Ch. civile A
ARRET No
du 14 MAI 2014
R. G : 13/ 00510 C-MB
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Au fond, origine Juge aux affaires familiales d'AJACCIO, décision attaquée en date du 29 Avril 2013, enregistrée sous le no 10/ 01094
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATORZE MAI DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT :
M. Noël Ange X...né le 20 Juillet 1950 à AJACCIO (20000) ...20151 SARI D'ORCINO
assisté de Me Anne Marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
INTIMEE :
Mme Marie Noëlle Y... épouse X...née le 01 Janvier 1949 à AJACCIO ...20000 AJACCIO
assistée de Me François FABIANI, avocat au barreau de BASTIA, Me Carmen MULLER-BUJOLI, avocat au barreau de MULHOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 10 mars 2014, devant Mme Julie GAY, Président de chambre, et Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 14 mai 2014.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. Noël X...et Mme Marie Noëlle Y...se sont mariés le 16 août 1975 à Ajaccio, sans contrat de mariage préalable.
Suivant acte notarié de changement de régime matrimonial, du 09 mars 1989, ils ont adopté le régime de la séparation de biens, lequel a été homologué par jugement du 14 septembre 2009.
Les époux X...ont un enfant qu'ils ont adopté, Marie Paule Maeva X..., née le 15 mai 1990.
Le 03 novembre 2010, Mme Y... épouse X...a présenté une requête en divorce au juge des affaires familiales du tribunal de grande instance d'Ajaccio.
Par ordonnance de non-conciliation du 07 mars 2011, le juge aux affaires familiales a, notamment :
- autorisé les parties à assigner en divorce et à résider séparément,
- attribué à Mme X...la jouissance du domicile familial situé ......à Ajaccio,
- dit que cette jouissance s'exercera à titre gratuit,
- dit que Mme X...devra payer à M. X...une pension alimentaire au titre du devoir de secours, d'un montant mensuel de 550 euros,
- dit que les crédits communs seront à compter de l'ordonnance de non-conciliation supportés pour moitié par chacun des deux époux,
- rejeté, à ce stade de la procédure, la demande d'expertise formée par Mme X...,
- dit que Mme X...versera mensuellement à M. X...une somme de 350 euros indexée au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille, Marie-Paule, toujours à charge du père.
Par ordonnance du 14 mai 2012, le juge aux affaires familiales, statuant en qualité de juge de la mise en état, a ordonné, avant-dire droit, une expertise aux fins, notamment, de déterminer la consistance de la masse indivise, le cas échéant, celle de la masse commune non liquidée après le changement de régime matrimonial, les patrimoines propres de chacun des époux, ainsi que leurs revenus et ressources.
Sur requête de Mme X..., le juge de la mise en état a, par ordonnance du 29 avril 2013, au visa de l'article 771. 5o du code de procédure civile, notamment :
- débouté M. X...de sa demande d'attribution de la jouissance de l'ancien domicile familial, situé ......à Ajaccio,
- laissé à Mme X...la jouissance de l'ancien domicile conjugal,
- supprimé la pension alimentaire allouée à M. X...au titre du devoir de secours et débouté ce dernier de sa demande d'augmentation de ladite pension,
- maintenu à la somme mensuelle de 350 euros la part contributive que devra verser Mme Y... épouse X...à M. X...pour l'entretien et l'éducation de leur fille, Marie-Paule, payable selon les modalités précisées au dispositif,
- réservé les dépens.
Par déclaration reçue le 17 juin 2013, M. X...a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions reçues le 09 septembre 2013, l'appelant sollicite l'infirmation partielle de la décision querellée.
Il demande à la cour de lui attribuer la jouissance à titre gratuit du domicile conjugal constituée par la villa située ...à Ajaccio, de condamner l'intimée à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de confirmer l'ordonnance déférée, en toutes ses autres dispositions.
Par ses dernières conclusions reçues le 16 décembre 2013, Mme Y... épouse X...demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a supprimé la pension alimentaire allouée à M. X...par l'ordonnance de non-conciliation du 07 mars 2011,
- débouter M. X...de l'ensemble de ses prétentions,
reconventionnellement,
- de dire et juger que la suppression de la pension alimentaire doit avoir effet rétroactif au 07 mars 2011,
- enjoindre M. X...de justifier de la situation de Mlle Marie-Paule X...née le 15 mai 1990,
- supprimer la pension alimentaire mensuelle réglée par elle pour Marie-Paule X...née le 15 mai 1990,
- condamner l'appelant au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
subsidiairement,
- réduire à de plus justes proportions la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant versée par l'intimée.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées et à l'ordonnance déférée.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2014.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'attribution du domicile conjugal
Le juge de la mise en état, sur la base des documents produits, a considéré que M. X...disposait d'un logement à Sari d'Orcino, où il était domicilié et où se trouvait également son exploitation agricole, laquelle était, en outre, en cours de modernisation.
Il a relevé que le choix de Mme X...de ne plus habiter l'ancien domicile conjugal ne suffisait pas à la priver de la jouissance qui lui en avait été attribuée, ce d'autant qu'il constituait un bien propre lui appartenant.
Devant la cour, M. X...fait valoir qu'il avait demandé l'attribution du domicile conjugal, ou au moins la partie basse qui avait été aménagée pour les besoins de son activité agricole, et que son épouse s'y était opposée en invoquant son état de santé, prétendant qu'il s'aggraverait si elle était contrainte de changer de lieu de vie.
Il soutient que l'intimée n'habite plus ladite villa depuis plusieurs mois et vit dans un appartement situé Résidence ..., en se prévalant de l'envoi d'une lettre recommandée qu'il lui a adressée à cette adresse.
Il affirme que l'intimée a réclamé l'attribution en jouissance du domicile conjugal dans l'intention de lui nuire, alors qu'elle n'avait pas l'intention d'y habiter.
De son côté, Mme Y... épouse X...réplique que le bien immobilier constituant le domicile conjugal lui appartient en propre et que l'appelant a depuis très longtemps élu domicile à Sari D'Orci.
Elle expose que depuis avril 2011, suite à une médiation intervenue auprès du délégué du Procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Ajaccio, leur enfant, Marie-Paule qui avait commis volontairement des violences à son encontre, a été fermement invitée à ne plus l'importuner, mais que tant son époux et que sa fille devenue majeure, continuant à la harceler, qu'elle a dû se réfugier momentanément dans un logement prêté gracieusement par le propre frère de l'appelant.
Elle précise que son époux étant informé de la situation, a pu ainsi la " piéger " par l'envoi de la lettre recommandée avec AR.
Dans ces circonstances, la cour estime que Mme X...justifie son départ, non définitif, de cet immeuble, dont elle a gardé la jouissance et qui, au demeurant, lui appartient en propre.
A défaut d'élément nouveau, la cour estime que le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et du droit des parties et qu'il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise sur ce point.
Sur la pension alimentaire au titre du devoir de secours
Le juge de la mise en état a relevé que le juge conciliateur avait alloué à M. X...une pension alimentaire au titre du devoir de secours, mise à la charge de Mme X..., au regard de la situation de chacun des époux, laquelle s'établissait comme suit :
- Mme X...bénéficiait de la jouissance à titre gratuit du domicile conjugal consistant en une villa composée de deux étages, était propriétaire de trois autres biens immobiliers loués et disposait d'un revenu mensuel moyen de 4 780 euros,
- M. X..., exploitant agricole, disposait de ressources mensuelles s'élevant en 2010, à la somme totale de 1 190 euros, constituées de sa pension de retraite (750 euros), d'une pension d'invalidité (140 euros) et de la location d'un appartement lui appartenant (loyer de 300 euros), son activité agricole ne lui apportait aucun revenu.
Le juge de la mise en état a retenu, au vu des pièces soumises à son appréciation, que si la situation de l'épouse n'avait pas changé, M. X...avait dissimulé les profits que lui procurait son exploitation agricole qui faisait l'objet d'investissements importants.
Devant la cour, M. X...fait valoir, que Mme X...a perçu en 2011, soit postérieurement à l'ordonnance de non-conciliation, un revenu mensuel de 4 601, 59 euros dont 1 001, 59 euros au titre de sa retraite et 3 600 euros de revenus fonciers, alors qu'il ne disposait lui-même que de 900 euros environ par mois.
Il précise, d'une part, qu'actuellement, ses revenus se réduisent à ses pensions de retraite et d'invalidité (890 euros par mois), car son locataire ayant quitté les lieux en 2012, il ne perçoit plus de revenus fonciers, d'autre part, que ses revenus agricoles présentent un résultat courant de-6 636 euros, inférieur de 10, 86 % par rapport au résultat de l'année précédente et les investissements effectués sur son exploitation agricole, financés par des subventions allouées par l'ODARC et des emprunts, ont été nécessaires à la survie de cette exploitation dont sa fille doit prendre la suite prochainement.
Il soutient que sa situation est fortement obérée, étant donné qu'il doit faire face au frais de la vie courante comme aux frais d'entretien de sa fille, et que son patrimoine fait l'objet de saisie immobilière par le Crédit Agricole.
De son côté, Mme X...conclut que sa situation reste inchangée et que toutes les déclarations de revenus de M. X...présentent des irrégularités.
Elle affirme que M. X...a bénéficié de différentes primes qui lui ont été attribuées par divers organismes et produit, à cet effet, des attestations de l'Office du Développement Agricole et Rural de la Corse, (subventions de 91 310, 89 euros et 62 521, 89 euros) et un document émanant de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer de la Corse du Sud mentionnant les différentes primes versées en 2010 et 2011.
L'intimée souligne que, malgré les demandes formulées, par l'expert judiciaire désigné par l'ordonnance du juge de la mise en état du 14 mai 2012 ainsi que par le juge de première instance, M. X...ne justifie pas de la réalité des ses revenus, en particulier, de la preuve de paiement des factures des investissements à hauteur de 138 159 euros.
Elle précise que la somme de 5 500 euros perçue, pour l'année 2011, par M. X...au titre de la pension alimentaire ne figure pas dans sa déclaration de revenus et que ce dernier a été condamné pour banqueroute, par arrêt du 30 mars 2011 de la cour d'appel de Bastia sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel d'Ajaccio du 28 mai 2010. Par ailleurs, Mme X..., sollicite la rétroactivité de la suppression de la pension alimentaire au titre du devoir de secours mise à sa charge, au 07 mars 2011, date de l'ordonnance de non-conciliation qui l'a accordée à M. X..., en invoquant, notamment la malhonnêteté de ce dernier.
Au vu des éléments et pièces versés aux débats, la cour estime que le premier juge a, pour de justes motifs que la cour approuve, supprimé la pension alimentaire allouée à M. X...au titre du devoir de secours et débouté ce dernier de sa demande d'augmentation.
En effet, les documents, sus-visés, produits par Mme X..., permettent d'établir que M. X...a dissimulé une partie de ses ressources et organisé frauduleusement son insolvabilité, de même que l'absence de sincérité des résultats comptables de son exploitation agricole, la déduction des bénéfices de la somme de 138 159 euros au titre d'investissements n'étant pas justifiée.
La cour relève, en outre, que M. X...a disposé à titre gratuit de biens composant son patrimoine, suivant acte authentique reçu, le 11 septembre 2009, par Me Alain A..., notaire associé, versé aux débats, aux termes duquel il a consenti une donation à sa fille Marie-Paule X..., de la nue-propriété de différents biens immobiliers d'une valeur en pleine propriété de 234 400 euros et en nue-propriété, de 117 200 euros.
Par ailleurs, en l'espèce, la demande de rétroactivité formulée par Mme X...s'avère fondée, les dissimulations de M. X...et l'organisation de son insolvabilité étant antérieures à la date de l'ordonnance de non-conciliation qui lui a allouée la pension alimentaire querellée au titre du devoir de secours.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour confirmera l'ordonnance entreprise sur ce point, sauf à y ajouter que la suppression de la pension alimentaire au titre du devoir de secours mise à la charge de Mme Y... épouse X..., aura un effet rétroactif à la date du 07 mars 2011.
Sur la part contributive de Mme X...à l'entretien et l'éducation de sa fille
Le juge de la mise en état a considéré qu'il y avait lieu de maintenir la pension alimentaire concernant l'enfant, mise à la charge de sa mère, au vu l'attestation délivrée par la Direction du CFPPA, le 16 novembre 2012, indiquant que Marie-Paule X...était engagée dans une démarche de validation des acquis.
Devant la cour, Mme X...fait valoir qu'elle n'a aucune nouvelle de la situation de sa fille, aujourd'hui âgée de 24 ans.
M. X...ne formule aucune observation à ce sujet dans ses écritures mais produit une attestation en date du 23 janvier 2011délivrée par le directeur de la CFPPA, mentionnant, comme celle produite en première instance, que Mlle Marie-Paule X...est engagée dans une démarche de Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) et bénéficie d'un accompagnement nécessitant des entretiens réguliers au CFPPA.
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L'article 371-2 du code civil prévoit que chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant, ce texte précisant que cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur.
En l'espèce la situation actuelle de Marie Paule Maeva X..., née le 15 mai 1990, donc majeure, n'est pas connue et il résulte des éléments et pièces versées aux débats, que cette dernière était inscrite au Centre de formation Pour Adultes (CFPPA) en 2011 soit depuis plus de trois ans.
En outre, selon les propres déclarations de l'appelant, elle doit reprendre la suite de l'exploitation agricole de son père.
Au regard des dispositions légales précitées et au vu des éléments soumis à son appréciation, la cour réduira à la somme de 200 euros, la part contributive de Mme X...à l'entretien et à l'éducation de sa fille sus-nommée, l'ordonnance querellée étant en conséquence infirmée en ce sens de ce chef.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité commandant de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.
L'appelant, succombant en son recours, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a maintenu à la somme de trois cent cinquante euros (350 euros) la part contributive que devra verser Mme Y... épouse X...à M. X...pour l'entretien et l'éducation de leur fille, Marie-Paule X...,
Statuant à nouveau du chef de la disposition infirmée,
Réduit à la somme de deux cents euros (200 euros) la part contributive que devra verser Mme Y... épouse X...à M. X...pour l'entretien et l'éducation de leur fille, Marie-Paule X...,
Dit que cette contribution sera payée et indexée selon les modalités fixées par l'ordonnance querellée,
Y ajoutant,
Dit que la suppression de la pension alimentaire au titre du devoir de secours, doit avoir un effet rétroactif au 07 mars 2011, date de l'ordonnance de non-conciliation,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de tous autres chefs de demande,
Condamne M. Noël X...aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT