Ch. civile A
ARRET No
du 29 MAI 2013
R. G : 11/ 00835 C-JG
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 13 Octobre 2011, enregistrée sous le no 10/ 01113
X... Z...
C/
A... C...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT NEUF MAI DEUX MILLE TREIZE
APPELANTS :
M. Paul François X... né le 01 Février 1939 à AJACCIO (20129) ...20129 BASTELICACCIA
assisté de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocats au barreau d'AJACCIO, la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA
Mme Jocelyne Denise Z... épouse X... née le 18 Décembre 1946 à ALENCON (61000) ...20129 BASTELICACCIA
assistée de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocats au barreau d'AJACCIO, la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA
INTIMES :
M. Serge A... ...20129 BASTELICACCIA
ayant pour avocat la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Jean-François SALASCA, avocat au barreau d'AJACCIO
Mme Annette C... épouse A... ...20129 BASTELICACCIA
ayant pour avocat la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Jean-François SALASCA, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 mars 2013, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près M. le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 29 mai 2013.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les consorts X...-Z... et les consorts A...- C... ont acquis par acte du 8 novembre 1989 en indivision deux parcelles de terre sises sur le territoire de la commune de Bastelicaccia ..., cadastrées D 1674 et D 2403.
Ils ont formé le même jour par acte de division deux lots, le lot no 1 composé d'une partie des parcelles attribué aux consorts X...-Z... et le lot no 2 constitué par l'autre partie aux époux A... avec un accès aux deux lots par l'entrée du lot no 1 (côté parcelle 2403).
Par acte rectificatif, il a été précisé que l'accès s'effectuerait d'accord commun par l'entrée du lot no 2.
Les époux X... qui font grief aux époux A... de faire obstacle à cet accès en déposant un tas de bois le long de leur bâtisse et en y faisant stationner leur véhicule, leur occasionnant ainsi un trouble possessoire, ont introduit à l'encontre de ces derniers par acte du 20 octobre 2010 devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio une action tendant à les maintenir en possession du passage d'une largeur de 4 mètres situé au droit des deux piliers de l'entrée du fonds des époux A... constituant le lot no 2 visé dans l'acte de partage du 8 novembre 1989 et se poursuivant sur la même largeur de 4 mètres le long des bâtisses construites sur ce lot no 2 jusqu'à sa limite séparative avec le lot no 1 et pour y parvenir condamner in solidum les époux A... à libérer ce passage et ce sous astreinte.
Ils ont sollicité en outre réparation du préjudice subi.
Par jugement du 13 octobre 2011, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
- débouté M. Paul François X... et son épouse née Jocelyne Denise Z... de leurs demandes en tant qu'injustifiées ou mal fondées,
- condamné M. Paul François X... et son épouse née Jocelyne Denise Z... à payer à M. Serge A... et son épouse née Annette C... la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. Paul François X... et son épouse née Jocelyne Denise Z... à payer à M. Serge A... et son épouse née Annette C... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. Serge A... et son épouse née Annette C... de leurs demandes reconventionnelles et de donner acte portant sur le fond du droit,
- condamné M. Paul François X... et son épouse née Jocelyne Denise Z... aux dépens.
Les époux X... ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 octobre 2011.
En leurs dernières écritures déposées le 7 novembre 2012 auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, M. et Mme X... soutiennent qu'une servitude de passage qui est une servitude discontinue ne peut donner lieu à action possessoire que si elle est fondée sur un titre de nature conventionnelle ou qu'elle provient de l'état d'enclave qui est un titre légal, expressément prévu par l'article 682 du code civil, en rappelant que la ligne divisoire des deux fonds a été fixée par l'arrêt de la cour du 12 septembre 2007 et matérialisée sur le plan de bornage établi par Mr H..., géomètre expert.
Ils soulignent que si dans le cadre des dispositions de l'article 1265 du code de procédure civile, la cour ne peut se prononcer sur la portée du rectificatif à cet acte de partage, elle devra toutefois relever que dans les deux cas le lot no 1 des époux X... est enclavé et bénéficie d'une servitude de passage sur le lot no 2 et que les conditions prévues par l'article 1264 du code de procédure civile pour la mise en oeuvre d'une action possessoire sont remplies.
Ils précisent qu'ils subissent quotidiennement un trouble possessoire du fait du véhicule en stationnement des époux A... et d'un tas de bois imposant placé le long de leur maison sur un passage dont ils ont la jouissance depuis plus d'une année et qu'ils ont diligenté leur action dans l'année de ce trouble.
Ils ajoutent que les intimés persistent en leurs agissements illicites puisqu'il a été constaté par Me Rudi le 9 novembre 2011 qu'une tranchée avait été creusée sur toute la largeur du passage emprunté en voiture par les époux X..., ce qui eu égard à sa profondeur constitue un obstacle difficile à franchir pour les véhicules légers sans endommager le bas de caisse, ce qui démontre la mauvaise foi et l'intention de nuire des époux A....
Ils demandent en conséquence à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Ajaccio le 13 octobre 2011 en ce qu'il a :
. débouté les époux X... de leurs demandes,
. condamné les époux X... à payer aux époux A... la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
. condamné les époux X... à payer aux époux A... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné les époux A... aux dépens,
Et statuant à nouveau,
- faire application des dispositions des articles 2278, 682 et 685 du code civil, 1264 et 1265 du code de procédure civile,
- maintenir les époux X... en possession du passage d'une largeur de 4 mètres situé au droit des deux piliers de l'entrée du fonds des époux A... constituant le lot no 2 visé dans l'acte de partage du 8 novembre 1989 et se poursuivant sur la même largeur de 4 mètres le long des bâtisses construites sur ce lot no 2 jusqu'à sa limite séparative avec le lot no 1,
Et, pour y parvenir,
- condamner in solidum les époux A... à libérer ce passage dans les 24 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de regard ou par infraction constatée par témoin,
- condamner in solidum les époux A... à payer aux époux X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par les requérants,
- les condamner aux dépens dont distraction au profit de la SCP Ribaut-Battaglini, avocats faisant offre de droit.
En leurs dernières conclusions déposées le 26 novembre 2012 auxquelles il y a lieu de se reporter pour un exposé plus complet de leurs moyens et prétentions, M. et Mme A... font valoir que l'acte de partage du 8 novembre 1989 régulièrement signé s'impose aux parties et ils contestent la servitude de passage fixée par le document apocryphe, non daté et non signé portant le sceau de Me I...créant une servitude de passage profitant au lot no 1 sur le lot no 2 sans l'accord de ses propriétaires, alors que contrairement à leur affirmation, lors de l'établissement de l'acte de partage du 8 novembre 1989, le lot no 1 jouxtant sur son côté Est la parcelle D 1675 disposait d'un accès d'une largeur de 3 mètres 50 s'élargissant à 7 mètres d'ouverture sur la route et n'était pas enclavé.
Ils soulignent que les époux X... ont délibérément choisi d'édifier un mur de séparation avec le propriétaire du fonds supérieur sur cette bande de terrain, limitant sciemment leur accès à la route, cette situation ne pouvant avoir pour conséquence de constituer une charge à l'égard du fonds attenant.
Ils contestant en conséquence l'état d'enclave du fonds des appelants et la validité du rectificatif de l'acte du 8 novembre 1989, qui contredit formellement le titre liant les parties et précisent avoir introduit une procédure judiciaire à l'encontre de Me I....
Ils font observer que le plan de bornage de M. H...dont les appelants se prévalent fait apparaître clairement que c'est le propriétaire de la parcelle limitrophe cadastré D 1675 qui a édifié un mur qui empiète largement sur l'accès de leur parcelle et limite d'autant leur faculté d'accès, ce qui ne peut leur être imputable ; que la cause de l'enclave alléguée résulte de la seule volonté des appelants et qu'aucune demande au sens de l'article 682 du code civil n'a jamais été formulée.
Ils contestent les entraves mises au passage de la voiture des époux X..., lesquels disposent pourtant en tant que propriétaires d'une bande de terrain jouxtant le mur des voisins large de 3 mètres, allant en s'amenuisant vers la route, puisque la bande de terre comprise entre leur maison et le mur du voisin présente une largeur minimale de 5 mètres s'élargissant à 6 mètres au droit des garages, le tas de bois présentant une épaisseur d'un mètre et le stationnement des voitures des époux A... n'ayant jamais fait obstacle au passage des véhicules se rendant ou sortant de la propriété des appelants.
Ils font observer que la récrimination infondée traduit la volonté de ces derniers de passer à l'endroit qui leur convient sur le domaine d'autrui, puisque si un droit de passage avait été concédé, il ne l'aurait été par la création d'un couloir passant sous leurs fenêtres et donnant directement sur le débouché de la porte d'entrée en dépit de toutes règles de sécurité.
Ils ajoutent qu'alors qu'ils les accusent d'avoir creusé une tranchée sur toute la largeur du passage, les époux X... ont construit un remblai bétonné empêchant les eaux de pluie de ruisseler.
Ils font valoir enfin qu'il y a lieu en outre de s'interroger sur la recevabilité de l'action intentée à leur encontre alors qu'ils ne sont qu'usufruitiers du bien en l'absence même de leurs enfants nu propriétaires.
Ils demandent en conséquence à la cour de dire mal fondés en leurs prétentions les consorts X...-Z... et en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner les appelants à leur payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 12 décembre 2012.
SUR CE :
Attendu qu'aux termes de l'article 2278 du code civil, la possession est protégée sans avoir égard au fond du droit contre le trouble qui l'affecte ou le menace ;
Que l'article 2279 ajoute que les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui l'affectent ou le menacent ;
Que si l'article 1265 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que la possession ou le fond du droit ne sont jamais cumulés, son deuxième alinéa précise que le juge peut toutefois examiner les titres à l'effet de vérifier si les conditions de la protection possessoire sont réunies ;
Attendu qu'une telle action destinée à protéger la possession peut parfaitement être dirigée contre des usufruitiers qui s'ils ont cédé la nue propriété de leurs biens continuent d'en jouir et de l'occuper ;
Attendu qu'en l'espèce, les époux X... invoquent l'état d'enclave de leur propriété pour demander à être maintenus en possession d'un passage d'une largeur de 4 mètres située au droit des deux piliers de l'entrée du fonds des époux A..., se poursuivant sur la même largeur de 4 mètres le long de la bâtisse de ces derniers jusqu'à la limite séparative des deux lots ;
Attendu que des éléments du dossier, il ressort que lors de la division en deux lots des parcelles acquises par les parties par l'acte notarié du 8 novembre 1989, le lot no 1 qui est échu aux époux X... comprenait le long de la parcelle D 2403 des époux A... (lot no 2), entre celle-ci et le fonds cadastré D 1675 une bande de terre lui donnant un accès direct à la voie publique, parfaitement visible tant sur le plan joint à l'acte notarié que sur celui-établi par M. H..., géomètre expert ;
Qu'il résulte de ce dernier plan que l'accès direct à la route a été obstruée tant par la construction d'un muret protégeant selon les indications données par les époux X... dans la pièce qu'ils communiquent suivant le no 17 les compteurs d'eau et d'EDF que par le mur de séparation d'avec la parcelle D 1675 construit sur leur fonds, bien au deçà de la limite séparative des deux parcelles contiguës qui les prive, sans qu'aucune explication ne soit donnée à cette situation, de la voie d'accès au fond de leur propriété où se trouve leur maison et ce indépendamment de la difficulté que peuvent susciter les dispositions contradictoires résultant des actes établis par le notaire rédacteur, lesquels ne concernant que l'entrée dans la propriété sans constituer de servitude de passage de 4 mètres de large pour pallier un état d'enclave qui n'existait pas à la date de la division des lots ;
Attendu qu'il sera observé que les appelants qui sont confrontés au rétrécissement de la bande de terre leur servant de voie d'accès, n'établissent nullement être dans l'impossibilité de rejoindre avec leur véhicule leur maison d'habitation en passant par le fonds des intimés ;
Qu'il ne saurait dès lors être fait grief à ces derniers de positionner sur leur propriété leur tas de bois le long de leur bâtisse, d'y avoir fait creuser une tranchée dont il n'est pas établi qu'elle n'ait pu être que temporaire ou de laisser leur voiture en stationnement devant leur domicile dans la mesure où celui-ci n'entrave pas le passage du véhicule des appelants, alors que l'acte du 8 novembre 1989 n'a jamais prévu sur la parcelle D 2403 la création d'une servitude de passage de 4 mètres au bénéfice du lot des consorts X... ;
Que le jugement déféré qui a débouté ces derniers de leurs demandes, sera ainsi confirmé ;
Qu'eu égard à l'absence de troubles occasionnés par les époux A..., la décision entreprise sera encore confirmée en ce qu'elle a condamné les époux X... à leur payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que les époux A... ont été contraints d'exposer en cause d'appel des frais irrépétibles dont il est équitable de leur accorder compensation à hauteur de la somme de 2 500 euros qu'ils réclament ;
Attendu que les époux X... qui succombent, supporteront la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. et Mme X... à payer à M. et Mme A... la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT