Ch. civile A
ARRET No
du 22 JANVIER 2014
R. G : 12/ 00316 C-MAB
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Juge aux affaires familiales de TGI BASTIA, décision attaquée en date du 09 Mars 2012, enregistrée sous le no 10/ 02153
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT :
M. Jean Toussaint X... né le 07 Octobre 1950 à MARSEILLE (13) ...20600 BASTIA
assisté de Me Jocelyne COSTA, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
Mme Pierrette-Martine Y... épouse X... née le 01 Novembre 1952 à BASTIA (20200) C/ O M. René Z...-......34470 PEROLS
ayant pour avocat Me Lyria OTTAVIANI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 1387 du 31/ 05/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 18 novembre 2013, devant Mme Julie GAY, Président de chambre, et Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2014.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme Pierrette Martine Y... et M. Jean Toussaint X...se sont mariés le 18 avril 1974 à Marseille 2éme arrondissement (Bouches du Rhône) sans contrat de mariage préalable. Aucun enfant n'est né de leur union.
Le 3 décembre 2010, M. Jean Toussaint X...a déposé une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia lequel a rendu une ordonnance de non conciliation le 25 janvier 2011.
Par acte du 25 mai 2011, M. Jean Toussaint X...a fait assigner son épouse en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.
Par jugement rendu le 9 mars 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia a :
- prononcé le divorce des époux X...-Y...aux torts partagés,
- ordonné la mention du dispositif du jugement en marge de l'acte de mariage dressé le 18 avril 1974 à MARSEILLE 2éme arrondissement (Bouches du Rhône) et des actes de naissance de chaque époux,
- dit que cette publication sera effectuée, à l'expiration des délais légaux, à la diligence des parties conformément aux textes en vigueur,
- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
- dit que le jugement emportera révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des conjoints et des dispositions à cause de mort que l'un ou l'autre des époux aurait pu accorder à son conjoint en application de l'article 265 du code civil,
- dit que Mme Y... épouse X... n'usera plus du nom de son époux après le prononcé du divorce,
- dit que le jugement prendra effet, dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens à la date du 15 septembre 2010,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejeté toutes autres demandes fins ou conclusions des parties,
- fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune des parties et pourront être recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
Le juge aux affaires familiales s'est fondé sur l'attestation de la s ¿ ur de Mme Y... pour retenir l'intempérance de M. X... et ses propos humiliants et prononcer le divorce aux torts partagés, l'épouse ayant quitté le domicile conjugal. Au vu du constat dressé par Maître A..., Huissier de justice à qui M. Jean Toussaint X...avait déclaré que Mme Y... avait quitté le domicile conjugal le 15 septembre 2010, le juge aux affaires familiales a retenu cette date pour les effets du divorce. Le juge a débouté M. Jean Toussaint X...de sa demande de dommages et intérêts au motif qu'il ne démontrait pas de préjudice distinct de celui résultant de la seule rupture du lien conjugal d'autant qu'âgé de 61 ans, il présentait un syndrome dépressif antérieur à la séparation.
M. Jean Toussaint X...a relevé appel de ce jugement par déclaration déposée au greffe le 11 avril 2012.
En ses dernières conclusions déposées par voie électronique auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. Jean Toussaint X...demande à la cour de :
- infirmer en tous points le jugement du 9 mars 2012,
- prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme Pierrette Y... sur le fondement de l'article 242 du code civil,
- fixer la date des effets du divorce au 1er novembre 2010,
- ordonner la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux,
- prononcer la révocation des donations et autres avantages matrimoniaux,
- constater que l'attitude de Mme Y... lui a causé un préjudice et la condamner à lui payer la somme de 3. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil
-ordonner la mention du dispositif du jugement à intervenir en marge de l'acte de mariage et des actes de naissance de chacun des époux,
- condamner Mme Y... à lui verser la somme de 1. 200, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme Y... aux dépens.
Il fait observer que Mme Pierrette Y... ne conteste pas avoir quitté le domicile conjugal pour aller vivre avec un ami de la famille. Il critique la décision du premier juge qui a retenu les torts partagés alors que Mme Y... ne prouve pas les griefs qu'elle lui reproche. Il précise avoir cessé toute consommation d'alcool depuis 1989 et rappelle que l'intempérance n'est pas fautive en soi. Il conteste avoir adopté un comportement humiliant et vexatoire à l'égard de son épouse. Il reproche à Mme Y... de ne pas lui avoir porté secours et assistance alors qu'il était atteint d'un cancer en le quittant pour aller vivre avec un autre homme.
Il propose que leur communauté soit liquidée comme suit :
- partage amiable des meubles meublant,
- reprise à son nom du véhicule 107 Peugeot immatriculé ... ,
- reprise à son nom de tous les comptes, placements, parts sociales dont il démontre le caractère de propres.
Il demande que la date des effets du divorce soit fixée au 1er novembre 2010 aux motifs que Mme Y... est temporairement revenue au domicile conjugal lorsqu'il a fait une tentative de suicide ; qu'ils ont établi une déclaration de revenus communs pour 2010 et qu'ils ont continué à avoir un compte joint même après l'ordonnance de non conciliation.
Il justifie sa demande de dommages et intérêts par l'attitude de Mme Y... qui l'a bafoué « erga omnes » et humilié. Il explique que la souffrance morale qu'elle lui a occasionnée l'a poussé au suicide et lui a causé des troubles cardiaques. Il ajoute qu'ils étaient mariés depuis 36 ans et que Mme Y... était sa seule famille. Il indique que depuis le départ de sa femme, son état de santé s'est aggravé et qu'il refuse toute vie sociale. Ces conséquences physiques et psychiques d'une exceptionnelle gravité justifient selon lui une indemnisation.
En ses dernières conclusions déposées par voie électronique auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme Pierrette Martine Y... demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter M. Jean Toussaint X...de sa demande tendant au prononcé du divorce à ses torts exclusifs,
- prononcer le divorce aux torts partagés,
- ordonner la transcription du divorce en marge de leur acte de mariage et leurs actes de naissance respectifs,
- ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
- débouter M. Jean Toussaint X...de sa demande de dommages et intérêts,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle expose que la relation conjugale s'est lentement dégradée à partir du mois de mars 1983, époque où M. Jean Toussaint X..., victime d'un accident de la circulation, a cessé son activité professionnelle et est devenu dépendant à l'alcool. Elle s'accorde à dire que M. Jean Toussaint X...a cessé sa consommation d'alcool en 1989 après six années d'intempérance. Elle explique que malgré sa sobriété, les disputes avec son mari se sont envenimées comme l'a déclaré sa s ¿ ur dans son témoignage écrit. Elle indique que son mari a eu un comportement humiliant et vexatoire à son égard en lui reprochant sans cesse de vivre à ses crochets et en l'invitant à partir du domicile conjugal. Elle admet être partie en septembre 2010 pour vivre avec son ami d'enfance parce qu'elle ne supportait plus l'humiliation permanente dont elle faisait l'objet. Sur la date des effets du divorce, elle maintient que leur collaboration a cessé au jour fixé par le premier juge, ni le maintien du compte joint jusqu'à la date de l'ordonnance de non conciliation, ni l'établissement en commun d'une déclaration de revenus, ni son changement d'adresse fait postérieurement à l'ordonnance de non conciliation ne permettant de différer cette date au 1er novembre. Selon elle, M. Jean Toussaint X...souhaite différer cette date au 1er novembre pour inclure dans l'actif de communauté les indemnités consécutives à son licenciement.
Elle indique ne pas être opposée à l'attribution à M. Jean Toussaint X...du véhicule automobile mais à condition de faire valoir le droit de créance de la communauté à concurrence de la somme qu'elle a déboursée pour son financement. Elle fait observer qu'elle a toujours exercé une activité professionnelle et propose le partage des actifs mobiliers par moitié.
Elle rappelle que la demande de dommages et intérêts formée par M. Jean Toussaint X...sur le fondement de l'article 266 du code civil n'est recevable que dans l'hypothèse où le divorce serait prononcé à
ses torts exclusifs. Elle considère que la demande faite sur le fondement de l'article 1382 du code civil ne peut prospérer en l'absence de preuve d'un lien direct et certain entre la faute alléguée et le dommage invoqué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2013 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 18 novembre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a retenu à juste titre qu'aucune des parties ne démontrait que la rupture soit imputable au seul comportement de l'autre et a prononcé le divorce aux torts partagés. En effet, l'attestation rédigée par la s ¿ ur de Mme Pierrette Y... présente les garanties prévues à l'article 202 du code de procédure civile et relate avec suffisamment de précision le comportement humiliant et vexatoire de M. Jean Toussaint X...à l'égard de son épouse qu'il accusait de vivre à ses crochets et qu'il invitait à partir du domicile conjugal. Quant à Mme Y..., elle reconnaît avoir quitté le domicile conjugal pour vivre avec son ami d'enfance.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce des époux X...-Y...aux torts partagés.
Les dispositions relatives au nom de l'épouse et à la révocation des avantages matrimoniaux n'étant pas contestées, elles seront confirmées.
M. Jean Toussaint X...a lui-même fait constater par un huissier que Mme Pierrette Y... avait quitté le domicile en situant ce départ au 15 septembre 2010. De plus, les éléments sur lesquels se fonde M. Jean Toussaint X...pour différer la date des effets du divorce ne sont pas suffisants pour caractériser la collaboration des époux jusqu'au 1er novembre. Ainsi, la déclaration commune par le couple de leurs revenus pour l'année 2010 n'est qu'une disposition pratique en vue de régler leur situation vis à vis de l'administration fiscale mais elle ne témoigne nullement de leur volonté de continuer à collaborer. Quant au changement d'adresse de Mme Y... considéré comme tardif par l'appelant, il ne traduit pas sa volonté de continuer à collaborer avec M. Jean Toussaint X.... La résiliation du compte joint réalisée postérieurement à l'ordonnance de non conciliation ne caractérise pas plus la poursuite de la collaboration au delà de la séparation effective du couple, seules les opérations courantes y étant passées.
Le premier juge a donc à juste titre fixé au 15 septembre 2010, date de leur séparation, la date des effets du divorce des époux X...-Y...en ce qui concerne leurs biens.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
A défaut de règlement conventionnel par les époux lesquels ne sont pas parvenus à un accord, il convient d'ordonner la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Le divorce étant prononcé aux torts partagés, l'action en dommages et intérêts intentée par M. Jean Toussaint X...sur le fondement de l'article 266 du code civil ne peut prospérer.
Devant la cour, M. Jean Toussaint X...produit outre les pièces déjà versées devant le juge aux affaires familiales, un certificat du Docteur Philippe D...(cardiologue) du 31 juillet 2012 aux termes duquel il indique que son patient « a bénéficié en deux temps (4 mai 2011-6 juillet 2011) de 5 angioplasties + stenting sur les artères coronaires et qu'il est imaginable que cette pathologie soit en partie la conséquence du stress et des modifications récentes de son état psychiatrique (problèmes privés) ». Il produit également un certificat du Docteur Jean-François E...(médecin généraliste) du 13 décembre 2012 lequel atteste que l'état de santé de M. X... « s'est aggravé avec une décompensation dépressive majeure dans les suites d'une séparation conflictuelle qui nécessite un suivi spécial régulier ». Or, ces attestations confirment l'appréciation du premier juge qui a relevé que M. Jean Toussaint X...présentait un syndrome dépressif antérieur à la séparation et qu'il ne démontrait pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de la seule rupture du lien conjugal de nature à justifier l'allocation de dommages et intérêts à son profit en application de l'article 1382 du code civil d'autant qu'aucune faute ne peut être imputée à Mme Y....
Le jugement sera également confirmé sur ce point.
Aucune circonstance ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de M. Jean Toussaint X...formée sur ce fondement est rejetée et les dispositions du jugement rejetant la même prétention sont confirmées.
Succombant en son appel, M. Jean Toussaint X...est tenu aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle et le jugement est confirmé en ce qu'il a partagé par moitié les dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 9 mars 2012 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Jean Toussaint X...aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle,
LE GREFFIER LE PRESIDENT