Ch. civile B
ARRET No
du 16 AVRIL 2014
R.G : 13/00029 R-MPA
Décision déférée à la Cour :Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 27 Novembre 2012, enregistrée sous le no 07/01171
Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD SA
C/
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE "LE PASSY" 20200 BASTIASARL AFO
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SEIZE AVRIL DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTE :
Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD SAagissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice313 Terrasse de l'Arche,92727 NANTERRE
assistée de Me Jean jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Josette CASABIANCA, avocat au barreau de BASTIA, plaidant par Me Florence BATTESTI, avocat au barreau de BASTIA,
INTIMES :
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE "LE PASSY" 20200 BASTIA en la personne de son syndic en exerciceSARL Le Kalliste40 boulevard Paoli20200 BASTIA
ayant pour avocat Me Pierre SEMIDEI, avocat au barreau de BASTIA
SARL AFO prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités au dit siègeCentre Commercial Monte Stello20290 BORGO
assistée de Me Antoine ALESSANDRI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 février 2014, devant la Cour composée de :
M. Pierre LAVIGNE, Président de chambreMme Marie-Paule ALZEARI, ConseillerMme Françoise LUCIANI, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Johanna SAUDAN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 avril 2014
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La SARL AFO a réalisé pour le compte de la copropriété de l'immeuble Le Passy des travaux de ravalement et d'imperméabilisation des façades. Ils ont été réceptionnés le 4 juin 1993.
Le 16 mars 1999, le syndicat des copropriétaires a fait assigner la SARL AFO et la SA Axa France IARD, assureur décennal, devant le juge des référés aux fins de voir ordonner une expertise pour faire constater les malfaçons affectant les travaux.
Un expert a été désigné et a déposé son rapport le 9 septembre 2004.
Le syndicat des copropriétaires a saisi le tribunal de grande instance de Bastia d'une demande indemnitaire sur le fondement des conclusions du rapport d'expertise.
Par jugement avant dire droit du 3 février 2009, le tribunal a écarté ce rapport d'expertise et ordonné une nouvelle mesure d'instruction.Le nouvel expert désigné a déposé son rapport le 10 janvier 2010.
Vu le jugement en date du 27 novembre 2012 par lequel le tribunal de grande instance de Bastia a :
- déclaré la demande recevable, le délai de mise en oeuvre de la responsabilité décennale de l'entreprise ayant été interrompu par l'assignation en référé délivré le 16 mars 1999,
- condamné la SARL AFO et la SA Axa France IARD son assureur à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Passy la somme de 78 000 euros qui sera réévaluée selon l'évolution de l'indice BT 01 entre le 10 janvier 2010, date de dépôt du rapport d'expertise, et le prononcé du jugement, et qui produira intérêts au taux légal à compter de ce jour,
- condamné la SARL AFO et la SA Axa France IARD son assureur, à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Passy la somme de 10 268,74 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
- condamné la SARL AFO et la SA Axa France IARD son assureur, à payer au syndicat des copropriétaires de L'immeuble Le Passy la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Passy à payer à la SARL AFO la somme de 1 247,17 euros au titre du solde du prix des travaux,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit que les frais d'expertise de M. Y... resteront à la charge exclusive du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Passy,
- condamné la SARL AFO et la SA Axa France IARD son assureur aux dépens, en ce compris les frais d'expertise réalisée par M. Z....
Vu la déclaration d'appel formalisée par la SA Axa France IARD le 15 janvier 2013.
Vu les dernières conclusions de l'appelante transmise le 15 avril 2013.
Elle demande qu'il soit dit et jugé que les travaux de réparation totale chiffrés à la somme de 190 000 euros correspondent à la totalité des dommages affectant l'immeuble dont une grande partie est sans aucun lien avec l'intervention de la SARL AFO et que les travaux conservatoires chiffrés à la somme de 10 268,74 euros sont liés aux dommages structurels de l'immeuble et doivent rester à la charge de la copropriété.
En conséquence, elle conclut au rejet des demandes en paiement.
Elle ajoute que les dommages consécutifs à l'intervention de la SARL AFO sont limités à la réapparition des fissures traitées en 1993 et au décollement de peinture et ne portent donc pas atteinte à la solidité de l'immeuble où ne le rendent pas impropre à sa destination.
En outre elle estime que la copropriété est responsable pour un tiers des dommages à indemniser.
Dans cette mesure, elle sollicite sa mise hors de cause au motif que les désordres ne sont pas de nature décennale.
Elle réclame le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées dans l'intérêt de la SARL AFO le 4 juin 2013.
Elle prétend à la nullité de l'assignation du 16 mars 1999 et de l'ordonnance de référé subséquente.
En conséquence, elle estime que l'action est prescrite en application des dispositions de l'article 1792-4-1 du Code civil.
Sur le fond, elle sollicite la confirmation du jugement quant à la nature décennale des travaux et indique que les malfaçons affectant la façade nord de l'immeuble ne peuvent être prises en compte dans l'examen des responsabilités faute d'avoir été incluses dans l'habilitation donnée au syndic d'agir en justice.
Sur ce point, elle sollicite une mesure d'instruction afin de déterminer le quantum des malfaçons affectant la façade nord.
Elle réclame le paiement de la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions transmises par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Passy le 6 juin 2013.
À titre principal, il sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu une réfection partielle et prétend au paiement des sommes de 190 000 euros au titre des travaux de réparation totale et 10 268,74 euros pour les travaux conservatoire réalisés.
À titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement entrepris.
À titre infiniment subsidiaire, il invoque la responsabilité contractuelle de l'entreprise et demande à son encontre paiement de la somme de 190 000 euros à titre principal, de la somme de 78 000 euros à titre subsidiaire outre celle de 10 268,74 euros pour les travaux conservatoire.
Il sollicite le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 novembre 2013 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 13 février 2014.
MOTIFS
Attendu en premier lieu que la SARL AFO prétend à la prescription de l'action diligentée par le syndicat des copropriétaires ; qu'elle indique que par délibération du 3 juin 1998, l'assemblée générale des copropriétaires a donné mandat au syndic d'agir en justice en se faisant assister de l'avocat Me Poletti ;
Attendu qu'elle a bien été assignée le 16 mars 1999 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bastia aux termes d'un acte diligenté à la demande non pas de Me Poletti mais d'un autre avocat déclarant représenter le syndicat des copropriétaires ;
Attendu ainsi qu'elle invoque la nullité de l'assignation du 16 mars 1999 en application des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile dans la mesure où l'avocat aurait été dépourvu du pouvoir de représenter le syndic agissant lui-même en sa qualité de représentant du syndicat ; qu'elle ajoute, à titre surabondant, que le défaut de pouvoir de l'avocat du syndic lui a causé un grief ;
Attendu dans cette mesure qu'elle prétend à l'acquisition de la prescription décennale, la nullité de l'assignation en référé du 18 mars 1999 et de l'ordonnance subséquente ayant pour effet de faire remonter le premier acte interruptif de prescription à l'assignation au fond délivrée le 14 juin 2007 ;
Attendu en premier lieu que le syndicat fait observer, à juste titre, que le syndic peut introduire toute demande qui relève de la compétence du juge des référés sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires dans tous les cas qui relèvent de la compétence exclusive de ce juge ;
Attendu que l'assignation en référé diligentée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile relève à l'évidence de cette hypothèse et pouvait donc parfaitement être initiée par le syndic sans autorisation préalable ;
Attendu par ailleurs qu'il doit être observé que la 12ème résolution du procès-verbal d'assemblée générale du 3 juin 1998 prévoit qu'il est donné mandat au syndic pour représenter la copropriété devant toute juridiction et se faire assister de l'avocat Me Poletti, de l'avoué s'il y a lieu ou autres ;
Attendu qu'il doit donc être considéré que l'identité de l'avocat n'a été mentionnée qu'à titre indicatif puisqu'il est expressément prévu qu'il peut s'agir de Me Poletti ou de tous autres;
Attendu en toute hypothèse que l'essentiel de la délibération réside dans le mandat donné au syndic ; que la désignation de l'avocat n'est qu'une modalité de l'autorisation ainsi donnée et ne peut évidemment pas constituer un élément essentiel et déterminant du mandat ;
Attendu en effet qu'au regard des termes utilisés , il est patent que le syndic a été missionné pour agir à l'encontre de l'entreprise et de son assurance dommages ouvrage, étant précisé que l'assistance d'un avocat était sinon obligatoire du moins nécessaire ;
Attendu dans ces conditions que le moyen tiré de la nullité de l'assignation au motif qu'elle a été diligentée à la demande d'un autre avocat que Me Poletti ne peut utilement prospérer ; que la demande de la SARL AFO de voir rejeter la demande du syndicat des copropriétaires au motif que son action serait prescrite a donc été valablement écartée par le premier juge ;
Attendu au fond et en premier lieu, sur l'étendue des désordres, qu'il doit être observé que la mission confiée à l'expert concerne l'ensemble du bâtiment sans qu'il y ait lieu de distinguer les façades de celui-ci ; que le procès-verbal d'assemblée générale ayant autorisé le syndic à agir ne prévoit aucune distinction sur ce point ; qu'il n'y a donc pas lieu de missionner un nouvel expert ainsi que le réclame la SARL AFO ;
Attendu en liminaire qu'il doit être constaté que la réalité et la date de la réception ne sont pas remises en cause ou contestées ;
Attendu en second lieu, sur la nature des dommages, que l'appelante prétend à l'absence de caractère décennal des travaux réalisés par la SARL AFO ; qu'elle relève que l'expert a précisé que les défectuosités constatées ne rendaient pas le bâtiment impropre à sa destination et ne mettaient pas l'ouvrage en péril ;
Attendu néanmoins que l'expert a précisé que ces défectuosités étaient importantes et devaient impérativement être reprises dans l'année 2010 au risque d'aggravation conséquente des maçonneries pouvant engendrer un danger pour l'environnement de l'immeuble, s'agissant de la possibilité de chute au sol des éléments éclatés ; que ce constat vient à l'évidence contredire la conclusion selon laquelle le bâtiment ne serait pas impropre à sa destination ; qu'en effet, la possibilité de chute au sol d'éléments constitue à l'évidence une impropriété de l'ouvrage ;
Attendu d'autre part que l'expert ajoute, en réponse à la question sur le caractère décennal des travaux, que l'analyse du devis proposé par la SARL AFO permet de considérer que la deuxième partie relative à l'application d'un revêtement imperméabilisant relève de la garantie décennale ; qu'il précise, après analyse du détail des prestations de réhabilitation, que l'entreprise a bien proposé un revêtement imperméabilisant sous garantie décennale ;
Attendu dans ces conditions que la nature décennale des désordres constatés par l'expert sera retenue ;
Attendu sur l'étendue des désordres devant être réparés que l'expert judiciaire a précisément fait une distinction entre les désordres relevant du gros oeuvre, de la vétusté et plus généralement de la conception et de la structure de l'immeuble avec ceux consécutifs à l'intervention de la SARL AFO ;
Attendu ainsi qu'au terme des conclusions du rapport d'expertise seuls, sont concernés, le décollement ponctuel de la peinture mais également la réapparition des zones de fissures traitées lors du ravalement de façade réalisée en 1993 par cette entreprise ;
Attendu que dans cette mesure, les premiers juges ont, à bon droit, écarté la demande en paiement du syndicat des copropriétaires au regard d'une réparation totale des dommages constatés ; qu'ils ont donc valablement condamné la SARL AFO avec son assureur décennal au paiement de la somme de 78 000 euros au titre des travaux de réparation ;
Attendu sur les travaux conservatoires réalisés par le syndicat qu'il doit être observé que l'expert a pris le soin d'indiquer qu'une partie des travaux nécessaires à la remise en état n'ont pas été prescrits en considération des travaux déjà effectués par la copropriété ;
Attendu qu'ils ont consisté en la réparation de fissures infiltrantes, au bouchage et au nettoyage après traitement des façades ; que cette observation de l'expert implique donc que ces travaux ont nécessairement résulté de la nécessité de remédier aux désordres consécutifs à l'intervention de la SARL AFO ; que de ce chef, la responsabilité décennale de cette dernière a donc été, à bon droit, retenue par les premiers juges ;
Attendu sur la responsabilité du maître de l'ouvrage que l'appelante expose que l'expert judiciaire a retenu que le syndic, maître d'ouvrage averti, ne s'était pas donné les moyens d'une assistance de maîtrise d'oeuvre qui aurait pu l'éclairer sur la teneur des produits et l'assister sur le suivi et la réalisation des travaux entrepris ;
Attendu néanmoins que l'expert relève également qu'il est d'usage courant qu'une telle opération soit diligentée sans maîtrise d'oeuvre s'agissant d'un syndic immobilier professionnel; qu'il ajoute que l'entreprise aurait dû attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la précarité du dossier technique et établir ou faire établir un procès-verbal de réception des supports ;
Attendu qu'il doit être précisé que la maîtrise d'oeuvre, pour ce type de travaux, n'est , en aucun cas obligatoire ; que par ailleurs, il avait été fait appel à une entreprise dûment qualifiée, compétente pour les travaux à réaliser qui aurait dû exiger un cahier des charges détaillées; que la responsabilité de la copropriété dans la survenance des dommages sera donc écartée;
Attendu enfin que le syndicat des copropriétaires ne conteste pas devoir une somme de 1 247,17 euros au titre du solde des travaux correspondants à la retenue de garantie ; que la copropriété doit donc être condamnée au paiement de cette somme ; que cette somme n'a pas à être déduite mais se compense nécessairement avec les condamnations prononcées au profit du syndicat des copropriétaires ;
Attendu qu'en l'état des motifs précédents, les condamnations prononcées par le tribunal au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile doivent être confirmées ;
Attendu en revanche qu'en succombant sur les mérites de son appel, la SA Axa France IARD doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; qu'à l'opposé, aucune raison d'équité ne commande l'application de cet article au profit des autres parties qui en ont fait la demande en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bastia en date du 27 novembre 2012 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande d'expertise aux fins de déterminer le quantum des malfaçons affectant la façade nord présentée par la SARL AFO,
Condamne la SA Axa France IARD aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT