Ch. civile A
ARRET No
du 15 AVRIL 2015
R. G : 14/ 00143 R
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Au fond, origine Président du TGI d'AJACCIO, décision attaquée en date du 17 Décembre 2013, enregistrée sous le no 13/ 00276
CONSORTS X...
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUINZE AVRIL DEUX MILLE QUINZE
APPELANTES :
Mme Marie-Paule X... épouse Y...née le 17 Janvier 1954 à Ferryville ...20118 Sagone
ayant pour avocat Me Marc MAROSELLI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO
Mme Hélène X... épouse Z...née le 01 Novembre 1957 à Menzel Bourguiba ...20130 LOZZI
ayant pour avocat Me Marc MAROSELLI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
Mme Pascale X... épouse Z...née le 13 Septembre 1950 à Cargese ... 20130 CARGESE
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 mars 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Françoise LUCIANI, Conseiller Mme Cécile ROUY-FAZI, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 avril 2015
ARRET :
Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte notarié passé le 8 novembre 2006 par devant Me Jean-Claude X..., notaire à Cargese, il a été procédé au partage de la succession de M. X...et de Mme Rose B....
L'actif à partager était composé d'un ensemble immobilier, lui-même composé de :
- un bâtiment édifié sur la parcelle cadastrée section F no 2653,
- deux bâtiments édifiés sur la parcelle cadastrée section F numéro 2655,
- deux bâtiments édifiés sur la parcelle cadastrée section F no 2657,
- une piscine, des espaces aménagés et des emplacements de parking sur la parcelle section F no 2659,
- et trois terrains cadastrés section F no 2654, 2656 et 2658.
Cet actif a été partagé à parts égales entre Mme Pascale X..., Mme Marie-Paule X...et Mme Hélène X....
Selon les termes de l'acte, chacune s'est vu attribuer, outre un ou deux bâtiments et un terrain, « un tiers indivis de la parcelle cadastrée section F no 2659 pour une contenance de 39 ares 80 ca, dont les copartageants ont la jouissance commune, comprenant : une piscine, des espaces aménagés et des emplacements de parking d'une valeur de 6100 ¿ ¿ ¿.
Sur cette parcelle indivise a été installée, pour un empiétement de 5 m ², une cuve à gaz, servant au chauffage de la maison de Mme Hélène X...notamment.
Mmes Marie-Paule et Hélène X... voulant faire désinstaller la cuve qu'elles estiment dangereuse, compte tenu de son implantation, Mme Pascale X...a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance d'Ajaccio pour obtenir l'autorisation d'utiliser et de jouir à titre provisoire de la portion de la parcelle numéro 2659 sur laquelle est implantée la cuve à gaz litigieuse, sur une surface de 5 m ² en contrepartie d'une indemnité d'occupation de 100 euros par an.
Par ordonnance de référé du 17 décembre 2013, le président du Tribunal de grande instance d'Ajaccio a fait droit à sa demande, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné in solidum Mmes Marie-Paule et Hélène X... aux dépens.
Le 15 février 2014, Mmes Marie-Paule et Hélène X... ont relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions communiquées le 1 juillet 2014 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, les appelantes demandent à la Cour de :
- infirmer la décision querellée en ce qu'elle a autorisé le maintien d'une citerne de gaz d'une tonne sur la parcelle indivise numéro F 2659 sise sur la commune de Cargese,
- constater que rien ne justifie le maintien de la citerne de gaz sur les parties communes,
- condamner Mme Pascale Z...à faire retirer la citerne dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision a intervenir,
- dit que passé ce délai et faute pour elle de justifier d'avoir entrepris les démarches nécessaires à cette fin, elle sera condamnée à la somme de 100 euros par jour de retard,
- condamner Mme Z...Pascale au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elles font valoir :
- qu'en page 11 de l'acte de partage, il est indiqué que les trois s ¿ urs ont convenu, suivant un protocole d'accord en date du
14 décembre 2004 que chacune devra :
s'occuper à ses frais de la modification des compteurs de gaz, d'électricité et eau,
prendre en charge la pose de ces compteurs,
- qu'en ce qui concerne la parcelle no 2659, commune aux trois héritières, l'acte précise que chacune d'elles devra s'acquitter d'un tiers de charges ; que pour des raisons pratiques, d'économie et de sécurité, elles ont abandonné tout recours au gaz que ce soit pour la fourniture d'eau chaude ou l'alimentation des appareils de cuisson, le nécessaire était fait pour équiper leurs installations à l'énergie solaire ; que leur soeur Pascale réalisait, elle aussi, des travaux de modernisation et d'amélioration et installait la climatisation réversible dans l'ensemble des appartements dont elle avait hérités, remplaçant les anciens chauffe-eau par des cumulus et les anciennes plaques de cuisson électriques par des plaques de cuisson mixtes avec deux feux électriques et deux feux gaz ainsi que des fours électriques ; qu'ainsi la cuve d'une tonne initialement prévue pour le chauffage et l'eau chaude d'une maison d'habitation, la fourniture en eau chaude de 12 appartements, le fonctionnement de 10 feux de cuisson ne sert plus à alimenter de manière épisodique que 16 feux de cuisson ; que l'ensemble des travaux ayant été achevé début 2011, Mme Hélène X...adressait, es-qualité d'ancienne gérante de la SARL Residence Ellada, un courrier à Antargaz afin que soit :
mis un terme au contrat de fourniture de gaz,
soit retirée de la parcelle indivise no2659 la cuve de gaz inutile et vieillissante ;
- qu'Antargaz informait Hélène X...que sa s ¿ ur, Pascale, avait sollicité le 25 juin 2008 que les droits et obligations du contrat de fourniture de la SARL Residence Ellada soient transférés à son nom ; que le 31 mai 2012 Mmes Hélène et Marie Paule X...adressaient un courrier à la société Antargaz confirmant leur souhait de retrait de la cuve de 1 000 kg et ce d'autant qu'elle se trouve sur un terrain en copropriété, qu'elle ne présente plus la fonction qu'elle avait initialement et constitue un danger potentiel compte tenu de sa vétusté ; que le 25 juillet 2012, la société Antargaz informait Mme Pascale X...qu'au vu de l'opposition de Mesdames Hélène et Marie Paule X...au maintien du réservoir sur les parties communes, elle résiliait le contrat de fourniture de gaz à compter du 16 décembre 2012 et qu'elle procédait donc au retrait de la cuve.
En droit, elles font valoir que la parcelle indivise No 2659 est en indivision forcée et qu'à ce titre le droit qui appartient à chacun des propriétaires des fonds contigus sur la chose commune constitue un droit de copropriété et non un droit de servitude ; que la Cour de cassation a, dans deux arrêts successifs, fait application de l'article 815-9 du code civil pour définir les droits des indivisaires en matière d'indivision forcée, article selon lequel chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis
conformément à leur destination dans la mesure compatible avec les droits des autres indivisaires.
Elles ajoutent, que conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la dépose la cuve de gaz ne consiste aucunement en un changement de la destination légale ou conventionnelle de la parcelle numéro 2659 et n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de jouissance de Mme Pascale X....
Elles rappellent que le terrain en indivision forcée n'a vocation qu'à servir d'emplacement à ce qui est rigoureusement utile à l'exploitation commerciale susvisée et que la cuve litigieuse posée par Antargaz il y a 40 ans sur la parcelle désormais indivise, ne présente plus d'intérêt majeur pour la continuation de l'activité commerciale attachée à chacun des lots attribués aux parties ; qu'en aucun cas, actuellement, la destination conventionnelle de la parcelle indivise ne justifie la permanence d'une cuve à gaz vétuste, mal entretenue et de taille disproportionnée (près d'une tonne) ; que la permanence de cette cuve est d'autant moins justifiée au regard du danger que présente l'utilisation du gaz et du stockage d'un important volume de ce liquide hautement inflammable et qu'il n'est pas inutile de souligner qu'en cour d'appel, les deux concluantes ont appris que leur soeur Pascale avait refusé sans raison les propositions qui lui avaient été faites par la société Antargaz de déplacement sans frais de la cuve sur un terrain appartenant en propre à celle-ci ou de remplacement de la cuve par une installation mieux adaptée à ses besoins réels.
Reprenant leur argumentation de première instance, elles soutiennent que l'allégation suivant laquelle en cas de retrait de la cuve Mme Pascale X...se retrouverait sans moyen de chauffage en pleine période hivernale est totalement fausse, la cuve litigieuse posée par Antargaz il y a 40 ans, ne servant désormais qu'au fonctionnement de 16 feux de cuisson ; Mme Pascale X...utilisant la climatisation réversible et l'eau chaude étant fournie par des cumulus électriques.
Mme Pascale X..., non assignée à sa personne devant le cour d'appel, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.
L'arrêt sera rendu par défaut.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 septembre 2014 et l'affaire renvoyée pour être utilement plaidée à l'audience du 9 mars 2015.
SUR CE
Il est acquis que lors du partage de la succession de leurs parents,
Mmes X...ont reçu chacune un terrain et un ou deux bâtiments divisés en appartements destinés à la location ; que dès l'origine ces bâtiments étaient chauffés au gaz contenu dans une cuve placée sur la parcelle section F no 2659 indivise par tiers pour chacune des copartageantes.
Cette parcelle, outre la cuve à gaz, comprend une piscine, une aire de jeu et un parking destinés à l'ensemble des locataires.
Marie-Paule et Hélène X... ont pris la décision de ne plus chauffer leurs immeubles au gaz de sorte que la cuve leur est devenu inutile et se sont opposées au remplissage de celle-ci par la société Antargaz de sorte que cette société s'est vue dans l'obligation de rompre le contrat passé avec les indivisaires (cf courrier du 25 juillet 2012, repris par le premier juge) et que faute de livraison, Mme Pascale X...a dû opter pour un autre mode de chauffage de ses appartements, lesquelles pour une bonne exploitation locative se devaient d'être chauffés.
Le premier juge a justement dit que la suppression de la cuve de gaz s'apparente à un acte de disposition qui ne ressortit pas de l'exploitation normale du bien indivis et nécessite pour ce faire le consentement de tous les indivisaires.
Selon la cour de cassation (Cass. Civ. 3e, 12 oct. 2010 (No de pourvoi : 09-12. 082)), la qualification d'indivision forcée et perpétuelle s'applique aux biens indivis qui, ne pouvant être partagés et étant effectivement nécessaires à l'usage de deux ou plusieurs autres biens appartenant à des propriétaires différents, en constituent l'accessoire indispensable.
Tel est bien le cas en l'espèce.
Il convient donc de déterminer si l'usage ou l'exploitation des immeubles principaux seraient impossibles ou notablement détériorés si leurs propriétaires respectifs ne bénéficiaient pas de l'usage de la chose commune.
Les immeubles destinés à la location doivent être équipés d'un chauffage et il est acquis que les immeubles litigieux étaient depuis l'origine chauffés au gaz qui nécessitait l'utilisation d'une cuve, laquelle est devenue inutile pour les appelantes qui avaient décidé de passer du gaz à l'électricité.
Le premier juge a justement retenu que les appelantes ne pouvaient faire grief à Mme Pascale X...de l'inutilité actuelle de la cuve puisque c'est de par leur propre initiative, en empêchant la cuve d'être remplie, que le contrat de gaz a été résilié et ce d'autant qu'elles reconnaissent que le gaz est encore utilisé par cette dernière pour la cuisine.
La suppression de la cuve, bien indivis entre les trois soeurs, aurait bien eu pour effet de rendre quasi impossible l'exploitation de l'immeuble de Mme Pascale X....
En ce qui concerne la dangerosité de la cuve alléguée par les appelantes, le premier juge y a répondu par des motifs pertinents que la cour adopte sans qu'il soit besoin de les développer à nouveau.
Toutes les règles de l'indivision ne sont pas applicables en cas d'indivision forcée et notamment les articles 815-14 à 815-16 du code civil. Cependant, les dispositions de l'article 815-9 du code civil selon lesquelles " chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité " demeurent applicables.
Dès lors, Mme Pascale X...est bien fondée en sa demande et l'ordonnance de référé du 17 décembre 2013 sera confirmée.
Aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront supportés par les appelantes.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme l'ordonnance dé référé du 17 décembre 2013,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mmes Marie-Paule et Hélène X... aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT