Ch. civile A
ARRET No
du 19 FEVRIER 2014
R. G : 12/ 00923 C-MB
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, décision attaquée en date du 22 Octobre 2012, enregistrée sous le no 09/ 00943
Y...Y...
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTES :
Mme Christine Jane Andrée Y... épouse Z...née le 17 Décembre 1948 à VILLEURBANNE (69100) ......06400 CANNES
ayant pour avocat Me Jean Sébastien DE CASALTA, avocat au barreau de BASTIA
Mme Françoise Aimée Nicole Y... épouse A...née le 28 Juin 1983 à MARSEILLE (13000) ...25300 PONTARLIER
ayant pour avocat Me Jean Sébastien DE CASALTA, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
Mme Marie France Pierette X...née le 21 Avril 1943 à NIAMEY (Niger) ...20112 SAINTE LUCIE DE TALLANO
ayant pour avocat Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 décembre 2013, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller
Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 février 2014.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Johanna SAUDAN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. Jean-Claude Y... s'est marié, en premières noces, avec Mme Marie D...et de cette union sont issus deux enfants :
- Mme Christine Y... épouse Z...-Mme Françoise Y... épouse A....
Le 12 juillet 1973, M. Jean-Claude Y... et Mme Marie-France X...se sont mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage préalable à leur union.
Par acte notarié du 03 mai 1985, M. Jean-Claude Y... a fait une donation au dernier vivant, à son épouse, Mme Marie-France X..., portant, sur la totalité des biens qui composeront sa succession sans exception ni réserve et, en cas d'héritiers réservataires acceptant sa succession, sur l'une ou l'autre des quotités disponibles entre époux.
Aux termes d'un testament olographe en date du 27 septembre 1992, M. Jean-Claude Y..., léguait la totalité de ses biens à ses deux filles, Mmes Z...et A..., ci-dessus nommées.
Il indiquait également dans ce testament avoir financé l'acquisition du bien immobilier dénommé " ...", faite par Mme Marie-France X..., son épouse, ainsi que les dépenses d'aménagement de cette propriété.
M. Jean-Claude Y... est décédé le 16 septembre 1994.
Saisi par Mme X...veuve Y..., par ordonnances en date des 7 juillet et 27 octobre 1998, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Ajaccio a ordonné trois mesures d'expertise portant sur, l'état de santé de son époux à l'époque de la rédaction du testament du 27 septembre 1992 sus-visé, l'écriture de ce testament et la situation financière et comptable du défunt.
Le 19 juin 2000, l'expert désigné aux fins de vérification d'écriture déposait son rapport qui confirme la rédaction du testament par M. Jean-Claude Y....
Le 28 novembre 2000, l'expert médical déposait son rapport qui conclut à la pleine possession des facultés du défunt.
Le 25 juin 2006, l'expert financier, M. Jacky B..., déposait son rapport.
Par actes d'huissier des 22 février et 05 mars 2007, Mme X...veuve Y... a assigné Mmes Z...et A...devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio en vue d'obtenir la nullité du legs de la propriété " ..." et des meubles meublants, ainsi que la condamnation des défenderesses au paiement de frais irréptibles et aux entiers dépens.
Par acte d'huissier du 22 mars 2007, Mmes Z...et A...ont assigné Mme X...veuve Y... devant la même juridiction, en vue d'obtenir :
- l'ouverture des opérations de partage des biens dépendant de la succession de M. Jean-Claude Y...,
- la désignation du président de la chambre des notaires avec faculté de délégation pour y procéder,
- la désignation, avant-dire droit, d'un expert,
- la désignation d'un juge du tribunal pour suivre les opérations,
- la condamnation de la défenderesse à leur verser à chacune, la somme de 73. 235 euros, soit 146. 470 euros au total, à titre de provision à valoir sur l'actif successoral devant leur revenir,
- la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Ces deux procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 19 septembre 2007.
Par ordonnance du 1er octobre 2008, le juge de la mise en état, a radié l'affaire, sur le fondement des articles 381 et 383 du code de procédure civile.
Le 20 septembre 2009, celle-ci a été réinsrite au rôle.
Par jugement contradictoire du 22 octobre 2012, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a, notamment, :
- rejeté la demande de nullité de legs relatif à la propriété " ..." dont Mme Marie France X...veuve Y... est propriétaire,
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'universalité des biens composant la succession de M. Jean-Claude Y... et de la communauté ayant existé avec Mme Marie France Pierrette X...,
- désigné, pour y procéder, le président de la chambre des notaires de Corse du Sud, avec faculté de délégation à l'un de ses confrères,
- renvoyé d'ores et déjà les parties devant ce notaire, qui devra commencer ces opérations en déterminant les droits des parties, les biens meubles et immeubles composant la masse partageable et réaliser un projet de partage en se fondant notamment, s'agissant des immeubles, sur l'avis de l'expert ci-après désigné,
- désigné le vice-président en charge des successions-partages ou son suppléant, en tant que juge commis à la surveillance des opérations de partage,
- pour permettre au notaire d'établir le partage requis, ordonné une mesure d'expertise confiée à M. Pierre Paul F...,
- rejeté la demande formée au titre d'une récompense due à la communauté,
- rejeté la demande de provision à valoir sur l'actif successoral,
- rejeté toutes les autres demandes de mission d'expertise,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens, en ce compris les frais et honoraires définitifs de l'expert après taxation par le juge chargé du contrôle des expertises, en frais privilégiés de partage.
Par déclaration reçue le 29 novembre 2012, Mmes Z...et A...ont interjeté appel de cette décision.
Par leurs dernières conclusions, reçues le 18 février 2013, les appelantes sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du legs de M. Jean Claude Y... relatif à la propriété " ...".
Elles demandent à la cour de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :
- de fixer à la somme de 292. 943 euros la part qui reviendrait à M. Y... au titre des récompenses,
- d'ordonner sur leur poursuite et en présence des autres parties ou elles dûment appelées, qu'il soit procédé aux opérations de partage des biens meubles et immeubles dépendant de la succession dont s'agit, par le président de la chambre des départementale des notaires qu'il convient de commettre avec faculté de délégation à tout notaire de son choix,
- de commettre avant-dire-droit tel expert qu'il plaira au tribunal avec les missions précisées au dispositif,
- de commettre un juge du tribunal aux fins de surveiller lesdites opérations,
- de condamner Mme X...veuve Y... à verser à chacune d'elles la somme de 73. 235 euros, soit 146. 470 euros au total, à titre de provision à valoir sur l'actif successoral devant leur revenir,
- de condamner l'intimée au paiement de la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Par ses dernières conclusions, reçues le 16 avril 2013, Mme X...veuve Y... sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :
- rejeté la demande en nullité du legs de M. Jean Claude Y... relatif à la propriété ...,
- constaté que les appelantes ne rapportaient pas la double preuve qu'une récompense était due à la communauté par l'intimée et confirmé qu'il n'y a pas lieu à récompense,
- constaté qu'il n'y avait pas lieu au paiement d'une provision à valoir sur l'actif successoral,
- écarté le rapport de l'expert, M. Jacky B..., en raison de ses multiples contradictions,
- rejeté les demandes d'expertise réclamées par les appelantes sur : le véhicule DAIMLER, l'existence d'une indemnité d'occupation, le calcul des loyers perçus sur l'appartement de Sainte Lucie après le décès, de faire calculer les droits à récompense dus par la communauté à M. Y... (utilisation du produit de vente de la villa de Cannes lui ayant appartenu en propre à des fins communes),
- ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. Y...,
- désigné le président de la chambre des notaires de Corse du Sud avant-dire-droit, tel expert ayant pour mission de procéder à la liquidation de ladite succession.
Elle demande la condamnation solidaire des appelantes au paiement de la somme de 15. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées et au jugement déféré.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes des appelantes au titre de la récompense et de la provision
Le tribunal a relevé que Mmes Z...et A...se prévalaient des conclusions de l'expertise financière effectuée par M. Jacky B..., pour soutenir l'existence d'une récompense due par Mme X...veuve Y... à la communauté.
Il a, sur le fondement de l'article 1469 du code civil et au vu du rapport d'expertise, considéré que :
- la méthode de calcul " intermédiaire " proposée par l'expert pour déterminer le montant de la récompense ne pouvait être retenue au regard du caractère impératif des dispositions du texte précité,
- la preuve de l'existence de la dépense n'était pas rapportée.
En ce qui concerne la demande de provision, le tribunal a estimé, que, n'ayant pas retenu le calcul opéré par l'expert, M. B..., il convenait de la rejeter, dans la mesure où celle-ci était fondée sur les conclusions de l'expert qui sont critiquables.
En cause d'appel, les appelantes réitèrent leurs demandes au titre de la récompense et de la provision réclamées à Mme X...veuve Y..., en reprenant leurs moyens et arguments de première instance.
Elles font valoir que le tribunal a écarté la méthode de calcul retenue par l'expert alors que ce dernier établit l'existence d'une récompense due à la communauté.
Elles précisent qu'en tout état de cause le montant de la récompense à la communauté chiffré par M. B... doit nécessairement être considéré comme une valeur minimale car la valeur de la maison dont s'agit est certainement plus importante que l'estimation qui en a été faite par l'expert.
Les appelantes exposent que l'expert a fixé à la somme de 292. 943 euros la part revenant à la succession du défunt, à savoir : 57. 768, 42 euros au titre des dépenses faites avant mariage et 234. 725 euros au titre de la récompense due par Mme X...veuve Y... à la communauté (la moitié de la valeur de la maison après déduction du prix d'achat du terrain et des constructions).
Elles soutiennent que la part revenant à M. Y... sur ladite récompense, a été clairement et précisément déterminée à dire d'expert et qu'il convient, d'ores et déjà, de leur verser à chacune une provision, à valoir sur l'actif successoral.
Mme X...veuve Y... réplique que les éléments constitutifs de la récompense ne sont pas établis car il n'est pas démontré que son époux ait utilisé ses deniers personnels pour accomplir des travaux dans la maison du " ..." lui appartenant en propre et qu'aucune variation du patrimoine de celui-ci n'a pu être observée depuis le jour de son mariage jusqu'à son décès.
Elle fait valoir que les tableaux réalisés par l'expert, M. B..., à partir des documents transmis par les appelantes, notamment des talons de chèques, ne peuvent être pris comme point de référence, en raison de leur imprécision et relève des incertitudes sur la destination des fonds débités ainsi que sur l'affectation des dépenses faites par son époux durant sa vie.
Elle s'oppose au paiement à sa charge, de la provision réclamée par Mmes Z...et A..., en invoquant le caractère incertain et contesté de l'existence de la récompense sur laquelle cette demande est fondée.
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En l'absence d'élément nouveau, la cour estime que les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits de la cause et des droits de parties et, ont pour de justes motifs qu'elle approuve, constaté que Mmes Z...et A...ne rapportaient pas la preuve qu'une récompense était due à la communauté par Mme X...veuve Y... et dit qu'il n'y a pas lieu à récompense, ni au paiement d'une provision à valoir sur l'actif successoral.
En effet, au regard des dispositions des articles 1468 et 1469 du code civil, du caractère impératif du mode de calcul des récompenses, les appelantes ne peuvent valablement se prévaloir du rapport d'expertise de M. B..., sur lequel elle fonde leurs demandes de récompense et de provision, alors qu'au vu de ce rapport :
- d'une part, l'existence d'une récompense due par l'intimée à la communauté, n'est absolument pas démontrée, l'expert déclarant notamment, " certains paramètres de cette équation sont inconnus tels que la dépense faite mais surtout le coût global ",
- et d'autre part, la méthode de calcul utilisée par l'expert (page 45 de son rapport) ne respecte pas les principes d'évaluation des récompenses imposées par l'article 1469 sus-visé.
Par ailleurs, en l'absence de récompense due à la communauté par Mme X...veuve Y..., et au vu des éléments versés aux débats, il n'est pas établi que l'actif successoral comprenne des liquidités permettant de faire droit à la demande des appelantes de versement d'une somme provisionnelle de 73 235 euros à chacune.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ses dispositions sur ces points.
Sur les missions de l'expert
Le tribunal a relevé que Mmes Z...et A...demandaient d'étendre les missions de l'expert sur l'estimation de la valeur vénale du véhicule DAIMLER, l'existence d'une indemnité d'occupation due par Mme X...veuve Y..., le calcul des loyers perçus par cette dernière sur l'appartement de Sainte Lucie après le décès, la recherche et le recensement des mouvements de fonds enregistrés sur les comptes de l'intimée et le calcul du montant des créances personnelles du défunt ainsi que sur des droits à récompense dus par la communauté à M. Y... (utilisation du produit de vente de la villa de Cannes lui ayant appartenu en propre à des fins communes).
Il a estimé que ces demandes étaient, soit injustifiées, soit sans objet et que Mmes Z...et A...avaient la charge de la preuve de l'existence du principe d'une indemnité d'occupation, un expert n'ayant pas à pallier leur carence dans cette preuve.
Les appelantes formulent devant la cour, les mêmes prétentions, toutefois, elles ne présentent aucun élément nouveau et ne formulent aucune explication permettant de justifier leur demande.
Dans ces conditions, et au regard des dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, la cour approuvant les motifs pertinents des premiers juges, confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes sur les chefs de missions, sollicitées par Mmes Z...et A....
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il n'est pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formulées au titre de l'article 700 sus-visé et, la cour déboutera les parties de leurs prétentions respectives fondées sur ce même texte, pour la procédure d'appel.
Les appelantes, succombant en leurs recours, supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;
Déboute les parties de toutes autres demandes ;
Condamne Mme Christine Y... épouse Z...et Mme Françoise Y... épouse A...aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT