Ch. civile B
ARRET No
du 14 JANVIER 2015
R. G : 13/ 00162 R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 24 Janvier 2013, enregistrée sous le no 12/ 00187
X... Y...
C/
Compagnie d'assurances COMPAGNIE D'ASSURANCES ALLIANZ IARD
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATORZE JANVIER DEUX MILLE QUINZE
APPELANTS :
M. Noël François X... né le 23 Décembre 1970 à Ajaccio ... 20167 Mezzavia
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, et Me Doumè FERRARI, avocat au barreau D'AJACCIO
Mme Tamara Y... épouse X... née le 04 Septembre 1973 à Sassari (Sardaigne) ... 20167 Mezzavia
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, et Me Doumè FERRARI, avocat au barreau D'AJACCIO
INTIMEE :
Compagnie d'assurances COMPAGNIE D'ASSURANCES ALLIANZ IARD anciennement dénommée AGF entreprise régie par le Code des Assurances poursuites et diligences de son représentant légal Mr Jacques Z..., président du conseil d'administration. 87, rue de Richelieu 75002 PARIS/ FRANCE
ayant pour avocat Me Claude THIBAUDEAU, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 novembre 2014, devant Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et Mme Judith DELTOUR, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Françoise LUCIANI, Conseiller Mme Judith DELTOUR, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Johanna SAUDAN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2015
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Invoquant des désordres et malfaçons survenus dans les mois ayant suivi la fin des travaux de construction de leur maison exécutés par la S. A. R. L. Les Cèdres, M. Noël X...et Mme Tamara Y... épouse X... ont fait assigner la compagnie d'assurance AGF, par acte du 9 février 2012, aux fins d ` obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation à. leur payer la somme de 17 180 euros avec intérêts à compter du 17 décembre 2008, 30 000 euros de dommages et intérêts et 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 janvier 2013, le Tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
- dit que l'action en paiement intentée par M. et Mme X... à l ` encontre d'Allianz IARD (anciennement AGF) est prescrite,
- rejeté en conséquence toutes les demandes,
- condamné M. et Mme X... aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 21 février 2013, M. X... et Mme Y... ont interjeté appel de la décision.
Par conclusions communiquées le 6 septembre 2013, M. X... et Mme Y... demandent au visa du jugement du 24 janvier 2013, du rapport d'expertise de M. D...du 20 juillet 2011, des articles 2241 et 2251 du code civil, de l'article L 114-2 du code des assurances :
à titre principal, de
-réformer le jugement dont appel,
- débouter la compagnie d'assurance Allianz IARD de ses prétentions comme nulles ou non fondées,
- condamner, en conséquence, la compagnie intimée au paiement de la somme de 17 180 euros avec intérêts de droit à compter du 17 décembre 2008,
à titre subsidiaire, de
-la condamner au paiement de la somme de 3 910 euros avec intérêt de droit à compter du 17 décembre 2008,
y ajoutant, de
-la condamner au paiement de la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour les préjudices moraux et de jouissance subis,
- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner au paiement des dépens, en ce compris les frais d'expertise, avec distraction au profit de la SCP Jobin.
Ils exposent que l'ouverture du chantier date du 5 août 1999, le solde de tout compte et la réception du 21 février 2000, que la S. A. R. L. Les Cèdres était assurée au titre de la responsabilité décennale et au titre de la responsabilité civile auprès des AGF, qu'ils ont réclamé une expertise amiable le 12 février 2008 et ont avisé les AGF, qui ont
mandaté un expert, que les désordres sont de nature décennale, que le délai de prescription a été interrompu par l'assignation en référé expertise 22 juillet 2010 et la demande de paiement provisionnel du 3 mars 2010, que le sinistre a été déclaré avant le 21 février 2010, puisqu'il en est fait mention dans la lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juin 2009, qu'il n'est pas démontré que les travaux de gros oeuvre ont été réalisés avant la souscription de l'assurance, que tous les désordres ne proviennent pas du gros oeuvre, que la garantie minimale de l'assurance est de 2 563, 65 euros et 3 910 euros selon l'expert judiciaire, qu'en désignant un expert qui a évalué le coût de reprise des travaux et qui a fait une proposition de règlement partiel, l'assureur a renoncé à se prévaloir de la prescription et à dénier sa garantie. Ils ajoutent qu'ils subissent des désordres dont la réparation a été évaluée par l'expert et des préjudices consécutifs outre la résistance de l'assurance.
Par conclusions communiquées le 2 décembre 2013, Allianz IARD anciennement Assurances Générales de France, demande au visa des articles 1792 et suivants, 2244 ancien, 2248 ancien et 2270 ancien du code Civil, de la réception de l'ouvrage le 21 février 2000, de l'absence d'acte interruptif de prescription, de l'absence de reconnaissance de responsabilité et de garantie et de l'absence de renonciation à la prescription, de :
- constater la prescription de l'action à la date de l'assignation en référé du 3 mars 2010,
- confirmer le jugement rendu le 24 janvier 2013 par le tribunal de grande instance d'Ajaccio, en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action des époux X... à son encontre,
- condamner les époux X... à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'action serait déclarée recevable, au visa des articles 1134 du code civil, L. 241 et A. 243-1 Annexe 1 du code des assurances, de l'ouverture du chantier le 5 août 1999 et au constat que la S. A. R. L. Les Cèdres a été assurée pour sa responsabilité décennale auprès des AGF (actuellement Allianz) suivant police NoB55B5335 ayant pris effet le 01 janvier 2000, qu'à la date de prise d'effet du contrat, la S. A. R. L. Les Cèdres avait réalisé l'ensemble du gros-oeuvre de l'ouvrage, dont les éléments affectés des désordres objets de la procédure, de l'absence d'assurance par AGF (actuellement Allianz IARD) au jour de l'ouverture du chantier,
- débouter les époux X... de leurs demandes,
- condamner les époux X..., informés de la prescription de l'action et de l'absence d'assurance, à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux X... au paiement des dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise,
à titre également subsidiaire, dans l'hypothèse où l'action serait déclarée recevable et sa garantie retenue, au constat de l'absence de trouble de jouissance et d'atteinte à la destination de l'ouvrage,
- débouter les époux X... de leur demande de dommages-intérêts,
- ramener à de plus justes proportions l'éventuelle indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que les travaux ont été entrepris le 5 août 1999, qu'à cette date la S. A. R. L. Les Cèdres était assurée par le Gan, qu'elle n'a été assurée par Allianz IARD à qui elle succède, qu'à compter du 1er janvier 2000, alors que les travaux de gros oeuvre étaient achevés, que les appelants ont été déboutés par ordonnance de référé du 18 mai 2010 de leur demande de provision sur assignation du 3 mars 2010, que l'assignation au fond est intervenue seulement le 9 février 2012, que l'action en garantie était forclose le 21 février 2010, que la lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2008 n'est pas interruptive de prescription, pas plus que la participation à une expertise, que les articles L114-1 et L114-2 du code des assurances ne concernent que les rapports de l'assuré avec son assureur. Elle ajoute qu'elle n'a pas ni renoncé à la prescription, ni reconnu sa garantie, en participant à l'expertise, que l'examen réalisé par son propre expert ne vaut pas proposition d'indemnisation, d'autant qu'elle a notifié un classement sans suite le 3 juin 2009, qu'en tout état de cause seule la prescription acquise peut faire l'objet d'une renonciation, que les actes antérieurs au 22 février 2010, date d'acquisition de la prescription, sont sans influence. Subsidiairement, elle expose que sa garantie a pris effet le 1er janvier 2000, que le chantier ouvert avant la période de validité du contrat n'est pas couvert, que le préjudice de jouissance n'est nullement justifié en présence de désagréments mineurs.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mars 2014.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 26 juin 2014, renvoyée en raison d'un mouvement de grève des avocats à l'audience du 6 novembre 2014. A cette audience, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol,
qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. L'article 1792-4-1 du code civil, dispose notamment que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux.
En application de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
En l'espèce, la déclaration d'ouverture de chantier a eu lieu le 5 août 1999, à une date où la S. A. R. L. Les Cèdres n'était pas assurée auprès d'Allianz IARD, le contrat d'assurance précise que sont couverts les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2000. De surcroît, la réception est intervenue le 21 février 2000, l'assignation en référé expertise du 22 juillet 2010 est postérieure au délai de garantie décennale, l'assignation en paiement d'une provision du 3 mars 2010 également. Ces actes n'ont pas pu interrompre une prescription déjà acquise.
L'article 2250 du code civil, dispose que seule une prescription acquise est susceptible de renonciation. Il en résulte que la participation à une expertise amiable avec intervention de l'expert mandaté par l'assurance le 17 décembre 2008 ne peut valoir renonciation tacite à se prévaloir de la prescription, d'autant qu'à cette date elle n'était pas acquise et que la renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription, circonstances qui d'une part ne sont pas démontrées et qui d'autre part ne pourraient être que postérieures à la date d'acquisition de la prescription. De ce fait, les appelants ne peuvent prétendre même à titre subsidiaire obtenir la condamnation de l'assureur de l'entreprise sur la base des évaluations de l'expert mandaté par l'assurance.
La déclaration de sinistre du 10 octobre 2008 n'est pas non plus interruptive de prescription par application de l'article L114-2 du code des assurances, puisqu'il ne concerne que les rapports dérivant du contrat d'assurance, donc les rapports entre l'assureur et son assuré.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté qu'aucune cause interruptive de prescription n'était intervenue dans le délai de 10 ans à compter de la réception, que l'assureur était bien fondé à opposer la prescription de l'action introduite par les époux X... Y.... Cependant, la prescription opposée constituant une fin de non recevoir, les demandes sont irrecevables et le tribunal ne pouvait dans le dispositif les rejeter.
Les époux X... Y... qui succombent seront condamnés au paiement des dépens de première instance et d'appel et d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il dit que l'action en paiement intentée par M. X... et Mme Y... à l ` encontre d'Allianz IARD (anciennement AGF) est prescrite,
Y ajoutant,
Constate l'irrecevabilité des demandes,
Condamne M. Noël X...et Mme Tamara Y... au paiement des frais et dépens de première instance et d'appel,
Condamne M. Noël X...et Mme Tamara Y... à payer à Allianz IARD une somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT