abus de droit de la part de la part de la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa d'autant que le juge des référés avait limité les nuisances en l'autorisant à poursuivre les travaux dans des horaires définis durant la saison estivale. Elle ajoute que la SARL Campeole n'établit pas l'existence d'une perte d'exploitation ni d'une atteinte à son image de marque.
Subsidiairement, elle considère que le tribunal a, à juste titre, estimé que la SARL TP BAT avait respecté le planning contractuel puisque la société était titulaire de quatre contrats dont le délai d'achèvement était postérieur au 1er juillet 2006. Elle en déduit que la SCI les Hameaux de Capra Scorsa ne caractèrise aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de la SARL TP BAT et qu'il appartenait au maître de l'ouvrage d'intégrer dans son projet les risques éventuels liés à la construction d'un ensemble immobilier comportant 101 lots.
En ses dernières conclusions en date du 21 septembre 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SARL Les Terrasses de Lozari demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 6 septembre 2011 dont appel,
- dire la demande de condamnation in solidum irrecevable,
- dire que la SARL Campeole ne rapporte pas la preuve d'une faute qui lui soit imputable née d'un préjudice corrélé à la faute,
- rejeter les documents produits par la SARL Campeole qui ne lui sont pas opposables,
- constater l'absence de production de documents permettant d'appréhender la situation comptable de la SARL Campeole pour la période considérée malgré sommation de communiquer,
- dire que la SARL Campeole ne démontre pas l'existence d'un préjudice,
- débouter la SARL Campeole de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SARL Campeole à lui payer la somme de 3 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Campeole aux dépens.
Elle fait valoir qu'elle a chargé la SARL Archimage 2B de la maîtrise d'oeuvre de la construction de l'ensemble immobilier et que les travaux, débutés en mars 2006, ont été confiés à la SRL Soba Costruzioni. Elle reproche au jugement querellé d'avoir retenu que les travaux de construction constituent des troubles anormaux de voisinage, la démonstration du caractère anormal n'étant pas rapportée. Elle considère que la SARL Campeole est à l'origine du trouble dont elle se plaint pour avoir tardé à donner son autorisation à la pose par EDF d'un défalqueur l'obligeant à user d'un générateur électrique sur le chantier.
Elle considère qu'aucune condamnation in solidum ne peut être réclamée puisque la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et elle-même effectuaient des travaux dans deux zones distinctes et qu'elle a cessé les travaux en août 2006 pendant que la SCI poursuivait les siens.
Elle indique que la SARL Campeole fonde sa demande sur un seul constat d'huissier de justice du 10 juillet 2006 sans démontrer l'existence des troubles antérieurs au 10 juillet 2006. Elle critique l'imprécision des attestations de clients produites par la SARL Campeole laquelle leur a consenti des ristournes et des rabais sans lien avec les travaux querellés. Elle constate que la SARL Campeole n'a pas produit ses bilans et livres auxiliaires pour les exercices 2005, 2006 et 2007 et que ne sont pas justifiées ses allégations quant aux pertes d'exploitation.
Elle indique que la SARL Campeole ne justifie pas de la perte d'image qu'elle invoque.
En ses dernières conclusions en date du 2 avril 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SARL Campeole demande à la Cour de :
- constater les troubles anormaux de voisinage occasionnés par les travaux des chantiers entrepris par la SARL Les Terrasses de Lozari et par la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa sur les terrains jouxtant le camping qu'elle exploite durant les mois de mai, juin, juillet et août 2006
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés SARL Les Terrasses de Lozari et SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et chiffré son préjudice à 90 000, 00 euros et les a condamné à 1 000, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
- réformer le jugement et de dire que la SARL Les Terrasses de Lozari et la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa seront condamnées in solidum à l'indemniser,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de la perte d'image,
- condamner in solidum la SARL Les Terrasses de Lozari et la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa à lui payer la somme de 86 654, 00 euros au titre du préjudice financier directement subi et 100 000, 00 euros au titre de la perte d'image,
- condamner in solidum la SARL Les Terrasses de Lozari et la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa à lui payer la somme de 8 000, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SARL Les Terrasses de Lozari et la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa aux dépens de première instance et d'appel.
Elle expose que les troubles anormaux de voisinage sont prouvés en ce qu'elle a subi de nombreuses réclamations la contraignant à déplacer certains de ses résidents vers un autre site ou à indemniser ceux qui ne pouvaient annuler leur séjour et en ce qu'elle a subi l'annulation pure et simple pour d'autres résidents. Selon elle, les nuisances provenaient de l'utilisation d'un groupe électrogène pour alimenter le chantier de la SARL Les Terrasses de Lozari, du fonctionnement des engins de chantier, de la rotation des camions et de l'envol constant de terre et de poussière. Elle estime démontrer l'existence de son préjudice financier et critique le jugement en ce qu'il a refusé de lui allouer une indemnisation pour sa perte d'image alors que les clients ont fustigé les nuisances apportées à leur séjour. Elle ajoute que la condamnation doit être in solidum puisque les deux chantiers jouxtent son camping et ont provoqué une dommage unique.
La compagnie d'assurances Mutuelles des Architectes Français et la société TP BAT régulièrement citées à une personne habilitée n'ont pas comparu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2013 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 4 mars 2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
1o) sur les troubles anormaux de voisinage :
Par application de l'article 544 du code civil, " le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage ".
En l'espèce, le Tribunal a justement relevé que la SARL Campeole avait subi des nuisances dépassant les inconvénients normaux du voisinage du fait des travaux des chantiers entrepris par la SARL Les Terrasses de Lozari et par la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa sur les terrains jouxtant le camping qu'elle exploite durant les mois de mai, juin, juillet et août 2006.
En effet, une opération de construction sur un terrain constructible doit sans conteste être acceptée par les riverains mais à la condition que les travaux ne soient pas réalisés à proximité d'un terrain de camping durant la période touristique sept jours sur sept. Or, la SARL Campeole justifie que les nuisances ont dépassé la norme acceptable en produisant un procés-verbal de constat dressé le 10 juillet 2006 par Maître François I..., Huissier de justice duquel il ressort :
- qu'un important nuage de poussière et un environnement sonore agressif pour la clientèle du camping émanaient du chantier des Hameaux de Capra Scorsa,
- qu'au bruit des outils manipulés par les ouvriers du chantier des Terrasses de Lozari s'ajoutait le bruit d'un groupe électrogène.
Ces constatations sont confirmées par les clients du camping des mois de mai, juin, juillet et août 2006 lesquels attestent des nuisances sonores et des nuisances liées à la poussière qu'ils ont subies en raison des chantiers de construction voisins du camping où ils espéraient trouver la tranquillité dans une région touristique.
La SARL Campeole est donc fondée à invoquer la responsabilité des voisins à l'origine des nuisances subies étant précisé que la décision par laquelle le juge des référés a limité les horaires des travaux à exécuter par la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa n'ôte pas leur caractère anormal aux troubles invoqués.
Il ressort des pièces produites que la SARL Campeole a remboursé certains de ses clients à hauteur de 63. 996, 50 euros et qu'elle a dû subir des annulations pour d'autres dossiers pour un montant de 13 182, 00 euros. La SARL Campeole justifie donc avoir subi un préjudice économique de 77 178, 50 euros mais elle ne justifie pas que le transfert de dossiers dont elle demande le remboursement lui ait causé un préjudice financier.
Quant au préjudice lié à la perte d'image, il ne peut être imputé aux sociétés voisines de la SARL Campeole. En effet, les attestations produites par la SARL Campeole émanent de clients qui ont regretté de
trouver un camping entouré de constructions alors qu'ils pensaient trouver le " fameux maquis corse ". Or, l'évolution de l'environnement du camping ne constitue pas un trouble anormal de voisinage, les deux sociétés étant en droit de réaliser des ensembles immobiliers sur leurs fonds.
La SARL Campeole a donc subi un préjudice financier qui sera fixé à la somme de 77 178, 50 euros, le surplus de sa demande étant rejeté.
Comme l'a justement indiqué le tribunal, aucun lien contractuel n'existe entre les deux sociétés à l'origine des troubles de voisinage. De plus, la société Les Terrasses de Lozari a interrompu son activité pendant le mois d'août 2006 mais elle a généré des nuisances sonores majorées durant les autres mois en raison de son groups électrogène. Il y a donc lieu de considérer, comme l'a fait le premier juge, que les deux sociétés ont contribué de manière équivalente aux nuisances subies par la SARL Campeole de sorte que chacune sera condamnée à lui payer la somme de 38 589, 25 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera ainsi réformé uniquement quant au montant du préjudice subi par la SARL Campeole.
2o) sur les recours en garantie :
En cause d'appel, la SARL Les Terrasses de Lozari ne demande pas à être relevée et garantie par la SRL Soba Costruzoni, responsable de l'organisation du chantier, et la SARL Archimage 2B, architecte.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Les Terrasses de Lozari de son appel en garantie à l'encontre de la SRL Soba Costruzoni et de la SARL Archimage 2B.
La SCI Les Hameaux de Capra Scorsa maintient son appel en garantie à l'encontre de Madame X... et de la société TP BAT ainsi que de leur assureur respectif. Le Tribunal a justement indiqué que Madame X... et la société TP BAT n'avaient commis aucune faute puisqu'elles ont respecté le planning qui prévoyait que les travaux de gros oeuvre s'achèvent le 17 juillet 2006.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa de Lozari de son appel en garantie à l'encontre de Madame X... et de la société TP BAT et en ce qu'il a dit sans objet les demandes dirigées à l'encontre de la Mutuelle des Architectes Français et de la compagnie AXA France IARD.
3o) sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et la SARL Les Terrasses de Lozari à payer chacune à la SARL Campeole la somme de 1. 000, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SARL Campeole les frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens. La SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et la SARL Les Terrasses de Lozari seront condamnées chacune à payer à la SARL Campeole la somme de 1 500, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Les Terrasses de Lozari à payer à la SRL Soba Costruzoni et de la SARL Archimage 2B la somme de 1 000, 00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa à payer à Madame Isabelle X..., d'une part, et à la compagnie AXA France IARD, d'autre part, la somme de 1 000, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Madame Isabelle X... et de la compagnie AXA France IARD les frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens. La SCI Les Hameaux de Capra Scorsa est condamnée à payer à Madame Isabelle X..., d'une part, et à la compagnie AXA France IARD, d'autre part, la somme de 1 500, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et la SARL Les Terrasses de Lozari de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Ces deux sociétés succombant en appel, elles sont déboutées de leur demande au titre des frais irrépétibles.
Le jugement déféré mérite encore confirmation en ce qu'il a fait masse des dépens et en ce qu'il condamné la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et la SARL Les Terrasses de Lozari à en supporter chacune la moitié. Ces deux sociétés succombant en appel, elles supporteront par moitié la charge des dépens dont il est fait masse.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a fixé le préjudice subi par la SARL Campeole à la somme de quatre vingt dix mille euros (90 000, 00 euros) de dommages et intérêts ;
Le CONFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les dispositions infirmées,
FIXE le préjudice financier subi par la SARL Campeole à la somme de soixante dix sept mille cent soixante dix huit euros et cinquante centimes (77 178, 50 euros) ;
CONDAMNE la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa à payer à la SARL Campeole la somme de trente huit mille cinq cent quatre vingt neuf euros et vingt cinq centimes (38 589, 25 euros) à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SARL Les Terrasses de Lozari à payer à la SARL Campeole la somme de trente huit mille cinq cent quatre vingt neuf euros et vingt cinq centimes (38 589, 25 euros) à titre de dommages et intérêts ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et la SARL Les Terrasses de Lozari à payer chacune à la SARL Campeole la somme de mille cinq cents euros (1 500, 00 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa à payer à Madame Isabelle X..., d'une part, et à la compagnie AXA France IARD, d'autre part, la somme de mille cinq cents euros (1 500, 00 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et la SARL Les Terrasses de Lozari de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
FAIT masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par la SCI Les Hameaux de Capra Scorsa et la SARL Les Terrasses de Lozari.
LE GREFFIER LE PRESIDENT