La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2015 | FRANCE | N°13/00761

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 24 juin 2015, 13/00761


Ch. civile B

ARRET No
du 24 JUIN 2015
R. G : 13/ 00761 R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de BASTIA, décision attaquée en date du 23 Août 2013, enregistrée sous le no 2012000613

SARL SODISCO
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE QUINZE
APPELANTE :
SARL SODISCO immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de Bastia, sous le numéro 306 915 679 00055 prise en la personne de son représentant légal, en sa qualité de gérant, domi

cilié ès qualités audit siège Lieu dit Campanule RN 193 20620 BIGUGLIA

assistée de Me Olivier PELLEGRI, avo...

Ch. civile B

ARRET No
du 24 JUIN 2015
R. G : 13/ 00761 R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de BASTIA, décision attaquée en date du 23 Août 2013, enregistrée sous le no 2012000613

SARL SODISCO
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE QUINZE
APPELANTE :
SARL SODISCO immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de Bastia, sous le numéro 306 915 679 00055 prise en la personne de son représentant légal, en sa qualité de gérant, domicilié ès qualités audit siège Lieu dit Campanule RN 193 20620 BIGUGLIA

assistée de Me Olivier PELLEGRI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

Mme Angeline X......... 20228 LURI

assistée de Me Philippe JOBIN de la SCP SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 avril 2015, devant Mme Cécile ROUY-FAZI, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Laure PIAZZA, Président de chambre Mme Françoise LUCIANI, Conseiller Mme Cécile ROUY-FAZI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 juin 2015

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Marie-Laure PIAZZA, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE

Mme Angélina X...est propriétaire d'une exploitation viticole, le domaine ..., dont elle a confié la distribution des vins à la SARL Sodisco.

Ayant adressé par lettre recommandée du 29 octobre 2010 une lettre de rupture de cette relation commerciale à la SARL Sodisco, que celle ci considère comme fautive, elle a été assignée au visa des dispositions de l'article L 442-6 I 5o du code de commerce, en vue de sa condamnation au paiement d'une indemnité de 160 000 euros au titre de l'indemnisation de la clientèle, de 41 300 euros au titre des dommages intérêts, outre une indemnité de procédure.

Par jugement déféré du 23 août 2013, le tribunal de commerce de Bastia a débouté la société Sodisco de sa demande et l'a condamnée à payer à Mme X...une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Sodisco a relevé appel de cette décision par déclaration du 23 septembre 2013.

Reprenant dans ses dernières écritures du 7 octobre 2014 les moyens développés devant les premiers juges, la SARL Sodisco sollicite l'infirmation du jugement et, à titre principal, la condamnation de l'intimée au paiement des sommes de 160 000 euros au titre de l'indemnisation de la clientèle et celle de 41 300 euros à titre de dommages intérêts, à titre subsidiaire l'instauration d'une mesure d'expertise aux fins d'évaluation de son préjudice, et, en tout état de cause, une indemnité de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait essentiellement valoir qu'elle était le distributeur exclusif des vins du domaine ... depuis 1994, que les conditions légales et contractuelles de la rupture du contrat sans indemnisation ne sont pas réunies, et que cette rupture, en conséquence fautive comme brutale, ouvre droit à indemnisation.

Dans ses dernières écritures du 19 novembre 2014 aux fins de confirmation du jugement, Mme Angéline X...fait valoir qu'elle n'a pas commis de faute, dés lors qu'elle se trouvait en situation de dépendance économique vis à vis de la SARL Sodisco, que leurs relations commerciales se sont dégradées depuis 2006, qu'en particulier la vente via la grande distribution entreprise par la SARL Sodisco a entraîné une perte de valorisation de son vin, lui a empêché de faire une marge suffisante, mettant en péril son exploitation, de sorte que la décision de rupture, qui ne peut être qualifiée d'imprévisible, prise par lettre du 29 octobre 2010 est régulière et fondée sur des motifs légitimes, ainsi que l'a admis le tribunal de commerce. A titre subsidiaire, elle soutient qu'il n'était pas prévu d'indemnisation de clientèle entre les parties, et que s'agissant du préjudice lié à la rupture du contrat, il ne saurait dépasser 14 000 euros. Elle sollicite aussi, à titre reconventionnel, une indemnité de 10 000 euros pour procédure abusive et dilatoire, outre une indemnité de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance en date du 11 février 2015, fixant l'audience de plaidoiries au 17 avril 2015.

A cette date, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 juin 2015.

SUR CE

En application des dispositions de l'article L 442-6- I du code de commerce « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de (...) 5o De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit ».

Ce texte a vocation à sanctionner la rupture brutale d'une relation commerciale établie, intervenue sans motif légitime de la part de son auteur, qui engage ainsi sa responsabilité sur un fondement délictuel, à l'égard du cocontractant auquel la rupture cause un préjudice, même si un préavis prévu contractuellement a été respecté, dès lors que celui-ci est

jugé insuffisant. Même si le simple respect du délai de préavis contractuel n'est pas nécessairement suffisant au regard des dispositions susdites, le contrat fait la loi des parties, de sorte que ce n'est que de manière tout à fait exceptionnelle, que la durée du préavis contractuel pourra être jugée insuffisante.

C'est à celui qui fait valoir l'existence d'une rupture fautive, à l'origine d'un préjudice d'en rapporter la preuve, en l'espèce à la SARL Sodisco.

La SARL Sodisco soutient bénéficier d'un contrat « verbal » de distribution exclusive des vins de Mme X...depuis 1994. Elle produit un projet de contrat susceptible de s'appliquer à compter du 1er janvier 2007, qui n'est daté et signé d'aucune des deux parties, dont le contenu a donné lieu à une réunion commune le 24 novembre 2006 suivie d'échanges électroniques entre elles de janvier à mars 2007, desquels il résulte notamment, s'agissant des discussions autour de l'article 17 de ce projet, que le principe jusqu'alors arrêté en commun était de laisser à chaque partie le libre choix en fin d'année de reconduire le contrat pour l'année suivante, sous réserve du respect d'un préavis de deux mois.

Mme Angéline X...qui ne dénie pas l'existence d'une relation commerciale établie avec la SARL Sodisco, lui a adressé le 29 octobre 2010, une lettre recommandée avec avis de réception, l'avisant de sa volonté de « ne pas reconduire pour l'année 2011 » ce contrat de distribution. Ce délai de préavis de deux mois conforme à la volonté des parties, telle qu'elle résulte des articles 12 et 13 de ce projet de contrat, et des échanges susdits, apparaît, dés lors, suffisant.

La SARL Sodisco soutient également que la rupture serait infondée, puisqu'elle ne reposerait sur aucun motif légitime, qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations, qu'elle a respecté la politique de distribution voulue par le producteur, dont le seul motif de rupture résiderait dans sa volonté de rejoindre un autre distributeur.

En l'absence de contrat passé entre les parties fixant le périmètre des obligations du fournisseur et du distributeur, et en considération notamment des termes généraux tant de l'article 5 du projet de contrat qui prévoit une politique commerciale « arrêtée en commun » chaque année, que de la commune intention des parties de permettre chaque fin d'année de poursuivre ou pas la relation commerciale, la société appelante ne peut, sans procéder par affirmations, justifier de l'inexécution par sa contractante de ses obligations contractuelles, ni davantage prétendre que sa volonté de rupture même animée par la volonté de faire distribuer sa production par un autre, serait abusive.

Par ailleurs et surtout, le principe en matière de rupture brutale des relations commerciales est de ne réparer que le préjudice qui découle directement de la brutalité de la rupture, et non le principe même de la cessation des relations commerciales. Seule la perte de marge brute à raison de l'insuffisance du préavis est indemnisable. Or, la SARL Sodisco ne justifie pas de son préjudice. Elle ne produit aucun document comptable postérieur à la date de la rupture, qui permettrait de l'apprécier. Les tableaux communiqués en pièces 1, 2 et 3, qui sont dépourvus de toute certification comptable, sont tous antérieurs à l'année 2011. Et pour la situation comptable respective des parties, antérieure à la rupture de leurs relations, le procès verbal de l'assemblée générale de la SARL Sodisco du 30 juin 2011 établit qu'au 31 décembre 2010, elle présentait un résultat bénéficiaire de 161 777 euros, en hausse par rapport à l'année précédente (134 192 euros), tandis que, pour la même année, l'intimée justifie que le résultat comptable de son activité de 30 001 euros était en baisse par rapport à l'année précédente (48 040 euros).

Enfin, il n'appartient pas à la Cour de pallier à cette insuffisance de preuve du préjudice de la SARL Sodisco, en ordonnant, à cette fin, ainsi qu'elle le demande à titre subsidiaire, une mesure d'expertise.

En considération de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé puisque la société appelante ne rapporte pas la preuve du caractère fautif et préjudiciable pour elle, de la rupture des relations commerciales décidée unilatéralement par Mme X...au 1er janvier 2011.

Mme X...Angéline sera déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive, l'exercice par l'appelante d'une voie de recours qui lui est ouverte, ne suffisant pas à caractériser l'abus de procédure imputé à la société appelante.

L'équité commande de condamner la SARL Sodisco à payer à Mme Angéline X...une indemnité de procédure de 1 500 euros.

La SARL Sodisco qui succombe supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute Mme X...Angéline de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive,

Condamne la SARL Sodisco à payer à Mme X...Angéline une indemnité de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Sodisco aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/00761
Date de la décision : 24/06/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2015-06-24;13.00761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award