Ch. civile A
ARRET No
du 12 FEVRIER 2014
R. G : 06/ 01025 R-MB
Décision déférée à la Cour : Jugement Mixte, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 15 Mai 2006, enregistrée sous le no 97/ 144
CONSORTS X...
C/
CONSORTS A...X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTES ET INTIMEES :
Mme Marie Louise X...épouse Y...née le 09 Mai 1946 à Marignana (20141) ...20150 PORTO
assistée de Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA et de Me Anne Marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence,
Mme Michèle X...épouse Z......20150 PORTO
assistée de Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
Mme Chantal Armelle A... veuve X...née le 13 Janvier 1954 à Toulouse (31000) ...20090 AJACCIO
assistée de Me Philippe JOBIN de la SCP JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Patrice PAYAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Mme Elodie Marie X...épouse B...née le 13 Octobre 1980 à Ajaccio (20000) ...20150 OTA
ayant pour avocat Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, et Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO,
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/ 002589 du 02/ 10/ 2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
Melle Jessica Céline X...née le 24 Avril 1985 à Ajaccio (20000) ...20090 AJACCIO
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP JOBIN, avocat au barreau de BASTIA et Me Henry MORELLI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 décembre 2013, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 05 février 2014, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 12 février 2014.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Johanna SAUDAN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. Paul André X...s'est marié en premières noces avec Mme E...et deux enfants sont issues de cette union :
- Mme Marie-Louise X...épouse Y...,
- Mme Michèle X...épouse Z....
Par acte notarié en date du 22 avril 1993, M. Paul X...a fait donation par préciput et hors part, à Mlles Elodie X...et Jessica X..., filles du donateur, de la nue-propriété des lots no 21 (un appartement) dans la l'immeuble dénommé " Le Porto ", no 130 (un appartement) et no 14 (une cave) dans l'immeuble dénommé " Résidence Kennedy ", situés à Ajaccio, ..., lieudit " Saint-Jean et Sainte Lucie ".
Par testament olographe en date du 10 décembre 1993, M. Paul X...a légué à Mme Chantal A... et à ses deux filles, Elodie X...et Jessica X..., l'usufruit total de toutes propriétés situées à Marignana et à Porto.
Le 07 septembre 1994, M. Paul X...a épousé en secondes noces Mme Chantal A..., sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage préalable à leur union.
M. Paul X...est décédé le 10 juillet 1995 en laissant pour recueillir sa succession :
- Mme Chantal A..., son conjoint survivant, commune en biens, légataire en vertu du testament sus-visé,
- Mlles Elodie X...et Jessica X..., ses deux filles issues de son union avec Mme Chantal A..., nées avant leur mariage,
- Mmes Marie-Louise X...épouse Y...et Michèle X...épouse Z..., filles issues de sa première union.
Par acte d'huissier du 7 février 1997, Mmes Marie-Louise X...épouse Y...et Michèle X...épouse Z...ont assigné Mme Chantal A... veuve X..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses deux filles, à l'époque mineures, devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, aux fins d'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de M. Paul X....
Par ordonnance du 30 mai 1997, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise et a désigné, pour y procéder, Mme D..., expert qui a déposé son rapport le 20 septembre 2001.
Par acte en date des 22 février 2001 et 22 janvier 2004, Mmes Marie-Louise X...épouse Y...et Michèle X...épouse Z...ont fait assigner Mlle Elodie X...et Mlle Jessica X..., devenues majeures.
Par jugement en date du 15 mai 2006, le tribunal a :
- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Paul X...,
- dit que le testament du 10 décembre 1993 constitue un legs à titre universel à l'égard de Mlle Elodie X...et de Michèle X...épouse Z...au visa de l'article 1010 du code civil, et que ce testament donne droit en faveur de Mme Chantal A... veuve X...à la totalité des biens du défunt en usufruit, en application de l'article 1094-1 du code civil,
- dit que les droits en usufruit de Mme Chantal A... veuve X...devront s'exercer dans la limite de ceux attribués à Mlle Elodie X...et de Michèle X...épouse Z...et restant, le cas échéant, après réduction,
- commis le président de la chambre des notaires de la Corse du Sud ou son délégataire, pour la suite des opérations successorales,
- commis un juge commissaire du tribunal,
- et, avant-dire droit pour le surplus, désigné préalablement Maître F..., notaire, pour procéder aux évaluations en fonction des droits des héritiers.
Mme X...épouse Y...et Mme X...épouse Z...ont respectivement interjeté appel de cette décision, par déclarations reçues, pour la première le 26 octobre 2006, et la seconde, le 27 octobre 2006. Ces deux procédures ont été jointes.
Par arrêt mixte contradictoire du 07 avril 2010, la cour d'appel a :
- confirmé le jugement du 15 mai 2006 en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Paul X...,
y ajoutant,
- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage des biens de la communauté ayant existé entre Paul André X...et Mme A... veuve X...,
- confirmé le jugement concernant la désignation de Monsieur le Président de la Chambre des notaires de la Corse du Sud avec faculté de délégation à l'un de ses confrères pour y procéder ou à défaut dresser procès-verbal de difficultés,
- confirmé le jugement concernant la désignation d'un juge commissaire,
- invité le Président de la chambre des notaires au vu de la copie de la décision qui lui sera transmise par le greffe, à faire connaître au plus vite au tribunal, aux conseils des parties et à l'expert, le nom du notaire délégué,
- dit que Mmes Marie-Louise X...épouse Y...et Michèle X...épouse Z...devront verser directement entre les mains du notaire liquidateur une provision de 800 euros et cela dans le délai d'un mois suivant sa désignation, à charge pour le notaire d'informer immédiatement le juge commissaire de tout retard dans le versement,
- commis le magistrat du tribunal de grande instance d'Ajaccio chargé du contrôle des opérations de succession et partage ou son suppléant, avec mission de faire rapport en cas de difficultés,
- infirmé ledit jugement en ce qui concerne la portée du testament du 10 décembre 1993, et après rectification de l'erreur matérielle qui y a été constatée,
statuant à nouveau sur ce point,
- dit que les dispositions testamentaires de Paul André X...en date du 10 décembre 1993 ne peuvent être exécutées en application de l'article 1094-1 du code civil, mais sont soumises aux règles des articles 923 et suivants et 767 du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, en ce qui concerne les droits du conjoint survivant,
- dit, en conséquence, que les droits d'usufruit de Mme A... veuve X..., Mme Elodie X...épouse B...et Mlle Jessica X...porteront sur un tiers chacune, sur les biens situés à Marignana et Porto, avec application des règles de réduction au regard de la quotité disponible et de la réserve des héritiers qui en sont bénéficiaires,
- confirmé le jugement sus-visé, en ce qu'il a dit que Mme A... veuve X...était en possession de ses droits d'usufruit depuis l'ouverture de la succession, et que, de ce fait, elle n'avait pas à restituer les fruits à l'indivision successorale, en ce qu'il a débouté Mme A... veuve X...de sa demande d'attribution préférentielle, et en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande sur le fondement de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1989,
y ajoutant,
- déclaré irrecevable la demande de Marie-Louise X...épouse Y...relative à la résiliation des baux consentis par Mme A... veuve X...sur une partie de l'hôtel et sur la remise des lieux en l'état,
- débouté Mme Elodie X...épouse B...de sa demande de consignation de sommes, au titre de sa créance sur l'utilisation par Mme A... veuve X...des appartements situés à Ajaccio,
pour le surplus,
- avant-dire droit sur les demandes des parties, ordonné un complément d'expertise confié à Mme D..., expert, pour différentes missions précisées dans son dispositif,
- réservé les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état.
Mme A... veuve X...a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 26 octobre 2011, la Cour de Cassation, première chambre civile, a cassé l'arrêt du 07 avril 2010 sus-visé, seulement en ce qu'il a dit que les dispositions testamentaires de M. Paul X...du 10 décembre 1993 ne peuvent être exécutées en application de l'article 1094-1 du code civil, mais sont soumises aux règles des articles 923 et suivants et 767 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, en ce qui concerne les droits du conjoint survivant
La Cour de Cassation a dit, en conséquence, que les droits d'usufruit de Mme A... veuve X..., Mme Elodie X...épouse B...et Mme Jessica X...porteront sur un tiers chacune, sur les biens situés à Marignana et Porto, avec application des règles de réduction au regard de la quotité disponible et de la réserve des héritiers qui en sont bénéficiaires, et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.
Le 26 janvier 2012, Mmes Marie-Louise X...épouse Y...et Michèle X...épouse Z...ont saisi la cour de renvoi.
Par arrêt réputé contradictoire du 11 septembre 2012, rectifié par arrêt du 16 octobre 2012, la cour d'appel de Lyon a, statuant dans les limites de la cassation :
- confirmé le jugement entrepris,
- dit que le dispositif du jugement doit être rectifié en ce sens que dans les deuxième et quatrième paragraphes, le nom de Mme Jessica X...doit être substitué à celui de Mme Michèle X...épouse Z...,
- dit que l'instance doit se poursuivre devant la cour d'appel de Bastia afin qu'il soit statué au vu du rapport d'expertise, sur les opérations de liquidation et de partage,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à l'arrêt cassé, en frais privilégiés de liquidation et de partage.
Le 23 octobre 2012, l'expert, Mme D..., a déposé son rapport.
Par ses dernières conclusions reçues le 22 janvier 2013, Mme X...épouse Y...demande à la cour, de dire que le partage doit s'effectuer en tenant compte de la valeur actuelle des biens expertisés par Mme D..., d'exclure les fonds de commerce d'hôtel-restaurant et de station service, de dire n'y avoir lieu à entériner la proposition de partage de Mme D..., de condamner les intimées in solidum, à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice né de la disparition des deux fonds de commerce, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions reçues le 09 avril 2013, Mme X...veuve Z...demande à la cour de dire, que le partage doit s'effectuer en tenant compte de la valeur actuelle des biens expertisés par Mme D..., n'y avoir lieu à entériner la proposition de partage de Mme D...et de prononcer, en application des dispositions des articles 578 et 618 du code civil, la déchéance des usufruits de Mmes A..., Elodie et Jessica X....
Elle sollicite la condamnation des intimées in solidum, à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice né de la disparition des deux fonds de commerce, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions reçues le 28 mai 2013, Mme Elodie X...épouse B...demande à la cour de dire que, le partage doit s'effectuer en tenant compte de la valeur actuelle des biens expertisés par Mme D..., de débouter Mme Z...et Mme A... de toutes leurs demandes, fins et prétentions à son encontre.
Par ses dernières conclusions reçues le 21 juin 2013, Mme A... veuve X..., demande à la cour de :
- dire que sur la base des évaluations patrimoniales portées au rapport de Mme D...:
la quotité disponible pour l'application du testament à Elodie et
Jessica X...est limitée à 2 269, 77 euros pour chacune d'elles, au jour du décès,
la valeur du fonds de commerce de station service à Porto est à 160 797 euros, au jour du partage,
la valeur théorique de l'usufruit qui lui est attribué après déduction de la part l'usufruit octroyée à ses filles Elodie et Jessica et hors avoirs bancaires est à 341 615 euros et non 111 125 euros tel que retenu par erreur par l'expert,
- dire qu'elle est usufruitière par application de l'article 1094-1 du code civil, des avoirs bancaires comptabilisés au jour du décès de feu Paul André X...à charge éventuellement pour elle de désintéresser ses filles Elodie et Jessica sur leur demande et sur la base des valeurs portées au rapport de Mme D...,
- déclarer irrecevables les appelantes dans leurs demandes indemnitaires à son encontre, subsidiairement, les en débouter comme infondées,
- condamner tout mauvais contestant aux dépens de l'action, en ce compris les frais d'expertise,
- condamner ensemble, les appelantes à lui payer la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mlle Jessica X...n'a pas conclu après le dépôt du rapport d'expertise et dans ses dernières conclusions, alors communes avec Mlle Elodie X..., déposées le 18 septembre 2007, elle indiquait qu'elle adhérait aux conclusions de sa mère, Mme A... veuve X....
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées et au jugement déféré.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les limites de la saisine de la cour
A titre liminaire, il convient de préciser que, suite aux jugement et arrêts ci-dessus relatés, ont été définitivement prises, les décisions suivantes :
- l'ouverture des opérations de liquidation, partage de la succession de Paul X...,
- l'ouverture des opérations de liquidation et partage des biens de la communauté ayant existé entre Paul André X...et Mme A... veuve X...,
- la désignation du président de la chambre des notaires de la Corse du Sud ou son délégataire, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage ou à défaut, dresser un procès-verbal de difficultés,
- la désignation d'un juge du tribunal, chargé du contrôle des opérations de partage,
- le testament du 10 décembre 1993 constitue un legs à titre universel à l'égard de Mlle Elodie X...et de Michèle X...épouse Z...au visa de l'article 1010 du code civil, et ce testament donne droit en faveur de Mme Chantal A... veuve X...à la totalité des biens du défunt en usufruit, en application de l'article 1094-1 du code civil,
- les droits en usufruit de Mme Chantal A... veuve X...devront s'exercer dans la limite de ceux attribués à Mlle Elodie X...et de Michèle X...épouse Z...et restant, le cas échéant, après réduction,
- la rectification du dispositif du jugement entrepris en ce sens que, dans les deuxième et quatrième paragraphes, le nom de Mme Jessica X...doit être substitué à celui de Mme Michèle X...épouse Z...,
- la possession par Mme A... veuve X...de ses droits d'usufruit depuis l'ouverture de la succession et, en conséquence, la non-restitution par cette dernière des fruits de l'indivision successorale,
- le rejet de la demande d'attribution préférentielle sollicitée par Mme A... veuve X...,
- le rejet de la demande de Mme A... veuve X...sur le fondement de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1989 (créance de salaire différé),
- l'irrecevabilité de la demande de Marie-Louise X...épouse Y...relative à la résiliation des baux consentis par Mme A... veuve X...sur une partie de l'hôtel et sur la remise des lieux en l'état,
- le rejet de la demande par Mme Elodie X...épouse B...de consignation, par Mme A... veuve X..., de sommes au titre de sa créance sur l'utilisation, par celle-ci, des appartements situés à Ajaccio,
- la désignation de Maître F..., notaire, pour procéder aux évaluations en fonction des droits des héritiers,
- un complément d'expertise confié à Mme D..., expert,
- la poursuite de l'instance devant la cour d'appel de Bastia afin qu'il soit statué au vu du rapport d'expertise, sur les opérations de liquidation et de partage.
Sur les demandes des appelantes tendant, en vue du partage, à l'évaluation des biens à leur valeur actuelle, suivant expertise de Mme D..., et à l'exclusion des fonds de commerce :
Les appelantes soutiennent, respectivement, que l'expert, en appliquant le principe selon lequel la masse de calcul doit se faire en fonction de la valeur des biens existant au jour du décès, a estimé la masse à partager à la somme de 532 853, 82 euros en y incluant la valeur des fonds de commerce d'hôtel-restaurant et de station service qui ont disparu.
La cour relève qu'aux termes de l'article 922 du code civil la masse de calcul de la quotité disponible et de détermination de la réduction, est, d'une part, formée par la masse des biens existant au décès du donateur ou testateur, à laquelle sont réunis fictivement les biens dont il a été disposé par donation entre vifs, d'autre part, évaluée d'après la valeur de ces biens à l'ouverture de la succession, donc à la date du décès.
L'article 829 du code civil dispose que la masse des biens à partager doit être évaluée à la date la plus proche du partage.
Il résulte du rapport d'expertise de Mme D..., que la valeur de 532 853, 82 euros dont il est fait état par les appelantes, correspond à la valeur de la masse des biens existant au décès de M. Paul X...(page 44 du rapport) déterminée conformément à l'article 922 précité et non, comme elles le soutiennent à tort, à la valeur de la masse à partager, que l'expert a déterminé et évalué à la somme totale de 1 272 444, 00 euros.
Les appelantes ont donc fait une mauvaise lecture du rapport qui n'a pas, contrairement à leurs allégations, évalué la mase à partager à la somme de 532 853, 82 euros.
Par ailleurs, Mme Y...sollicite l'exclusion des fonds de commerce d'hôtel restaurant et de station service.
Or, la cour relève que ces deux fonds de commerce existaient au décès de M. Paul X..., de sorte que l'expert, a conformément à l'article 922 du code civil sus-visé, inclus ces fonds dans la masse de calcul de la quotité disponible.
En revanche, pour la masse à partager, l'expert a, en conformité avec les dispositions de l'article 828 précité, exclu la valeur de l'hôtel-restaurant, précisant " n'existe plus " et y a inclus le fonds de commerce de vente de carburant, la station-service étant actuellement exploitée.
Il n'y a donc pas d'erreur commise par l'expert sur ces points.
Sur la proposition de partage de l'expert
Les appelantes et les intimées s'accordent, pour des raisons différentes, sur le fait de ne pas entériner la proposition de partage de l'expert, Mme D....
Comme le soulève, à juste titre, Mme A...veuve X..., il convient de noter que l'expert, dans son rapport en date du 10 octobre 2012, n'a pas tenu compte de l'arrêt du 26 octobre 2011 rendu par la Cour de Cassation ni de l'arrêt sur renvoi de la Cour d'appel de Lyon du 11 septembre 2012 qui ont définitivement déterminé les droits des parties, notamment le quantum de l'usufruit de Mme A...veuve X....
Dans ces conditions, le rapport d'expertise ne peut être entériné sur la détermination des droits des parties et sa proposition de partage qu'il présente.
Sur les demandes indemnitaires des appelantes
En cause d'appel, Mmes Marie-Louise X...épouse Y...et Michèle X...épouse Z...formulent respectivement, une demande indemnitaire à l'encontre des intimées, en invoquant, au soutien de cette prétention, la disparition des fonds de commerce d'hôtel-restaurant et de station-service.
En ce qui concerne la station-service, elles font valoir, qu'elle n'a pas été exploitée pendant deux ans, même si aujourd'hui cette station se trouve actuellement en activité dans des conditions qu'elles ignorent et selon des actes qui leurs sont inopposables, tout bail commercial devant recevoir l'accord des nus-propriétaires.
Mme A... veuve X...réplique que le fonds de commerce de station-service existe et que le contrat de fourniture conclu par elle avec " Vito ", conformément aux usages de la profession, a permis sa restauration.
En ce qui concerne le fonds de commerce d'hôtellerie, elle affirme que rien ne permet de démontrer sa responsabilité, ni dans la dégradation des bâtiments, ni dans leur inadaptation aux normes contemporaines d'hôtellerie.
De son côté, Mme Elodie X...épouse B..., conclut, d'une part, qu'elle n'avait que 15 ans au décès de son père et, d'autre part, que le jugement du 15 mai 2006 a octroyé la totalité de l'usufruit des biens de ce dernier à Mme A....
Elle précise, qu'en tout état de cause, il est constant que la station service vient d'être entièrement refaite et est exploitée aujourd'hui sous l'enseigne " Vito ".
La cour relève l'absence d'indication du fondement juridique de la demande indemnitaire formulée, par les appelantes, non seulement à l'encontre Mme A... veuve X...mais également à l'égard de Mme Elodie X...épouse B...et Mlle Jessica X..., ces deux dernières, étant mineures à la date du décès de leur père, M. Paul X....
Il résulte du rapport d'expertise de Mme D..., que :
- les deux fonds de commerce d'hôtel et de station service existaient au décès de M. Paul X...et, leur valeur a été prise en compte dans le calcul de la quotité disponible,
- la station-service n'a pas disparu, même si les modalités actuelles de son exploitation dans le cadre d'un contrat de fourniture sont contestées par les appelantes, et a une valeur déterminée par l'expert,
- le fonds de commerce d'hôtellerie n'existe plus, l'hôtel étant libre de toute occupation et son état ne répondant pas aux normes actuelles de la clientèle touristique ; les bâtiments sont en grande partie, dans un état de vétusté.
Au vu des constations de l'expert dans son rapport sus-visé, et en l'absence d'autres éléments produits par les appelantes, la cour estime que la responsabilité de la disparition du fonds de commerce d'hôtellerie ne peut-être imputée aux intimées et constate qu'à ce jour, la station-service existe.
Il y a donc lieu de rejeter la demande indemnitaire des appelantes qui n'est ni fondée ni justifiée.
Sur la demande de Mme Michèle X...veuve Z...de déchéance des usufruits des intimées
En cause d'appel, Mme Michèle X...veuve Z...sollicite, sur le fondement des articles 578 et 618 du code civil, la déchéance des usufruits des intimées.
Elle fait valoir que Mme A..., en sa qualité d'usufruitière, a géré intégralement le patrimoine du défunt, refusant aux enfants du premier lit, toute information ou avis, que cette gestion a été " calamiteuse " et qu'elle a ôté aux fonds de commerce toute valeur.
L'appelante affirme que sa soeur et elle ont été intégralement spoliées, notamment de leur réserve.
Mme A... veuve X...conteste ces allégations et soutient, en se fondant, notamment sur le rapport d'expertise judiciaire donnant une évaluation du fonds de commerce de station service, que sa gestion est loin d'être " calamiteuse ".
Elle précise avoir recouru à un contrat de location-gérance d'une nature identique à celui qui préexistait à son usufruit et qui ne nécessite pas le concours du nu-propriétaire.
La cour relève que l'appelante fonde sa demande sur les dispositions des articles 578 et 618 du code civil.
L'article 578 du code civil prévoit que " l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance ".
L'article 618 alinéa 1er, du même code dispose que " l'usufruit peut aussi cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d'entretien ".
En l'espèce, au regard des dispositions des textes précités et au vu des éléments et pièces versés aux débats, notamment du rapport de M. J..., la preuve d'une faute de gestion commise par Mme A... veuve X..., et ses deux enfants Elodie et Jessica X..., à l'égard de qui la déchéance d'usufruit est également demandée, n'est pas démontrée.
En conséquence, la cour déboutera Mme Michèle X...veuve Z...de sa demande à ce titre.
Sur les demandes de Mme A... veuve X...
Sur la valeur du fonds de commerce de station-service
L'expert a évalué ce fonds à 129 598 euros, sur la base, d'une part, du contrat de fourniture pour la revente de carburant entre " Vito " et l'intimée, en date du 14 février 2011 mais prenant effet au 1er juin 2011, soit sur six mois d'activité et, d'autre part, des chiffres d'affaires réalisés par la SARL LEJ qui a exploité ce fonds en 2007 et 2008.
Mme A... veuve X...conteste cette évaluation, estimant " absurde " de ne tenir compte que d'un chiffre d'affaires de six mois d'activité pour l'exercice 2011 et faisant valoir que la valeur du fonds doit être déterminée sur la base d'un chiffre d'affaires de trois années et non sur celui de deux ans et demi.
Elle estime que la différence entre la valeur erronée selon cette dernière, de l'expert (120 598 euros) et la valeur rectifiée (160 797 euros, soit 40 199 euros, doit être ajoutée à la valeur des biens existant au jour du décès, dans leur évaluation au jour du partage.
La cour constate que l'intimée ne produit aucune pièce comptable pour l'exercice 2011.
De surcroît, l'évaluation faite par Mme D...repose, outre, sur des renseignements chiffrés communiqués par le cabinet Fiducial pour 2007 et 2008, sur des pièces en sa possession pour l'année 2011, qui établissent que le fonds de commerce concerné n'a été exploité que pendant six mois au cours de cette année, et l'expert n'a pas à retenir une exploitation fictive de six mois pour l'année 2011, comme le prétend, à tort, Mme A... veuve X....
Au vu de ces éléments, Mme A... veuve X...ne peut qu'être déboutée de la demande qu'elle présente de ce chef.
Sur les droits en usufruit de Mme A... veuve X...
Dans l'arrêt de renvoi du 11 septembre 2012, la cour d'appel de Lyon a dit que :
- même si lors de la rédaction du testament olographe du 10 décembre 1993, M. Paul X...et Mme A... n'étaient pas mariés, le bénéfice de la libéralité ne pouvait être dévolu à l'épouse avant le décès du testateur, qu'en conséquence, les dispositions de l'article 1094-1 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ont vocation à s'appliquer,
- le premier juge a considéré à juste titre que les dispositions testamentaires du 10 décembre 1993 donnent droit à Mme A... veuve X...à la totalité des biens du défunt en usufruit en application du texte précité et que ses droits en usufruit s'exerceront dans la limite de ceux attribués à Mme Elodie et Jessica X....
Cet arrêt étant passé en force de chose jugée, la cour ne peut que constater qu'en vertu de cette décision, Mme A... veuve X...bénéficie d'un droit en usufruit sur la totalité des biens dépendant de la succession de M. Paul X....
A ce titre, l'usufruit de Mme A... veuve X...porte sur les avoirs bancaires évalués par l'expert à la somme de 29 831, 82 euros (page 44 du rapport d'expertise).
En ce qui concerne la valeur théorique de l'usufruit de cette dernière après déduction de la part d'usufruit de ses deux filles Elodie et Jessica et hors avoirs bancaires, la valeur de 111 125, 83 euros fixée par l'expert judiciaire, ne peut-être effectivement retenue, celui-ci ayant considéré dans ses calculs, notamment pour l'imputabilité du legs en usufruit que les droits de Mme A... veuve X...et Mlles Elodie et Jessica X...étaient d'1/ 3 pour chacune, ce qui n'est pas conforme à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 11 septembre 2012, sus-visé.
Mme A... veuve X...a évalué la valeur théorique de son usufruit à la somme de 314 615 euros sur la base d'une valeur du fonds de commerce de station service de 160 797 euros. Or, cette valeur n'ayant pas été retenue par la cour comme exposé ci-dessus, la demande qu'elle forme à ce titre, doit être rejetée.
Sur les demandes de Mme Elodie X...épouse B...
La cour constate que Mme A... veuve X...n'a formulé aucune prétention à l'encontre de Mme Elodie X...épouse B....
La demande de celle-ci contre sa mère s'avère dès lors sans objet.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que le partage doit s'effectuer, comme le sollicite Mme B..., en tenant compte de la valeur actuelle des biens expertisés par Mme D....
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes formulées à ce titre par les parties seront en conséquence rejetées.
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation et de partage.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Vu l'arrêt mixte de la cour d'appel de Bastia du 07 avril 2010, Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 26 octobre 2011,
Vu l'arrêt sur renvoi de la cour d'appel de Lyon du 11 septembre 2012 statuant sur renvoi de la Cour de cassation complété par un arrêt rectificatif du 16 octobre 2012,
Vu le rapport d'expertise de Mme D...déposé le 23 octobre 2012,
Statuant sur les demandes présentées en cause d'appel, Dit que le partage entre les parties s'effectuera sur la base de l'évaluation des biens proposée par l'expert judiciaire dans son rapport, sauf pour elles à tenir compte des dispositions de l'article 829 du code civil,
Constate que Mme Chantal A... veuve X...est bénéficiaire d'un droit en usufruit sur la totalité des biens dépendant de la succession de M. Paul X..., sur le fondement de l'article 1094-1 du code civil, à charge éventuellement pour elle de désintéresser ses filles Mme Elodie X...épouse B...et Mlle Jessica X...sur leur demande et sur la base des valeurs portées au rapport d'expertise de Mme D...;
En conséquence,
Dit que l'usufruit de Mme A... veuve X...porte sur les avoirs bancaires évalués par l'expert à la somme de VINGT NEUF MILLE HUIT CENT TRENTE ET UN EUROS ET QUATRE VINGT DEUX CENTIMES (29. 831, 82 euros),
Dit que la quotité disponible, pour l'application du testament olographe du 10 décembre 1993 de M. Paul X...à Mme Elodie X...épouse B...et Mlle Jessica X..., est limitée à DEUX MILLE DEUX CENT SOIXANTE NEUF EUROS ET SOIXANTE DIX SEPT CENTIMES (2 269, 77 euros) pour chacune d'elles au jour du décès ;
Constate que le rapport d'expertise de Mme D...déposé le 23 octobre 2012, ne tient pas compte des droits de Mme Chantal A... veuve X..., résultant de l'arrêt sur renvoi de la cour d'appel de Lyon du 11 septembre 2012 complété par un arrêt rectificatif du 16 octobre 2012 ;
En conséquence, dit n'y avoir lieu à entériner la proposition de partage de l'expert judiciaire faite dans son rapport déposé le 23 octobre 2012 ;
Déboute Mme Michèle X...veuve Z...de sa demande tendant à déchoir les intimées de leurs usufruits ;
Déboute Mmes Marie-Louise X...épouse Y...et Michèle X...veuve Z...de leurs demandes indemnitaires respectives à l'encontre des intimées ;
Déboute Mme Chantal A... veuve X...de ses demandes tendant à dire que la valeur du fonds de commerce de station service à Porto est de CENT SOIXANTE MILLE SEPT CENT QUATRE DIX SEPT EUROS (160 797 euros) au jour du partage et que la valeur théorique de l'usufruit qui lui est attribué, après déduction de la part l'usufruit octroyée à ses filles Elodie et Jessica et hors avoirs bancaires, est de TROIS CENT QUARANTE ET UN MILLE ET SIX CENT QUINZE CENTIMES (341 615 euros) ;
Dit sans objet les demandes formées par Mme Elodie B...née X...contre Mme A... veuve X...,
Déboute les parties de leurs demandes respectives formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de tous autres chefs de demande ;
Dit que les entiers dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation et de partage.
LE GREFFIER LE PRESIDENT