Ch. civile B
ARRET No
du 09 SEPTEMBRE 2015
R. G : 14/ 00300 R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction d'AJACCIO, décision attaquée en date du 17 Mars 2014, enregistrée sous le no 09/ 00009
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANT :
FONDS DE GARANTIE DES VITIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS géré par le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages dont le siège social est 64 rue Defrance, 94300 Vincennes, pris en la personne de son Directeur Général élisant domicile en sa délégation de Marseille où est géré le dossier. 39, boulevard Vincent Delpuech 13281 MARSEILLE CEDEX 06
assisté de Me Pascale PERREIMOND, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
Mme Marie Ange Y... épouse Z...née le 03 Septembre 1965 ... 20000 AJACCIO
ayant pour avocat Me Frédérique CAMPANA, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 18 juin 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Françoise LUCIANI, Conseiller Mme Judith DELTOUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 09 septembre 2015
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 3 octobre 2006, Marie-Ange Y... épouse Z...a été prise en otage lors d'une tentative de vol avec arme commise dans le bureau de poste d'Ajaccio où elle travaillait.
Deux expertises judiciaires ont été diligentées par le Docteur B..., les 29 novembre 2007 et 13 décembre 2009.
La victime a saisi par requête reçue le 10 septembre 2012 la commission d'indemnisation des victimes d'infractions près le tribunal de grande instance d'Ajaccio pour obtenir une nouvelle expertise en raison de l'aggravation de son état et dans cette attente, ou bien à titre subsidiaire, se voir allouer une somme globale de 65 982, 54 euros en réparation de son préjudice corporel outre une somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral.
Suivant jugement contradictoire du 7 mars 2014, la commission a rejeté la demande d'expertise médicale, alloué à Mme Y... épouse Z...la somme de 34 175, 50 euros, déduction devant être faite de la provision de 5 000 euros déjà versée, et laissé les dépens à la charge de l'État.
Le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions a relevé appel de cette décision le 9 avril 2014.
Dans ses dernières conclusions déposées le 6 février 2015, il demande à la cour de dire son appel recevable et bien fondé, de réformer la décision en ce qu'elle a octroyé à Mme Z...la somme de 11 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et retenu un taux de 8 % ; de la confirmer en toutes les autres dispositions ; statuant à nouveau de dire et juger que le taux du DFP à retenir est celui de 5 %, de dire que la rente accident du travail doit être déduite du DFP, dans tous les cas de mettre les dépens à la charge de l'État.
Dans ses dernières conclusions déposées le 25 novembre 2014, Mme Z..., formant appel incident, sollicite une expertise, le sursis à statuer sur l'indemnisation définitive dans l'attente du dépôt du rapport à intervenir et l'allocation d'une somme de 30 000 euros à titre provisionnel.
Subsidiairement elle sollicite la confirmation de la décision en ce qu'elle a retenu un taux de DFP de 8 %, en ce qu'elle lui a alloué la somme de 4 482, 54 euros au titre des pertes de gains professionnels ; elle sollicite l'infirmation pour le surplus en ce qui concerne les sommes allouées au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire partiel et total, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément et le préjudice moral ; statuant à nouveau elle sollicite l'allocation des sommes suivantes :
-21 500 euros au titre des déficits fonctionnels temporaire total et temporaire partiel,
-20 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
-10 000 euros au titre des souffrances endurées,
-10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
soit un total global de 65 982, 54 euros.
Elle réclame en outre une somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral.
Elle sollicite le rejet de toutes les demandes du Fonds de Garantie.
Le ministère public a fait savoir le 12 février 2015 qu'il s'en rapporte à la sagesse de la cour.
L'ordonnance de clôture est datée du 16 février 2015.
SUR QUOI :
Sur la demande de nouvelle expertise :
Pour solliciter une nouvelle expertise Mme Z...produit des certificats d'arrêt de travail postérieurs à la dernière expertise du Docteur B...portant sur la période du 22 juin au 13 juillet puis du 4 octobre au 31 octobre 2010, ces certificats indiquent qu'il s'agit d'une réactivation de l'état anxio dépressif mais il ne s'agit pas de certificats de rechute de l'accident du travail, alors que l'agression initiale a été prise en charge à ce titre. D'autre part, le docteur B...avait indiqué dans sa dernière expertise que l'état de l'intéressée n'était pas susceptible d'aggravation, et il n'est produit aucun argumentaire médical contraire. La demande de nouvelle expertise a donc été rejetée à juste titre par le premier juge.
Sur l'évaluation du déficit fonctionnel permanent :
L'expert l'avait évalué à 8 % dans son expertise de 2007, et à 5 % dans son expertise de 2009 alors que la symptomatologie est la même. En conséquence c'est à bon droit que le premier juge a retenu l'évaluation de 8 %. Compte tenu de l'âge de la victime au moment de la consolidation son indemnisation peut être chiffrée à 14 800 euros.
Le Fonds de Garantie est bien fondé à demander que soit déduit de cette somme le montant de la rente accident du travail, (montant dont il n'est pas justifié aux débats) puisque selon une jurisprudence bien établie cette rente indemnise d'une part les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part le déficit fonctionnel permanent. À cet égard la jurisprudence du conseil constitutionnel et du conseil d'État invoqué par l'intimée n'est pas applicable à l'espèce, comme l'explique l'appelant, comme ne concernant pas le droit commun de l'indemnisation.
Sur l'indemnisation des pertes de gains professionnels :
Au cours de son mi-temps thérapeutique (non accepté in fine par l'organisme social) Mme Z...a subi une perte de salaires de 4 482, 54 euros, ainsi que l'a retenu le premier juge. Ce montant n'est pas contesté par le Fonds de Garantie.
Sur le déficit fonctionnel temporaire total et partiel :
Selon l'expert il y a eu une incapacité totale de travail pendant six mois suivie d'une incapacité de travail temporaire partiel de 50 % jusqu'à la date de consolidation.
L'indemnisation peut être chiffrée, sur la base de 900 euros par mois, à la somme de 5 400 euros + 13 635 euros = 19 035 euros.
Sur les souffrances endurées :
Ce préjudice, évalué à 2/ 7 par l'expert, peut être chiffré à 3 500 euros comme l'a fait le premier juge.
Sur le préjudice d'agrément :
Mme Z...n'établit pas l'existence d'un préjudice d'agrément distinct du déficit fonctionnel permanent. Le rejet décidé par le premier juge sera confirmé.
Sur le préjudice moral :
Celui-ci est inclus dans les souffrances endurées et ne peut faire l'objet d'une indemnisation distincte.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Réforme la décision déférée sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise médicale et laissé les dépens à la charge de l'État,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Alloue à Marie-Ange Y... épouse Z...la somme de QUARANTE ET UN MILLE HUIT CENT DIX SEPT EUROS ET CINQUANTE QUATRE CENTIMES (41 817, 54 euros), déduction devant être faite de la provision de CINQ MILLE EUROS (5 000 euros) déjà versée,
Dit que le montant de la rente accident du travail devra être déduit de la somme de QUATORZE MILLE HUIT CENTS EUROS (14 800 euros) allouée au titre du déficit fonctionnel permanent,
Rejette le surplus des demandes,
Laisse les dépens à la charge de l'État.
LE GREFFIER LE PRESIDENT