Ch. civile A
ARRET No
du 12 FEVRIER 2014
R. G : 12/ 00878 C-MB
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 01 Octobre 2012, enregistrée sous le no 10/ 01084
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT :
M. Louis X...né le 11 Août 1958 à SALON DE PROVENCE (13300) ......20200 BASTIA
assisté de Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
Mme Carole Y...épouse Z......13006 MARSEILLE
assistée de Me Myriam CARTA, avocat au barreau de BASTIA, Me BURTEZ-DOUCEDE, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 décembre 2013, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 février 2014.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Johanna SAUDAN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. Louis X...est propriétaire de deux parcelles de terre situées sur la commune de Partinello cadastrées section A no 418 et 419, lieudit " ... ", dont il a fait l'acquisition, avec d'autres biens immobiliers, suivant un acte notarié de cession à titre de licitation en date du 26 février 2008.
Mme Carole Y...épouse Z...est propriétaire d'une parcelle de terre et d'un immeuble bâti, situés sur la commune de Partinello cadastrés, respectivement, section A no 383 et A no 390, par succession de sa mère, Mme Jacqueline C...épouse Y..., décédée le 08 octobre 2003.
Invoquant un empiétement sur sa parcelle no418 par la construction édifiée sur la parcelle de terre contiguë no 390, par acte d'huissier du 1er septembre 2010, M. X...a assigné Mme Y...épouse Z...devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, en vue d'obtenir, principalement, la démolition de la partie litigieuse ainsi que des dommages et intérêts à la charge de la défenderesse.
Par jugement contradictoire du 01 octobre 2012, le tribunal a, débouté M. X...de l'ensemble de ses demandes, condamné ce dernier à payer à Mme Y...épouse Z..., la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, ordonné l'exécution provisoire de cette condamnation, condamné M. X...à payer à Mme Y...épouse Z...la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 13 novembre 2012, M. X...a interjeté appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions reçues le 29 mars 2013, l'appelant, au visa des articles 544 et 545 du code civil, demande à la cour :
Au principal,
- de réformer la décision déférée en toutes ses dispositions,
- d'ordonner la démolition de la partie de la maison appartenant à Mme Y...épouse Z...qui empiète sur sa parcelle cadastrée A no 418 sise sur la commune de Partinello,
- d'assortir cette obligation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- de condamner l'intimée au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- de débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner l'intimée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement et avant-dire droit,
- d'ordonner un bornage judiciaire afin de déterminer la limite séparative entre ses fonds contigus (parcelles de terre situées sur la commune de Partinello cadastrées section A no 418 et 419) et ceux de l'intimée (parcelles de terre situées sur la commune de Partinello cadastrées section A no 383 et no 390),
- de désigner tel expert géomètre qu'il plaira avec les missions précisées dans ses écritures,
- de prononcer un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert.
Par ses dernières conclusions reçues le 28 mai 2013, Mme Y...épouse Z...sollicite le rejet de l'intégralité des demandes formulées par M. X..., la confirmation du jugement querellé en toutes ses dispositions, la condamnation de l'appelant, au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en cause d'appel, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, ainsi que de celle de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel et aux entiers dépens distraits au profit de Me Myriam Carta.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées et au jugement déféré.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes de M. X...
Le tribunal a, au visa de l'article 2227 du code civil, relevé que, si l'action en revendication intentée par le propriétaire dépossédé de son immeuble était imprescriptible, celle-ci ne pouvait triompher contre un défendeur devenu lui-même propriétaire de l'immeuble revendiqué par une possession contraire réunissant toutes les conditions exigées pour la prescription acquisitive.
Il a donc estimé que l'action de M. X...ne saurait, dès lors, être retenue sans que soit au préalable examinée la possession acquisitive opposée par Mme Y...épouse Z....
Au vu des éléments et pièces versés aux débats et sur le fondement de l'article 2261 du code civil, le tribunal a considéré que :
- la construction litigieuse avait été édifiée en deux étapes, l'une en vertu d'un permis de construire du 19 juillet 1974 avec imputation fiscale à compter de l'année 1976, puis une extension réalisée au moins avant le 07 mai 1980,
- Mme Y...épouse Z...bénéficiait de la prescription de son auteur comme ayant acquis la propriété de ce bien par succession de sa mère,
- la prescription a débuté au moins en 1976 et n'a été interrompue que par l'assignation introductive délivrée en 2010,
- cette prescription était paisible, non équivoque et à titre de propriétaire comme l'attestent un témoignage ainsi que des actes d'entretien, de clôture et autres effectués par Mme Z....
Il a, sur le fondement de l'article 2261 du code civil, constater la réalité de la prescription acquisitive invoquée par cette dernière.
En cause d'appel, M. X...réitère ses prétentions, moyens et arguments de première instance.
Il soutient qu'il rapporte la preuve de l'empiétement sur sa parcelle no 418 d'une partie de la maison appartenant à l'intimée et que, dès lors, il est parfaitement fondé à en solliciter la démolition, en vertu de l'article 544 du code civil et de la jurisprudence de la Cour de Cassation.
Il invoque, d'une part, l'impossibilité pour l'intimée de se prévaloir de la prescription acquisitive, au motif qu'en matière d'empiétement, le caractère public de la possession fait défaut et, d'autre part, l'absence de prescription extinctive de son action en démolition, sur le fondement de l'article 2227 du code civil, aux termes duquel le droit de propriété est imprescriptible, ainsi que la jurisprudence.
L'appelant affirme produire les pièces justificatives et notamment, un plan d'état des lieux dressé le 12 août 2010 par la SARL Geotopo, géomètre expert, démontrant, selon lui, sans aucun doute l'empiétement réalisé par l'intimée qui a, en outre, refusé de participer à l'expertise du géomètre précité.
De son côté, Mme Y...épouse Z...réplique qu'aucun élément contradictoire établissant l'empiétement allégué par l'appelant n'est versé aux débats, qu'il n'existe pas de bornage des parcelles concernées et que le plan du 12 août 2010 dressé par la SARL Geotopo est une simple application cadastrale non contradictoire, par ailleurs, non conforme, aux planches cadastrales antérieures.
L'intimée précise qu'elle n'est pas à l'origine de la construction litigieuse dont l'extension a été réalisée avant le 07 mai 1980.
Elle soutient qu'elle bénéfice d'une possession publique et non équivoque depuis 30 ans, indiquant que la propriété dont s'agit est accessible par une route ouverte au public et clôturée par un grillage ajouré permettant de voir l'extérieur et qu'elle peut, en vertu de l'article 2265 du code civil, se prévaloir de la possession de ses parents.
La cour constate que le plan du 12 août 2010 dressé par la SARL Geotopo, dont se prévaut M. X..., en l'absence d'accord de l'intimée, ne peut valoir bornage amiable des parcelles de terre lui appartenant, ni lui être opposé.
Par ailleurs, au vu des pièces produites par l'appelant, ce dernier ne rapporte pas la preuve de l'empiétement, par lui allégué.
Il convient de noter que l'action tendant à la démolition d'un équipement empiétant sur une parcelle est une action réelle qui se prescrit par trente ans.
En ce qui concerne la prescription acquisitive invoquée par Mme Y...épouse Z..., il résulte des éléments et pièces soumis à l'appréciation de la cour, que le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et du droit des parties et a, pour de justes motifs qu'elle approuve, considéré que les conditions exigées par les dispositions légales étaient réunies en l'espèce.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Louis X...de l'ensemble de ses demandes.
L'appelant ayant déjà assigné l'intimée en bornage devant le tribunal d'instance d'Ajaccio, (pièce no13 assignation du 25 octobre 2012), sa demande subsidiaire tendant à cette fin et la désignation d'un expert géomètre pour y procéder, s'avère sans objet.
Sur la demande par l'intimée, de dommages et intérêts pour procédure abusive
Mme Y...épouse Z...soutient, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, que tant la procédure de première que celle d'appel intentées par M. X...à son encontre, sont abusives.
La cour estime que l'action en revendication immobilière de M. X..., même si, comme l'a retenu le premier juge, celle-ci est fondée sur un plan ne valant pas bornage contradictoire et a été introduite en l'absence d'une demande préalable de bornage, n'est pas pour autant abusive.
Il en est de même pour l'exercice de son droit de recours par M. X..., la procédure d'appel ne présentant, en l'espèce, aucun caractère fautif ni abusif.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X...à payer à Mme Y...épouse Z..., la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 et de débouter cette dernière à ce titre tant pour la procédure de première instance que pour celle d'appel. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité commande de confirmer le jugement querellé en ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'appelant à payer à l'intimée la somme de 1 500 euros sur ce même fondement, pour la procédure d'appel
L'appelant, succombant en son recours, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné M. Louis X...à payer à Mme Carole Y...épouse Z..., la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Déboute Mme Carole Y...épouse Z...de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Y ajoutant,
Constate que par acte d'huissier du 25 octobre 2012, M. Louis X...a assigné en bornage, Mme Carole Y...épouse Z...devant le tribunal d'instance ;
En conséquence,
Dit les demandes subsidiaires de M. Louis X...sans objet ;
Déboute Mme Carole Y...épouse Z...de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en cause d'appel ;
Condamne M. Louis X...à payer à Mme Carole Y...épouse Z...la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;
Déboute les parties de tous autres chefs de demande ;
Condamne M. Louis X...aux dépens d'appel distraits au profit de Me Myriam Carta.
LE GREFFIER LE PRESIDENT