COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE QUATORZE
Ch. civile A
ARRET No
du 29 JANVIER 2014
R. G : 13/00370 R-LPA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Juge aux affaires familiales de Bastia, décision attaquée en date du 14 Mars 2013, enregistrée sous le no 12/ 02101
X...
C/
Y...
APPELANT :
M. Ralf, Jean-Pierre X... né le 06 Avril 1973 à Valence... 91150 ETAMPES
ayant pour avocat Me Anne christine BARRATIER, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 1359 du 02/ 05/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
Mme Lorraine, Chantal Y... née le 30 Juin 1979 à AIX-EN-PROVENCE... 20620 BIGUGLIA
ayant pour avocat Me Nathalie SABIANI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/ 1618 du 06/ 06/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 25 novembre 2013, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Laetitia PASCAL, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 29 janvier 2014
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Du mariage de M. Ralf X... et de Mme Lorraine Y..., sont issus Z... née le 27 mars 1999, A... le 25 avril 2000, B... le 18 mars 2003, C... le 6 mars 2004, E... le 28 janvier 2007 et F... le 25 février 2008.
Le 23 juin 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix en Provence a prononcé le divorce des époux, dit que l'exercice de l'autorité parentale était conjoint, a fixé la résidence des enfants au domicile de la mère, accordé un droit de visite et d'hébergement au père pendant la moitié des vacances scolaires et fixé la contribution à l'éducation et à l'entretien du père à la somme de 130 euros par mois et par enfant soit la somme mensuelle de 780 euros avec indexation annuelle.
Le 23 novembre 2012, M. X... a assigné Mme Y... devant le juge aux affaires familiales statuant en la forme des référés afin de voir fixer à 550 euros la contribution à l'éducation et à l'entretien due pour les six enfants, qu'il soit jugé que les frais de transport pour l'exercice de ces droits seront partagés par moitié et se voir autorisé à recevoir ses enfants en alternance pendant les vacances scolaires. Il a par la suite précisé que l'assignation était affectée d'une erreur matérielle puisqu'il proposait de payer la somme de 150 euros par mois pour les six enfants au titre de la contribution à l'éducation et à l'entretien et non la somme de 550 euros.
Par ordonnance en date du 14 mars 2013, le juge aux affaires familiales, statuant vu l'urgence en la forme des référés, a principalement :
- rappelé que l'exercice de l'autorité parentale était conjoint,
- rappelé que la résidence des enfants était fixé au domicile maternel,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'interdiction de sortie des enfants du territoire français sans l'autorisation des deux parents,
- autorisé Mme Y... à inscrire les enfants ou certains d'entre eux, à un camps d'été organisé par l'association Scouts Raiders Europe-Jeunesse,
- avant dire droit sur le droit de visite et d'hébergement du père, ordonné deux enquêtes sociales au domicile de chacun des parents et commis pour y procéder Mme D...,
à titre provisoire dans l'attente du dépôt du rapport,
- suspendu le droit de visite et d'hébergement du père à l'égard d'Z... et de A...,
- fixé au profit du père à l'égard des quatre plus jeunes enfants un droit de visite et d'hébergement pendant la moitié de toutes les vacances scolaires, par période de deux semaines consécutives l'été, pendant la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires, à exercer au domicile de la grand-mère paternelle en Corse du Sud, à charge pour le père d'aller chercher ou faire chercher et de raccompagner puis de faire raccompagner les enfants au domicile de la mère,
- rejeté les demandes tendant à voir réviser et diminuer le montant de la contribution à l'éducation et à l'entretien des enfants,
- réservé la demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,
- renvoyé l'affaire au 4 juillet 2013 pour nouvel examen.
Par déclaration en date du 6 mai 2013, M. X... a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises le 24 septembre 2013, M. X... sollicite de la cour d'appel l'infirmation de l'ordonnance de référé en ce qu'elle a maintenu sa contribution alimentaire à la somme mensuelle de 130 euros par enfant, la voir fixer à la somme de 150 euros par mois pour l'ensemble des 6 enfants et qu'il soit jugé que les frais de transport des enfants pour l'exercice des droits de visite et d'hébergement du père seront partagés par moitié entre Mme Y... et lui-même.
A l'appui de ses demandes il souligne qu'il est sans domicile fixe, qu'il ne dispose pas de revenus lui permettant de faire face à un loyer, qu'il vit dans un hôtel pour travailleurs en difficulté dont il paie les frais grâce à une allocation logement et qu'il perçoit le RSA à hauteur de 410 euros par mois.
Il affirme que la lecture des pièces produites permet de constater qu'au 31 décembre 2011, le total du bilan de la société Carre Sécurité Groupe s'élevait à 65 947 euros contre 158 095 euros pour l'exercice précédent, qu'en début d'année 2012 la société avait perdu son principal client le groupe Oceanis Développement et avec lui l'essentiel de son chiffre d'affaires, que les difficultés économiques alléguées étaient bien réelles et justifiaient donc la liquidation de la société en juin 2012. Il indique produire aux débats les comptes qui permettent de vérifier l'affectation des actifs de la société liquidée.
Il souligne qu'il est inscrit au Pôle Emploi, qu'il est en recherche d'emploi mais qu'il n'a pu trouver que des missions ponctuelles sur quelques jours, sachant qu'une des sociétés qui l'a embauché a mis un terme à leur relation de travail suite à la plainte de Mme Y... pour non paiement de pension alimentaire et à la mise en place d'une procédure de paiement direct.
Il rappelle que sa situation financière à la fin de l'année 2013 ne peut être appréciée au regard des bilans de sociétés datant des années 2010 et 2011, alors que ces sociétés ont toutes deux été liquidées. Il conteste les arguments de Mme Y... selon lesquels il liquiderait et orienterait tous ses actifs pour partir vivre à l'étranger ou recréer une société et soutient qu'elle ne rapporte aucune preuve de telles affirmations.
Enfin, il rappelle que la cour d'appel n'est pas saisi des modalités d'exercice de l'autorité parentale, conteste cependant manipuler les enfants et affirme que c'est leur mère qui les conduit à reprendre son argumentation et ses griefs devant les assistantes sociales et les juridictions, comme en atteste notamment le témoignage de l'instituteur de B....
Dans ses dernières écritures transmises le 9 septembre 2013, Mme Y... demande à la cour d'appel qu'elle confirme l'ordonnance rendue par le juge aux affaires familiales le 14 mars 2013 sauf en ce qui concerne l'interdiction de sortie du territoire français, qu'elle déboute M. X... de l'intégralité de ses demandes, qu'il lui soit fait interdiction de quitter le territoire français avec leurs enfants et qu'il soit condamné au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que l'ordonnance de non conciliation, l'ordonnance du juge de la mise en état et le jugement de divorce démontrent que M. X... a employé tous les procédés pour tenter de se soustraire à ses obligations alimentaires envers ses enfants. Elle souligne qu'il est malvenu de lui reprocher son déménagement en Corse alors qu'elle y travaille, que M. X... a changé à de multiples reprises sa domiciliation, qu'il est impossible de savoir où il réside exactement, l'enquêtrice sociale ayant même dû le rencontrer dans un bar.
Elle soutient que le bilan de sa société pour l'année 2010 fait apparaître qu'il s'est distribué des dividendes pour 36 000 euros et qu'en 2011, si l'activité de sa société avait certes diminuée, elle restait encore bénéficiaire. Elle indique qu'il est légitime de se demander pourquoi M. X... dissout les sociétés qu'il crée et qu'il semble plutôt qu'il réoriente l'ensemble des actifs à l'étranger pour recréer une société dans laquelle il n'apparaîtrait pas comme gérant. Elle souligne également que le bulletin de salaire versé aux débats est antérieur à l'audience du 5 février 2013 et que son employeur a répondu dans des termes extrêmement flous à l'huissier pour expliquer qu'il était effectivement salarié mais ne disposait d'aucun salaire à reverser, sans pour autant que M. X... ne justifie d'un licenciement.
S'agissant de sa situation financière, Mme Y... indique disposer d'un salaire de 1 656 euros brut et de 1 231 euros d'allocations familiales ainsi qu'une allocation de 540 euros de remplacement de pension alimentaire. Elle souligne rembourser le crédit immobilier commun à hauteur de 1 434 euros alors que la maison n'est loué que 1 200 euros par mois et insiste sur le fait que malgré l'accord des parties pour que M. X... ne paie pas la somme de 9 000 euros qu'il lui devait au titre de la contribution à l'éducation et à l'entretien des enfants, ce dernier a tout de même déclaré cette somme à l'administration fiscale. Elle affirme disposer au total de 3 931 euros de revenus pour 3 350 euros de charges mensuelles sans compter les frais de nourriture et de vêture pour l'ensemble des enfants et être en difficulté pour faire exécuter les décisions de justice, M. X... étant sans domicile clairement établi et sans profession avérée.
Elle fait état de ce que M. X... n'a pris ses six enfants en même temps pour la dernière fois seulement quelques jours durant les vacances de Toussaint et ce, en 2009, que le reste du temps il a usé de son droit de visite et d'hébergement de manière totalement aléatoire et qu'aujourd'hui il n'entend plus exercer son droit de visite et d'hébergement sur les quatre aînés. A ce titre, elle s'oppose à sa demande de partager les frais de déplacement des enfants ce d'autant plus qu'il est impossible de savoir où il réside actuellement.
Enfin, elle fait état de ce que les enfants ont été amenés en Hongrie en 2012 dans une maison en travaux sans qu'elle ait été informée d'une adresse quelconque ni qu'elle ait pu les joindre par téléphone et sollicite donc que soit prononcée l'interdiction du territoire français sans son autorisation.
L'ordonnance de clôture a été prise le 23 octobre 2013 et a fixé l'audience de plaidoirie au 25 novembre 2013.
MOTIVATION
Attendu qu'en vertu de l'article 1073 du code civil, le juge aux affaires familiales exerce également les fonctions de juge des référés et qu'à ce titre il peut prendre en cas d'urgence, à titre provisoire, toutes les mesures que justifie l'existence d'un différend ;
Sur la contribution à l'éducation et à l'entretien
Attendu qu'en application de l'article 371-2 du code civil chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant, que cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ;
Attendu que pour déterminer le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation, les juges doivent prendre en considération les revenus et les charges de chacun des parents de l'enfant, sachant que les dépenses d'agrément par nature compressibles ne sont pas prises en compte dans les charges fixes incompressibles ;
Qu'en l'espèce, les revenus et charges de Mme Lorraine Y... telles que relevées par le juge de première instance ne sont pas contestées par M. X... qui sollicite la réduction du montant de sa contribution à l'éducation et à l'entretien de ses enfants en raison de la diminution de ses propres ressources ;
Que M. X... justifie à ce titre être bénéficiaire du RSA depuis le 28 novembre 2012 et produit deux bulletins de salaire pour les mois de janvier et mai 2013 faisant état de 8 heures de travail pour des salaires de 75, 88 euros et de 114, 27 euros ;
Que si celui-ci se prétend hébergé par des proches et ne pas avoir de domicile établi, il ressort néanmoins de l'attestation de la CAF du département de la Seine Saint Denis en date du 17 septembre 2013 que ce dernier perçoit une allocation logement à hauteur de 307, 82 euros sans qu'il ne précise le logement pour lequel cette allocation est attribuée ;
Que M. X... ne justifie pas plus, notamment par la production de ses relevés bancaires, de ses conditions de vie, s'agissant de ses dépenses courantes et de ses frais de déplacement en Corse ;
Que s'agissant de la liquidation de sa société, il convient de relever qu'il s'appuie principalement sur les comptes annuels non pas de la SAS Carre Sécurité Groupe mais de la SARL Carre Sécurité Privée, liquidée au 30 juin 2011 afin d'étayer sa demande de diminution de sa contribution à l'éducation et à l'entretien de ses enfants ;
Que si la SAS Carre Sécurité Groupe, dont il était le gérant de mars 2010 à juin 2012, présentait quant à elle, effectivement, une baisse du chiffre d'affaires au 31 décembre 2011, son résultat d'exploitation à cette date était néanmoins de 40 808 euros contre 49 794 euros au 31 décembre 2010 et son bénéfice de 34 159 euros contre 39 674 euros au 31 décembre 2010 ;
Que les comptes annuels produits font état de ce qu'une somme de 11 560 euros lui a été versée le 1er juin 2012 à titre de dividendes pour l'année 2011 et que 22 599 euros ont fait l'objet d'un report à nouveau ;
Que cette société a fait l'objet d'une dissolution amiable et d'une liquidation au 30 juin 2012 sans pour autant que ne soient versés aux débats les comptes du 1er janvier au 30 juin 2012 ni les comptes de clôture permettant de déterminer la situation de cette société au jour de sa dissolution et l'affectation des actifs ;
Que dès lors, en l'absence d'éléments justifiant la diminution du montant de la contribution à l'éducation et à l'entretien des enfants fixée par le jugement de divorce, c'est à bon droit que le juge aux affaires familiales a rejeté la demande de M. X... formulée à ce titre ;
Sur les frais de déplacement
Attendu qu'en l'absence de moyens distincts invoqués au soutien de cette demande, les même motifs seront retenus pour confirmer la décision du juge de première instance en ce qu'il a dit que les frais de déplacement des enfants seraient à la charge du père ;
Sur la demande d'interdiction de quitter le territoire français métropolitain
Attendu que l'article 373-2-6 du code civil prévoit que le juge aux affaires familiales peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents et peut notamment ordonner l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation des deux parents et que cette interdiction de sortie du territoire sans l'autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République ;
Que néanmoins c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge aux affaires familiales a rejeté cette demande ;
Que l'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée sur ce chef ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que les autres chefs de la décision de première instance ne sont pas contestés et que le l'ordonnance sera confirmée pour le surplus ;
Que les parties succombant chacune partiellement en leurs demandes, il conviendra de leur laisser la charge des dépens par elles exposés en cause d'appel ;
Qu'il n'y aura pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT