Ch. civile B
ARRET No
du 19 FEVRIER 2014
R. G : 12/ 00390 C-PL
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de Bastia, décision attaquée en date du 27 Avril 2012, enregistrée sous le no 12/ 00004
X...SELAS A STRADA
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTES :
Mme Marie Hélène X...née le 19 Janvier 1961 à MARSEILLE (13000) ...20250 CORTE
ayant pour avocat Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA, Me Jean Pierre GASTAUD, avocat au barreau de NICE
SELAS A STRADA prise en la personne de son représentant légal en exercice Madame X...Marie Hélène Quartier de la Gare Rond Point Casino 20250 CORTE
ayant pour avocat Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA, Me Jean Pierre GASTAUD, avocat au barreau de NICE
INTIME :
M. Julien Y...né le 11 Juillet 1977 à NIMES (30000) ......20144 SAINTE LUCIE DE PORTO VECCHIO
ayant pour avocat Me Claudine ORABONA, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 décembre 2013, devant la Cour composée de :
M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre Mme Marie-Paule ALZEARI, Conseiller Mme Françoise LUCIANI, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 février 2014.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Mme Johanna SAUDAN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'ordonnance en date du 27 avril 2012 du président du tribunal de grande instance de Bastia qui, statuant en la forme des référés et au contradictoire des parties, accueillant la demande formée par M. Alexandre Y..., a :
- désigné un commissaire aux comptes titulaire et un commissaire aux comptes suppléant à l'effet de contrôler les comptes de la SELAS A Strada pour les exercices clos à compter de leur désignation mais également au titre des exercices clos au 31 décembre 2009 et au 31 décembre 2010,
- condamné la SELAS A Strada et Mme X...Hélène, prise en qualité de présidente de cette société à payer à M. Y...la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
Vu l'appel formé contre cette décision par la SELAS A Strada et Mme X...suivant déclaration reçue au greffe le 4 mai 2012.
En leurs dernières conclusions déposées le 29 novembre 2013, les appelants demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de M. Y...tendant à l'annulation de l'assemblée générale du 30 juin 2012,
- débouter M. Y...de l'intégralité de ses autres demandes,
- condamner M. Y...au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En ses dernières conclusions déposées le 3 décembre 2013, M. Y...demande à la cour de :
- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise sauf à désigner un autre professionnel que M. Z..., exerçant près la cour d'appel de Paris,
- juger que le commissaire aux comptes ainsi désigné devra procéder au contrôle des comptes au titre des exercices 2009 et 2010,
- prononcer la nullité des deux assemblées générales ordinaires annuelles de la société A Strada du 18 janvier 2012,
- prononcer la nullité de l'assemblée générale ordinaire annuelle de la société A Strada du 30 juin 2012, en ce compris dans sa résolution relative à la nomination du commissaire aux comptes Kalliste Révision Comptable,
- juger que le commissaire aux comptes ainsi désigné devra procéder au contrôle des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2011,
- condamner les appelants au paiement de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive et de la même somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 5 décembre 2013, fixant l'audience de plaidoiries au 12 décembre 2013.
SUR QUOI, LA COUR
La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
Pour faire droit à la demande de M. Y..., associé au sein de la SELAS A Strada, tendant à la désignation d'un commissaire aux comptes pour cette société, le premier juge a considéré que cette désignation était obligatoire en application des dispositions de l'article L 227-9-1 alinéa 3 du code commerce, la société se trouvant dans une situation de contrôle exclusif ou conjoint, et qu'en outre elle était opportune au regard des nombreux litiges opposant M. B...à ses associés.
Pour prétendre à l'infirmation de cette décision, les appelants font valoir que la société A Strada avait déjà désigné un commissaire aux comptes lorsque le premier juge a statué et qu'en conséquence les dispositions retenues pour faire droit à la demande n'étaient pas applicables. Ils ajoutent qu'en toute hypothèse, cette désignation n'était pas obligatoire, les situations de contrôle exclusif ou conjoint n'étant pas constituées, et qu'en outre elle n'était pas opportune, les griefs articulés par M. Y...à l'encontre du fonctionnement de la société et de ses dirigeants n'étant pas sérieux.
L'intimé, pour sa part, se prévaut des motifs de l'ordonnance déférée dont il sollicite la confirmation. Il critique la façon dont le commissaire aux comptes désigné par la SELAS A Strada exécute sa mission et fait valoir que les nombreuses irrégularités recensées justifient par surcroît la nécessité de nommer un commissaire aux comptes indépendant. Mais l'intimé critique tout autant le travail effectué par le commissaire aux comptes qui a été judiciairement désigné et dont il sollicite en définitive le remplacement.
Les conclusions échangées par les parties contiennent une accumulation de griefs de toute nature qui portent sur les domaines les plus divers de sorte que les contours actuellement conférés au litige se sont considérablement éloignés de son objet initial dans lequel il doit être replacé.
Ainsi, l'action introduite par M. B...contre la société A Strada et sa présidente sur le fondement de l'article R 227-1 du code de commerce ne visait qu'à obtenir la nomination d'un commissaire aux comptes pour cette société, en application des dispositions de l'article L 227-9-1 du même code.
L'article R 227-1 dispose que dans le cas prévu au quatrième alinéa de l'article L 227-9-1, le commissaire aux comptes est désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant en la forme des référés. Aux termes de l'article L 227-9-1 alinéa 4, la nomination d'un commissaire aux comptes peut toujours être demandé en justice, même si les conditions prévues aux deux alinéas précédents ne sont pas atteintes, par un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital.
Le président du tribunal, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article R 227-1 du code de commerce comme en l'espèce, même s'il statue en la forme des référés, n'a pas d'autres pouvoirs que de rechercher si la désignation d'un commissaire aux comptes est obligatoire au sens des alinéas 2 et 3 de l'article L 227-9-1 ou si elle est opportune comme l'autorise l'alinéa 4 de ce texte.
Il ne peut statuer ni sur la régularité des assemblées générales de la société dont l'appréciation relève de la compétence exclusive du juge du fond, ni sur le remplacement du commissaire aux comptes désigné, seule l'action en relèvement étant ouverte à cet égard.
Pour ces seules considérations, les demandes de M. Y...tendant au remplacement de M. Z..., commissaire aux comptes titulaire désigné par le premier juge, et à l'annulation des assemblées générales du 18 janvier 2012 et du 30 janvier 2012 ne peuvent être tranchées par la cour qui, en raison du cadre légal de la saisine initiale, ne dispose pas de davantage de pouvoirs que le premier juge. De plus, le dispositif de la décision déférée, auquel est exclusivement attachée l'autorité de la chose jugée, ne comporte aucune disposition afférente à l'assemblée générale du 18 janvier 2012 sur la régularité de laquelle il n'avait pas été demandé au juge de statuer. Quant à la demande portant sur l'annulation de l'assemblée générale tenue le 30 juin 2012, soit après l'ordonnance entreprise, il s'agit bien d'une demandes nouvelle sans aucun lien avec la demande initiale de sorte que son irrecevabilité est encourue par application de l'article 564 du code de procédure civile, comme le soutiennent à bon droit les intimés.
En conséquence, la cour dira n'y avoir lieu à statuer sur les demandes tendant à l'annulation des assemblées générales de la société A Strada tenues le 18 janvier 2012 et le 30 juin 2012 et sur la demande tendant au remplacement de M. Z..., commissaire aux compte judiciairement désigné.
En constatant qu'au moment de sa saisine, la société A Strada n'avait pas désigné de commissaire aux comptes et en relevant, par des motifs circonstanciés et pertinents, que cette désignation s'imposait d'une part compte tenu des nombreux litiges opposant M. Y...aux autres associés, d'autre part en raison d'un retard dans l'arrêté des comptes des exercices clos le 31 décembre 2009 et le 31 décembre 2010, le premier juge s'est livré à une juste appréciation du droit applicable et des faits de la cause.
En effet, l'absence d'arrêtés de compte et les multiples procès opposant les associés caractérisaient suffisamment une mise en péril de l'intérêt social justifiant la désignation d'un commissaire aux comptes sur le fondement de l'alinéa 4 de l'article L 227-9-1 du code de commerce, nonobstant l'existence, contestée, d'une situation de contrôle exclusif ou conjoint.
La désignation d'un commissaire aux comptes par la société, en raison de son caractère tardif puisqu'elle n'a été décidée que par une assemblée générale du 30 juin 2012, ne pouvait régulariser la situation en tout cas pour les exercices antérieurs à cette désignation.
La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a désigné un commissaire aux compte titulaire et un commissaire aux comptes suppléant à l'effet de contrôler les comptes de la société A Strada au titre des exercices clos au 31 décembre 2009, au 31 décembre 2010 et au 31 décembre 2011. En revanche, la désignation conventionnelle d'un commissaire aux comptes à compter du 30 juin 2012 a mis fin au mandat judiciaire pour l'exercice clos au 31 décembre 2012, la cour n'étant juge, compte tenu du cadre légal de la présente saisine, ni de la régularité de la désignation de ce commissaire aux comptes ni des conditions dont il remplit sa mission. La décision entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle étend la mission du commissaire aux compte désigné au-delà de l'exercice clos au 31 décembre 2011.
En relevant appel d'une décision contraire à leurs prétentions, la société A Strada et Mme X...n'ont fait qu'user normalement d'une voie de droit qui leur était ouverte et en conséquence l'intimé n'est pas fondé à leur réclamer des dommages-intérêts pour procédure abusive.
Les dispositions afférentes aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. Chaque partie supportera la moitié des dépens de l'appel ; aucune considération ne commande de faire application dans cette instance des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a désigné un commissaire aux comptes titulaire et un commissaire aux comptes suppléant à l'effet de contrôler les comptes de la SELAS A Strada au titre des exercices clos au 31 décembre 2009, au 31 décembre 2010, au 31 décembre 2011,
Constatant la désignation d'un commissaire aux comptes par une décision de l'assemblée générale du 30 juin 2012, infirme la décision déférée en ce qu'elle impartit aux commissaires aux comptes judiciairement désignés une mission portant sur les exercices clos après cette dernière date,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes, formées par M. Alexandre Y..., tendant à l'annulation des assemblées générales de la SELAS A Strada tenues le 18 janvier 2012 et le 30 juin 2012 et sur la demande tendant au remplacement de M. Alain Z..., commissaire aux compte désigné par la décision entreprise,
Déboute M. Alexandre Y...de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens de l'appel seront supportés à concurrence de la moitié par M. Alexandre Y...d'une part et la SELAS A Strada et Mme X..., solidairement, d'autre part.
LE GREFFIER LE PRESIDENT