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09/09/2015 | FRANCE | N°13/00280

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 09 septembre 2015, 13/00280


Ch. civile B

ARRET No
du 09 SEPTEMBRE 2015
R. G : 13/ 00280 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 28 Février 2013, enregistrée sous le no 11/ 00952

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'AJACCIO
C/
Consorts X...Y...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANTE :
Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'AJACCIO prise en la personne de son représentant légale demeurant et domicilié au siège social D

iamant II-Place de Gaulle 20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOC...

Ch. civile B

ARRET No
du 09 SEPTEMBRE 2015
R. G : 13/ 00280 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 28 Février 2013, enregistrée sous le no 11/ 00952

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'AJACCIO
C/
Consorts X...Y...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANTE :
Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL D'AJACCIO prise en la personne de son représentant légale demeurant et domicilié au siège social Diamant II-Place de Gaulle 20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMES :

Melle Laetizia X...née le 21 Novembre 1984 à AJACCIO (20000) ...20166 PORTICCIO

ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Doumé FERRARI, avocat au barreau d'AJACCIO

M. Laurent Dominique X...né le 10 Mai 1960 à AJACCIO (20000) ...20133 UCCIANI

ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Doumé FERRARI, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme Martine Y... épouse Z...née le 26 Juillet 1961 à ALGER ... 20133 UCCIANI

assistée de Me Chantal FLORES, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 juin 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Françoise LUCIANI, Conseiller Mme Judith DELTOUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 09 septembre 2015.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suite au décès de Dominique X...survenu en 1992, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction Pénale, par décision du 22 septembre 1994, a alloué à ses deux enfants mineurs, Laetitia et Laurent X..., les sommes respectives de 32 139, 88 euros et 37 211, 38 euros.

Selon l'attestation de la Caisse de Crédit Mutuel d'Ajaccio en date du 30 juin 1995, le compte 14712460 ouvert au nom de Laetitia X...présentait à cette date un solde créditeur de 51 795, 16 euros et le compte 14711660 ouvert au nom de Laurent Dominique X...un solde créditeur de 55 443, 97 euros. Ce document attestait que ces comptes étaient bloqués jusqu'à la majorité respective de leurs titulaires.

Reprochant le retrait total de ces sommes par leur mère, Martine Y...veuve X..., administratrice légale de leurs biens sous contrôle judiciaire, sans autorisation du juge des tutelles, Laetitia et Laurent Dominique X...ont fait assigner par exploit d'huissier en date du 20 septembre 2011, la Caisse de Crédit Mutuel d'Ajaccio aux fins d'obtenir
sa condamnation au paiement de la somme de 107 239, 13 euros avec intérêts de droit à compter du 30 juin 1995 outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 février 2013, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

condamné la Caisse du Crédit Mutuel d'Ajaccio à payer à Mme Laetitia X...et M. Laurent Dominique X...la somme de 107 239, 13 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit le 20 septembre 2011,
condamné Mme Martine Y...à relever et garantir la Caisse du Crédit Mutuel d'Ajaccio à hauteur de la moitié de cette condamnation, soit à hauteur de 53 619, 56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2011,
condamné la Caisse du Crédit Mutuel d'Ajaccio à payer à Mme Laetitia X...et M. Laurent Dominique X...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme Martine Y...à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel d'Ajaccio,
rejeté les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté la demande d'exécution provisoire,
condamné la Caisse du Crédit Mutuel d'Ajaccio aux dépens.
Le tribunal a estimé que le Crédit Mutuel d'Ajaccio ne pouvait ignorer la situation juridique de ses clients mineurs, Laetitia et Laurent Dominique X...et qu'en ayant permis à Mme Y...de retirer fonds sur les comptes des enfants pour s'acquitter des charges de la succession sans autorisation du juge des tutelles, la faute de la banque dans son devoir de vigilance s'agissant d'opérations de virement appauvrissant des comptes bloqués était caractérisée ; que de même, Mme Y...avait commis une faute en disposant de fonds sans autorisation du juge des tutelles et sans démontrer qu'elle avait disposé de ces fonds dans l'intérêt de ses enfants alors qu'elle aurait dû pouvoir rendre compte d'une telle allégation.

La Caisse de crédit Mutuel d'Ajaccio a relevé appel de ce jugement le 9 avril 2015.

Dans ses dernières conclusions communiquées le 2 décembre 2014 auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, la Caisse de Crédit Mutuel d'Ajaccio demande à la cour d'infirmer le jugement du 28 février 2013 et statuant à nouveau de :

- constatant en tant que de besoin l'absence de tout fondement de droit à l'action engagée contre la Caisse de Crédit Mutuel d'Ajaccio,

- dire et juger prescrite l'action introduite plus de 10 ans après la découverte des faits par les consorts X...,
- dire et juger dans tous les cas que la banque n'a commis aucune faute,
- dire et juger dans tous les cas qu'ils ne justifient d'aucun préjudice puisque les fonds retirés par leur mère ont été employés dans la sauvegarde et l'entretien du patrimoine familial ce qui génère une créance importante dans le cadre du partage judiciaire en cours pour les enfants,
- dire et juger que si la mère n'avait pas entretenu le patrimoine, les consorts X...n'auraient pas pu bénéficier des partages et créances telles qu'elles sont énoncées par Mme Y...,
- débouter X...Laetizia et X...Laurent de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner reconventionnellement à payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
très subsidiairement, de :
- dire et juger que toute l'argumentation des consorts X...tendant à écarter la mise en cause de leur mère, Mme Y...est irrecevable comme étant une demande nouvelle devant la cour et formée sans « qualité »,
- débouter X...Laetizia et X...Laurent de leur appel incident,
- condamner Mme Y...veuve X...à relever et garantir la banque intégralement de toutes condamnations qui pourront être prononcées à son encontre.
La banque soutient que depuis l'origine de la réclamation formée par les enfants de Mme X...Martine, elle n'a jamais été informée d'une mesure de protection tutélaire à leur bénéfice ; que d'ailleurs aucune mesure de tutelle n'a été engagée, qu'il semble que la mère ait été investie des pouvoirs d'administratrice légale « sous contrôle judiciaire », aucune pièce justifiant d'une telle mesure n'a été produite à la procédure.

Dans ses dernières conclusions communiquées le 2 décembre 2014 auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, Mme Martine Y...épouse X...demande à la cour de :

Vu l'article 389-6 ancien du code civil, Vu l'article 1382 du code civil,

- voir déclarer recevable et fondé l'appel incident de Mme X...,

- voir, en conséquence, dire et juger que dans le cadre de l'administration légale sous contrôle judiciaire, Mme X...n'avait pas besoin d'une autorisation judiciaire pour retirer les sommes déposées aux comptes du Crédit Mutuel d'Ajaccio,
par conséquent,
- voir infirmer le jugement sur ce point,
- voir statuer ce que de droit quant à la responsabilité de la banque demandée par les enfants X...,
- voir infirmer la décision frappée d'appel en ce qu'elle a condamné Mme Y...à garantir la banque à hauteur de la moitié des sommes,
- voir à titre subsidiaire, et toujours si la responsabilité de la banque était retenue à l'égard des enfants, dire et juger le Crédit Mutuel exclusivement,
- voir condamner le Crédit Mutuel d'Ajaccio à verser à Mme X...la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions communiquées le 2 décembre 2014 auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, Laetitia et Laurent X...demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 389-6, 1239 et 1937 du code civil,
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio en ce qu'il a condamné la Caisse de Crédit Mutuel d'Ajaccio à payer à leur payer la somme de 107 239, 13 euros, avec intérêts au taux légal a compter du 20 septembre 2011,
pour le surplus, de :
- réformer ladite décision, en ce qu'elle a condamnée Mme Martine Y...à relever et garantir la Caisse du Crédit Mutuel d'Ajaccio à hauteur de la somme de 53 619, 56 euros, avec intérêts au taux légal a compter du 20 septembre 2011,
- débouter la Caisse de Crédit Mutuel d'Ajaccio de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens d'appel qui seront distraits au profit de la SCP Jobin-Jobin aux offres de droit.

Ils soutiennent que la Caisse de Crédit Mutuel d'Ajaccio a engagé sa responsabilité en leur créant un préjudice financier du fait qu'ils se sont vu spolier des sommes retirées par leur mère et n'ont pu les percevoir à leur majorité ; qu'en sa qualité de dépositaire des fonds, la caisse appelante était responsable de la destination de ceux-ci ; que sa demande subsidiaire, est manifestement infondée, ne pouvant se prévaloir de la responsabilité de Mme Veuve X...Martine née Y...pour s'exonérer de sa propre responsabilité, et solliciter que celle-ci la relève et la garantisse d'éventuelles condamnations mises à sa charge car si elle avait respecté ses obligations contractuelles, jamais elle n'aurait délaissé les fonds au profit de la mère.

MOTIVATION

Sur la prescription :

La Caisse de Crédit Mutuel soutient que les demandeurs n'ayant jamais précisé le fondement de leur action qui est manifestement très tardive est donc prescrite.

Cependant, l'acte de signification du 21 septembre 2011 mentionne que l'action des consorts X...est introduite au visa des articles 1239 et 1937 du code civil.
En application des dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Aux termes de l'article 2235 du même code, la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés et selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice même en référé interrompt le délai de prescription.
Mlle Laetizia X...est devenue majeure le 21 novembre 2002.
Dès cette date, elle était à même de connaître l'état du compte bancaire dont elle connaissait les références.
Ayant saisi les juge de référés du tribunal de grande instance d'Ajaccio d'une demande en paiement d'une provision de 50 000 euros au motif que le compte bloqué jusqu'à sa majorité ouvert auprès du Crédit Mutuel de la Corse a été vidé des sommes qu'il contenait, invoquant un manquement à ses obligations de la banque par acte d'huissier du 24 mars 2009 soit plus de 5 ans après sa connaissance des faits et ayant saisi le juge du fond, par assignation du 20 septembre 2011, au regard des textes précités, sa demande est prescrite.
M. Laurent X...est devenu majeur le 10 mai 2008. L'action qu'il a introduite devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio le 21 septembre 2011 est recevable.
Sur la faute de la banque :

En application de l'article 1937 du code civil, " le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir ".

Selon attestation bancaire du 30 juin 1995, les deux comptes au nom de Laetizia X...et de Laurent X...auprès de la Caisse de Crédit Agricole Mutuel d'Ajaccio " sont bloqués jusqu'à la majorité respective de leurs titulaires ", et ce sans réserve quant à la personne pouvant faire des retraits. En conséquence, Mme Y..., peu important qu'elle soit administratrice légale de ses enfants mineurs ou administrative légale sous contrôle judiciaire de ceux-ci, ne pouvait opérer aucun retrait sur ces comptes, sauf autorisation expresse du juge des tutelles et ce en application de l'article 389-6 du code civil.
Entendu le 28 mai 2008 par le juge des tutelles d'Ajaccio, M. C..., responsable commercial du Crédit Mutuel d'Ajaccio, sur questionnement du juge, répond : L'argent a été retiré par la mère pour l'acquisition d'un appartement qui devait appartenir moitié moitié aux enfants. Cela a été fait avec l'accord du juge des tutelles. "
A défaut de produire cette autorisation, la Caisse de Crédit Mutuel qui a délivré des fonds à Mme Y...provenant des comptes bloqués des enfants X..., a engagé sa responsabilité à l'égard des enfants concernés.
Cependant en application de l'article 1239 du code civil, si " le paiement doit être fait au créancier, ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou qui soit autorisé par justice ou par la loi à recevoir pour lui ", dans son alinéa 2, cet article précise que " le paiement fait à celui qui n'aurait pas pouvoir de recevoir pour le créancier, est valable, si celui-ci le ratifie, ou s'il en a profité ".
Or, il n'est pas contesté que Mme Y...a utilisé l'argent de ses enfants pour subvenir à leur besoin, payer le passif de la succession de leur père et construire une maison dont ils ont la propriété pour moitié, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise de M. D..., nommé dans le cadre de la procédure de partage successoral.
Mme Y...devra rendre compte de la gestion des biens des enfants.
Il convient donc de constater qu'à ce jour, Laetizia et Laurent X...ne rapportent pas la preuve d'un préjudice résultant de la faute contractuelle de la banque.
En conséquence, ils seront déboutés de leur demande et le jugement entrepris infirmé.
Aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les dépens resteront à la charge des consorts X....

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement du 28 février 2013,

Et statuant à nouveau :
Déclare prescrite l'action de Laetizia X...,
Déboute M. Laurent X...de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge de Laetizia et Laurent X....

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/00280
Date de la décision : 09/09/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2015-09-09;13.00280 ?
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