Ch. civile B
ARRET No
du 19 FEVRIER 2014
R. G : 09/ 00813 C-MPA
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 24 Juillet 2009, enregistrée sous le no 07/ 780
X...
C/
Y...Synd. des copropriétaires IMMEUBLE LE CHYPRE A AJACCIO Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT :
M. Yves X...né le 13 Janvier 1948 à ALGER (ALGERIE) ...20000 AJACCIO
assisté de Me Philippe JOBIN de la SCP JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence
INTIMES :
Melle Nadine Y...née le 07 Janvier 1960 à MARSEILLE (13000) ...20000 AJACCIO
assistée de Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Michèle RICHARD LENTALI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE LE CHYPRE A AJACCIO Prise en la personne de son syndic en exercice SARL AGENCE BIS 9 Cours Général Leclerc Palais Grandval 20000 AJACCIO
ayant pour avocat Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Richard ALEXANDRE, avocat au barreau d'AJACCIO
Mme Liliane Z...... 20000 AJACCIO
ayant pour avocat Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Richard ALEXANDRE, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 décembre 2013, devant la Cour composée de :
M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre Mme Marie-Paule ALZEARI, Conseiller Mme Françoise LUCIANI, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 février 2014.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Mme Johanna SAUDAN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Vu l'arrêt en date du 19 octobre 2011 auquel il est expressément référé pour les faits de la cause et la procédure antérieure par lequel la cour a, avant dire droit, tous moyens et demandes des parties étant réservés, ordonné une consultation.
Le consultant a déposé son rapport le 15 janvier 2013.
Vu les dernières conclusions de M. Yves X...du 13 mai 2013.
Il sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions estimant qu'il ne supporte aucune part de responsabilité dans les infiltrations et dommages occasionnées à l'appartement, propriété de Mme Nadine Y..., qui proviennent de l'absence d'entretien des parties communes.
En conséquence, il sollicite la condamnation du syndicat des copropriétaires à procéder à la réfection de l'étanchéité de sa terrasse et plus généralement, de mettre en oeuvre des travaux identiques pour les autres appartements de la copropriété sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
En outre, il demande le paiement des sommes de 3 000 euros pour les frais de première instance et d'appel et qu'il soit jugé, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, qu'il sera dispensé des frais de contribution au contentieux exposés par le syndicat des copropriétaires.
Vu les dernières écritures transmises par Mme Nadine Y...le 12 juin 2013.
À titre principal, si la décision déférée devait exclure la responsabilité de M. Yves X..., elle prétend à la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer les sommes de 5 832 euros TTC au titre du coût de la remise en état de la salle à manger et de la salle de bains, 805, 99 euros représentant le coût de la remise en état de la chambre, 65, 77 euros au titre du coût du nettoyage général du chantier, ces deux derniers postes devant être fixés en août 2003 et actualisés selon l'indice BT01.
Elle réclame également le paiement des sommes de 17 458, 20 euros représentant son trouble de jouissance depuis le 1er mars 1999 au jour du premier rapport d'expertise et 38 869, 20 euros au titre de son trouble de jouissance du 1er septembre 2003 à ce jour (juin 2013) sauf à parfaire de 329, 40 euros par mois jusqu'au paiement du préjudice matériel sus visé, outre capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Elle sollicite également la condamnation du syndicat des copropriétaires à effectuer la reprise de l'étanchéité de la terrasse de M. Yves X..., les travaux de reprise de la descente des eaux pluviales sous astreinte ainsi qu'à lui payer les sommes de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Si le rapport d'expertise n'était pas entériné, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a mis en sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 septembre 2013 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 12 décembre 2013.
MOTIFS :
Attendu sur les responsabilités encourues qu'en l'état des différents éléments versés aux débats et des rapports d'expertise en totale contradiction les uns des autres, la cour a décidé de recourir à une nouvelle mesure d'instruction afin de déterminer les causes et l'origine des désordres constatés dans l'appartement de Mme Nadine Y...et ce, au regard des rapports et éléments techniques déjà versés à la procédure par les parties ;
Attendu qu'en comparaison avec le rapport d'expertise judiciaire précédent déposé le 23 janvier 2003, le consultant explique que la cause des infiltrations retenues par cet expert, en l'espèce la présence de jardinières disposées dans l'angle ouest et est de la terrasse de M. Yves X..., est inexacte ;
Attendu en effet qu'il a pu constater que la dépose de ces jardinières en 2003 n'a pas supprimé la cause du sinistre qui perdure ; qu'il précise également que l'expert ne pouvait valablement invoquer une absence d'étanchéité sur le carrelage ; qu'en réalité, il relève qu'un revêtement d'étanchéité multicouche existait mais que ce revêtement est devenu dur et cassant en raison du vieillissement des produits bitumineux qui perdent les solvants qu'ils contiennent ;
Attendu qu'il en conclut que la cause des venues d'eau est indépendante des jardinières dans la mesure où ces dernières étaient bâties sur un complexe étanche et comportaient intérieurement une étanchéité ;
Attendu sur l'origine des désordres que le consultant rappelle que l'étanchéité des toitures habitables est obligatoire qu'elle qu'en soit la technique ; que compte tenu de la structure de l'immeuble avec des niveaux en gradins, il indique que les avancées doivent être étanchées dans la mesure où elles constituent des toitures terrasses accessibles ; qu'il ajoute que les planchers structurants continus débordent également des façades d'environ 80 cm sur les appartements sous-jacents ; que pour ces raisons pratiques, l'ensemble des terrasses doit donc être étanché à l'aide de la même technique ;
Attendu qu'après divers sondages et essais, il en conclut que la cause des désordres relève essentiellement de la disparition des solvants contenus dans les produits bitumineux et ce, en raison du vieillissement de la bâtisse, environ 50 ans ; qu'il estime que la rigidité des produits d'étanchéité ne permet plus de supporter les variations dimensionnelles de la chape et du carrelage sous l'effet des variations de température, ce qui provoque un cisaillement du complexe d'étanchéité aux droits des relevés ; qu'il relève également une absence de forme de pente ce qui explique que l'eau qui parvient dans la chape de pause du revêtement scellé trouve passage d'évacuation vers les zones cisaillées et les zones de relevé de hauteur insuffisante ainsi que celles n'ayant pas de relevés ;
Attendu qu'en conclusion il expose que l'eau parvient sous l'étanchéité, sur le plancher structure et s'y répand ; qu'elle trouve ensuite des passages vers les parties habitables mais également finit par migrer à l'intérieur des planchers et autres ouvrages en béton armé ; qu'à cet égard, il précise que les armatures finissent par s'oxyder et que leur résistance mécanique diminue ainsi sans que personne ne s'en aperçoive ;
Attendu ainsi que s'agissant de la mission précise, il conclut que les venues d'eau en cueillies du séjour, la salle de bains, dans la chambre de l'appartement de Mme Nadine Y...ont pour principale cause le vieillissement des produits ayant constitué le complexe d'étanchéité associé au défaut de conception ou réalisation du traitement initial de la toiture terrasse accessible ;
Attendu qu'il relève également l'existence de causes secondaires au regard du support béton de garde corps, du recueil des eaux de surface dans les gouttières et descentes ; que surtout il ajoute que les dommages propres constatés dans les appartements de Mme Nadine Y...et M. Yves X...présentent un caractère généralisé ;
Attendu ainsi qu'au regard de ce qu'il a pu constater dans les appartements de ces derniers mais également de Mme Liliane Z..., il en conclut que les revêtements du sol des terrasses et les techniques de mise en oeuvre ont été identiques et que dans ces conditions, les mêmes causes ont produit les mêmes effets ; qu'il estime qu'il est impératif de refaire ou réparer le revêtement des toitures terrasses, les gardes corps et la collecte et évacuation des eaux ;
Attendu qu'il doit être rappelé qu'au terme des dispositions légales mais également du règlement de copropriété, la toiture et l'étanchéité sont des parties communes ; qu'en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou au tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes ;
Attendu que les causes à l'origine des dommages constatés relèvent d'un défaut d'entretien des parties communes mais également, à titre secondaire, d'un vice de construction dont le syndicat des copropriétaires est, de plein droit, responsable ; qu'à l'opposé, la responsabilité de Mme Liliane Z...et M. Yves X...ne sera donc pas retenue au regard du constat du siège des désordres et de leur caractère généralisé ;
Attendu sur l'indemnisation des préjudices résultant des dommages qu'il doit être considéré que ces derniers ont été constatés dans un premier rapport d'expertise judiciaire suite à l'assignation en référé diligenté à la requête de Mme Nadine Y...en 1999 ;
Attendu que le syndicat des copropriétaires invoque une prescription au motif que des désordres relatifs à des infiltrations étaient déjà apparus en 1969 et en 1982 ; que toutefois, il reste taisant sur les suites qui ont été données par lui-même aux éventuelles doléances des copropriétaires qui en auraient été victime ;
Attendu surtout qu'il est établi par tous les rapports d'expertises qui se sont succédés que des désordres existent et qu'au regard de la dernière mesure d'instruction ordonnée, ces derniers relèvent pour l'essentiel d'un défaut d'entretien des parties communes ; que le moyen tiré de la prescription sera donc écarté ;
Attendu sur les réclamations formulées par Mme Nadine Y...que, concernant la reprise des embellissements dans son logement, elle a produit un devis accepté par le consultant pour des travaux de reprise intérieure destinés à cacher l'existant par une fausse paroi et un faux plafond ; que la pertinence de ces travaux n'est pas contestée par le syndicat des copropriétaires qui, au demeurant, n'a pas conclu après le dépôt de la consultation ; qu'en l'état de cet examen, il doit être alloué à Mme Nadine Y...la somme de 5 800 euros telle que fixée par l'expert au titre du coût de la remise en état de sa salle à manger et de sa salle de bains ;
Attendu pareillement et pour les mêmes motifs qu'il doit être fait droit à sa demande au titre de la remise en état de la chambre et du coût du nettoyage général du chantier ; que les sommes ainsi allouées seront actualisées sur l'indice BT01 en vigueur à la date de l'arrêt outre les intérêts au taux légal ;
Attendu sur le préjudice de jouissance de Mme Nadine Y...que celui-ci a été reconnu dans les différents rapports d'expertise et concerne essentiellement le salon salle à manger dont le précédent expert a pu relever qu'il concernait une surface représentant 27 % de l'appartement et qui n'était pas normalement vivable ainsi qu'en attestaient les photographies annexées à son rapport ;
Attendu que sur la base d'une valeur locative mensuelle d'un appartement de ce standing chiffrée à la somme de 1 220 euros par mois en 2003, le préjudice de jouissance effectivement subie a pu être utilement fixé à la somme de 329, 40 euros par mois à compter du 1er mars 1999 ;
Attendu que le consultant a mis en évidence que le préjudice de jouissance, notamment dans la salle à manger, était toujours existant à la date de la consultation le 15 janvier 2013 ; que dans ces conditions, sur la base des indications précédentes, il doit être fait droit à sa demande en paiement au titre de son trouble de jouissance du 1er mars 1999 au jour du 1er rapport d'expertise judiciaire et pour la période du 1er septembre 2003 au mois de juin 2013 ;
Attendu toutefois qu'à défaut d'éléments permettant d'avoir la certitude que les travaux préconisés par l'expert n'ont pas été réalisés, il n'y a pas lieu de prévoir une prolongation de l'indemnisation au-delà de cette date ;
Attendu par ailleurs qu'en l'état de la demande formulée devant la cour, il sera fait application de l'article 1154 du code civil pour l'intégralité des sommes portées en condamnation ;
Attendu enfin qu'en l'état des conclusions du consultant qui ne sont pas utilement contredites et afin de supprimer les désordres ainsi constatés, il convient de faire droit aux demandes respectives de M. Yves X...et Mme Nadine Y...de condamnation du syndicat des copropriétaires à faire réaliser la reprise de l'étanchéité de la terrasse de M. Yves X...située au-dessus de l'appartement de Mme Nadine Y...mais également d'effectuer les travaux de reprise de descente des eaux pluviales conformément aux prescriptions de la consultation déposée le 15 janvier 2013 ;
Attendu toutefois qu'il n'y a pas lieu, à ce jour et à ce stade, d'assortir ces décisions de condamnation du prononcé d'une astreinte ;
Attendu enfin qu'à défaut de justifier d'un préjudice direct et distinct qui ne soit pas déjà réparé par l'allocation de sommes au titre de ses préjudices tant matériels qu'immatériels, Mme Nadine Y...doit être déboutée en sa demande en paiement de la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que le syndicat des copropriétaires IMMEUBLE LE CHYPRE I, qui succombe, doit supporter la charge des dépens en ce compris les frais de mesures d'instruction à l'exclusion de tous autres qui ne sont pas afférents aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et être débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du même code ; qu'en revanche, il doit être fait application de cet article au profit de M. Yves X...et Mme Nadine Y...au titre des frais exposés en première instance et devant la cour ; qu'il doit être fait application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires succombant sur ses prétentions.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 24 juillet 2009 en toutes ses dispositions sauf en celle par laquelle il a rejeté les demandes formulées à l'encontre de Mme Liliane Z...,
Statuant à nouveau du chef de toutes les autres dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit et juge le syndicat des copropriétaires IMMEUBLE LE CHYPRE I entièrement responsable des dommages affectant l'appartement de Mme Nadine Y...,
En conséquence,
Condamne le syndicat des copropriétaires à payer à Mme Nadine Y...les sommes de :
- cinq mille huit cents euros (5 800 euros) au titre de la remise en état de la salle à manger et de la salle de bains,
- huit cent cinq euros et quatre vingt dix neuf centimes (805, 99 euros) au titre de la remise en état de la chambre,
- soixante cinq euros et soixante dix sept centimes (65, 77 euros) représentant le coût du nettoyage général du chantier,
Dit que ces sommes seront indexées sur l'indice BT01 à la date de ce jour rapporté à l'indice en vigueur au mois de janvier 2013, outre les intérêts au taux légal,
- dix sept mille quatre cent cinquante huit euros et vingt centimes (17 458, 20 euros) au titre du trouble de jouissance à compter du 1er mars 1999 au mois d'août 2003,
- trente huit mille huit cent soixante neuf euros et vingt centimes (38 869, 20 euros) au titre du trouble de jouissance du 1er septembre 2003 au mois de juin 2013,
Dit que les intérêts échus des sommes portées en condamnation produiront intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,
Condamne le syndicat des copropriétaires IMMEUBLE LE CHYPRE I à faire réaliser la reprise de l'étanchéité de la terrasse de M. Yves X...située au-dessus de l'appartement de Mme Nadine Y...ainsi que de la descente des eaux pluviales conformément aux règles de l'art et de la consultation déposée le 15 janvier 2013,
Condamne le syndicat des copropriétaires IMMEUBLE LE CHYPRE I aux entiers dépens d'appel et de première instance en ce compris les frais de la consultation ordonnée par la cour et de l'expertise ordonnée par ordonnance du 30 janvier 2001,
Dit qu'en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 M. Yves X...et Mme Nadine Y...seront dispensés des frais de contribution aux frais de procédure exposés par le syndicat des copropriétaires dans la présente instance,
Condamne le syndicat des copropriétaires IMMEUBLE LE CHYPRE I à payer à M. Yves X...la somme de trois mille euros (3 000 euros) et à Mme Nadine Y...la somme de quatre mille euros (4 000 euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT